Si les évènements récents avaient renforcé Fuyumi dans sa conviction de sa propre importance pour le refuge, elle ne pouvait y séjourner indéfiniment. Ainsi, comme les hautes figures de la faction, elle se devait de quitter le pays pour ses propres affaires. Malgré son attention et l’aide de ses capacités claniques, le corps qui se décomposait progressivement aux abords de son logement ne pouvait subsiter indéfiniment. Avec ses grandes difficultés dans l’apprentissage du fuinjutsu, la possibilité de sceller la dépouille ne se présentait pas comme une option envisageable. Entourant celle-ci dans une multitude de draps, elle en disposa le long d’une charrette où se trouvait également les vivres qu’elle avait amassées au cours des semaines précédentes en prévision de ce voyage. Le véhicule était lui-même attelé à un cheval acquis la veille.

Accompagnée d’Amiko et de Yuu, elle mit finalement en route dès le lever du Soleil, profitant d’une journée visiblement radieuse pour entamer une escapade s’annonçant assez longue. Si le pays du Fer n’était pas si éloigné de celui de la Griffe, le trajet le plus rapide traversait Tsuchi no Kuni et il s’agissait d’une prise de risque bien peu intéressante pour le duo de désertrices. C’était ainsi cinq frontières différentes qui les attendaient pour atteindre leur objectif en ne passant que par des pays ne présentant que peu de danger. Suivant l’astre solaire, le groupe se dirigea en direction d’Hayashi no Kuni, traversant les plaines dévastées de Tsume avec précaution. Bien que les bandits locaux n’eussent aucune chance de les inquiéter en combat, les deux jeunes femmes se devaient de rester attentive à leur environnement pour éviter les potentiels pièges qu’ils aimaient tendre le long des routes principales. Elles ne craignaient rien pour leur vie, mais une attaque imprévue pouvait parfaitement endommager leur véhicule ou le cheval qui le tirait.

— Si je m’en souviens ? Répéta alors Fuyumi avec un léger rire. Je sais bien que beaucoup de chose se sont passés depuis, mais ce n’était que l’année dernière. Les années n’ont pas encore réussi à affecter ma mémoire suffisamment pour me faire oublier ce genre de voyage. Cela me fait plaisir d’y retourner avec toi d’ailleurs, mais garde bien en tête que nous ne sommes probablement plus les bienvenues ici, pas avec ce tatouage.

Comme pour démontrer ses propos, les deux jeunes femmes furent interrompues dans leur route peu après par deux gardes contrôlant les routes. Si leurs apparences n’évoquaient aucun souvenir à Fuyumi, la voix de celui qui les interpella ne lui était pas complétement inconnue. Loin d’être familière pour autant, elle ne pouvait cependant correspondre qu’à peu d’individus, la jeune femme n’ayant pas rencontré grand nombre de gardes de ce pays.

— Nous sommes juste des voyageuses prenant la direction du pays de la Pluie, nous n’avons pas l’intention de séjourner sur vos terres plus que nécessaire.

Si celui qui avait pris la parole ne semblait pas porter attention aux deux amejines, son regard étant attiré par le contenu du chariot tiré par le cheval, son collègue était plus intrigué, balayant ses yeux entre elles.

— Attendez, je vous reconnais. Vous étiez les envoyées de Tsuchi de l’année dernière ! Vous étiez intervenues pour cette affaire de taxes entre nos pays et …

Alors que son regard se déposait sur la poitrine de Fuyumi, sa phrase s’arrêta et son visage pâlit aussitôt. La jeune femme s’avança alors vers lui et son collègue, repoussa délicatement de la main sa protégée pour la semer de s’écarter. Réalisant une série de mudras, une vague de froid s’échappa de son corps sans laisser aux deux gardes du Bois le temps de réagir. Elle frappa alors du poing le visage du garde le plus proche, provoquant un son de craquement osseux et sa chute inexorable vers le sol. Tournant sur elle-même, elle vint ensuite percuter le second garde du pied. Ce dernier réussit cependant à déployer ses avant-bras en parade juste à temps, brisant ces derniers et le repoussant par-dessus le chariot qu’il examinait, en direction d’Amiko.

— Personne ne doit savoir que nous sommes ici.

La technique de détection de Fuyumi avait lancé le coup d’envoi de ce combat d’entrainement. Les yeux bandés, la jeune femme ne pouvait analyser les mouvements de sa protégée pour discerner ses réactions. Cet élément pourtant crucial de n’importe quel affrontement reposait donc sur les épaules de Yuu qui l’accompagnait. Il réagit aussitôt au clonage d’Amiko en se mettant en position pour combattre, comprenant qu’il n’allait pas avoir droit à un échauffement cette fois-ci. Le lien empathique qui unissait les deux compagnons permit à l’amejine de comprendre que les hostilités étaient ouvertes. Incapable d’identifier clairement la technique employée par son adversaire, elle savait tout du moins qu’elle ne courait aucun danger dans l’immédiat. Toutefois, lorsque le félin aperçut les projectiles de lave approcher, son état d’esprit changea drastiquement ce qui ne manqua pas d’être remarqué par Fuyumi.

