Satisfaite d'avoir reçu une réponse positive à sa missive, la vampire aux cheveux rosés qui marchait de nouveau correctement avec sa prothèse grâce aux exercices de Yoshiko et de l'accompagnement enjoué de Meisho se présenta comme proposé par le Porte-Parole de l'Empire aux portes de Palais le lendemain à une heure un peu avancée de la matinée afin d'être convenable.

Bien habillée, elle avait prit soin de mettre sa robe rouge à fleurs orangées qui la rendait particulièrement présentable pour ce genre de cérémonie et qui avançait son côté d'informatrice plus que celui de la mercenaire sanguinaire qu'elle pouvait également être. La diplomatie était de mise si elle escomptait obtenir une juste rétribution pour ses actes jusqu'alors restés sans récompenses au vu de l'absence de Seiun, l'ancienne Porte-Parole de l'Empire.

L'ayant juste aperçue lors de son passage chez la Marchande Shinobi sans avoir pu échanger avec elle et ainsi récupérer les informations souhaitées, il ne lui restait plus qu'à venir quémander un autre type de paiement pour ses services. Que ce soit les multiples enseignements qu'elle avait délivré ou sa participation à l'affrontement face au samouraï mort-vivant qui avait fait rage dans les ruines de Shîto, la combattante aux yeux de sang avait besoin d'au moins un petit geste de la part de l'Empire pour ce temps passé cloîtrée ici suite à l'aide qu'elle avait procuré à l'Empire.

Se présentant aux gardes, elle salua ces derniers respectueusement, montrant une assurance dans ses mouvements. Elle savait comment se conduire face à des cercles nobles, comment s'attirer leurs bonnes graces, ne restait qu'à espérer que les attentes de ce Shinrin n'étaient pas totalement différentes de celles de Kaze ou encore de celles de Yahiko qu'elle avait également rencontré ici-même. Les souvenirs de sa discussion avec Kisara quant aux impairs à éviter bien en tête, elle s'avança suite à la permission du duo qui surveillait l'entrée principale par laquelle tout invité ou tout quêteur d'audience devait passer.

S'avançant au milieu du passage, dans une démarche qui se voulait ni trop lente ni trop rapide pour que ni l'empressement ni le pavanage ne s'y lisent, Katsuko suivit le tracé qu'on lui avait indiqué. Lorsqu'elle arriva face à la porte de la salle d'audience, elle attendit à nouveau que les gardes lui fassent signe d'entrer et que les portes s'ouvrent avant de pénétrer la pièce et de s'avancer jusqu'à une distance raisonnable du Porte-Parole.

Une révérence parfaitement maîtrisée, que ce soit dans l'inclinaison, la tenue de la ligne de son corps ou celle de ses bras, le temps de pause avant de revenir à une posture plus naturelle, tout montrait l'éducation de la Chinoike dans la matière des interactions courtoises du monde des artistocrates. Une fois son salut fait, gardant la tête haute, elle prit la parole pour se présenter solenellement.

« Ohayo gozaimasu, Shinrin-sama. Je suis Chinoike Katsuko, et comme mentionné dans ma lettre, je viens à votre rencontre pour parler de l'accord que j'avais pu passer avec l'Empereur Shinrin Hanzo-sama. »

Faisant une pause pour laisser le temps à son comparse de discussion de réagir et pour essayer de percer ses émotions à la mention de ce nom, l'informatrice qui se montrait aussi sérieuse que possible pour l'heure décida d'enchaîner, essayant de trouver les mots justes pour présenter sa requête de la manière la plus claire qu'il soit sans pour autant passer pour une mendiante.

« Suite à mon arrivée au sein d'Urahi après une enquête sur la mort de la journaliste Ohana en compagnie d'une de vos soldats, j'ai proposé mes services en tant qu'enseignante puis est survenu le monstre qui a tenté de saccager les ruines de Shîto. J'ai aidé à vaincre cette créature mort-vivante mais j'y ai cependant laissé ma jambe gauche comme vous pouvez le constater. J'ai alors profité de mon temps d'attente pour continuer mes enseignements, mais le paiement qui m'avait été promis, des informations de première main quant à ce qu'il a pu se passer au Sommet par votre prédécesseure, n'est jamais arrivé. Or, je me dois de partir dès que ma rééducatrice me le permettra, aussi je suis venue quérir votre solicitude pour obtenir un paiement alternatif pour l'aide que j'ai apporté pendant mon séjour. Votre prix sera le mien puisque le contrat initial ne peut malheureusement être respecté et je me soumettrais à votre jugement. »

