Dans la mangrove, seul l'étrange mélodie du biotope venait accompagner le cadet et sa cousine. Aujourd'hui n'était guère un jour comme les autres, ils n'étaient pas là pour s'escarper comme habituellement à l'aura malsaine que colportait leur clan ou s'adonner à de libidineuses affaires, non. Aujourd'hui était un jour de deuil, peut-être le premier depuis la mort du Valeureux. Aujourd'hui, et ce dans le plus grand secret, ils enterraient Shinrin Shinpachi.

"..."

Les flots de l'eau vasarde se faisaient entendre non loin de là, quelques cris d'animaux inconnus de tout bestiaire résonnaient et les relents du marais tentaient avec agressivité d'assaillir les nasaux du jeune couple malencontreusement accoutumé à la pestilence des lieux depuis l'âge du lait. C'était comme si la nature elle-même tentait bec et ongles d'extirper le jeune homme à ses sanglots, mais rien n'y faisait. Il était là, larmoyant, apprivoisant la douleur et la présence de son absent. C'est ceux qu'on a aimé qui créaient un vide presque tangible car l'amour qu'on leur donnait est à présent orphelin, il cherche une cible et dans son aveugle chemin flirte avec de terribles desseins.

Le corps allongé sur un lit de branches avait été traité avec douceur et respect. Son attirail et ses effets avaient été récupérés, rangés. Sa peau elle était ficelé dee bandes de lin qui calfeutraient avec décence les couches de myrrhe, de natron, d'ambre et de gomme qui donnaient forme à la silhouette décharnée de leur camarade.

Shinpachi n'était plus, mais Hanzo et Funka demeuraient. Alors amants se regroupaient à deux d'un réconfort utopiste, à plusieurs ils étaient plus forts mais n'en était pas moins tristes.

"..."

Qu'importe les futurs moments d'éclat de rire, de joie et de zèle, le marionnettiste savait que l'ombre de son défunt frère demeurerait toujours dans un coin des environs, jugeant le cadet, l'harassant de culpabilité, irritant son bonheur et sapant tout élan de douceur. Il serait ce nouveau démon qui confédérerait tous les autres, ce spectre de remords qui ne faillirait jamais à son seul et unique devoir : porter le dernier clou sur une âme en peine.

L'on disait que chaque heure passée est une pommade, dans son cas il en faudra des milliers.

Au sein des palétuviers et des marais, les deux amants du clan natif du Bois s'était retrouvé peu après le sacre du nouvel Empereur et le nouveau rôle de Funka. Mais ils n'étaient point seul car avec eux se tenait, celui qui portait le titre de Monarque Sylvestre mais aussi de Valeureux, dont la vie lui avait été ôté tristement alors qu'il devait accomplir son destin. Avec l'art du bois qui lui avait été donné à la naissance, la Princesse avait érigé une structure que l'on peut considérer de chef d'oeuvre artistique pour que le corps repose dans les meilleures conditions. Tout avait été soigneusement fait par les germains, la conservation approximative du corps, ses atours qu'il emportera dans son linceul mais aussi et tristement la répartition de ses biens considérés comme héritages pour son fraternel et celle qui s'était occupé de lui durant ses derniers jours.

Pour une partie de l'Empire, aujourd'hui était un jour de fête en l'honneur du nouvel Empereur. Pour le duo Shinrin, c'était un jour de deuil.

Shinrin Shinpachi était mort, et même si sa mort aurait été plus belle face à l'Homme au Chapeau, elle a été malheureusement plus simple voir beaucoup plus horrible pour ceux qui savaient ce qui lui était réellement arrivé. C'est une grande perte pour le clan tout entier, mais une encore plus grosse pour son jeune frère qui se tenait devant sa sépulture, les larmes aux yeux. Parfois, lorsque nos proches nous quittent, tout nos regrets font surface alors qu'ils ne les auraient jamais été s'ils étaient encore là, c'est sûrement ce sentiment d'amertume de ne pas avoir pu dire ou faire des choses qui régnait dans les cœurs des damnés.

