Courant à en perdre haleine, le jeune Kôsei ne ménageait pas ses efforts. Cela faisait plusieurs minutes qu’il alternait entre combat, repli stratégique et fuite bien sentie. Ils avaient déjà parcouru tout un bloc des bas-quartiers de Murashigure, mais ses agresseurs étaient toujours à ses trousses. Il en arrivait sans arrêt, dès qu’il coupait une tête, trois autres repoussaient.

Pourtant habitué à ces joutes entre personnes non fréquentables de Ame, le jeune Kôsei commençait cependant à fatiguer. Il avait reçu un pieux en bois dans la cuisse droite suite à l’explosion d’une bouteille de gaz d’un restaurant qu’il avait traversé de part en part pour échapper à ceux qui le pourchassaient. Bien que la blessure soit peu profonde, elle n’en restait pas moins ouverte et il sentait son sang le quitter peu à peu. Le problème était qu’il n’avait pas le temps de se poser pour effectuer un garrot et stopper l’afflux sanguin.

Il devait donc faire avec. Bousculant un marchand ambulant, Kôsei n’eut aucune pitié pour lui et renversa le contenu de son étal. Cela lui permettrait peut-être de gagner un peu de temps face à ses assaillants. Douce idylle, car à peine avait-il tourné au coin de la rue qu’il tomba nez à nez avec un de ces mercenaires que le Collectif avait employé pour venir lui faire mordre la poussière.

D’un mouvement agile, l’adolescent se laissa glisser en faisant redescendre son centre de gravité extrêmement bas. Ainsi, il évita le coup de sabre meurtrier qui l’attendait et continua sa course. Mais en le faisant, il composa quelques mudras et il créa alors une chaîne qui vint s’enrouler autour des jambes du sabreur, le faisant ainsi tomber et l’empêchant de s’élancer à sa poursuite. Il regagnait du terrain !

Sa course fut ensuite facilitée, c’était comme si plus personne ne le suivait. Plutôt heureux, mais aussi intrigué, il s’arrêta au détour d’une rue pour reprendre son souffle et faire le garrot dont il avait tant besoin. Une fois fait, il ne se laissa pas gagner par l’euphorie de la fuite et il continua sa course jusqu’à arriver au niveau d’une place totalement abandonnée. Et ce fut là qu’il réalisa son erreur… Toute cette course-poursuite n’avait qu’un seul but, le faire arriver ici.

Car de toutes les ruelles adjacentes à cette place sortirent des mercenaires ornant tous un sourire vicieux sur leurs visages immondes. À bout de souffle, Kôsei se mit alors bien sur ses appuis, ce n’était pas le moment de glisser. Car tous se ruaient sur lui, arborant les couleurs du Collectif. Foutu contrat, sacrément bien payé… Mais diablement emmerdant par la suite. Mais le Kaigai ne se laissa pas abattre et il malaxa une grande quantité de chakra tout en effectuant des signes incantatoires.

Se créèrent alors de nombreuses chaînes, comme venues de nulle part, qui vinrent alors percuter tous ceux qui osaient l’approcher à moins de quelques mètres. Kôsei, quant à lui, ne bougeait pas et maintenait ses mudras, concentré pour que tous se fassent violemment percuter par les chaînes et subissent des dommages desquels ils ne se relèveraient pas de sitôt.

Et bien qu’il se débrouille plutôt bien, le nombre d’assaillants ne cessait d’augmenter, réduisant peu à peu ses chances de victoire et son chakra… Une situation bien mal embarquée pour quelqu’un qui avait certes décimé toute une famille, jusqu’aux enfants, mais qui n’avait finalement fait que son travail.