Faisant une nouvelle révérence pour appuyer son propos et pour essayer de souligner le piédestal sur lequel Yoshio était actuelement, possédant pour l'heure tout pouvoirs sur l'Empire et ses sujets au vu de l'état de l'Empereur, la vampire aux yeux sanguins attendit le verdict du Porte-Parole espérant qu'il saurait se montrer généreux avec une mercenaire venue pour aider. D'un mouvement discret de la jambe, elle avait, lors de sa mention de celle-ci dans son plaidoyé, dévoilé en partie sa prothèse, légèrement camouflée par la robe si l'on n'y prêtait guère attention, le tout pour prouver sa bonne foi.

Prête à entendre une éventuelle requête supplémentaire de l'homme pour trancher sa décision quant à sa demande, la jeune femme demeurait droite, attentive et à l'écoute du Shinrin.

Spoiler:

La réponse de Yoshio lui donna l'envie soudaine de l'étriper sur le champ, mais fidèle à elle-même, la vampire n'allait pas l'avouer et risquer de perdre une récompense digne de ce nom. Une place dans leur Empire ? Quelle connerie. Il la prenait pour une débile ? Prenant alors un air attristé, la demoiselle aux yeux rougeoyants baissa le regard vers sa prothèse. Elle n'appréciait pas qu'il tente de simplement gagner plus encore qu'ils n'avaient déjà eu de sa part. Voilà qu'il espérait qu'elle devienne une de ses sbires. Ou alors était-ce seulement un moyen pour lui de lui faire dire non, de faire comme s'il avait tenté d'accéder à sa requête.

« Votre proposition m'honore tout autant, mais je crains qu'elle ne me convienne point. Je ne suis pas quelqu'un qui correspond à ce genre de vie, liée à une nation, à devoir suivre les règles et les ambitions d'autres. Mon autonomie m'est bien trop vitale. Vous pourrez me compter comme une alliée et faire appel à mes services pour vous aider, mais le tabard est un poids bien trop lourd à porter. Quant à ma jambe, certes de l'or ne me permettra pas de la remplacer, mais cela me permettra d'entretenir ceci. Vous en conviendrez, un morceau de bois et de métal est moins pérenne qu'un membre réel, aussi je devrais sans doute débourser de belles sommes le jour où il m'arrivera un problème. Qui plus est, outre ce triste inconvénient, j'en ai malheureusement grand besoin pour ma quête personnelle. Les fonds qui sont en ma possession sont bien loin d'être suffisants, et vous m'aideriez grandement à accepter de me rembourser ainsi, même si, je le conviens, cela reste bien prosaïque et je suis peinée de devoir ainsi vous supplier de m'aider. Mais j'en suis certaine, un homme tel que vous ne saurait me laisser dans la détresse, n'est-ce pas ? »

Retrouvant un sourire qui se voulait aussi bienveillant que possible, la jeune femme aux cheveux rosés fit une nouvelle courbette pour appuyer sa demande. Elle voulait de l'argent, est-ce que ce rapiat allait réussir à lâcher quelques ryôs, ou était-ce inimaginable pour cet homme vénal ? À vrai dire, en le regardant, elle se demandait s'il n'était pas une sorte de fils caché de l'ancien Daimyo d'Ame. Avec un talent pour manier les mots bien plus grand cela dit. Il fallait le lui reconnaître, il était sacrément doué pour éviter le sujet de l'argent, pour ne pas juste cracher ce qu'elle était venu quérir.

Oserait-il lui refuser une récompense alors qu'elle se plaçait ainsi en femme fragile devant quelques témoins qui, s'ils semblaient tous bien soumis, n'en demeuraient pas moins des oreilles attentives ? Elle espérait bien que non, mais qui sait, ce n'était peut-être que le début de ce duel.

