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Depuis que la nouvelle était arrivée à ses oreilles, le jeune Kôsei n’avait pas chômé. Il savait qu’il ne lui restait que peu de temps avant que les choses ne se mettent en œuvre. Il n’était pas contre quitter cette ville, même si, il fallait l’avouer, cela lui faisait un petit pincement au cœur. Il n’avait, de mémoire, que connu ce pays et cette ville si pluvieuse. Jamais il ne lui était venu l’idée de partir découvrir d’autres paysages.

Son mode de vie lui convenant parfaitement, il n’avait jamais songé à aller voir ailleurs. Mais là c’était différent, l’homme au masque d’Oni venait de l’engager pour une durée indéterminée. C’était lui la cause de ce virement changement de situation pour le jeune garçon qui faisait désormais le tour de toutes les planques dans lesquelles il avait laissé un peu d’argent. Ne jamais mettre tous ses jetons dans le même panier à ce qu’on disait. C’était donc pourquoi notre jeune criminel avait fait le tour des bas quartiers et qu’il avait réuni ses effets personnels.

Cela se résumait à quelques habits, accompagnés de quelques vivres et d’un sacré paquet de ryos. Il utilisa son art des sceaux pour tout stocker dans de simples parchemins prévus à cet effet. Cela ne fut pas long, ni difficile, et il partit donc habillé de la façon la plus traditionnelle possible. Ils allaient à Kaze, mais il ne connaissait rien du but de ce voyage, ni des autres participants. Et pour être honnête, il s’en fichait un peu.

En arrivant sur le site, il vit alors qu’il connaissait quelques-uns des membres. Une voleuse réputée qui avait été sa cible le temps d’un contrat ; l’homme au masque d’Oni… Et finalement, sûrement, viendrait le mystérieux individu qui l’avait suivi dans une ruelle des bas quartiers un jour d’averse, pour changer.

Prenant sa place silencieusement, le jeune criminel regarda alors le petit groupe. En les voyant, il était difficile de leur trouver des points communs. Mais apparemment, ils avaient tous été triés sur le volet pour suivre le plan d’un seul homme… Le colosse. Kôsei le notifia d’un regard sans autre parole, comme pour lui rappeler que sa présence ici n’était pas gratuite, et ne le serait jamais.

Et une fois que tout ceci fut clair pour tout le monde, le groupe partit alors en direction du pays du Vent… Vers le sable. Kôsei, l’esprit clair, ouvrait bien ses yeux… Ce serait l’une des seules fois où il sortirait d’Ame, il avait hâte d’en profiter !

Le pas lourd du Titan résonnait dans le couloir de l’auberge où il s’était installé le temps de son séjour au pays de la Pluie. Il avait ramassé ses maigres effets personnels pour se mettre en route. Il y avait de cela quelques jours que remontait son entrevue avec le froussard marqué. Si le beau parler à la grande bouche n’avait pas manqué de provocation et de supplication, il s’était perdu sur un sujet qui avait fini par intéresser Shintan. Les créatures divines aux pouvoirs incommensurables. Elles devaient représenter un adversaire de taille, dans tous les sens du terme. Là résidait l’unique intérêt du Titan.

Il partit sans même passer par la case accueil pour régler ses comptes. Le propriétaire l’avait interpellé au détour d’un couloir la veille. Shintan avait su se montrer convaincant pour qu’il n’y ait plus de telles réclamations. Du discours « File moi mon blé gros lard » il était passé à celui plus conciliant de « Bon séjour parmi nous Monsieur ». Le Titan crut même reconnaître le haut du crâne en passant à proximité du meuble où se terrait d’habitude le couard avare. Planqué derrière son mobilier, il valait mieux pour cet avorton qu’il ne se fasse pas remarqué. Le gabarit du Titan étant ce qu’il était, il avait même dû l’entendre à l’autre bout du couloir. Shintan quitta donc son foyer temporaire en prenant la direction des frontières.

