Lorsque l’on s’imagine cette ville pour la première fois, cette capitale toute particulière, on entrevoit facilement les rumeurs qui n’en sont pas. Misère, rues mal famées, violence, corruption et autres noirceurs citadines. Pour autant, aussi vrai qu’il existe cette face sombre, telle une pièce, il existe cette autre face, plus belle, plus polie et policée. Pour autant aucune des deux faces n’est toute noire ou toute blanche, seules les teintes de gris s’avèrent plus ou moins nuancées.
C’est dans cet environnement riche, du moins, moins appauvri que j’avais envoyé par de petits messagers de papier mes invitations à ces rares personnes qui avaient décidées de me suivre, un temps du moins, et d’adhérer pour toute ou partie à mes projets. Ainsi, dans ce quartier proche des hautes sphères politiques du pays, la misère n’était que peu admise. Pour autant, cela ne voulait pas dire que mafia et autres trafiquants n’y avaient pas leurs entrées, pire, les boss des plus gros gangs y avaient leurs demeures et domaines privés. C’est donc dans un quartier marchand de bonne facture, certaines enseignes parfois huppées que j’avais donné rendez-vous.
Lieu de rendez-vous:
Il s’agissait là d’un apothicaire de renom, une boutique tenue depuis plusieurs générations par la même famille et qui formait ses nouveaux employés et d’autres futurs maîtres en la matière. Si le rez-de-chaussée était dédié à la vente, les autres étages étaient des salons d’étude, des laboratoires et les appartements familiaux ancestraux. Le maître des lieux n’était autre que Puroto Osuru, fils du précédent chef de famille. Il était en place depuis quelques années, depuis qu’il avait reprit les rênes des mains de son paternel en qui il ne voyait qu’un vieux fou qui dilapidait leur savoir et leur argent.
Puroto Osuru:
Arrivé avant l’horaire indiqué à chacun, j’avais été introduit dans un salon privé dans lequel Osuru et moi discutions des termes de l’accord du jour. Tout ceci avait déjà été évoqué bien en amont, pour une grande partie de nos affaires, le tout était déjà réglé depuis de nombreuses années déjà, mais aujourd’hui, certaines modalités de paiement étaient à clore.
En arrivant sur place, chacun des protagonistes, suivant les recommandations du message véhiculé par le petit origami volant se verrait invité à rejoindre également ce même salon accompagné par Puroto Maduro, la fille d’Osuru et qui une fois tous les invités présents reviendraient une dernière fois pour apporter du thé à chacun et quelques petits gâteaux achetés pour l’occasion, offrant ainsi une hospitalité de qualité. Ayant salué chacun des membres de Sakana ici présent, j’en profitais pour initier la discussion.
« Eh bien, avant toute chose, merci à chacun d’être venu ici. Vous pourriez trouver notre lieu de rendez-vous étrange, mais ma demeure n’a pas pour vocation à nous servir de lieu de rendez-vous. C’est pourquoi j’ai demandé à Osuru ici présent de nous accueillir. Je l’ai aidé par le passé et aujourd’hui, en retour de dette, il nous met à disposition ces lieux. »
L’homme aux cheveux bleus acquiesça, inclinant légèrement la tête avant que je ne poursuive.
« En revanche, dans les termes de notre accord, Nozomi, je te demanderai d’effacer à lui et sa fille tout souvenir de notre présence aujourd’hui une fois que nous aurons terminés. J’ai toute confiance en Osuru, cependant, je préfère la prudence. Maintenant que ce détail est réglé, il est temps que nous entrions dans le vif du sujet. Comme chacun le sait, la guerre en cours entre shinobis et l’homme au chapeau impliquera nécessairement de voir un vainqueur et compte tenu de la tournure des choses, je vois mal cette Coalition remporter une franche victoire. Mais à mes yeux, peu m’importe. Qui que soit le vainqueur, il y aura des répercussions notables sur ce monde et sur notre mode de vie. Si aujourd’hui, j’entends mener ma vie comme il me sied, je doute de pouvoir le faire aussi bien dans le futur et à ce titre, je refuse de me retrouver dans une position où je ne serais pas maître de ma propre vie. Je compte donc palier à ça rapidement et efficacement. Et pour cela, comme je vous l’ai dit à tout un chacun, je compte avant toute chose mettre la main sur Ame, sur ses hautes sphères afin que Sakana puisse asseoir sa position dominante. Malheureusement, pour cela, il nous faudra lutter contre de nombreux obstacles. »
Le thé arriva finalement, servi par la jeune fille qui ressemblait nettement à son paternel. Laissant la demoiselle servir les tasses, je faisais une petite pause dans mon discours avant de finalement reprendre une fois à nouveaux seuls.
Puroto Maduro:
« Ce lieu, ce groupe, nous ne sommes là au titre de l’équité, chacun est à même de donner son point de vue ou d’exposer ses idées, c’est pourquoi, j’attends votre retour une fois que j’aurais terminé mon laïus afin qu’au terme de notre petite réunion on reparte avec les idées claires et des objectifs clairement définis. » dis-je en dégustant une gorgée de thé, surement le meilleur de la citée. « Les obstacles dont je parlais sont légion à mes yeux. La reconnaissance d’une part. Sakana n’est nullement connu. Si nous voulons agir, du moins dans une certaine mesure, il nous faudrait une couverture viable et cohérente. Aujourd’hui, le plus simple serait d’offrir nos services aux villages shinobis en tant que mercenaire, chose que l’on a plus ou moins déjà initié avec le Marché Noir en répondant à certaines de leurs offres. Secundo, Les forces opposées d’Ame. Avant de s’attaquer au daimyô de la Pluie, nous devrons faire face aux deux vrais pouvoirs en place. Je ne parle pas de ces gangs et petites mafia locales ou d’ampleur sans réelle envergure dans la mesure où leurs forces sans chakra ne valent pas l’un d’entre nous. Je parle avant tout du Marché Noir et du Collectif. Ceux deux organes sont des cibles qu’il nous faudra écraser si nous voulons nous placer au-dessus de chacun. Si le Collectif est assez discret, le Marché Noir l’est moins. Cependant, peu d’information circule quant à son réel fonctionnement et à ses têtes pensantes. Tercio, la puissance. Pour l’heure, nous ne sommes que ce groupe-ci, pour autant, de ce que j’ai pu voir ou sait de chacun de vous, j’ai toute confiance en vos capacités respectives. Pour autant, il est important de nous renforcer davantage. Intégrer de nouveaux membres, acquérir de nouveaux pouvoirs, mettre la main sur de nouvelles connaissances ou artefacts, voilà ce qui nous renforcerait. Hélais, je ne parle pas de ces fameux Bijuu, à titre personnel, je ne prendre pas le risque de devenir un hôte, je tiens trop à mon libre arbitre. Cependant, si nous avions un moyen sécurisé d’en contrôler le pouvoir, cela serait un net avantage. Quarto, la connaissance. J’ai passé ma vie à vendre et acheter des informations. Mais pour assurer une position favorable, il est nécessaire de connaitre les informations du monde et les secrets de chacun. De fait, il nous faudra tisser des liens ici et là pour être au centre de ce flux de données. Mettre la main sur le Kunaï Emoussé pourrait s’avérer utile par exemple. Et enfin, quinto, un lieu adapté à nos affaires. Peut être le point le plus basique de tout cela, mais au final, il nous faut trouver, aménager et adapter un repaire qui nous permette de nous retrouver, d’y mener nos réunions, nos expériences, recherches ou autres entrainements sans que personne ne vienne nous déranger. Il nous faudrait un lieu tenu secret, un lieu difficile à trouver et où l’on ne penserait pas à chercher de prime abord. »
Avant à nouveau quelques gorgées après ce long discours, je passais mon regard sur chacun des protagonistes avant de finir mon intervention.