Bon, au moins, il savait qu'elle ne le supplierait pas réellement. S'il refusait de la payer avec des pièces sonnantes, elle partirait. Elle ne voulait pas forcer sa chance et elle se refuserait de toute façon à s'abaisser plus qu'elle ne le faisait en cet instant. Le jeune Shinrin semblait vouloir insister. C'était peu surprenant. Katsuko était suffisamment confiante en ses propres capacités pour se savoir au dessus de bon nombres de combattants bien que ce ne soit pas son domaine de capacités principal. Alors il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'un dirigeant souhaite l'avoir dans son armée. Mais jamais, ô grand jamais, la vampire ne troquerait sa liberté pour les chaines d'une nation qui lui donnerait ordres et limites dans ses déplacements.

Ce qu'il soulignait n'était pas faux. Il ignorait beaucoup de choses sur elle et elle avait risqué beaucoup pour les défendre. Se questionner sur ses motivations était plutôt légitime. La question l'amusait même, et distillait progressivement l'énervement qu'elle avait pu ressentir dans un premier temps. Sa rancoeur envers le trio Shinrin qu'elle avait affronté au pont ne devait pas obscurcir son jugement, elle ne devait pas l'affecter, sans quoi elle le regretterait.

« De discrétion ? Je dirais simplement que je n'en parle pas puisque personne ne m'a posé la question jusque là. »

Affichant un sourire qui ne cherchait pas à cacher une certaine malice, la jeune femme reprit après un instant de silence.

« Mais puisque vous êtes curieux, je peux vous donner quelques réponses. Je veux en apprendre plus sur ceux que je pense être mes ancêtres, les Shimazu, et sur leurs capacités pour pouvoir transcender la mienne. Pour devenir meilleure. Je veux aussi découvrir pourquoi je me sens désormais si maladroite avec un katana depuis que j'ai obtenu mes nouvelles griffes comme si... Comme si elles avaient activé quelque chose en moi. Et ces envies me mènent loin d'ici. »

Joignant ses mains dans son dos, elle pencha légèrement la tête sur le côté.

« Vous accepteriez qu'à peine après avoir accepté de vous rejoindre, je parte pendant des mois pour m'occuper de mes envies personnelles, avec le salaire militaire, que je ne sois pas présente dans le pays ? Si je suis une mercenaire, c'est une chose, mais si je suis une soldate à votre solde, c'en est une autre. Je ne saurai m'offrir un passe-droit si je faisais parti d'un tout plus grand. Je ne saurai être traitée différemment de mes camarades. Mais si je suis différente, si je suis libre, alors je fais ce que je veux quand je veux. J'aide ceux que je peux parce que cela me semble juste. Cela me semble bien. J'ai beaucoup souffert, donc quand je peux éviter cela à d'autres, je fais de mon mieux pour les soutenir. Pour autant, mes risques sont calculés. J'ai confiance en mes capacités et je sais dans quoi je me jette. »

Se redressant légèrement, elle ramena ses mains en avant pour les joindre à nouveau à hauteur de son ventre, doigts mêlés après avoir replacé une mèche qui avait mollement chuté devant ses yeux.

« Je suis aussi une nomade, et j'ai une famille qui se trouve actuellement à Iwa. Je me verrai mal leur demander une nouvelle fois de bouger après les avoir fait déménagé il y a tout juste quelques mois. J'ai des contacts là-bas, mais aussi à Kiri. J'aime ma liberté plus que tout. Si jamais j'accepte votre offre, que l'Empire souhaite s'étendre à nouveau, devrais-je faire un choix ? Devrai-je tuer ceux qui ont accueilli ma mère et mon frère ? Je ne m'en sens pas la force ni l'envie. C'est pour ces raisons que je ne me vois pas accepter votre proposition bien qu'elle me touche. Je suis sincèrement honorée de savoir que vous souhaiteriez me voir parmi vos rangs. Je n'imagine pas que vous puissiez faire toutes ces concessions à une simple mercenaire comme moi. Me laisser libre d'aller où je veux quand je veux, me laisser la possibilité de ne pas prendre part à un conflit avec une autre nation, ce sont fondamentalement des requêtes impossibles pour un état, sinon, à quoi bon être sous la même bannière, n'est-ce pas ? »

Terminant son explication, la Chinoike attendait maintenant de voir quelle serait la réaction de Yoshio. Accepterait-il sa défaite, ou cèderait-il aux limites qui auraient pu faire que la jeune femme accepte de rejoindre l'Empire ?