Depuis ce phénomène mystérieux qui avait ébranlé le monde, plus rien ne semblait enclins à céder à la tranquillité et la paix, à ces petits bouts de voyages paisibles en des hameaux encore préservés de toute guerre et de fléaux. Non, il n’en existait plus vraiment, ou plutôt d’apparence seulement à en croire les séquelles culturelles et psychologiques qui en découlaient chaque jours. Ce nouveau périple n’en était d’ailleurs qu’une nouvelle incarnation après son retour à Kaze, révoqué sur la missive encore mystérieuse de l’ordre cardinal installé à Hayashi. Pas de précisions détaillés ni d’explications à rallonges, mais uniquement la nécessité pour nombre de gardiens de retourner à Hayashi l’espace de quelques semaines.

Pas seul d’ailleurs si l’on se référait au spectacle défilant sous les yeux flamboyant du fier Henmao, dont le torse robuste tanguait de droite à gauche sous les pas de sa monture. En effet, bien que peu d’entre eux lui soient familier, d’autres personnes composaient ce mystérieux groupe destinés entièrement ou partiellement à traverser la frontière de Kaze en direction d’Hayashi, le tout dans un décors à moitié noyé entre la poussière soulevé par leurs passages et les reflets ondulant du soleil peu à peu plus clément. Le nombre et la mixité relative impliquait au moins que cette affaire ne soit pas seulement l’apanage d’une simple broutille mais sûrement d’une complexité presque ennuyante …

Ses autres projets et recherches allaient devoir attendre un peu … Ce en échange d’une route interminable qui fut plongé un long moment dans une dorure friable infinie. Au moins avait-il eu le luxe d’adoucir le supplice de cette chaleur infernale par le parfum enivrant qui émanait d’une présence féminine juste derrière lui, singulière connaissance issue d’une rencontre précédente pour le moins excentrique. Tout deux paraissaient être de parfait soutiens dans leurs capacités respectives pour mener au bout les plus faibles d’entre eux, notamment parmi les marchands les plus âgés. Même si aucune familiarité n’existait vraiment entre eux, sa description s’était ancré comme celle d’une guérisseuse au fond de son esprit, rôle extrêmement pratique ce genre de situations.

Doucement, doucement …

Malgré la monotonie de leur épopée, Gyuren fut un instant tiré de ses réflexions contemplatives par la brève réaction de sa monture face à une fausse manœuvre voisine. Ainsi, dans un élan de réflexe spontané, ce dernier le stabilisa tout en portant une poigne ferme et attentionné envers le bras de la femme installé derrière lui, s’assurant d’une brève interrogation qu’elle ne vacille pas ni ne tombe. A priori celle-ci avait peu d’expérience au niveau des montures, d’où sa présence à ses côtés … Mais outre cela, l’irruption insoupçonné permit au vagabond de lancer un nouveau regard sur leur environnement qui avait radicalement changé depuis leur départ.

Bientôt … Ils n’en auraient plus pour longtemps.

Spoiler:

Les steppes ensablées du pays du vent dominaient, comme à leur habitude, l'horizon âcre de Kaze. L'œil du voyageur lambda ne verrait qu'une succession de dunes rappelant la lourdeur et la désolation du désert. Seulement, si vous remplacez vos globes oculaires par ceux de l'Ashina, bien des choses s'ouvriront à vous. Votre vision se déploiera bien au-delà de ces tertres de sables, dépassant ainsi leur condition pour vous inviter dans un voyage par-delà les frontières venteuses. Les pupilles écarlates du jeune homme se rivaient sur l'horizon, en direction de terres inconnues pour ce Kazejin. Jamais un périple de la sorte n'avait été entrepris par ce marchand qui agita ses bagues nerveusement au rythme de la monture équestre qui le suivait. Tapotant ses vêtements pour en extraire la poussière soulevée par les sabots, la tête blonde observa le convoi qui se dressait derrière lui. Une dizaine de personnes emboîtèrent le pas à ses côtés en transportant nourriture, ressources et armes. Ce groupuscule ne voyageait pas pour le simple plaisir de la découverte et de l'observation de paysage somptueux. L'essence qui alimentait leur périple résidait dans un parchemin sommaire présent dans le sac à dos du blondinet. Intéressant, ne trouvez-vous pas, à quel point quelques mots sur un bout de papier peuvent engendrer de telles choses ?

Alors que les pas de Mitsuhide s'enfonçaient dans le sable chaud, l'air devenait peu à peu respirable. Une sensation particulière parcourut le corps frêle du marchand. Lui qui n'avait connu que le pays du vent, ses poumons se libèrent d'un poids lui faisant croire qu'il respirait pour la première fois de son existence. Son entourage ne semblait pas partager cette émotion. La plupart d'entre eux étaient des combattants à la solde de la cheffe du clan Asaara qui ordonna que le jeune Shidan soit accompagné pour effectuer cette singulière excursion. La prudence de la demi-géante était compréhensible, mais elle engendrait un convoi plus imposant et de ce fait, moins discret.

L'horizon poussiéreux se dégageait petit à petit pour laisser place à une vue remplie de verdure. Au loin, des arbres d'un vert si profond firent leur apparition, sous l'étonnement et la fascination du manipulateur de la lumière. Jamais dans sa courte vie un tel spectacle de verdure s'était ainsi dessiné sous ses yeux. Bien sûr, de nombreuses personnes tentèrent de peindre cet endroit avec des mots, mais la réalité fit pâlir ces esquisses. C'est en apercevant ce tableau remplie de végétation que son envie de libérer Kaze se renforça. Combien d'âmes enchaînées n'auront pas la chance de découvrir de tel paysage si quelqu'un ne se bat pas pour eux ?

Foulant enfin la terre fertile du pays du bois, l'ancien esclave prit quelques secondes de repos. Il mit genou à terre afin de poser la paume de sa main sur l'herbe verdoyante qui s'écrasa sous le poids du membre. Il sentit la terre grouiller d'une multitude de vie insoupçonnée, éclairant ainsi son faciès d'un sourire sincère. Qu'il aurait aimé plaquer son dos contre l'herbe et rester ici pendant des heures. Hélas, le devoir l'appelait et la route était encore longue pour le marchand. Ce dernier se releva avec peine avant de s'adresser à son compagnon de route, connaisseur des lieux.

« Je vous laisse ouvrir la marche. Après tout, vous connaissez ce pays mieux que quiconque ici. »

Emboîtant le pas derrière Famine et ce gardien sacré d'Hayashi, Mitsuhide se concentra de nouveau sur sa tâche. La route pour la cité Hikari était encore longue et il devait se préparer à ne pas faire pâle figure face aux envoyés des grandes puissances militaires de ce monde.