« Bien, je monopolise quelque peu la parole, alors désormais je vous la laisse, que chacun puisse s’exprimer et donner son point de vue sur tout cela. Sachez qu’il n’y a pas de mauvaises idées, cependant, gardez à l’esprit qu’il nous faut définir une feuille de route claire pour que l’on avance sereinement. »
Pointant devant le tapis de la boutique, j’observais les artefacts entreposés à l’intérieur. Bibelots et souvenirs se présentaient également à l’extérieur de l’édifice pour appâter clients et touristes friands d’objets de ce type, mais je me questionnais sur le réel intérêt de procéder à ce genre de commerce dans une ville comme celle-ci. Murashigure n’était pas ce qu’on pourrait appeler une ville touristique et bien que nous étions dans un des seuls quartiers calmes de la ville, personne ne venait ici pour admirer les taudis et les trafics de stupéfiants, d'esclaves, d'armes et de marchandises. Et alors que j’ouvrais l’origami qu’Unagi m’avait fait parvenir pour en vérifier l’adresse, un homme vint à moi en se présentant comme maître des lieux.
D’ossature généreuse, portant un profond bleu sur sa coiffe, celui-ci s’adressait à moi tout en ayant conscience de qui j’étais. Celui-ci me dirigea alors dans la boutique, accompagné d’une frêle humaine, traversant les comptoirs et les fournitures pour m'emmener en direction des étages supérieurs. Là, se trouvait une pièce fermée par deux portes coulantes décorée de diverses dorures et fioritures complexes et variées. D’un ton de cobalt, je remarquais quelques gravures anciennes moniales sur une partie de celle-ci avant de disparaître à travers les cloisons des murs pour laisser place à une grande salle de réception.
Dedans se tenait Unagi, attendant au bout d’une massive table de pin. Comme à son habitude, son calme et sa quiétude transcendaient la pièce par sa simple présence. Saluant ainsi celui-ci, je m’installais à cette tablée qui était encore bien vide.
« Je suis ravi que ton projet se lance enfin. J’ai hâte de voir ceux et celles en qui ta confiance se tourne. Pour ma part, tu n’as pas à craindre le moindre écart de conduite envers ceux qui entreront dans le salon. Ma confiance envers toi est suffisante pour qu’elle puisse se partager avec tes convives. »
N’attendant que très peu de temps, tous s’installaient dans la pièce les uns après les autres. Alors que je me tenais proche d’Unagi, j’avais tous les loisirs d’observer ses invités. Lorsque nous étions au complet, cette faible humaine qui m’avait accompagné jusqu’ici apporta du thé et des mignardises pour cette réunion laissant prouver pour ceux qui le connaissaient qu’Unagi était bien l'instigateur de cette réunion. Cette attention marquait d’ailleurs le lancement du projet Sakana. Dans une longue et précise allocution, celui-ci indiqua à tous ce qu’il avait en tête. sans rentrer dans les détails, les éléments qu’il nous exposait, étaient suffisant pour comprendre les grandes lignes de son objectif final, vécu comme bon lui semblait.
Bien que ses propos n’étaient pas vraiment ce qui m’attirait pour ma vie d’Asura. Certains points concordaient avec la vision de son monde. La coalition n’était pas un bien pour moi. Ses prétendues lois et règles que les pays avaient fondées, ne me permettaient pas de chasser en toute liberté et le pouvoir était la clé pour que je puisse parcourir les terres de ce monde tout en collectant les trophées que je convoitais.
Le laissant finir, je prenais en premier la parole.
« Tant que je peux avoir ce que je veux, je te suivrais et tu le sais bien. Le mercenariat me conviendrait bien d’ailleurs, c’est un bon moyen de côtoyer les humains avant de prendre leurs âmes s’il m’en prenait l’envie. Il est également vrai que nous devons prendre le contrôle ou détruire tous les obstacles qui se déploieront sur notre chemin et ceux d’ Ame no kuni en premier lieu. Et bien que je ne connaisse pas le collectif, des échos en font souvent allusion dans les sombres ruelles du marché noir. Ceux-ci ont l’air d’être implantés dans cette ville bien plus que le marché qui n’est surement autre qu’un pauvre amas d’âme humaine régi par des règles tacites. Pour le reste, je ne peux me permettre de dire que les renseignements et les connaissances sont ma spécialité. La traque et la puissance seraient plutôt de mes goûts. »
Alors que je finissais la tasse de thé noir qui m’avait été servis, j’apportais quand même une solution pour un sujet bien particulier.