Ils avaient fait à deux le choix de ne pas détruire le corps mais de le conserver, peut-être dans une vision du futur ou le corps serait nécessaire. L'enterrement était privé et secret au duo, nul ne pouvait se douter de l'emplacement ni même de la potentielle mort de Shinpachi tant qu'elle ne sera pas révélée au grand public.

« Aujourd'hui, nous perdons un grand homme. Nous avons beau le détester ou le chérir, il reste le Valeureux Monarque ayant combattu l'Homme au Chapeau. Et dans sa volonté de vivre, un homme la lui a ôté sans vergogne et vengeance il y aura si tel est ton souhait. »

Funka se rend auprès de son amant en déposant une main dans son dos, sûrement dans un but rassurant, remarquant ses larmes en gardant cet air approximativement calme qui ne restait pas moins perturbé par la tristesse qu'elle ressentait malgré elle.

« Je ne l'enfermerai dans sa sépulture de bois que lorsque tu l'auras décidé Hanzo. Si tu souhaites profiter de dernier instants ou simplement énoncer des dernières paroles à son égard comme la tradition d'un enterrement le veut, alors fait le. Je resterai avec toi autant de temps qu'il le faudra. »

Elle descend sa main afin de prendre celle de Hanzo, observant le corps de son défunt cousin avec une légère boule dans la gorge. Se rappelant de son envie de vivre dont il lui avait fait part alors qu'il avait demandé à Funka de l'achever, des larmes qu'il avait laissé couler sur les doigts de la Princesse en craignant la vie.

Peut-être que les amants deviendront vengeurs. Peut-être.

Un flot discontinu de larmes traçait sa route depuis le contour de ses paupières avant de défiler le long de sa joue et terminer sur les racines émergées de la mangrove. Trop peu de temps avait-il eu pour processer cet événement. Le vilain petit frère s'en trouvait au final être bien trop sujet à un amour qu'il n'avait jamais su exprimer.

Ecoutant la douce, il ne mouftait point, se contentant de simplement venir empoigner sa main bienvenue. Et alors qu'il ouvrait les yeux, il revoyait une nouvelle fois cette silhouette bandée, se reconnectant avec une réalité qui manquait de politesse.

Bien que fragilisé depuis des lunes, c'est depuis ce jour que le Shinrin n'était plus le même homme, comme si quelque chose s'était brisé en lui, comme une désillusion, comme un désenchantement. La vie n'était pour lui plus qu'un désert ou chaque dune ressemble à une autre dune. La vue de sa comparse semblait alors comme un oasis qui pourrait lui apporter le réconfort, mais les pensées culpabilisantes ne faisaient qu'éloigner cette dernière de plus en plus comme pour lui transmettre un message aussi cinglant qu'implacable : le bonheur n'était plus à sa portée.

"On ne pas épiloguer là-dessus Funka, nous n'avons qu'une seule chose à faire."

C'était là sa seule possible rédemption, son seul espoir de pouvoir retirer ce point qui le tenait au cœur et sur lequel le temps n'aurait que peu d'emprise.

"Tu peux y aller. Je n'ai pas de mots pour les morts, je n'en ai que pour certains vivants… "

Séchant les dernières larmes qui imbibaient son visage, le voilà à présent habillé d'une trogne bien vivante. Délaissant sa belle, il rebroussait chemin comme pour la laisser œuvrer, comme pour la laisser seule maîtresse du futur de la dépouille.


Son pas n'était pas comme à son habitude, il était lourd, rempli de ressentiments et de volonté.

Pour lui, il n'était pas encore l'heure du deuil, il avait encore tant de choses à faire.

