Quelque peu bousculée, la blonde était resté légèrement en retrait ces derniers temps. Si elle avait tenu à garder fière allure devant l'ombre de la brume ainsi que ses désormais camarades d'unité, la nouvelle recrue du Kyoi avait besoin d'un certain temps pour récupérer et accepter ces changements bouleversants.

Néanmoins, bien que désormais sans visage, elle n'était point sans estomac, du moins pour le moment. Qui sait quels secrets le village caché pouvait encore conserver ?

Elle choisit donc un moment habituel pour enfin décider à mettre le nez dehors. Il fallait bien s'alimenter, et se fournir en produits d'hygiène et d’entretien. Ces petites périodes casanières ne donnait pas le loisir à la demoiselle de se laisser aller, il en demeurait de sa propre intégrité. Elle ne saurait apparaître sous un mauvais jour aux yeux de qui que ce soit, y compris les siens.

Claquant avec fermeté la porte de sa maisonnette, Atsumi la verrouilla d'un simple tour et s'engouffra dans les rues calmes et fraîches de la Brume. Dépeuplées et paisibles, les avenues lui laissait le loisir d'évoluer à sa convenance : En silence et à l'abri des regards, du moins de la plupart. Marquant d'un pas presque inaudible son avancée, la nouvelle sans-visage se dirigeait vers une boutique de proximité ouverte 24h/24. Elle y trouvait toujours ce qu'elle désiait, et le personnel y était toujours aimable. Que demander de plus ?

Seulement, sa soirée à priori sans vagues semblait prendre la forme d'une intrigante sauterie. Sous forme d'un projectile sifflant venant se planter à ses pieds, on l'invita à se rendre à une adresse pas trop mal fréquentée. L'Hayame n'était pas du genre à se traîner à la première taverne venue. Cependant, elle s'interrogeait d'avantage sur l'identité et la nature de ce rendez-vous. Nombre de personnes lui avait proposé par le passé de passer un moment privilégié en tête à tête, offre qu'elle avait toujours décliné avec la plus grande tendresse, mais les choses semblaient un peu différentes. En tout cas, si on tentait de la séduire par ce biais, il fallait avouer que sa curiosité était piquée.

Hésitant un instant, la blonde tourna le papier plusieurs fois dans sa main avant de se décider à emboîter le pas en direction de ce fameux bar. Sur place, elle trouva une agitation que l'on ne pouvait qu'attendre de la part d'un endroit pareil. Musiques joviales et bon vivant se mêlaient à des breuvages plus ou moins chargés. Elle repéra d'un regard avisé les personnes seules dans l'établissement, mais seul un jeune garçon semblait attendre quelqu'un.

S'approchant doucement, elle dévisagea l'homme qui était assis là. Il ne lui évoquait personne. Elle avait donc perdu son temps pour un admirateur qui avait souhaité faire son intéressant ? La demoiselle se sentait presque insultée ...

S’avançant vers la table, elle posa avec délicatesse le kunaï à coté de son présumé interlocuteur. "C'est à vous ? Il semblerait que vous l'avez égaré." dit-elle d'un air malicieux.

Passant du bon temps, la blonde ne cherchait pas plus à savoir où tout cela allait l'emmener. Elle n'était pas grosse buveuse, elle se contenta donc de terminer son verre de bière petit à petit et se montra attentive à ce que le jeune homme avait bien à lui dire, répondant avec politesse et pudeur aux éventuelles questions qui lui était posées.

Les choses devinrent en réalité bien plus intéressantes quand, dans un minuscule mouvement de tête qui ne pouvait passer inaperçu à la sans visage (et qui n'avait sans doute pas vocation à être particulièrement caché à la blonde) le garçon prononça quelques mots qui, avec légèreté, donnèrent quelques indices sur la véritable nature de son invitation en ce lieu. Ne sachant toutefois pas si ses doutes étaient fondés, elle continua de jouer la légèreté

« C'est une bonne idée, je me languis de découvrir votre part d'ombre ... » dit-elle, en se levant avec souplesse. Si les intentions de l'inconnu étaient à des kilomètres de ce qu'elle imaginait, elle pourrait toujours rebrousser chemin et rentrer chez elle.

Passant à côté du barman vêtu de blanc avec des chaussures rouges, ils se dirigèrent vers une pièce somme toute très banale, assez dépouillée. La kunoichi sentit l’atmosphère se modifier assez brutalement. A quoi jouait-il ? Ils n'allait pas … ici ? Elle n'en avait ni l'envie ni le besoin, surtout dans un taudis pareil.

« Je risque de bouger très vite et même très violemment si vous ne vous éloignez pas de moi. Je ne sais pas quels signaux vous avez mal perçu mais il est évident que vous vous trompez. » dit-elle, prudente.

Alors tout ce cirque était vraiment un simple flirt ? Cette hypothèse flotta dans sa tête jusqu'à ce que les deux héro de shojo basculèrent dans un tout autre environnement. Bouche-bée pendant un moment, la demoiselle regarda calmement tout autour d'elle. Elle en était sure, elle était ici ce soir présente en tant que sans-visage, et non La jonin Hayame.