« Quant au lieu que tu cherches, je peux te proposer un endroit, non loin de la ville. Plongé au cœur d’une profonde forêt, un temple Jashiniste avait été bâti en son centre pour d'obscurs rituels. Alors que ce lieu n’était connu que par le culte et certains temples moniaux, il n’y a maintenant plus aucune âme humaine pouvant attester de son existence, les derniers sont d’ailleurs dans mon précieux recueil. »
« Alors certes, le bâtiment nécessiterait un rafraîchissement, mais il serait parfait. »
Attrapant une feuille et un crayon qui traînaient là, je gribouillais ce qu’on pouvait penser à une carte et un dessin. Sur celui-ci, j’indiquais les coordonnés exacts du temple tout en illustrant à quoi il devait s’attendre si Unagi décidait de si rendre.
Perché sur une strate de roche, aux pieds d’arbres millénaires, l’édifice rouge tenait sa place entre les racines et les courants d’eaux qui le bordaient. Manger et grignoter lentement par la végétation, celui-ci tenait toujours debout depuis tout ce temps et ce portrait malgré les apparences, très bien. Comme si sa vie n’était pas encore finie, il attendait là, perdu de tous, une renaissance et il était prêt à accueillir un autre groupe d'individus pour naître une nouvelle fois.
Ancien temple Jashiniste
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Dernière édition par Ryukin le Mar 3 Jan 2023 - 22:22, édité 1 fois
Après la rencontre avec Unagi, Fuyumi avait passé les jours suivants à se remémorer la configuration de la capitale, se baladant parfois seule, parfois en compagnie de sa protégée dans les ruelles malfamée pour s’imprégner de leur atmosphère morbide. Les remembrances surgissant des profondeurs de son esprit, ensevelies par le temps, n’avaient rien de plaisant pour la jeune femme. Elle n’était cependant plus la jeune fille émotive qui avait fui le pays des années auparavant. Sa fortitude mentale, gagnée par l’expérience et son ouverture à Yuu, lui permettait d’affronter ses traumatismes sans fléchir.
L’informateur ne tarda pas à envoyer une invitation pour permettre aux deux femmes de rencontrer ceux qu’elles allaient cotoyer pendant leur séjour au pays de la Pluie. Cette organisation naissante possédait de grandes ambitions et il était important pour elles de découvrir leur place dans celle-ci. Leurs ambitions n’étaient pas les mêmes, mais des intérêts communs suffisaient à en faire abstraction.
Accompagnée d’Amiko et de Yuu, l’Initiatrice se présenta donc à l’heure indiquée chez l’apoticaire à l’adresse qui lui fut fournie. Guidés par une jeune fille qui leur était totalement inconnue, ils arrivèrent finalement dans ce qui semblait être un salon de thé improvisé. Autour d’une table centrale, Unagi était accompagnée d’un homme dont l’apparence atypique suffisait à convaincre Fuyumi de sa place dans l’organisation. Invitant d’un geste de la main sa protégée à s’asseoir, elle s’inclina respectueusement en direction des deux personnes présentes pour les saluer.
— Bonjour à vous Unagi et enchantée de vous rencontrer, commença Fuyumi avec une voix douce et amicale. Je me prénomme Fuyumi et je vous présente Yuu et Amiko.
Les présentations effectuées, la jeune femme prit place autour de la table. Lorsque tous les invités furent arrivés, le maitre de cérémonie reprit la parole pour mettre au clair les intentions de Sakana et ouvrir les pistes de réflexion concernant les méthodes pour y parvenir.
Attendant patiemment son moment, la jeune femme finit par profiter d’un moment de silence pour intervenir.
— Je vous rejoins dans vos paroles, le Collectif et le Marché Noir sont probablement les deux entitées les plus influentes du pays et ce seront probablement ceux qui s’opposeront le plus violemment à notre ascension. Cependant, je doute qu’il nous soit particulièrement sage de minimiser l’impact des différentes organisations crimnelles du pays. Il nous sera difficile de contrôler ce pays sans le respect et l’estime des petites gens, quand bien même notre puissance dépasserait largement leurs capacités. Mon ambition première est de détruire le Soleil Noir et c’est la raison principale de ma présence en ces lieux, mais il me semble désormais évident que cette volonté qui m’anime peut très bien être bénéfique à nos ambitions communes. Prendre le contrôle d’une organisation implantée à Ame depuis des décennies nous permettrait d’obtenir de la main d’œuvre, du territoire et de ne pas paraitre comme des étrangers auprès des autres puissances locales. En « jouant » selon leurs règles, du moins en apparence, nous éviterions également de nous mettre à dos l’ensemble des organisations qui pullulent en ces lieux.
« Ouais, ben moi c’est Nozomi, enchantée tout le monde ! »
Cette ville, je la connaissais par cœur depuis le temps que je la parcourais. Toutes ces immondices comme les humains qui y traînaient ne faisait que gâcher ces rues. Comme s'il y en avait besoin. J'avais rencontré ce type il y a peu de temps. Ce vieux était étrange, mais intéressant, je devais bien l'avouer. Il m'intriguait plus qu'il me dégoûtait. C'était sans doute une bonne chose. Ces projets se révélaient intéressant, vu que cela faisait bien longtemps que je n'adhérais plus à la bonne morale commune. L'accueil était plutôt sympathique, même si l'odeur d'un mélange de produits n'était guère agréable. Le propriétaire des lieux était plutôt mignon, ben quoi ? Tant qu'à faire ... Et puis il devait être riche ce qui n'enlevait rien bien au contraire. Je fis un petit sourire à chacun lorsque j'arrivai sur les lieux du crime, enfin si rendez-vous. Les attentions étaient charmantes, d'ailleurs on pouvait se demander ce que ce bel âtre pouvait y gagner à accueillir pareille assemblée. Une dette de ce que disait le maître de cérémonie, bon, après tout, pourquoi pas, cela ne me regardait pas du tout en fin de compte. Je me contentai de hocher la tête lorsque l’on me demanda de retirer tout souvenir de cette réunion à nos hôtes. Dans ma petite tête, Je me disais que c’était pratique ce système afin de payer la dette d’une manière infinie !
« Les dits bons ninjas ont toujours échoué face à l’homme au chapeau, alors s’il faut espérer une victoire, on est mal parti hein ! Je paris sur la victoire de l’homme au chapeau et la fin du chakra. Il va falloir préparer cet échec et Ame no Kuni est certainement le meilleur lieu pour Sakana de s’épanouir. Ce pays est ignoré et abandonné par les grandes puissances. »
Certes les enjeux étaient importants, mais la force du pays de la pluie n’était pas la même que les autres pays majeurs ninjas. Il n’y avait quasiment pas de résistance ou de forces capable de nous contrer. Je profitais pour boire un peu de thé, tranquillement.