Le regard larmoyant de Funka observait la structure de sylve alors que celle qui s'était retenue de toutes émotions en montrait une des plus violentes à supporter. Une tristesse crée par deux facteurs, la mort de son cousin mais aussi la mélancolie de son amant qui resserrait sa main contre la sienne, une tentative de Funka afin de donner de l'espoir à l'homme qui semblait désormais perdu à tout jamais depuis cette perte. Si elle venait de perdre un cousin, lui perdait son grand frère et ça Funka ne pourra jamais ressentir la douleur de perdre celui qui porte le même sang que lui à ce degré là. Ravalant sa salive alors que la forêt s'était tue en ce triste jour, la princesse écoute les paroles de sa moitié en gardant le regard rivé sur ce corps bandé. Le vent ne soufflait pas, les feuilles des arbres tombaient d'elles même en prenant cette couleur brune charriant un présage de fin.

Depuis la mort de Shinrin Shinpachi, Funka avait été directement propulsée sur le devant de la scène ou plutôt dans les arrières en se retrouvant au plus proche du chef de clan et au plus proche de tout les complots et manigances. Elle n'était plus la même, elle n'était plus l'insignifiante soldate ne dépendant que du maître marionnettiste mais bel et bien un individu à part entière et désormais une personne pouvant être d'influence pour certaines affaires. Sa récente nomination qu'elle tâchera de rapidement faire part à l'Empereur nouvellement élu et la confiance que Kanshisha lui porte l'avait finalement transformée à jamais. Mais si l'ancienne Funka n'est plus, une seule chose n'avait pas changer, et c'était l'amour qu'elle ressentait pour celui avec qui elle partageait sa vie bien que leurs relation reste pour le moins étrange.

Ils ne s'aimaient pas moins, mais tout les séparait.

Relâchant doucement sa main sur laquelle elle apporte une ultime marque de douceur affectueuse, Funka se rapproche de la sépulture de bois en liant ses mains. Elle ne disait mots et se contentait de faire se mouvoir cette structure de bois à même la terre humide de la mangrove alors que Hanzo rebroussait chemin.

« Puisse l'avenir te permettre d'accomplir ton devoir Hanzo. »

L'ère de Shinpachi était révolue, désormais les damnés se devaient de reprendre en main leurs devoir respectifs qui sont bien différent bien qu'assez proche au final. Sa mort n'était pas noble, mais les hommages offert par ses pairs l'étaient et il partait comme un véritable saint au sein de son élément. Observant le cadavre s'enfoncer sous terre, elle ne peut s'empêcher de marmonner ces ultimes mots alors que la forêt brise son silence.

Le roi est mort, vive le roi.

Peu avant de s'engouffrer sous terre, le chemin du corps se stoppe, provoqué par Funka qui s'approche désormais du cadavre momifié, l'observant droit dans les yeux ou du moins ce qu'il en reste avant de déposer ses deux doigts sur la joue de Shinpachi en restant silencieuse. Les oiseaux chantaient ou pleuraient la mort, Funka gardait les paupières closes comme si elle méditait. Accepte ma rédemption et la sienne. Se surprend t'elle à marmonner de nouveau, sûrement à cause de l'épisode du pont qui avait fait de Funka et Hanzo des individus bien trop opposé à la morale pour être considéré comme humain. Il ne fallut que quelques secondes de plus à Funka avant de fermer son poing un instant, puis lorsqu'il fut réouvert, une simple graine avait fait surface, qu'elle laisse tomber sur le visage du monarque avant de se reculer, ayant fait ce qu'elle avait à faire.

Désormais le corps pouvait être engouffré sous la terre et nul autre que Funka et ceux à qui elle communiquera ce lieu ne pouvaient savoir où se trouvait la dépouille du Monarque.

Ceci fait, la Sylphide relève son minois fièrement en observant la forêt, tournant le dos aux marais avant de s'en aller se préoccuper du futur et des vivants et laisser le passé et les morts là où ils sont. Une dernière pensée s'en alla vers son jeune compagnon qu'elle avait laissé partir, s'inquiétant quelques peu pour son état.