Le garçon qui l'avait amenée ici n'était d'ailleurs personne d'autre que Kaguya Shitekka, avec qui elle avait eu le loisir de réaliser une mission.

« Non je … comprends, après tout il faut rester discret, c'est notre tâche principale ... Navrée pour les menaces par ailleurs.» dit-elle, bien qu'un peu gênée et accueillant cette distance démesurée avec plaisir.

Les désormais collègues du Kyoi s'engouffrèrent dans ce qui était aux yeux d'Atsumi un énorme labyrinthe. Elle se laissa donc pleinement guider par le Kaguya, découvrant avec stupeur une partie de l'énorme réseau de galeries qui s'étendait sous Kiri. S'établissant dans un bureau, la blonde perdit son regard pendant de longues secondes sur l'imposante bibliothèque. Était-elle libre de consultation ? Renfermait-elle des données sensibles ? Probablement. Sinon comment expliquer sa présence ?

Le jonin se lança dans quelques explications, lui demandant ouvertement quelles étaient ses spécialités. La demoiselle n'hésita pas très longtemps.

« J'ai pour habitude d'être dépêchée sur des missions d'espionnage ou d'infiltration. Il est évident que mes compétences peuvent s'avérer utiles pour les autres spécialités, mais la majorité de mes repères et connaissances s'orientent vers celles là. »

Ainsi, chaque agent se voyait réparti et classé en fonctions de 2 des 8 spécialités. Simple mais efficace, à l'image du Nanadaime.

Énormément de questions se bousculaient dans sa tête, difficile de savoir par où commencer. Elle commença simplement donc par lui retourner la précédente.

« Et toi ? Qu'à tu choisi ? Est-ce que les spécialités définissent strictement les missions qui nous seront attribuées ou est-ce qu'il ne s'agit que d'une tendance ? »

Elle comprenait. Simple tendance permettant à chacun d'opérer dans un domaine qui garantissait presque sa réussite à tous les coups, les spécialités ne représentaient néanmoins pas d'obstacle à la pratique d'opérations un peu plus différentes. Après tout, il allait de soi que chaque membre recruté était compétent, même inéquitablement, dans chacun des domaines cités par le Kaguya. Elle ne manqua cependant pas d'arquer légèrement un sourcil face à la volonté de ce dernier de ne pas révéler le reste de ses spécialités choisies. Simple pudeur, honte ? Quoi qu'il en était, la blonde n'arrivait pas à motiver cette volonté. Était-ce une pratique courante chez les sans-visages ? Elle s'imaginait d'avantage une grande famille qu'un réseau de personnes ayant trop de secrets les uns pour les autres, peut-être avait-elle tord …

Détournant volontairement ou non son attention de cette curiosité, son partenaire lui fit un signe de main qui ne représentait pas grand chose pour elle. Intriguée, Atsumi essaya tant bien que mal d'y trouver une quelconque signification, mais n'y parvint pas réellement. Sans le savoir, elle venait d'être initiée au langage secret des Sans-visages, dont une brève introduction se manifesta depuis l’intérieur de la paume de Shitekka, sous forme d'un petit bout de papier.

Perplexe, l'espionne s'en saisit et en déchiffra le contenu. Dans le silence, elle effectua chacun des signes qui s'y trouvaient, avec plus ou moins d'habileté. Les plus courants semblaient être brefs et facile à restituer, ce qui rassura la blonde qui s’empreignait au possible des éléments de langage les plus rudimentaires. S'adressant à son coéquipier, elle tenta d'effectuer le plus précisément et discrètement possible des signaux simples : Bonjour, Rien à signaler, Danger. Le dernier reposait d'avantage sur l'aura que la gestuelle, ce qui ne lui posait pas tellement de soucis. Observant également les gestes qu'adressa Shitekka à des Sans-visages de passage à côté d'eux, elle constata avec curiosité une certaine expression d'irritation chez lui. Du ressentiment ? De la lassitude ? Elle devait bien admettre qu'elle n'imaginait pas ces sentiments avoir leur place dans une telle organisation. Il lui restait beaucoup à apprendre. Pour le moment, elle stoppa ses exercices pour répondre à la question qui lui était posée, rangeant ce morceau de papier dans une de ses très nombreuses poches, là où elle était sure que personne ne pouvait mettre la main dessus.

« En effet, disons que si Nanadaime-sama a jugé que mes talents étaient suffisants pour vous rejoindre, c'est que je ne suis pas en reste en matière de sensorialité. » dit-elle en restant volontairement vague, une façon de faire comprendre au Kaguya qu'elle n'avait pas tellement apprécié sa façon de refuser d'en partager d'avantage sur ses spécialités, alors qu'elle finirait évidemment par en savoir plus, de sa part ou non. Il était clair que l'utilisatrice de l'acide n'était prête à ne rien partager de plus que ce qu'elle recevait.

A vrai dire, elle n'aimait pas ce statut de « nouvelle arrivante ». Elle avait toujours tendance à se faire agressivement une place afin que l'on comprenne qu'elle n'aimait pas, comme beaucoup, se faire marcher dessus. Cette petite pique à l'égard de son camarade envoyait un signal clair.

