Ses foulées se faisaient de plus en plus amples tandis que ses inhalations se faisaient de moins en moins irrégulières. Et tandis qu'il décanillait à toute vitesse de ce pays - le magot sur son dos - il se reconnectait enfin avec ses traîtres actes. Son avarice avait ça de pernicieux de le soustraire à la raison, de le dominer par des fils immatériels et pernicieux de la même manière qu'il contrôlait habituellement ses pantins. Alors il composait avec ses précédentes actions, prenant conscience de la portée de ces dernières sans pour autant regretter son geste.

Même s'il n'était guère un grand fervent de la révolte qu'il venait de soutenir il n'en restait pas pour autant insensible quant au sort de ce pays, ressentant sur son cœur le poids d'une culpabilité latente et maladive. La dissonance cognitive qui commençait à l'habiter se traduisait alors en de multiples symptômes : son cou le grattait, son œil vibrait et quelques picotements lui obstruaient les poumons. Mais il ne se lamentait pas tel un martyr volontaire à ses propres maux, tel un esclave qui s'était accommodé de son négrier.

Là, il repensait alors à cet élément qui lui avait fait défaut dans son précédent plan : le blondinet, King. Certainement que la faute du marionnettiste lui retomberait dessus, mais il essayait de ne pas y penser, comme refoulant la probabilité qu'il lui arrive malheur par sa faute. On ne vit pas de larcin et de malhonnêteté en faisant face à ses crimes. Non, tous les fripons de quelconque race ont leur béquille, cette chose aussi vaine soit-elle qui leur permettait de composer dans ce monde sans pour autant vivre de la culpabilité. Dans le cas du marionnettiste, le déni était alors une amie fidèle qu'il usait et abusait sans bon escient. Aujourd'hui il avait volé, peut-être demain le regretterait-il, mais qu'importe… Il n'y a dans la vie que le bonheur de l'instant présent qui compte pour un jeune homme en proie à ses démons.