« On est obligé de faire les guignoles auprès des grands villages ? Ça ne me dit rien du tout, bon, ça ne me dérange pas hein, mais franchement …. On peut surement exister sans eux non ? Je comprends l’utilité de la couverture néanmoins. Je n’ai rien contre eux véritablement, ni rien pour aussi.
Soit, le Daimyo de la pluie doit avoir des ninjas compétents quand même à son service, il n’y en a pas légion ici à Ame. Je ne crains pas du tout les malfrats que l’on mettra au pas ou qu’ils comprendront leurs intérêts de nous choisir plutôt que d’autres. On n’est pas obligé de se mettre sur le dos toutes les forces en présence. Je dirais presque qu’il doit avoir un monde où le marché noir doit apprécier un changement de pouvoir. Le collectif est absent à mes yeux, pour ainsi dire. Pour eux, la méthode forte serait notre seule voie. Ils se voilent les yeux en apportant leurs putains de bons sentiments. »
Commentai-je alors en disant ce que je pensais. Ce n’était pas nouveau, il y avait peu de filtre. Renforcer la puissance, oui, sans doute. Je ne mettais jamais dis qu’augmenter encore et toujours ma force serait nécessaire, mais vu les objectifs, il valait mieux. Une révolution n’avait jamais lieu sans sang versé, jamais.
« Pour l’intégration des nouveaux membres ou même pour s’assurer des nôtres actuellement, voir aussi avec ceux avec qui on va travailler, je devrais lire dans leurs pensées et souvenirs afin de voir si ce sont des traitres et ce qu’ils veulent à la fin de venir à nos côtés. Ça ne sert à rien de devenir une putain d’énorme cible avec un bijuu, sérieux … devenir une prise de guerre, non merci. Si on arrive à piéger un hôte, je pourrais faire en sorte que l’on devienne les meilleurs amis du monde.
Il faudrait voir si l’on prend part d’une manière ou d’une autre dans cette guerre ou non. Je veux dire par là, est-ce que l’on renseigne discrètement l’homme au chapeau sans se battre pour lui, juste histoire de se mettre bien pour la suite si l’on part du principe qu’il va gagner. »
Tortillant sa bouche, ennuyée, j’imaginais comment contenir ou contrôler un journal international tel le kunai émoussé. Compliqué, ils allaient s’avérer méfiant.
« Comment on pourrait contrôler ou approcher de ce journal ? Une idée ? Vu notre organisation, il serait nécessaire de trouver un lieu discret difficile d’accès par une méthode ou une autre. Pourquoi pas ce temple, je n’ai pas d’avis particulier à ce sujet. Selon moi, il faudrait le laisser en l’état afin de ne pas attirer l’attention. D’où sortes-tu une telle information ? Si l’on veut une parfaite discrétion, on pourrait discuter plus ou moins à distance par mes pouvoirs télépathiques. Inviolable. »
De son existence, Amiko avait presque côtoyé tous les aspects de Murashigure : la richesse, l’amour, la haine, la trahison, la pauvreté, la solitude, la misère, la mort. Et aucun de ces aspects ne lui donnait envie d’y remettre un pied. Non, elle avait accepté d’y revenir avec une toute autre mentalité : la soif de justice. La Sakki brisée n’avait jamais fait preuve de beaucoup de courage ou de force véritable de toute sa vie, elle avait toujours été rabaissée à un monstre, à une moins-que-rien, à une erreur de la nature : comment grandir normalement après tout ça ? Heureusement, dans sa mésaventure, elle avait rencontré Fuyumi qui avait été aussi abîmée par ses propres démons. Cependant, l’ancienne jonin avait su prouver par sa force mentale qu’elle n’allait pas laisser son passé lui dicter son avenir. Elle était devenue l’exemple même d’une femme forte et qui ne craignait plus rien.
Alors que l’assimilatrice… en était encore loin, notamment parce que ses obsessions du passé ne disparaîtraient sûrement jamais, c’était comme implanté dans son ADN. Même si elle voulait y résister, son corps réclamait : c’était un cercle vicieux et ses instincts finissaient par l’emporter. La seule solution en l’état pour elle de ne plus avoir cette faim inlassable, serait de simplement mourir. Mais là aussi, ce n’était pas dans les objectifs d’Amiko qui méritait de vivre sa vie comme elle l’entendait.
Et donc, en ce jour hivernal, elle se tenait à ses côtés, prête à faire la rencontre d’inconnus qui allaient pourtant aider les deux femmes à atteindre leurs objectifs. Si elle avait confiance en Fuyumi, s’en était loin pour les gens extérieurs au cocon qu’elles avaient tissé ces années durant.
Murashigure n’avait pas tant changé que ça, même si elle ne reconnaissait plus certaines endroits, d’autres ne pouvaient pas changer. Ce fut dans une rue tout à fait honorable qu’elles furent amenée à se rendre. La boutique en elle-même était assez imposante, mais pas de quoi faire halluciner Amiko qui avait vécu dans l’opulence. La grande timidité de l’amejin prenait par moment le dessus, et lorsqu’elle posa ses pupilles rosées sur les hommes déjà présents, la kunoichi eut un léger mouvement de recul. Ce fut Fuyumi qui initia les présentations et seulement à ce moment-là, elle daigna les saluer d’un mouvement de tête.
Une fois assise sur la chaise, elle tenta de ne pas montrer son mal-être et fut d’ailleurs surprise de voir Yuu grimper sur ses cuisses. Avait-il lui aussi envie de suivre la discussion ? Ou avait-il senti à quel point la manipulatrice de la lave se sentait fébrile ? Dans tous les cas, elle lui était reconnaissante.
Le vieux qui semblait avoir organisé l’assemblée, commença à expliquer le contexte dans lequel il se trouvait. Amiko remarqua la petite fille et la trouva plutôt mignonne et adorable. Une tasse de thé fut déposée devant elle, mais le nœud dans son ventre l’empêcha de s’en emparer.
