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Rives aux promesses alcalines

Shimaenō
Shimaenō

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Dim 21 Aoû 2022 - 11:42
Rives aux promesses alcalines
solo



Hiver 204, Rempart Millénaire.


À l'horizon, dans ce berceau de paix et de nuages empreint de la marque du passé, l'âme de la Montagne semblait darder la plaine d'asphodèles du Domaine des Vallées comme une douce dame foulée du sommeil et de l'immobilisme. Elle était à l'image de l'être qui avait habité sa chair des jours, des heures durant – ce savant mélange de beauté profane et d'immondice aux yeux des hommes. Autrefois canal de leur survie, perforée d'autant de couloirs qu'il ne leur en fallait creuser, elle paraissait désormais revivre, silencieusement – d'une nuit éternelle où ses roches se dégénéreraient petit à petit, au gré du temps. L'Esprit avait au moins eu cela d'intriguant, que de mettre fin aux tribulations de ces arrogants sur la nature.
L'Adepte détourna son regard d'ocre et d'azur de ses reliefs argentés : bientôt, le joug de l'hiver viendrait se refermer sur ses flancs et la parer des plus belles reliures que son nom supposait tant. À bientôt, ma chère.

Sa dextre vint se loger, doucement, sous les reliefs de sa cape. Elle ôta, d'un geste fin, la boîte qui gisait timidement dans son relief d'obsidienne. Ses doigts pincèrent son contenu, déposé avec parcimonie dans le fourneau réchauffé de son kiseru, où des braises tamisaient son socle comme elles n'emplissaient ses pensées des devoirs qu'il lui incombait encore à remplir.
Ses pas, eux, la menèrent à l'orée de l'Académie, ô trésor de ces terres, d'une course simple, dénuée de la folie et de l'ivresse que la hâte glissait sur les corps des plus fervents aventuriers – ceux destinés à mourir de leur impotence. Le bec de l'outil vint trouver ses lèvres tandis que de frêles goutes glacées venaient trouver les lisières de sa peau, enflammant ses poumons de son poison sibyllin alors qu'elle laissait vagabonder son regard sur ces molles ombres d'hommes.

Il y avait l'impatience, certes : mais la prudence, également. Toutes deux gouvernaient son âme telles deux sentinelles n'ayant cesse de s'opposer, de convoiter – patiente jusqu'aux remparts, se soufflait-elle d'un murmure illusoire. L'alchimie et la sorcellerie étaient son œuvre – elle n'avait qu'à embrasser l'horizon au-delà de ces hauts murs pour les laisser libres sur sa peau et son âme. Bientôt, elle en accueillerait une autre, se ferait jumelle des sables et des dunes à ces plateaux de liberté que la masse avait appris à enchaîner.


D'un savant tour, les gardes prostrés aux entrées se pressèrent sur ses flancs, questionnée d'autant de paroles qu'ils n'exécraient la fumée qui s'épanchait autour de sa paume. Elle leur offrit le miel de ses dires, la langueur de ses charmes : empreints d'une pleine vérité sinon du démérite de la franchise, et bientôt, ce sigle infâme qui avait été placé sur sa chair comme signe d'appartenance disparu. Joheki cesserait de régner sur ses actes, sur ses mots – il n'y avait de contrôle que celui du lâche appréciant une foule docile.

Là, à l'ombre de la pierre, la forêt se dévoilait à elle dans ses plus merveilleux augures de trahison : car elle trouverait, au-delà de ce traître paysage, l'individu qui partageait ses atours, contrôlait les rivages d'un pays entier. Ô, qu'elle désirait le rencontrer, celui qui avait tant offensé, tant imprégné dans les chairs du soleil l'amer revers du parjure.

Ses lèvres épousèrent une nouvelle fois le brin de métal du kiseru, immobile devant cette étendue où la poudreuse ne tarderait pas à reprendre ses droits au fil des jours et des semaines. Un soupir la trahit, puis une inspiration ; et de chevilles se détournant de cette immensité pour observer à nouveau les Remparts, elle laissa fleurir sur ses traits l'ombre d'un sourire conquérant. Elle voyait au-delà de leurs formes, au-delà de leur réalité : seul lui importait l'abstrait et le chimérique d'un être qui n'aurait jamais dû renaître, et dont elle comptait bien répéter le miracle.

« Adieu, Esprit de la Montagne. »

Ses pas reprirent, graduellement : et bien assez tôt, l'on ne perçu l'ébène et la pureté de ses brins qu'au creux de la sylve et de la terre.


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