SOLDATE INUZUKA! Vous vous fichez de moi?!
La grosse voix du lieutenant se faisait entendre dans toute la caserne si bien qu'on aurait pu croire à un véritable tremblement de terre. Les autres soldats n'emmenaient pas larges et observaient le curieux spectacle en s'entassant dans le coin de la porte pour pouvoir jeter un oeil.
L'homme en uniforme était furibond et sa grosse voix portante accompagnée de son visage balafré de vétérant de guerre ajoutait largement à cette démonstration d'autorité. Il vient à se saisir d'une assiette et pointer un restant de crasse incrusté sous le nez d'une jeune femme.
La corvée de vaisselle ne vous aurait elle pas suffit que vous OSEZ mal la faire?! Ecoutez-moi bien et regardez-moi dans les yeux. Jamais vous ne sortirai de cette pièce pas même pour boire ou pisser tant que je ne pourrai pas voir mon PUTAIN de reflet à l'intérieur, c'est bien compris?!
Izumi qui avait la tête coincée entre les épaules et le visage détourné de côté, semblait vouloir reculer plus encore si seulement elle n'était pas déjà adossée contre le plan de travail de la cuisine militaire de la petite base. Un oeil fermé et le visage déformé par une grimace, elle subissait autant les cris de l'homme que ses poustillons qui venaient s'écraser contre ses marques claniques.
C'est bien compris, Lieutenant...
Répond t'elle sur un ton écrasé et docile comme pour chercher à ne pas lui laisser l'occasion de lui donner une bonne raison d'en remettre une couche. A chacun de ses mouvements, elle manque un sursaut comme craignant un coup bien qu'elle reste dans un strict garde à vous formel face à son supérieur.
A ses côtés, Kimiko sa louve blanche se tient à quatre pattes, les oreilles baissées et couinant quand le lieutenant vient à la fusiller du regard à son tour et d'un pas lourd qui laisse le plancher grincer sous son passage, il quitte la pièce après le groupe de curieux qui s'est enfui en panique. Il claque le paravent oriental d'un coup sec, le son raisonnant dans toute la pièce jusqu'à laisser place à un long silence...
Izumi cesse le garde à vous et lâche ses épaules en soupirant longuement, se passant une main au visage alors que la louve blanche d'une taille adolescente vient à se frotter contre la cuisse de sa partenaire. En retour, elle ne lui tend qu'un vague sourire qui ne parvient pas à masquer une certaine peine, se retroussant les manches et observe la pile de vaisselle de tout le régiment qui semble désormais plus interminable que jamais. Elle gonfle ses poumons d'air autant que de courage et dit alors:
Bon et bien c'est reparti pour quatre heures de boulot...
Le regard perdu dans le vague, elle reprenait son triste ouvrage qui avait déjà occupé l'immense partie de sa journée. La soirée était déjà bien entamée et il était certain qu'elle ne pourrait pas rentrée chez elle avant un retour au beau milieu de la nuit. Pourtant, ce n'est pas les punitions ou les corvées qui habitaient ce regard pensif de mélancolie autant que d'incertitude, seulement rassuré par la présence canine.
Il était tard, trop tard. La vaisselle s'entrechoque et s'entasse, ces pensées trop nombreuses. L'eau savonneuse coule, ces larmes.
Il était trois heure trente du matin et Izumi errait au milieu des rues, les mains coincées dans les poches de son manteau à fourrure accompagnée de Kimiko. Les d'Urahi étaient calmes à cette heure et le silence couplé à la brise fraiche nocturne avait quelque chose de réconfortant après une soirée marquée sous le signe du savon. En regardant le ciel à peine obstrué de quelques vagues nuages, elle pu constater la pleine lune qui couvrait de sa lumière douce les toits des différentes maisons, se reflétant sur les vitres où elle pouvait deviner son reflet avant de reconcentrer sa marche sur ses pas, donnant un coup de pied dans un cailloux quand l'un vient à se présenter sur son passage.
Pensive, elle se battait avec cet affreux sentiment qui ressortait ainsi plus que jamais lors de ces promenades nocturnes solitaires. "Quel est ma place? Où est-ce que je vais?" Ces deux questions étaient pour elle le poids de tant d'incertitudes. Deux petites questions qui suffisaient pourtant à camoufler la lumière d'un phare lointain, celui de l'avenir. Tout le monde a cette flamme au loin qui leur permet de maintenir le cap: Famille, ambition, esprit combatif. Pourquoi elle, elle n'arrivait plus à trouver cette flamme?
Au milieu de la ville, cette jeune femme à l'énergie si dense qu'elle serait capable de se déplacer qu'en parcourant les toits, n'avait pourtant jamais autant les pieds sur terre que durant ce moment.
Enfin, elle arriva prêt du domaine Inuzuka. Original, c'est le moins que l'on puisse dire! Le domaine était un bien étrange quartier qui avait plutôt les airs d'un parc naturel visant à recréer l'ambiance d'un mode de vie Inuzuka traditionnel, au milieu de la cité. Elle dépassa la porte qui séparait ce quartier du reste de la ville, laissant son visage se faire illuminer un instant d'une lueur chaude de part les brasero disposés à l'entrée. Le garde qui surveillait la porte était endormi et après cette difficile journée, Izumi se dit alors qu'il serait peut-être tant d'en faire de même. Après tout.. La bonne humeur finit toujours par revenir au petit matin, quand les fantômes de nos pensées finissent par se coucher à leur tour.