Recroquevillée dans sa chaise, la jeune femme se contenta d’écouter les plans de chacun, les idées des autres et l’avis de la rousse qui avait fait son entrée en dernier. Tous ici semblaient bien particuliers et avaient des manières d’échanger bien différentes de ce qu’elle avait pu connaître. C’était à la fois peu rassurant et nouveau.
La seule chose où la Sakki aurait à redire, c’était vis à vis du marché noir et de l’hypothétique objectif d’en raser toute existence. De ce qu’elle avait appris de son clan et de ce qu’elle avait pu voir de son jeune âge, ce n’était pas un groupe qu’on pouvait supprimer aussi facilement. De plus, grâce à Katsuko et à ses informations, Amiko se disait qu’une autre solution pourrait être plus viable. Ce fut donc le seul et sûrement le dernier moment où elle prendrait la parole, du moins pour le moment.
La brune aux mèches volcaniques se redressa légèrement et posa ses mains sur la petite boule de poils qui restait aux aguets, comme si ce contact lui donnait du courage…
« Je… je pense que nous gagnerions plus à être du côté du marché noir que contre. Ils sont profondément implantés dans Ame et ont une influence mondiale… Mê…même s’ils se font discrets, nous ne pourrons pas les démanteler aussi facilement.
Non seulement ils recherchent les plus grosses primes… mais possèdent sûrement des biens précieux, des informations précieuses. Mon clan a déjà eu affaire à eux pour des affaires bien sombres, on y retrouve de tout...
Cependant, il sera probablement difficile de faire affaire avec eux, mais nous pourrions essayer de les rendre dépendants de nous ou de les forcer à trouver une raison pour ne pas entrer en conflit.
Nous devons nous rendre indispensables pour exister, nous devons être craints et ne pas passer pour des clowns, et être crédible. Une partie d’Ame s’est habituée à vivre avec ces deux entités, le leur arracher des mains n’est pas ce que je préconiserais.
Il était un temps pour les palabres et un temps où le silence devenait maître. Pour moi qui avais ouvert la discussion et le débat qui prenait place autour de cette table, pour moi qui avait tant parlé, il était venu le temps d’écouter sereinement les paroles de mes compagnons et d’accueillir leurs idées aussi bien et aussi ouvertement qu’ils avaient accueillis les miennes. Profitant des petites attentions de notre hôte, confortablement installé sur mon fauteuil, sirotant ma boisson, je profitais de la discussion à mon tour, prenant note mentale de chacune des paroles qui circuleraient autour de cette table.
« Eh bien, je suis ravi que chacun puisse s’exprimer librement. Cependant, avant de poursuivre, j’aimerai faire le point sur deux éléments particuliers de ce groupe naissant. Si je suis effectivement l’instigateur de Sakana, j’estime que nous en sommes tous les fondateurs et à ce titre, nous sommes tous égaux, ma parole ne valant pas plus que celle d’un autre. A ce titre, Fuyumi, je t’en prie, laisse de côté ce vouvoiement. Je suis certes le plus vieux ici, mais je suis comme vous, un acteur de ce projet. Ce qui m’en fait venir au second point. »
Si mon regard s’était portait principalement sur l’Initiatrice, voguant ici et là sur les autres protagonistes, la seconde partie de mon discours concernait plus spécifiquement Nozomi et ses tendances curieuses.
« Si nous voulons que notre organisation fonctionne, cette dernière doit se baser sur la confiance. De ce fait, pour ce qui est de chacun de vous ici présent, je ne souhaite nulle fouille de votre mémoire. L’arrivée d’un nouveau membre, d’un nouvel allié ou autre une fois que nous serons connus, ces vérifications seront surement nécessaires, mais aujourd’hui, j’ai toute confiance en chacun de vous pour que l’on n’en vienne pas à ce type de précaution. Ceci est à mon sens d’autant plus vrai que je ne vois pas comment un traitre pourrait se glisser parmi nous dans la mesure où la création même de ce groupe ne remonte qu’à quelques semaines. Personnes n’aurait pu entrevoir une telle chose. Moi-même j’ai pris ma décision de me lancer il y a peu. Bien, au final, si j’ai confiance en vous, j’espère sincèrement que cette confiance sera partagée entre vous tous. Nous venons certes d’environnements et d’univers différents, avec des expériences diverses, mais aujourd’hui, nous sommes tous sous la même bannière, et à ce titre, je ne sacrifierais ou abandonnerai l’un de vous sous aucun prétexte. »
La messe était donc dite. Maintenant que j’avais dit surement ce qu’il y avait de plus important pour que chacun se sente sur le même pied d’égalité vis-à-vis des autres, je poursuivais les échanges, reprenant les idées des uns et des autres.
« Quoi qu’il en soit, je suis ravi de ces premiers échanges. Avec autant d’individualités fortes, d’aucun auraient pu penser que cette réunion tourne au fiasco. Pourtant, nous voilà ici, à échafauder nos premières actions. Bien, pour reprendre les paroles de Fuyumi, il est vrai que raser toutes les factions d’Ame serait contreproductif, cela inciterait chacun à lutter contre l’ennemi commun, à savoir nous. Il est donc important de se faire un nom, d’insuffler notre position en tant que leader dans la hiérarchie d’Ame et au final de laisser les affaires mineures à ceux qui gèrent déjà ce type d’affaire. Pour autant, il faut aussi que l’on se fasse connaitre rapidement et s’opposer au Soleil Noir serait une bonne entrée en matière, tout comme construire un renouveau sur les ruines que nous laisserons. Se servir des fondations est toujours utile. »
De nature calme, posée, j’avais tendance à garder une gestuelle économe lors de mes discours, croisant souvent les doigts devant moi, posant mes mains sur mes genoux ou sur la table afin de partager cette sérénité que j’éprouvais habituellement.
« Je partage également l’avis de Nozomi. Je ne voyais pas les choses sous cet angle, mais il est vrai que le Marché Noir pourrait apprécier une évolution au sein de l’administration d’Ame, une gouvernance qui accepterai plus aisément ses actions, même si je n’ai pas le sentiment que le changement de daimyo ait changé quoi que ce soit. Mais pour reprendre les paroles d’Amiko, ils sont ancrés et ont l’influence. Avant de prendre une décision finale les concernant, nous pouvons toujours évaluer le terrain et discuter avec les têtes pensantes. En faire des alliés de circonstance ou des vassaux sans qu’ils en aient conscience pourrait nous être favorable. »
Si les effluves du magasin d’apothicaire qui se situais sous nos pieds parfumait la maisonnée, le mélange d’odeur avait quelque chose de particulier à mes yeux, comme si ces fragrances faisaient remonter en moi quelques souvenirs lointains.