C’était là-bas que se tiendrait le rendez-vous et c’était là le début de cette quête. Le Masqué voulait le recruter dans son équipe pour s’approprier les terres d’Ame. Mais pour cela, il devait d’abord passer par Kaze. Shintan s’était fait la remarque plus tôt, au lieu d’avoir cet éclair de lucidité sur l’instant de la discussion. Quel intérêt avait-il à se rendre dans le pays voisin ? La logique du monsieur au tempérament explosif échappait à la masse de chair qu’était le Titan. Il avait seulement l’intention d’avancer pour satisfaire sa curiosité, et peut-être même en tirer un combat dantesque.

Il parvint non loin d’un regroupement qu’on ne pouvait louper. Shintan arrivait pile à l’heure puisqu’ils se mirent en route avant qu’il ne gagne leur niveau. Il n’accéléra pas le rythme pour autant. Il pouvait les voir et n’avait pas besoin de plus pour continuer. Se mêler à cette foule ne le rendrait que potentiellement irritable si quelqu’un venait à lui parler. En prenant de la distance ainsi, il s’assurait la pérennité de son mutisme. La route des mercenaires était commune pour l’instant. Lors de leur arrivée au Désert, il en serait sûrement autrement.

Le Titan ne se préoccupait pas de ça sur l’instant. Il réfléchissait à cette histoire de dieux lorsqu’un bruit le rappela à l’ordre. Le gargouillement stomacal lui rappela qu’il n’avait pas eu le droit à un repas depuis longtemps. Il espérait que Kaze regorgerait de mets raffinés. Pas comme les rabougris qu’il avait pu goûter au sein de la Pluie.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Le temps était comme à son habitude grincheux et triste, tandis que les larmes célestes continuaient de tapoter la paille tressée de son kasa posé sur sa tête. Ses pas seuls s’illustraient dans l’étendue de glaise qu’il avait rejointe en abandonnant pour un temps Keigo malgré ses propos quelques semaines auparavant. Ce n’était pas tant une trahison ou un piège mais certaines informations se devaient de ne rester connues que de lui et lui seul. Le Magnétique était beaucoup de choses mais certainement pas insensible à la torture ou incapable de faire une gaffe ; puis le connaissant il n’en aurait de toute façon pas eu grand chose à faire.

Roki arriva près d’un cour d’eau tumultueux dont les écumes se brisaient sur des rochers en contrebas. Au point habituel, il s’accroupit d’une flexion de ses membres inférieurs et sortit de son large kimono bariolé de vert et de jaune un paquet de papier enroulé de corde sur lequel apparaissait son propre nom orné de kanjis étranges ne faisant pas parti de la langue commune.

Doucement ses doigts creusèrent la terre jusqu’à une profondeur satisfaisante et il y déposa son bien avec un court sourire qui se refleta un millième de seconde dans l’eau véhémente avant de refermer le trou. Certains étaient hors de portée et même si il disposait de connaissances approfondies il ne savait décemment pas tout. Mais à chaque problème l’Averse trouvait une parade, une solution de fortune et la sienne au moment précis lui sembla raisonnable. Son crâne s’orienta vers les cieux où volait un grand oiseau. Le même sourire.

Baluchon à l’épaule, il arriva au lieu de rendez-vous et ne trouva que des traces. Visiblement il avait un peu tardé. N’étant pas d’un naturel impoli, il n’alla tout de même pas jusqu’à se lamenter de son retard et entreprit de rattraper ses acolytes du jour, vers un pays où la Pluie n’était présente qu’en la qualité de certains individus.

Laconique et presque hagard il entama sa propre marche à une allure étonnamment lente vers son destin, appréciant ce petit séjour vers l’inconnu. Comment était Kaze ? On racontait à Murashigure qu’il s’y trouvait des changeformes et des maîtres du Fuinjutsu, un désert à perte de vue et la plus grande banque du monde. De quoi attiser l’intérêt déjà croissant de Roki pour une contrée étrangère.

« J’espère qu’ils ont bien traité Keigo. » Susurra-t-il à la faveur des vents dansants. Il valait mieux pour eux.

Il se rapprochait de Kaze no Kuni et pourtant, l’air devint froid. Glacial.