Était-ce là l’action du destin?
J'allais bientôt retrouver, une fois de plus, la terre de Fer m’ayant mis une seconde fois au monde, un pays qui avait assistée à la renaissance d’un être autrefois de piètre qualité, une lame émoussée peinant à trancher jusqu’au plus fin bout de papier de soie, et pourtant, pourtant, reforgée aujourd’hui de mains de maître en une arme fidèle et parfaitement aiguisée par une puissance pouvant se targuer d’être aussi habile à remodeler les esprits que les forgerons tetsujins à concevoir un sabre digne de ce nom.

En ce jour, moi, Natsumi, le résultat de cet ambitieux remodelage, détenait cette occasion unique de prouver mon allégeance, ma détermination à servir ma Lieutenante ainsi que les intérêts d’un empire m’ayant peu de temps auparavant accueilli en son sein, et comme nouvelle soldate. Debout aux côtés de Joo Jun sur le grand pont Araho, l’ancien katana de celle-ci à la ceinture, reposant contre mon flanc gauche, j’étais vêtue, à l’instar de ma supérieure hiérarchique, de vêtements paramilitaires récemment obtenus lors de notre arrivée à Urahi, la capitale impériale. J’avais légèrement retouché le tout à ma convenance, en y ajoutant les quelques pièces d’armure que je possédais depuis notre précédent voyage à Tetsu no kuni, dont le demi-masque carmin et le casque traditionnel des guerriers du Fer. La main gauche reposant sur le pommeau du sabre, les yeux fixés vers les portes de la ville, j'attendais impatiemment l’arrivée imminente de l’émissaire que nous devions, ma Lieutenante et moi, raccompagner en toute sécurité jusque chez lui. Une mission de rang A, une première pour moi, et une source incommensurable de joie, considérant ma bien maigre feuille de route parmi les membres du Teikoku, et ma courte présence parmi les leurs ou, plutôt, les nôtres, à présent. Un honneur jusqu’alors inconnu, même du temps où je n’étais qu’une misérable genin de Kumo, incapable de quoique ce soit, sinon pleurnicher sous les jupes de maman à longueur de journée. Un océan, que dis-je, un monde de différences me séparait maintenant de ce funeste personnage au destin tragique. Et c’était pour le mieux.

« Je... Honneur de pouvoir... vous accompagner, Lieutenante. Je tâcherai de... montrer... moi... à la hauteur. » dis-je, fière, à ma mentore. Si, en présence d’autres personnes je possédais la capacité à former des phrases avec habileté, celle-ci se retrouvait réduite lorsque nous étions seules, ensemble, toutes les deux. C’est que ma JooJoon m’avait entraînée à bien me comporter, à faire bonne figure face à ceux et celles ne faisant pas partie de notre ‘nous’, histoire de ne pas lui apporter de problèmes, de ne point lui faire honte. Hélas, en son unique et merveilleuse présence, le masque tombait aussitôt. Une reprogrammation, un conditionnement quoi, une manière comme une autre de me souvenir de la place qui était mienne, celle de soldate, à ses côtés.

À peine mes paroles prononcées, un homme s’approcha de nous, l’homme que, de toute évidence, nous attendions pour partir vers les contrées du Fer. Imitant les gestes de ma Lieutenante, je me présentai à lui, suivant les règles de conduite s’appliquant d’office en présence d’un invité d’importance ou d’un supérieur hiérarchique. Le kabuto dorénavant sous le bras, la tête légèrement inclinée, le torse penché vers l’avant et une main plaquée contre mon plexus, je prononçai quelques mots en direction du dignitaire, semblable à ceux précédemment délivrés par ma semblable teikokujin:

« Gamô-dono, c’est un honneur de vous servir et de vous escorter aujourd’hui. Je suis la soldate Harusame, subordonnée et disciple de la Lieutenante Jun. J’espère que votre séjour dans la capitale impériale fût agréable. »

Me redressant doucement au moment où celui-ci nous adressait finalement la parole, je pris acte du regard de ma supérieure m’ordonnant de me mettre en marche une fois la brève discussion terminée, en me positionnant à l’arrière-garde, tout juste derrière le dignitaire et Jun, en tête de peloton, qui guiderait nos pas, une fois de plus, jusqu’à Tetsu no kuni. Était-ce là, encore une fois, l'action du destin? L'avenir ne saurait tarder à nous le dire.