Profitant d’une légère accalmie suivant la tempête de neige qu’ils avaient subis depuis leur arrivée au Pays du Fer, le petit groupe finissait enfin leur voyage jusqu’au palais shogunal. Fuyumi avançait avec confiance et détermination vers les premiers gardes des lieux. Elle n’ignorait pas le danger qui planait toujours sur eux. Malgré les liens entre le clan Taira et Reijiro, pouvant suggérer que les tetsujins n’étaient pas fermés à la coopération avec le Ningen, la jeune femme savait bien que son appartenance à ce qui était encore considéré par beaucoup comme une organisation terroriste était constamment accompagnée d’un risque d’animosité à son égard. Le danger ne l’effrayait pas, mais elle espérait tout de même ne pas avoir à imposer sa demande de prime aux autorités.
Arrivant à proximité des gardes, l’amejine tira le drap qui recouvrait le chariot pour dévoiler le corps du samouraï. Malgré les efforts réguliers depuis sa mort pour garder le corps réfrigéré, Fuyumi ne pouvait rien contre les effets du temps. La cadavre, déjà bien brulé par l’acte final de Fujin de s’immoler par les flammes, démontrait des signes avancés de décomposition et dégageait une odeur peu accueillante.
Ignorant la surprise des gardes, Fuyumi sortit de sa sacoche une feuille qu’elle avait arraché de son bingo book personnel, avec une image du Nagamasa et la prime qui lui était attribué. — Bonjour à vous, je viens pour récupérer une prime, dit alors la jeune femme en montrant le document aux gardes. J’ignore quelles sont les procédures en cours chez vous pour ce genre de transaction. Je peux l’amener ailleurs si cela vous arrange, tant que j’obtiens les cinq millions qui me sont dûs.
Après de nombreuses semaines à voyager, la jeune femme ne voyait aucun problème à attendre quelque peu pour récupérer la somme.
À travers les diverses nouvelles narrées par la défunte journaliste de Joheki, n’importe qui aurait pu entendre parler de tout le chaos qui s’était immiscé au sein de Tetsu no Kuni. Raison de plus pour les deux femmes de se montrer prudentes, avec leur chariot qui soulevait le cadavre d’un ancien samouraï des terres de fer. Si Fuyumi n’avait pas l’air apeurée par qui que ce soit, c’était assez différent pour Amiko qui observait de manière alerte tout ce qu’il se passait autour d’elle. Le désir n’était pas d’avoir l’air étrange, mais on pouvait constater qu’elle se méfiait de tout, des êtres vivants, comme de la simple roche qui semblait guetter ses moindres faits et gestes.
La Sakki savait ce que représentait le simple fait d’arpenter Tetsu avec l’insigne du Ningen, mais elle savait aussi que le pays n’était pas le fier allié des puissances mondiales : c’était sûrement ce qui allait les sauver. L'assimilatrice se tendit à la vue des gardes et se fit force pour ne pas céder à ses besoins primaires. Elle laissa d’ailleurs l’ancienne jonin leur montrer les restes de Fujin, refroidit à l’extrême par la manipulatrice du Rinton.
Sur ses gardes, prête à intervenir, elle laisse sa coéquipière tendre le bingo book avec la prime du Nagamasa et ce qui semblait être une image de lui. Les deux hommes se lancèrent un regard, usèrent de leur main pour chercher des indices sur le corps. Soudain, ils quittèrent l’entrée, leur faisant faux bond sans dire quoi que ce soit. De longues minutes passèrent avant qu’un troisième homme fasse son apparition. Ils firent le tour de la charrette et attrapèrent le cadavre à deux, tandis que la tierce personne tendit à l’amejin une enveloppe dont la couleur trahissait son âge.
« Vous feriez mieux de ne pas trop attirer l’attention, si vous voyez ce que je veux dire. Merci pour la… livraison.»
Déclara le plus robuste et le plus âgé des trois, avant de refermer la porte à leur nez. Amiko ne put s’empêcher de s’exprimer sur ce qu’il venait de se passer, parce que ça paraissait presque irréel.
« Je pensais que ça aurait été plus difficile que ça… Mais nous pouvons maintenant y aller, sauf si tu as quelque chose en tête ? »
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