Comprenant qu’une attaque venait d’être lancée, elle réalisa aussi des mudras pour soulever de terre un mur qui coupa partiellement le flot de la rivière où ils se trouvaient. Maitrisant son chakra suffisamment pour s’adapter à la perturbation de l’eau sous ses pieds, elle ne perdit pas un instant pour réagir en saisissant dans sa sacoche une bombe fumigène qu’elle lança entre elle et Amiko. Si sa perception chakratique lui permettait de localiser avec précision sa cible, il était naturel de lui imposer un handicap similaire au sien en enfumant le terrain pendant quelques instants. Pour Yuu, la situation était plus complexe. S’il avait appris à marcher sur l’eau, il ne s’entrainait pas suffisamment pour savoir comment réagir dans cette situation. Perdant l’équilibre, il se retrouva entrainé par le courant avant de se rattraper sur le rivage quelques mètres plus loin.

— Reprends toi Yuu et retourne à mes côtés

Sans vision sur la situation, la jeune femme pouvait tout de même aisément deviner la raison de son éloignement soudain. Elle ne prit cependant pas de temps pour gérer cette situation et poursuivit le combat avec une nouvelle série de mudras. Des remous apparaissèrent sous l’eau, suivant le lit de la rivière, avant de laisser surgir des chaines de pierre aux pieds d’Amiko pour l’entrainer vers le sol. Sans présence de clone et dans l’incapacité de maintenir la technique sans garder un mudra en place, elle ne pouvait compter que sur Yuu pour profiter de cette potentielle immobilisation.

A défaut d’avoir la capacité d’observer son adversaire, Fuyumi devait se contenter de sa sensorialité et des réactions émotionnelles de son compagnon félin pour définir ses actions à venir. Sans réellement connaitre la méthode employée par son adversaire pour se défaire des liens de pierre entravant ses jambes, il ne fut pas bien compliqué de réaliser l’échec de sa technique. La jeune femme remarqua également une dépense de chakra soudaine chez Amiko, laissant suggérer une contre-attaque. Malheureusement pour le duo, le fumigène jeté précédemment se révéla plus handicapant qu’avantageux et la nature de la technique employée par l’assimilatrice ne se révéla que lorsque la lueur de lave perça la fumée pour parvenir aux pupilles d’Yuu. Face à la vague s’approchant dangereusement, aucune esquive n’était possible et le félin fut rapidement désemparé, ne connaissant aucune réaction envisageable pour échapper à l’ampleur de cette attaque. L’ancienne Jonin était prête à intervenir depuis l’instant où elle avait ressenti la dépense chakratique, mais l’attente de confirmation de son félin provoqua un retard de réaction. Elle réalisa des mudras et fit ériger une muraille de pierre tout autour d’eux, mais la vague atteignit leur position avant qu’elle eût terminé. Une partie de la lave finit donc par couler par-dessus la pierre et toucher le duo. Les deux ressentirent aussitôt le prix de leur erreur en subissant quelques brûlures particulièrement douloureuses. Le temps n’était cependant pas aux lamentations et même Yuu l’avait compris. Son poil roussi avait fini de le convaincre du sérieux de cet entrainement. Il sauta alors au sommet de la muraille, rapidement suivi par Fuyumi. Leur nouvelle position n’offrait qu’une stabilité des plus sommaires, mais permettait d’obtenir une vision et un angle d’attaque sur tout le reste du terrain, tout en continuant à profiter de l’éventuelle protection du mur à peine endommagé par la lave.

— C’est l’état d’esprit qu’il faut avoir Yuu, annonça Fuyumi, c’est par la volonté de continuer qu’il est possible de vaincre.

La jeune femme réalisa alors une série de mudras avant de cracher un dragon de boue en direction de sa jeune protégée qu’elle pouvait toujours localiser grâce à sa sensorialité.

La perception de la jeune femme lui permit de réaliser rapidement que son attaque venait d’être évitée par son adversaire. Un cri de son compagnon détourna son attention de sa cible. Un clone courrait dans sa direction sur la muraille qu’elle avait érigée. Le bruit de ses pas et le manque de rapidité dans ses déplacements suffisaient à la garder confiante sur cet assaut. Prête à réagir, Fuyumi affichait un sourire sur son visage, satisfaite que l’assimilatrice venait enfin au contact. Lorsque le clone frappa la muraille d’un jet de lave, celui-ci fit fondre sans difficulté la pierre sur son passage. En perdant ainsi son intégrité structurelle, la muraille s’effondra peu après. Malgré ses appuis solides, la jeune femme se fit surprendre et sa posture fut immédiatement brisée, l’empêchant de la moindre réaction face au coup de poing qui l’attendait.

