Dans le dédale du Palais Impérial, une figure à quatre yeux un peu pâlichonne et courte sur pattes se faufile entre les silhouettes des soldats bien charpentés, ne manquant pas de reluquer de bas en haut la sculpture de chacun comme pour mieux s'acclimater à la fatalité de sa petite taille. Emoussé, il n'en perdait pas son mordant pour autant, continuant sa course semée d'embûches en quête d'une cible bien particulière.


Soudain, au détour d'un carrefour, il esquissait un fin et crapuleux sourire comme pour signifier là le triomphe de son flaire de limier.

"Cible détectée !"

Gambadant à tout va jusqu'à presque devenir l'ombre de la demoiselle-cible, le dindonnet riotait de la gorge sous la vue de si délicates gambettes avant de se racler le gosier et interpellait la dame à la chevelure de jais.

"Hum Hum ! Soldate Soejima ! Il me semblait bien vous avoir reconnu ! Vous m'avez une fois ouvert la porte il y a quelques semaines, je chéris ce moment au plus profond de mon cœur si vous saviez ! Quelle amabilité ! Quel geste de votre part ! Je me suis toujours dis qu'un jour je ferai de vous ma f… euh… mon amie ! Oui, je me dis que ce serait super d'avoir une amie comme vous ! Pour sûr, vos "amis" doivent être super contents de vous avoir ! Ah ça y a pas à dire, c'est sûr ! C'est comme pour moi, tous mes copains m'appellent "Koro le bon amant", enfin… je veux dire "Koro le bon ami" hein… Enfin, ça c'était y'a 2/3 ans mais je pense que c'est toujours d'actualité… Et… pourquoi je suis là moi déjà ?..."

Soudain, la confusion s'emparait de lui, comme si la raison lui revenait au ciboulot.

"Ah oui ! La vieille branche ! Enfin, l'Empereur ! Notre bon Empereur ! Le saviez-vous ? Il vous cherche ? Ouais, j'ai pas pu m'empêcher de lire la note..." avouait-il en tendant le papelard à la dame de la Territoriale.

Note de l'Empereur A l'attention de la Soldate Soejima Yenno Objet: Convocation. Vous êtes convoquée au bureau de l'Empereur pour recevoir votre nouvelle affectation. Veuillez vous y rendre immédiatement. Fin de la note

" Vous le trouverez à son bureau ! Prenez deux portes à gauche, un escalier jusqu'au troisième étage, ça fait 33 marches, vous verrez, j'ai compté ! Puis faite demi-tour, vous descendez de un étage, vous prenez la première porte à droite, puis vous redescendez d'un étage quand vous verrez la plante en forme de pu… euh la plante en forme de dame. Ou alors, vous prenez ce couloir et ce sera la première à droite. Enfin… voilà…"

Puis, tournant rose, son labeur fait il se lançait enfin.

"Sinon…. Vous faites quoi ce soir ? J'ai des réductions pour les bains publics… "

La belle courbait l'échine tandis que le damoiseau se relevait, et s'il aurait été de coutume que de renvoyer le geste, l'Empereur ne semblait pas familier à ces manières lorsqu'il en étant le percepteur. Se rapprochant quiètement de la demoiselle, battant des mains comme pour signifier sa gêne, il prenait enfin parole :

"Yenno, Yenno, Yenno… Arrêtons ces manières. Je suis et je reste l'homme que tu connais."

Offrant alors sa dextre comme pour l'accompagner vers le siège, c'est une nouvelle fois vers les vitres de sa baie transparaître qu'il s'en allait alors à petits pas. Le verre qui renvoyait à la cité semblait devenir au fil des jours son plus grand confident, à tel point que c'est vers sa sagesse qu'il se retournait sans cesse.

"Comment vas-tu ? Je ne t'ai pas revu depuis cette mission. Il me tardait d'ergoter quelques niaiseries avec toi. Depuis mon retour à la capitale, les journées semblent longues et si… vides. Tout semble creux, tout semble faux, tout semble… vide ? J'en perds inlassablement mes repères à un tel point que je me demande si je suis encore Hanzo, le simple soldat."

Une lamentation qui n'appelait pas de réponses dans sa façon de palabrer, c'était juste là un exutoire, sa manière de décharger à tire larigot les quelques frustrations qui, s'étant niché dans son for intérieur, venaient le peiner de pensées parasites aussi envahissantes qu'aliénantes.