Il est vrai, la demoiselle se sentit un peu bête lorsque son camarade du Kyoi justifia sa question d'une façon à laquelle elle ne s'attendait pas. Restée seule un petit moment, le Kaguya fit son retour armé d'un parchemin qu'il ne tarda pas de dérouler devant une Atsumi pour le moins curieuse.

Lui présentant un dispositif tout à fait inédit à ses yeux, il fit mention de « passer à la vitesse supérieure. » Au fur et à mesure qu'elle décryptait chaque schéma, explications, dispositifs, la demoiselle commença à assimiler et surtout comprendre l'immensité de l'innovation qu'elle avait sous les yeux. Passant ses doigts sur des phrases qui l'interpellaient plus que les autres, Atsumi se perdit dans la contemplation du contenu de ce parchemin, oubliant presque son camarade. Il s'agissait là d'un système assez simple dans son application, mais difficile à dire si il était à la portée de tout le monde. Peut-être que oui pour les messages les moins complexes ?

« C'est incroyable. Je crois que la mention d'utile est un euphémisme. Le domaine d'application est quasiment infini, les possibilités qui découlent de la mise en place d'un tel système à grande échelle … Ça s’apparenterait à une révolution pour bien des domaines. »

Elle ne pensait rien apprendre au créateur de ce langage, mais elle se devait de lui faire ces compliments. Il s'agissait là d'une création digne du Kyoi.

Ne pouvant attendre, la demoiselle chercha des messages très rudimentaires à transmettre. Se décidant pour un simple « Besoin d'aide. » elle se concentra pendant de longues minutes afin d'altérer sa signature de chakra dans un premier temps, puis dans un deuxième temps de former un message via cette altération. Elle était habituée à dissimuler, décupler voir métamorphoser son aura, mais tout cela paraissait presque brouillon par rapport à la minutie et la précision que demandait ce langage.

Envoyant le signal d'une façon qu'elle jugeait plutôt compréhensible, Atsumi regarda d'un air interrogateur son coéquipier pour savoir si il avait réussi à la percevoir, et surtout à la décrypter.

« Comme tu dis, ça fait un peu beaucoup en ajoutant le nouveau langage du Kyoi, mais je suis persuadée que le temps passé à assimiler tout ça ne sera pas du temps perdu. Tu as tous mes compliments et mon aval, je suis prête à travailler dessus de manière approfondie et à t'aider à perfectionner le tout. »

La demoiselle écouta avec toute l'attention qu'il fallait les précieux conseils de son aîné du Kyoi qui disposait déjà de quelques outils pour optimiser l'apprentissage de son dispositif. Elle était néanmoins satisfaite de ce qu'elle avait pu produire dans un premier temps. Il fallait effectivement un certain temps pour s'imprégner de cette nouvelle technique, et la montagne de nouveautés qui s'écroulaient sur elle au même moment ne facilitait pas les choses.

Son interlocuteur avait pris le temps de faire les choses correctement, ne l'envahissant pas brutalement sans trop la ménager d'informations. Elle seule savait ce qu'il y avait de plus optimal à son apprentissage, et elle savait déjà qu'elle allait passer un certain temps dans ces galeries pour s'imprégner un maximum des lieux, et il fallait être honnête : les fameux secrets que renfermait la grande bibliothèque du Kyoi promettaient de longues nuits de lecture au calme. Elle freinerait un peu les missions pour les jours à venir, Atsumi se doit d'être opérationnelle rapidement et elle comptait bien faire en sorte de l'être.

Quant à Shitekka, elle se devait d'admettre que sa présence était agréable. Elle appréciait grandement son calme et sa réserve, traits qu'elle partageait, et était honorée d'avoir pu être initiée au langage de chakra issu de sa création. Elle y voyait là les bases d'une solide relation de confiance qui ne demandait qu'à se développer. A suivre donc.

« Entendu, je m'y plongerais avec soin. Tu risques de me voir dans les parages assez souvent pour les jours à venir. Si tu me cherches, tu n'auras qu'à venir me trouver ici. » dit-elle, en passant doucement ses doigts sur la reliure poreuse d'un ouvrage visiblement assez récent. Un parchemin y était attaché.

« As-tu une idée de la portée de cette technique ? A part ça, je ne dirais pas que je manque de questions, mais je suis simplement incapable d'en formuler une sur le moment. Je pense que j'ai besoin d'un peu de temps pour assimiler tout ce que j'ai pu voir ce soir. Si tu n'as pas d'autres pièces à me faire découvrir pour le moment, j'aimerais rentrer. Comme tu le sais surement, j'habite le quartier près du port, au niveau du grand restaurant de fruits de mer. Y-a-t-il un conduit proche que je pourrais emprunter pour aller et venir de chez moi ? J'espère que celui du bar n'était pas le plus proche … » dit-elle avec un petit sourire narquois, presque trop heureuse de rappeler ce moment de gêne au Kaguya.

Sous ses indications, la demoiselle entama le chemin du retour perdue dans ses pensées. Aucune surprise donc lorsqu'elle tomba instantanément dans les bras de Morphée lorsqu'elle arriva dans son lit.