L’hiver venait de débuter lorsque les deux femmes atteignirent la frontière séparant le Fer de son voisin. Après ce qui faisait déjà un long voyage ayant débuté deux saisons plus tôt, le cadavre qu’elles traînaient sur un chariot depuis le refuge commençait à se détériorer rapidement malgré les efforts réguliers de l’Initiatrice pour le conserver réfrigéré. Le corps du jeune samouraï qui avait essayé de s’immoler par les flammes n’était désormais que très difficilement reconnaissable. Pour Fuyumi, consciente des risques de se faire refuser la prime, cela n’avait que peu d’importance. Elle n’avait pas l’intention de repartir de ces terres sans les millions qu’elle méritait, quitte à devoir se servir elle-même dans les coffres de la princesse Nagamasa.
Avant de traverser cette frontière, Fuyumi confia une lettre scellée et une petite bourse à un coursier. Ce voyage loin du Ningen avait ouvert ses yeux sur la situation de la faction et le travail qu’elle devait accomplir. Cette lettre, ayant pour destination le pays de la Terre, visait à lui octroyer des soutiens dont elle s’était dispensée depuis bien trop longtemps. Chacun de ses amis et alliés avait ses propres motivations et objectifs, mais tous partageaient la même volonté, le même désir profond de liberté. Après s’être assurée que le coursier prenait la bonne direction avec son message, elle retourna auprès de son amie.
— Il nous faudra plus de précaution au sein du Fer, conseilla Fuyumi, nous ne serons pas dissimulés par la végétation et il est possible que nous croisions des iwajins.
La suite du voyage s’annonçait bien moins agréable. Le climat de ce pays nordique en hiver n’avait rien d’accueillant. Avec la force dont disposaient les deux femmes, tirer le chariot à travers les routes enneigées ne présentait pas de difficulté particulière, mais engendrait tout de même une fatigue sur la durée. La véritable préoccupation de l’amejine ne se portait cependant pas sur la météo ou une possible rencontre avec les soldats de la Roche, mais bien sur les réactions des soldats locaux concernant leur cargaison suspicieuse. Un drap couvrait ce qu’il restait du corps, mais le moindre contrôle pouvait complexifier leur trajet en direction du palais shogunal. Fuyumi n’avait aucune appréhension d’un potentiel affrontement avec les forces de l’ordre, mais elle préférait récupérer son dû sans avoir à se fatiguer et tâcher ses affaires du sang des simplets locaux.
Voici que le duo amejin posa les pieds sur les terres ancestrales des samouraïs. Le pays était connu de loin pour posséder un pouvoir politique et militaire important, notamment entre les mains du Shogun, avant de mourir face à la Roche. En ce froid hivernal intense, Fuyumi et Amiko arpentaient les plaines blanchies par le gel en tant qu’ennemi d’Iwa. Il y avait un peu plus de verdure que Tsuchi, mais beaucoup de zones montagneuses pour passer discrètement.
La Sakki observa silencieusement l’albinos faire affaire avec un coursier et se concentra sur ce qui les entourait. Elle ne se sentait pas à l’aise ici, non seulement car c’était une terre inconnue, mais parce que le voyage avait été épuisant et que la faim la guettait. Plus elle grandissait et vieillissait et plus il serait difficile de contrôler cette soif en elle. Aidant son amie à traîner le chariot, elle tenta donc de s’occuper l’esprit en se concentrant sur sa mission.
Cependant, elle préféra confier à l’ancienne jonin ses craintes.
« Je suis désolée Fuyumi… Il va falloir que je… je vais pas tenir longtemps… Je ne veux pas briser notre couverture…»
Ce n’était pas pour maintenant… Elle pouvait encore attendre un peu, mais cela devenait difficile. Le froid n’aidait en rien. Même si son corps était alimenté par la lave, il utilisait davantage d’énergie que d’ordinaires pour survivre. Le pays était connu pour ses hivers intenses et les deux kunoichis le subissaient parfaitement.
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