Ses mots dits, il prenait compte de son égoïsme. Voilà des lunes qu'il n'avait pas croisé le minois de la brune et tout ce qu'il trouvait à déblatérer c'était quelques inepties personnelles et immatures. En lui sommeillait toujours la voix du patriarche qui lui sommait "d'être un homme" ; il était certainement abscon pour une demoiselle de concevoir la portée d'une telle maxime. Mais par son aura naturelle et son charisme, elle sut le tirer de cette torpeur qui semblait sans fin jusque-là.

"Tu as sans doute raison, mais je conjecture difficilement la perspective de quelques festivités avec ce que notre pays endure. Nous avons une situation à régler au sud, une autre au nord, et j'en passe… Ce sont des calamités sans nom qu'il nous faut appréhender… Et… quant à cette annonce, non, je ne le savais pas !"

Agitant d'une main sa tignasse tandis qu'il rallier la Soejima de quelques pas afin de prendre appui sur le bureau, sa rétorque transpirait une joie non dissimulée :

"Et qui est donc l'heureux élu ? Par Meramera, tout sauf un kumojin ou un Shinrin… ce serait la goutte d'eau en trop."

Riotant de sa propre bêtise - dissimulant abruptement ses déboires -, il la dardait alors d'un œil empli de félicité. S'il lui été difficilement imaginable de montrer quelconque euphorie quant à sa propre personne, il n'avait là aucun mal à s'imaginer pictancher comme un cuitard afin d'honorer telle union.

"Capitaine ? Akira ?" L'annonce eut l'effet d'une détonation dans l'esprit de l'Empereur. Pour sûr, c'était une surprise tant l'intéressé n'avait rien d'un inconnu. Alors il se faisait l'écho de leurs précédents échanges, de la notification du colosse quant à ses fiançailles sans qu'il n'eut l'ouverture d'esprit de s'intéresser à l'intéressée. C'était comme si les cieux eux-mêmes étaient de connivence pour apporter en ces temps sombres un vent frais, celui de la belle annonce. Alors se relevant, tirant une belle face, il exprimait sa gaieté d'une expression fagotée de timidité.

"Akira ?! Ô combien cette nouvelle m'emplit d'allégresse Yenno ! Je ne savais pas… Pourquoi ne m'en a-t-il pas parlé avant ? J'imagine qu'il n'était guère au fait de notre accointance ?"

Ployant l'échine un bref instant comme signe d'adhésion à cette union, d'un geste de la main il balayait alors les dernières paroles de la soldate.

"Et oui… Il faut croire que ma condition de Jinchuuriki et ma prise de pouvoir inquiètent quelque peu les miens. Il est agréable que de les savoir dans l'Unité. Ils représentent en mon cœur un rempart salutaire sur lequel je peux aveuglément me reposer. Nous ne sommes guère des plus agréables par nos paroles, mais crois bien qu'en chacun d'entre nous sommeille un dévouement infaillible envers la flamme. Song' et Rokuemon sont mes cadets, tranchants aussi bien par les mots que par leurs arts. Akemi est ma gardienne, et si sa déraison semble palpable, elle l'est autant que sa capacité à pouvoir discipliner quiconque en aurait besoin. Et quand à Akiyoshi, il est une âme aussi libre qu'inflexible. Gagner son respect, c'est gagner un allié de poids."

Mais alors qu'il dissertait sur les siens, ce n'est que sous la vue d'un moineau qui filait devant le carreau qu'il cessa.

"Mais… Si les liens du sang sont d'une force étrange et ineffable, j'ai bien appris avec du recul qu'il n'y a rien qui vaille l'affection d'un frère, ou d'une sœur de cœur."

Œillade penchée vers la nymphe, d'un fin sourire il exprimait là une certaine analogie avec son interlocutrice aux yeux rieurs. Laissant le silence meubler l'espace, d'un simple gloussement un peu gauche il enchaînait alors les sujets.

"Je jacasse comme une pie et j'en oublie presque les raisons de ta convocation. La débandade des de la Colombe et de ses suppôts porte un coup cinglant à nos effectifs et à l'honneur de notre pays. S'il nous faut penser à développer nos forces, il nous faut également punir cet affront tout en sapant l'envie à quiconque de suivre la pareille. Pour ça, je fais appel à toi… Que me conseillerais-tu, soldate ?"