Tandis qu’il se démenait comme un diable pour se débarrasser de ses assaillants, le jeune Kôsei commençait à sentir ses forces s’échapper. Utiliser son « art » n’était pas gratuit, il demandait un coût extrêmement important en termes de chakra. Peut être n’était-il pas encore arrivé à un niveau de maîtrise lui permettant d’optimiser ses dépenses. Après tout, tout ce qu’il avait appris, il l’avait fait seul. Personne ne lui avait enseigné à utiliser son chakra, il y avait donc forcément des subtilités dont il n’avait pas connaissance.

Cependant, cela ne l’empêchait pas d’asséner de très violents coups aux sbires du Collectif. Bien sûr, il s’agissait seulement des brigands se trouvant en bas de l’échelle, Kôsei le savait bien. Mais leur nombre était leur force, et il n’avait pas de quoi se protéger efficacement ou disparaître pour le moment. Bref, une situation peu enviable pour celui qui s’en était pourtant toujours si bien tiré. Mais bon, il n’était pas du genre à abandonner et il continua alors à se battre pour sa vie.

Jusqu’à l’intervention d’un personnage tiers, que personne n’avait dû anticiper.

Un colosse avec la chevelure blonde, donc le physique pourrait vous faire fuir tellement il était impressionnant. Et tandis que Kôsei le regardait avec un œil suspicieux, il entendit ses assaillants murmurer ce qui ressemblait à un nom. Leur visage avait blêmi lorsqu’ils l’avaient vu arriver sur la scène. Le Kaigai ne savait pas vraiment qui il était, mais il semblerait que sa réputation le précède.

Le nouveau venu demanda alors à Kôsei s’il avait besoin d’aide. La réponse était évidente, et pourtant le manieur de chaînes ne bougea pas d’un pouce, ni ne dit un mot. Face à ce silence, le colosse annonça que cela n’était pas gratuit. Pour seule réponse, il eut le droit et le plaisir de voir Kôsei cracher par terre, un mélange de mucus et de sang. Comme une réponse à l’évidence, il voulait le faire payer ? Qu’il essaye.

Bon, après sa démonstration où il réussit à mettre au tapis les adversaires restants grâce à une seule technique, Kôsei se dit que l’homme n’était pas n’importe qui ; sa prétendue réputation et sa démonstration de force prouvaient que Kôsei ne devait pas le prendre à la légère.Et tandis que les membres du collectif se retrouvaient désormais au tapis, Kôsei fit disparaître les chaînes qu’il avait créées et il posa son regard sur l’homme qui venait clairement de lui sauver la mise.

« Je ne t’ai rien demandé, du coup si tu t’attends à recevoir quoi que ce soit de ma part, tu te trompes. »

On sentait que son orgueil avait été touché. Kôsei n’avait rien demandé et il avait été « sauvé » par un inconnu qui lui disait désormais que ce ne’était pas gratuit… Quelle plaie.

« Je me serai très bien débrouillé tout seul ! »

Oui oui, bien sûr…

La petite armée qui l’escortait tout du long venait d’être mise à mal uniquement par un seul homme. Inconnu de Kôsei, ce dernier portait un masque représentant un Oni, cachant ainsi son identité aux yeux de tous. Cependant, les quelques membres du Collectif qui portaient fièrement l’emblème de ce dernier semblaient l’avoir reconnu, il ne devait donc pas être n’importe qui. Et ses actions avaient parlé pour lui, faisant ainsi étalage de sa puissance écrasante face aux larbins de cette organisation qui voulait la peau du Kaigai, à n’en pas douter.

Kôsei, reprenant difficilement son souffle, était cependant toujours aussi tendu. Il savait que si la menace qui le poursuivait de nombreuses minutes désormais venait de s’éteindre, une autre potentiellement bien plus dangereuse était arrivée. Et bien que le quidam ait joué un rôle favorable pour notre jeune criminel, pour le moment, il n’en restait pas moins qu’il restait un danger non négligeable pour Kôsei dans ces rues désormais bien calmes de Murashigure.