« Si notre projet est large et ambitieux, les biais pour y parvenir eux sont nombreux. Si nous voulons asseoir notre réussite, nous devons éviter de nous disperser aux quatre vents. Nous sommes relativement d’accord sur la marche à suivre. Il reste quelques divergences d’opinion sur certains sujets, comme la reconnaissance vis-à-vis des factions mais nos premières actions semblent claires. Le Soleil Noir me semble la meilleure voie pour la reconnaissance. Nous gagnerons à être davantage connu et reconnu à Ame, ce qui pourra plus facilement nous ouvrir les portes des pontes du Marché Noir. Autre point important, un lieu où nous retrouver. Ces lieux bien qu’agréables ne sont que temporaires. La dette qu’ils avaient envers moi est désormais payée, nous ne pourrons donc plus revenir ici. Avoir une sorte de quartier général où nous pourrions agir librement est nécessaire. De fait, Fuyumi, si tu nous parlais de ce groupuscule, de ce qu’il y a à savoir et des étapes à suivre pour leur éradication ? Et toi Ryukin, as-tu déjà visité ce temple ? Peux-tu nous en dire plus ? Sa configuration, son accessibilité, bref, ce qui ferait de ce lieu un QG des plus adaptés. »
Il était vrai, des propos d’Unagi, que malgré notre ignorance de tout à chacun, la confiance était de maître à cette table. Sans aucun doute, je parlais librement et le sentiment de jugement n’était pas présent ici. Alors même qu’aucun visage ne m’était familier, je ne me sentais pas étranger et quoiqu’Unagi nous indiquait que nous étions tous égaux, c’était son aura qui nous avait amenés jusqu’ici. Tous, autour de cette table, avaient confiance en lui et il en était le marteau, nous étions l’acier de la forge. Sakana était un projet respectant les libertés, les idées et la vision de l’avenir que chacun d’entre nous se faisait. Une paisible retraite pour la fin des temps telle que nous le connaissions pour certains, une vengeance personnelle pour d'autres et un sacre à créer pour moi.
Car mes objectifs étaient clairs pour mon être d’Asura. Je voulais m’élever en tant que démon, soustraire les vies qui m'avaient jugé et me jugeait pour qui j’étais. Les humains avaient cette fâcheuse tendance à mépriser ce qu’ils appelaient le mal, je m’étais pris pour mission de leur faire comprendre que ce mal était nécessaire à leur vie.
« Commençons alors par ce groupuscule, nommé le Soleil Noir. » « Fuyumi, c’est ça? Je me ferais un plaisir de défaire ces humains de la vie qu’ils leur restent. »
Le contract que j’avais passé avec le Dieu du Sud rentrait dans cette aide que je proposais à cette femme et puis malgré cela, quelque chose semblait m’attirer chez elle. Je n’avais pas encore mis le doigt dessus, mais un sentiment me disait que nous avions certains points communs.
« En entendant vos propos, il est vrai qu’il sera davantage bénéfique à notre organisation de se mêler à cet institut, qu’est le Marché Noir. Leurs façons de procéder semblent tentaculaires et malgré tout, leurs réseaux doivent s’étendre à bien plus de porte que nous pouvons l’imaginer. Un appui ou un soutien de leur part nous permettrait peut-être de s'officialiser dans les sphères des pays militarisés. Peut-être qu’à la suite de notre affrontement avec le Soleil Noir, un contract provenant de leur solde nous serait bénéfique. N’oublions pas que nous devons être bien vu pour ses forces nationales pour ne pas attirer l’attention… Je m’avance peut-être un peu trop… Les relations et les réseaux sont de loin le plus grand défaut que je possède… Même si je ne dirais pas non à une traque… »
Reprenant une tasse de thé que me servait la jeune humaine, je remarquais une aura particulière venant de du jeune compagnon de ce dénommé Fuyumi. Le Dieu de l’Ouest qui m’observait de tout instant, semblait particulièrement tourner vers elle depuis qu’elle était rentrée dans la pièce. Me demandant alors ce qui pouvait provoquer ce lien, je continuais mes paroles pour répondre à Unagi.
« Ce temple est actuellement ma demeure. Je l’utilise et le nettoie du temps passé. Il est d’ailleurs relativement mis à l’écart de la capitale, sûrement pour éviter toute curiosité venue de la ville. Je te l’ai proposé car il est vaste et il peut accueillir sans problème nous autres, mais je ne suis pas réfractaire à un autre lieu. Tout dépend de ce que nous cherchons et surtout de ce dont nous avons besoin. »
Ecoutant attentivement les avis et propositions de chacun, Fuyumi ne pouvait qu’approuver les paroles d’Unagi concernant la pertinence des interventions de chacun autour de cette table. Malgré son altruisme, la jeune femme ne s’attendait pas à ce que la bande de criminels qu’ils étaient fût capable d’un échange d’opinion si efficace. Cela semblait être d’ailleurs le mot-clé de cette réunion, où la seule passion qui animait les discours était celle de l’ambition. Fuyumi venait de recontrer Nozomi et Ryukin quelques instants auparavant et ils débataient déjà sur la prépation d’un plan de prise de contrôle de l’ensemble d’un pays sans avoir à subir les affres de passions indésirables.
Lorsque Ryukin eut finit sa phrase, la jeune femme se tourna tout d’abord vers lui.
— Je te remercie Ryukin, face au Soleil Noir, tu pourras te faire plaisir à foison.
Reprenant sa position habituelle, elle s’adressa ensuite à l’ensemble des participants.