Sans appui, Fuyumi fut projetée au sol quelques mètres plus loin. Le choc fut violent, mais la douleur ne pouvait se comparer à celle causée par la lave qui restait collée à sa peau. L’eau de la rivière déviée par l’éboulement du rempart vint finalement recouvrir son corps et la soulager de cette torture. N’ayant pas perdu ses moyens pour autant, l’Initiatrice bondit en arrière pour se remettre en posture de combat. Le sourire sur son visage était toujours présent, bien que plus grimaçant.

— Félicitations Amiko ! C’était un assaut avec la volonté de toucher et la technique pour l’imposer.

Fuyumi fit alors signe à Yuu qui se rapprochait déjà depuis sa chute de la muraille en esquivant les flaques de lave qui jonchaient le sol. Le félin ne présentait pas son allure particulièrement fière dont il avait l’habitude. Grimpant son bras, il vint se poser sur son épaule avec agilité. Si les combats entre humains ne l’intéressaient pas, il ressentait toute la frustration de son amie. Gagner cet affrontement n’était pas l’objectif, mais leur configuration ne fonctionnait visiblement pas. La privation de la vue de Fuyumi représentait toujours un handicap qu’ils n’arrivaient pas à surmonter ensembles.

— Tu as raison, murmura Fuyumi, il ne reste que ça.

La jeune femme réalisa une série de mudras et son corps se recouvra d’une couche de pierres. Il ne s’agit pas vraiment d’une volonté de défense pour assurer la suite du combat. Elle savait qu’elle allait avoir besoin de gagner du temps pour l’idée de Yuu.

Fuyumi jeta un regard à son compagnon pour sonder ses émotions et confirmer qu’il était prêt, avant de joindre de ses mains pour améliorer le contrôle de son chakra. Un temps particulièrement long, surtout en plein combat, fut nécessaire pour permettre au duo de se synchroniser. Une fois terminée, ils fusionnèrent au sein de l’armure. Sous cette dernière, les rares traits visibles de la jeune femme se transformèrent. Ce n’était pas la première fois qu’ils s’essayaient à cette technique, mais ils étaient encore loin de la maîtriser. Malgré le bandeau toujours présent devant leur yeux, ils se retrouvaient rapidement submergés par l’afflux sensoriel et émotionnel provoqué par cette fusion.

Malgré l’attente d’Amiko visiblement intriguée par leur transformation, Yuu et Fuyumi, ne faisant plus qu’un, avaient toujours du mal à se synchroniser. Bien qu’ils fussent reliés physiquement, leurs esprits échauffés par le combat refusaient de se joindre complétement, incapables de se concentrer suffisamment. Les blessures qu’avait subie Fuyumi avant leur transformation compliquaient la situation. Etant resté indemne tout le long du combat, Yuu se retrouvait désormais blessé sans en avoir fait l’expérience. La connexion qui les reliait, même en dehors de cette fusion, lui permettait d’assimiler les émotions de Fuyumi, mais toute réticence de son esprit pouvait la perturber.


Alors qu’Amiko venait de charger, ils ressentirent finalement cette odeur si familière. Ils essayèrent d’esquiver le coup qu’ils savaient arriver, mais incapables de localiser précisément les mouvements de la jeune femme, ils ne surent y parvenir. L’attaque d’Amiko porta alors contre le flanc de l’armure, les repoussant légèrement à cause de la perte de leurs appuis entraînée par leur tentative d’évasion. Fort heureusement pour eux, si la chaleur du coup porté était inconfortable, la lave n’avait qu’endommagé partiellement l’épaisseur de l’armure. Reprenant leurs appuis dans une posture bien plus basse, ils profitèrent du choc qu’ils avaient tout de même subi comme point de repère pour situer leur cible. Ils se tournèrent vers la position présumée d’Amiko avant de porter une série de trois coups renforcés de chakra.

Le maintien de leur transformation était encore loin d’être idéal et leurs facultés sensorielles restaient diminuées, mais ils avaient au moins repris le contrôle de leur corps grâce à leur instinct de combattants. Cependant, ils réalisaient bien qu’il était inutile de poursuivre. Tant que leur conscience se joignaient, ils pouvaient se comprendre sans filtre. Cet entrainement avec Amiko ne pouvait suffire pour déclencher le changement nécessaire à la perfection de cette technique. Fuyumi ne s’entrainait pas uniquement pour elle-même et elle savait que continuer aurait été bénéfique à son adversaire, mais l’influence de l’égoisme de Yuu triompha. Les deux corps se séparèrent alors tandis que l’armure de pierre se brisait. Retirant son bandeau, Fuyumi se tourna vers Yuu qui s’éloignait déjà. Sans un mot, elle plaça le bout de tissu dans sa sacoche avant de reprendre position face à Amiko.

— Nous pouvons continuer si tu le souhaites.