Et ce fut d’ailleurs le Oni qui reprit la parole de sa voix rauque. Kôsei le tenait en visuel et continuait à s’accrocher aux chaînes qu’il avait en main. Il savait qu’elles seraient sa dernière ligne de défense. Et tandis que l’inconnu parlait en affirmant que Kôsei lui devait cinq années de service, le jeune garçon resta silencieux. Il ne voulut pas répondre, mais un sourire moqueur s’afficha sur son visage. Comme s’il était à acheter.

Maintenant que son souffle était moins court, il reprenait peu à peu de l’aplomb et se redressait. Il était loin de faire la taille de son interlocuteur, mais désormais il était un peu plus en position de force qu’auparavant ; désormais il savait où concentrer son attention.[/i]

« Et comme je te l’ai déjà dit, je ne te dois rien. Tu as décidé d’intervenir, tu as fait tes propres choix, laisse moi en dehors de ça. »

Et c’est alors qu’il frémir les quelques chaînes qui étaient encore à côté de lui. Si certains auraient pu le prendre pour de l’intimidation, ce geste était juste naturel. Touché l’alliage froid de ces liens permettait à Kôsei de se rassurer. Il savait ses plus précieuses alliées à ses côtés, et cela changeait beaucoup de choses.

Et bien qu’il ait refusé derechef la proposition de l’homme masqué, il n’en restait pas moins que ce dernier était plutôt puissant, aux vues de sa démonstration de force. Et il semblait diriger un petit empire s’il souhaitait que Kôsei travaille pour lui, un point sur lequel le jeune criminel était prêt à appuyer.

« Mais si tu veux vraiment m’embaucher, cela te coûtera 100.000 ryos par semaine, plus des primes pour chaque mission ou contrat que je ferai. Et sache que tu ne me contrôleras pas. Si je ne veux pas faire quelque chose, je ne le ferai pas. Si tu tentes de m’entuber, je m’assurerai que ta tête soit détachée de ton corps… »

Plus de sourire sur son visage, Kôsei plongeait son regard azuré dans celui de l’homme au masque… Une proposition…. Restait maintenant à voir ce que le colosse avait à répondre.

La pression commençait à monter sérieusement et la pluie qui s’abattait sur la ville de Murashigure n’arrangeait rien. Kôsei, qui n’avait plus les mêmes problèmes qu’à l’origine de cette petite escapade, sentait tout de même sa vie plus en danger que jamais. Car l’homme qui se tenait debout face à lui n’avait rien d’un novice. Et bien que la Capitale d’Ame soit réputée pour regorger de malfrats en tout genre, il n’y en avait que peu qui pouvaient se targuer de posséder la prestance de celui qui faisait face à notre criminel préféré.

Car bien qu’il soit une forte tête, Kôsei n’était pas du genre suicidaire. S’il avait survécu jusqu’ici, c’était qu’il était capable de détecter les obstacles qu’il ne pouvait surmonter. Et l’homme au masque de Oni était de ceux-là… Du moins dans les conditions actuelles. Car le Kaigai était épuisé, et il ne disposait sûrement pas assez de chakra pour se débarrasser de cet homme. Il faudrait donc « jouer » dans ses conditions… Jusqu’à un certain point.

Et il l’avait bien compris, faisant grimper une nouvelle fois la pression de cette petite entrevue en affirmant que les conditions proposées par Kôsei ne lui convenaient pas. Cependant, il changea son contrat initial en ne faisant plus mention de durée. C’était sans doute implicite, mais Kôsei le nota déjà. Cependant, il ne ferait rien de gratuit.

Que cet homme pense avoir fait une bonne action était une chose, qu’il exploite notre manieur de chaînes en était une autre. S’il avait survécu, c’était aussi qu’il avait su montrer les crocs lorsqu’il le fallait. Et il allait une nouvelle fois en faire preuve, montrant ainsi qu’il ne deviendrait pas une simple marionnette de l’homme s’il se devait de le rejoindre pour sa survie.