— Concernant le Soleil Noir, je ne vous l’apprendrais probablement pas, mais il s’agit d’une organisation criminelle implantée dans la capitale depuis des années. Tout ce que j’en sais provient du temps où je les cotoyais il y a de cela douze ans. Ils possèdent un territoire étendu et diversifié, mais la plupart de leur membres ne sont que des sbires incapables de nous poser la moindre résistance. Pour cela, ils disposent d’une escouade nommée « La Nuit » composée de shinobis. Mon principal soucis est que tout ce que je viens de vous dire ne vaut pas grand-chose. Si je faisais face au Soleil Noir que j’ai connu, je m’y serais rendue seule, mais si nous souhaitons frapper la hiérarchie de cette ville en son cœur, nous ne pouvons dépendre d’aussi vieilles informations. Il nous faudrait donc mener une opération de renseignements sur le terrain. Activités, propriétés, ressources, dirigeants, et surtout, la puissance actuelle de leurs troupes, toutes ces informations nous permettront d’assurer une victoire totale et immédiate. Si nous prenons le risque de leur laisser une chance de réagir ou d’informer des organisations conccurentes de notre attaque, certains territoires risqueraient de nous échapper et le Soleil Noir risquerait de s’effrondrer avant qu’on ne leur mette la main dessus. Avec ces informations, il nous sera alors possible de lancer un assaut coordonné sur leurs dirigeants et les centres névralgiques de leur pouvoir dans cette ville. Avec suffisamment de violence, de précision et de persuasion, nous n’aurons aucun mal à faire accepter le changement de direction à ce qu’il restera.
Fuyumi se replaça alors confortablement sur son siège, jetant un regard à Amiko et Yuu. Elle n’ignorait pas tous les dangers qu’ils allaient devoir affronter et son cœur n’était pas léger. Loin d’entamer sa détermination, cela lui rappelait avant tout les raisons de cette lutte incessante.
La très discrète jeune fille qui accompagnait Fuyumi semblait être d’accord avec moi, alors c’était tant mieux ! Le sujet du marché noir n’était pas à prendre si à la légère que cela. D’autant que pourquoi en faire des ennemis, lorsque l’on peut les avoir comme alliés. Ils devaient tellement avoir l’habitude de voir passer des nouvelles forces révolutionnaires promettant monts et merveilles, qu’ils devaient avoir de sacrées bonnes blagues à ce propos depuis le temps. On n’était pas là pour réinventer tout, juste profiter et ce marché noir était très bien comme il l’était. Je validai d’un mouvement de tête lors du discours d’Unagi lorsque celui-ci déclara qu’il était le plus vieux. Oui, ça c’est clair ! Avec sa chevelure blanche et sa barbe grisonnante, faudra-t-il que je lui apporte le thé le soir ? Ouais non, faut peut-être pas exagérer non plus.
« C’est vrai que pour le moment, Il n’y a rien vraiment à trahir parce que l’on ne commence à peine à frayer dans les ruisseaux de cette ville. On ne s’est pas beaucoup mouillé ! Mais bon maintenant, il n’y a plus qu’à se jeter à l’eau hein !
Pour les suivants, il va falloir être drastique et méthodique. Un traitre est si vite arrivé, surtout dans notre style d’affaires. »
Je vérifiais sur mes doigts le nombre de blagues aquatiques que j’avais pu glisser, pas mal, mais je pouvais bien faire mieux quand même. J’avais envie que tout cela avance bien, naturellement, il le fallait. Que ce soit personnel ou pour le groupe, c’était important. On avait beau avoir de chouettes pouvoirs, lorsque l’homme au chapeau aura gagné, cela nous fera une belle jambe tiens ! Sauver le monde ? Très peu pour moi, je laisse cela aux guignols, la lumière, non plus. Moins on me connait, mieux ce sera. Le vieux était encore de mon avis ! Ben dis donc, c’était ma soirée hein ! Allez, je me recoiffe même un peu avec assurance mes cheveux roux. Le soleil noir, ça pète la classe, c’est un peu comme dire « nous, on est méchant ». Pas super discret, et puis bon, l’égo de ces types doit être plutôt grand que l’on pourrait tenter son ascension de la face nord ! J’avais hâte de les affronter, rien que pour voir leurs têtes déconfites à la victoire.
« Ouais, ben j’ai pas hâte que les pays militarisés nous connaissent. Qu’ils fassent mumuse entre eux si ça peut leur faire plaisir. Ils sont tellement stupides et lents à réagir … Les grands pays en ont toujours rien eu à foutre de Ame no Kuni, et surement du reste quand ça ne les concerne pas directement. Alors, je ne m’en fais pas trop, ça sera pareil encore ici. »
Expliquai-je alors de ma manière de voir. Depuis mon arrivée dans ce pays, c’était le cas, chacun chez soi et chacun sa merde. Cela avait beau faire de jolis discours de temps en temps, dans les faits, rien de notables ne changeait au pays de la pluie et ça arrangeait pas mal de personnes ici. Fallait bien l’avouer.
« Un temple, ce n’est pas trop connu comme lieu ? Enfin, je dis ça, mais il est peut être à l’abandon depuis longtemps, comme pas mal de trucs ici quoi. Faudrait un lieu discret, avec peut être une activité officielle, de quoi pouvoir cacher plusieurs activités incapable d’être détecter par des ninjas sensoriels de haut niveau. Qu’il puisse paraitre aussi banal et insipide que possible. »
Le Soleil Noir, une organisation criminelle à Ame no Kuni, cela démarrait comme une bonne blague. Presque jusqu’au Daimyo en date, tous les groupes ou presque pourraient commencer avec une telle définition. De la belle fange, on pataugeait en eau trouble depuis tellement longtemps, que l’on avait tous de prêt ou de loin les jambes marquées de cette crasse.
« Alors en ce qui concerne des informations dans ce type d’organisations, ça ne va pas être trop difficile. On peut chopper n’importe quel crétin de bas étage, j’apprendrais tout ce qu’il y a à savoir sur lui, et on peut remonter la chaine ainsi. Le plus amusant, c’est qu’il est même possible d’en faire des amis, il suffit juste qu’ils s’en souviennent que l’on les soit les meilleurs amis du monde, des amants ou leurs petites sœurs et frères. Le ou les dirigeants pourraient même subitement choisir de nous donner les rennes de l’organisation, car ils sont fatigués et ils veulent se reposer. Enfin, tout va dépendre de comment vous voulez agir. »
Unagi, avant de continuer sur le sujet qui avait rassemblé tout le monde, fit un petit aparté sur deux éléments importants à prendre en compte. La première, le vieillard ne se prenait pas pour le chef de quoi que ce soit et primait sur l’égalité de chacun. Cela convenait parfaitement à Amiko qui n’avait plus envie de vivre sous le joug d’une quelconque hiérarchie. Même si elle n’avait pas eu à trop se plaindre de sa vie à Iwa, Fuyumi lui avait fait goûter à la liberté, et on avait du mal à s’en séparer complètement.
