L’obscurité la plus totale. Celui qui se fait appeler l’Homme au Chapeau se voit comme s’il se tenait derrière lui-même. Une sensation qui devient alors étrange mais qui ne semble pas inquiéter celui qui se sait plus fort et plus craint que quiconque sur le Grand Continent et ses Archipels. Mais comme si le destin s’amusait de lui rappeler que tout le monde pouvait se tromper, l’obscurité de la pièce disparut soudainement. A la place, ce fut un immense décor qui s’installa autour du vieil homme. Des shinobis lui faisaient alors face : Iwajins, Kirijins, Kumojins et des flammes dont la chaleur tutoyaient son dos à chaque instant.

Wasure no Kuni, le Pays Oublié. Et devant lui, cette Iwajine ridicule et insignifiante : Byakuren Yume. Princesse de pacotille, fille d’un Daimyô et pourtant désireuse de devenir l’une des hérésies de ce monde. Elle avait érigé un mur Shôton avec ses dons si particuliers. Pas un mur, non. Un miroir. Le miroir censé refléter la peur de celui qui y plongeait le regard. Une utilisation si particulière du Genjutsu.

L’Homme au Chapeau s’en souvenait : ce jour-là, personne n’avait pu voir ce que lui avait vu. Personne n’avait pu voir sa peur…

Mais lui, se regardant de dos, pu redécouvrir le miroir. Un miroir qui reflétait la seule chose qui pouvait effrayer celui qui était craint par le monde entier.

C’était un décor de cendres. Il ne restait plus rien du monde que l’on connaissait. Et en plein milieu de ce paysage chaotique et désespérant, un enfant pleurait.

Voilà la seule chose dont l’Homme au Chapeau avait peur : qu’il redevienne un jour cet enfant rêvant chaque fois d’un futur toujours plus insupportable. Le temps n’est pas un pouvoir. Le temps est un fardeau.

Le vieil homme comprend alors que cette sensation étrange est compréhensible. Il sait pourquoi il est là. Et il sait comment en sortir.

Sortant un couteau à la forme si particulière, il sait.
L’Homme au Chapeau se le plante dans le corps. Il ne saigne pas.
Il sait. Définitivement.

***

« !!! »

Le vieil homme se réveille dans une obscurité à peine attaquée par une bougie presque entièrement consumée.

« Bon retour parmi nous. Vous avez bien dormi cette fois-ci. »

L’Homme au Chapeau sait à qui cette voix appartient. Tandis qu’il s’était redressé en sursaut plus tôt, il est désormais bien plus calme et serein, malgré le fait qu’il recherche encore à retrouver pleinement son souffle. Son nouveau disciple lui apporte un verre d’eau qu’il hésite un instant de prendre avant de céder. Il a soif.

« Combien de temps, cette fois ? »

Son allié sort de son vêtement une sorte de montre.

« Presque quatre heures. »

L’Homme au Chapeau reste silencieux. C’est sans doute ce silence – et la curiosité infinie de son apprenti – qui le pousse à l’interroger.

« Le futur est donc si horrible qu’il vous est impossible de le regarder ? »

Le maître dévisagea sa plus récente recrue.

« Tu n’as pas une technique à finaliser ? »

L’apprenti ne put s’empêcher de laisser s’échapper un sourire suivi d’un ricanement qui s’arrêta juste avant que son maître n’en soit définitivement agacé. Sous ses airs malicieux se cachait une intelligence hors-pair. L’Homme au Chapeau le savait bien : il avait besoin de lui. Et c’était sûrement pour cela que le jeune homme osait s’amuser de la situation.

« Mais « Maître », je dois vous surveiller et vous protéger en attendant les autres. D’ailleurs, vous avez encore besoin de sommeil, je présume ? »

Un bref silence.

« Oui. Une fois dehors, je ne pourrai probablement plus dormir… »

L’Homme au Chapeau se rallongea après un soupir.

« … avant d’avoir réveillé les derniers Dieux. »

Puis il ferma les yeux. Encore une fois, il allait rêver du futur. Et ce serait d’une atrocité indéfinissable. Mais il le fallait.
Le temps n’est pas un pouvoir. Le temps est un fardeau.

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