Un Yasei, vraiment ?

Si cela apportait beaucoup de réponses et de solutions à ses récents problèmes de somnambulisme et tout ce qui y était lié, cette révélation apportait un lot plus grand encore de questions.

Même si ce n'était pas impossible... c'était étrange. Cela voulait dire que depuis sa naissance, ces gènes étaient présents dans l'ADN de Sharrkan. Et depuis toutes ces années, ils ne s'étaient jamais manifestés. Ils avaient été cachés, enfouis, peut-être même inhibés inconsciemment. Tout ça pour se réveiller d'un coup, de façon aussi imprévisible qu'explosive ? Et pourquoi maintenant ?

Mais pas impossible. L'argenté se rappelait de sa conversation avec Ôji, lorsqu'il se trouvait encore dans le désert. Les deux enfants du sable avaient parlé de tout, de rien, mais surtout de l'histoire et de la politique de Kaze. Et des Yasei, bien sûr ; car avant de partir pour la Brume, le clan avait été un des piliers du Pays du Vent.

Et à ce moment-là, Sharrkan n'avait aucune idée de ses éventuels liens avec les métamorphes. Mais en tout cas, que ce soit une génétique endormie ou autre chose, il y avait bien quelque chose qui clochait chez l'argenté ; et dans le fond, il espérait réellement avoir des gènes animales, plutôt que d'être possédé ou une autre forme de problèmes mystiques.

Ses recherches à la Bibliothèque de Kumo s'étaient révélées peu concluantes pour l'aider sur son cas, malgré les heures passées. Il avait certes trouvé un bon paquet d'informations sur ce clan, mais il n'avait pas retrouvé de témoignages ou de d'études concrètes sur l'apparition soudaine de ces caractéristiques animales. La plupart des membres de ce clan les manifestaient très jeunes et apprenaient à maîtriser leurs capacités avec leurs semblables.

Et ici, Sharrkan ne connaissait personne capable de le renseigner. Après tout, ce n'était pas non plus quelque chose qu'il désirait crier sur tous les toits. Tant qu'il n'en connaitrait pas la nature avec une totale certitude, l'argenté garderait le secret. Mais il apprendrait à gérer ce côté sauvage qui sommeillait en lui ; seul, s'il le fallait.

Cependant... une autre question subsistait. S'il possédait réellement ces gènes, d'où venaient-ils ? A sa connaissance, le manieur de chaleur n'avait aucun parent, éloigné ou non, avec de telles capacités. Pourtant, elles devaient bien venir de quelque part... Une solution assez logique s'imposa dans son esprit, mais il refusait de l'envisager. Il ne pouvait pas imaginer que son père, celui qui l'avait élevé, ne soit pas son géniteur.

Après l'humour, la fuite était le moyen privilégié par Sharrkan pour se sortir d'une situation désagréable ; qu'elle soit physique ou psychologique. Comme quoi, fuir son héritage pendant toutes ces années et les conséquences que cela entraînait n'avait pas été une leçon suffisante pour l'argenté. Pourtant... malgré ses efforts pour ne pas y penser, le Kazejin ne réussissait pas à s'enlever cet horrible doute de la tête. Est-ce qu'il était vraiment préférable de vivre dans le doute que de connaître une vérité possiblement décevante ?

Il n'y avait qu'une solution pour savoir le fin mot de cette histoire, Sharrkan le savait. Il avait juste du mal à rassembler le courage nécessaire pour envoyer une lettre à sa mère. Mais il le fallait ; après quelques jours d'hésitation, le guerrier d'argent se décida enfin. Légèrement fébrile, il se saisit d'une plume et d'encre, puis coucha les premiers mots sur le papier.

Il écrivit longtemps, sur des sujets habituels comme sa récente installation à Kumo ; bien trop longtemps pour que ce soit naturel d'ailleurs. Et quand il fut à court d'inspiration, c'est à ce moment-là qu'il posa la question fatidique : avait-il des ancêtres capable de se changer en forme animale ?

Les jours entre l'envoi de la missive et la réception de la réponse parurent interminables. Et lorsque, quelques semaines plus tard, il reçut la lettre tant attendue...