La seconde était la confiance. Il fit comprendre à la rouquine et à chacun présent qu’il était hors de question de fouiller quiconque. Les épaules de la Sakki se défendirent alors, car elle ne se serait clairement pas laissé faire. La jeune femme ne s’épancha pas sur le sujet, car il était clair qu’elle arrivait difficilement à se sentir en sécurité en dehors de son amie et de quelques rares individus. Peut-être qu’elle apprendrait à leur accorder le peu de foi qu’elle avait en elle, mais il y avait encore du chemin.
Ame n’était pas vraiment le problème, il s’agissait surtout des groupuscules qui s’étaient implantés au plus profond de la chair de Murashigure. Cela allait être difficile, dangereux et risqué, mais si Sakana voulait se faire une place, elle allait devoir y aller corps et âme.
Unagi avait l’air de s’accorder avec les avis de chacun, c’était agréable de voir quelqu’un à l’écoute et prêt à suivre les conseils des autres. Cela donnait envie de lui faire confiance en tout cas.
Évaluer le terrain, s’informer, connaître son futur ennemi ou allié, c’était ce qu’il y avait de plus sage à faire dans un contexte comme celui-ci. D’autres points seraient à éclaircir, mais tant qu'on n'empiétait pas sur les projets d’Amiko, elle ne dirait rien et s’accorderait.
Concernant l’endroit où se retrouver, l’assimilatrice n’avait rien de plus à dire. Non par caprice ou par égoïsme, mais tant qu’elle aurait un endroit où elle pourrait se recueillir en toute intimité, elle se fichait du reste.
Ryukin fut le premier à prendre la parole par la suite, se proposant sans hésitation pour se lever contre le Soleil Noir. Cela faisait bien longtemps que ce nom avait résonné dans l’esprit d’Amiko qui lui rappelait des choses pas vraiment joyeuses.
Fuyumi ajouta de l’ancre au parchemin en expliquant ce qu’était vraiment le Soleil Noir, et son lien étroit avec eux, sans entrer dans les détails. Cependant, cela faisait bien trop longtemps que le duo avait fui Ame et les choses avaient certainement changé dans l’ombre.
Les pupilles d’Amiko se posèrent sur les rubis de Fuyumi, qui devaient sûrement s’en faire pour ses compagnons. Pour la rassurer, en quelque sorte, elle prit la parole, comme pour assurer de son désir d’aider dans cette sombre et dangereuse mission.
« Je ne suis pas à l’aise avec les échanges et le social. Mais j’aiderai Fuyumi dans sa quête coûte que coûte, j’ai aussi un compte à régler avec eux, indirectement... »
La prise de parole de cette Nozomi ne rassurait guère Amiko sur le potentiel qu’elle avait pour s'immiscer dans les individus. Elle exprima clairement qu’elle pourrait n’importe quoi avec n’importe quel simplet qui croisait son chemin. Lui faire changer d’avis, l’influencer sur ses propres souvenirs, ou ce qu’il ressent lorsqu’il est en sa présence. Cela fait vraiment froid dans le dos. La brune ne tenta pas de le montrer, mais en écoutant les paroles de la Yamanaka, elle se tendit.
Mais trêve de réflexion, le groupe avait beaucoup à faire. Le Soleil Noir n’était que le début d’une longue aventure. La question qu’Amiko se posait était : jusqu’où iraient-ils dans leur entreprise ?
Difficile de parler d’un groupe soudé alors que nous venions à peine de tous nous rencontrer pour la première fois et que nous ne nous connaissions pas réellement. J’avais réuni là une camarilla autour de mon projet, une coterie réunie dans un seul et unique but mais pour l’heure, a part des mots, rien n’était encore sorti. Il faudrait plus que des paroles pour souder ce groupe disparate et le Soleil Noir était le ciment qu’il fallait à notre noyau pour se consolider et dépasser le stade de la simple connaissance. Fort heureusement, l’arrivée dans le groupe de Fuyumi et Amiko nous offrait cette opportunité. Plus que cela, éradiquer le passé de celle qui avait jadis clamé mon aide était déjà avancer d’un grand pas dans la direction que j’avais initialement impulsée. Ne restait donc qu’à concrétiser ce qui pour l’heure n’était qu’une idée, un objectif encore vague.
Reculant ma chaise tout en me levant, je posais mes mains sur la table, le buste légèrement penché en avant, poursuivant nos échanges tout en prenant soins d’échanger un regard avec chacun.
« Eh bien, au moins nous sommes d’accord sur les premières choses à réaliser et je dois avouer que voir une certaine réflexion et une certaine unicité sortir de nos échanges me donne confiance en notre projet. Au fil des décennies, j’ai connu moults groupes et aucun d’eux ne s’est montré aussi déterminé. Pour autant, il nous reste beaucoup à faire. Fuyumi, Amiko, je vous laisser préparer la suite concernant le Soleil Noir, contactez-nous lorsque vous serez prêtes. Nozomi, charge à toi d’effacer la mémoire de nos hôtes et d’y ôter toute trace de notre passage et de nos échanges avec eux. Quant à nous Ryukin, si tu me montrais ce temple dont tu as la connaissance ? »
Décollant une main de la table, la paume ouverte vers le plafond, quatre oiseaux s’échappèrent de ma dextre pour atterrir devant chacun des membres du groupuscule nouvellement formé.
« Une adresse où nous retrouver le temps que l’on détermine un endroit d’où gérer nos affaires en toute discrétion. Je pars le premier, libre à vous d’occuper les lieux jusqu’à ce soir si nécessaire. Nous nous revoyons donc bientôt. Ryukin, je te retrouve ce soir chez moi. »
Sans plus de cérémonie, mon corps disparaissait dans un nuage de pétales de fleurs de cerisiers faites de papier se déplaçant à travers la pièce, passant la fenêtre pour quitter les lieux avant de venir se reformer au sommet de cette immense bâtisse. Debout, sur le haut de la coupe, j’observais Ame d’un air satisfait.
« Ça commence … »
Spoiler:
Fin officielle de la rencontre. Répondra qui veut, Unagi ne sera plus là.
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