« Ma réponse reste inchangée, je ne te rejoindrai pas gratuitement. Donc si tu veux réellement qu’on règle ça dans le sang… Soit. »

Son regard azuré toujours plongé dans celui de son interlocuteur, il montrait ainsi sa détermination et son mental inflexible. Sur le papier, il avait peu de chance de gagner, un pourcentage vraiment faible. Mais ce ne serait pas la première fois qu’il défiait la loi des chiffres, il s’en sortirait, il en était certain.

« Mais je suis prêt à reconnaître que ton intervention m’a été précieuse. C’est pourquoi j’accepte de baisser mes exigences. 40.000 ryos par semaine, accompagnés de primes exceptionnelles pour chaque mission ou contrat. Ce sera ma dernière offre, et si elle ne te convient pas… Eh bien soit, nous règlerons ça à la façon Amejine. »

Dit-il en insufflant du chakra autour de ses chaînes qui vinrent alors tournoyer autour de leur manipulateur. Il était prêt à en découdre, si l’homme au masque ne souhaitait pas trouver un terrain d’entente. Mais cela, seul l’avenir nous le dirait.

Tandis que l’ambiance était toujours aussi électrique, le colosse sembla finalement comprendre à qui il avait à faire. Kôsei n’était pas un simple gamin qui parcourait les rues de Murashigure, il avait bien d’autres talents… Et surtout une force de caractère qui forçait le respect. Et même si un homme comme celui qui se tenait devant lui ne le montrerait pas directement, le Kaigai sentait tout de même que quelque chose avait changé chez lui.

Désormais, il n’était plus le prédateur lorgnant sa proie, la langue pendue à ses babines. Il venait de reconnaître chez le jeune garçon une certaine force de caractère. Chose que Kôsei avait noté, ce fut pourquoi il fut un peu moins sur la défensive pour la suite de la conversation.

« Kaigai no Kôsei. Toi ? »

Il reprit une nouvelle fois la parole pour parler des conditions du « contrat » qu’ils allaient passer tous les deux. Arquant un sourcil, il accueillit les nouvelles avec pragmatisme. Un projet ? S’il se référait aux dires du quidam, il durerait plusieurs années. Ce n’était donc pas rien. Le genre de projet qu’on passait toute une vie à imaginer, sans pour autant être sûr d’en voir le bout un jour ou l’autre.

Mais ce qui était intéressant, c’était qu’il serait sûrement en mesure de renégocier son contrat au fur et à mesure. Le genre de paroles dont il n’avait cure, car il savait exactement ce qu’elles étaient… De simples paroles. Et venant d’un inconnu, cela n’avait aucune valeur aux yeux de Kôsei.

« Et si tu m’en disais un peu plus sur ton fameux projet. Je refuse de travailler à l’aveugle et je veux juste clarifier une dernière chose… »

Il marqua une petite pause, et plongea son regard azuré dans celui de son interlocuteur. Montrant ainsi toute sa détermination et son sérieux.

« Je ne travaille pas pour toi. Mais je travaille avec toi… On est clairs là-dessus ? Et au passage, enlève ce masque, que je vois à qui j’ai affaire. »

Le jeuen garçon aux chaînes reprit sa réflexion quant aux dernières remarques du colosse. Il semblait tout à fait au courant qu’ils étaient du Collectif, chose peu surprenante vu qu’ils en arboraient les couleurs. Mais ce qu’ils lui voulaient, cela n’était pas bien compliqué. Toute personne un tant soit peu renseignée sur Kôsei le savait, il n’avait donc aucune raison de les lui cacher.

« J’ai exécuté un contrat qui ne leur a pas plu car j’ai décimé toute une famille qui travaillait pour eux, voilà tout. Mais c’était un contrat comme un autre. »

Il n’y avait rien d’autre à dire, ce fut donc pourquoi il ne dit rien.