De toutes les personnes qui devait se trouver affectées et concernées par la disparition de Tenzin, l’Oterashi et tous les membres du Sazori figuraient certainement tout en haut de la liste, quels qu’en soient les critères plus ou moins subjectifs qui rentraient en ligne de compte. Informer leur confrérie d’agents avait donc, logiquement, fait partie des priorités du guerrier tellurique, qui avait eu la primeur de la sombre nouvelle de la part de Toph elle-même, mais lorsque l’information avait eu le temps de couler en lui comme un poids douloureux, traçant sa route dans ses entrailles et se faisant une place au milieu de tous les autres deuils qu’il avait eu à porter jusque là, les ramifications du trépas de l’éolien lui apparurent avec le recul plus clairement. Et une personne, en particulier, avant que l’information ne soit largement diffusée, méritait certainement de l’apprendre de vive voix.

Le jeune homme dont il était question, un Chuunin impliqué au sein du Manazuru, demeurait cependant introuvable, et ce fut le coeur toujours lourd que le Tellurique dut rapidement se résoudre à employer les grands moyens pour retrouver la trace de Mého, le bretteur qui l’avait initié au Mitsudo. Immergé dans la roche du Dojo des Assimilateurs, il laissa ses sens se diffuser dans la Terre, dans tous les bâtiments de la cité, jusque dans les montagnes qui l’entouraient de leurs bras millénaires, plongé dans une transe devenue pour lui aussi instinctive que le simple fait de respirer. Doté de ces « appendices » sensoriels sans limite, il sonda le chakra de toutes les entités humaines qu’il captait, les passant en revue à vitesse grand V, parcourant par le biais de ses sens des kilomètres carrés entiers jusqu’à finalement tomber sur la signature de chakra du Nihito, qu’il connaissait à présent très bien. Et lorsqu’il mit en corrélation la carte mentale qu’il tenait d’Iwa et la position du jeune homme, tout en jaillissant des tréfonds du Dojo, Yanosa ne put s’empêcher de ressentir un pincement aux tripes.

Le Temple de Tenzin. Sans en avoir encore connaissance, Mého avait-il pressenti le sort qu’avait rencontré son ancien maître, son sensei ? S’y était-il rendu pour une toute autre raison qui échappait à la réflexion de l’Oterashi ? Cela n’avait dans le fond pas d’importance, mais l’annonce qu’il avait à lui faire prendrait une tournure plus symbolique qu’il ne l’avait anticipé, entre les murs du temple éolien que l’ancien chef du Sazori avait établi en périphérie de la ville. S’élançant dans le ciel en usant du Mitsudo, Yanosa se rendit promptement sur place, faisant fi de tous les obstacles, et atterrit tout en douceur sur le seuil du temple en question, expirant longuement une dernière fois avant d’entrer. Il y trouva comme prévu Mého sans la moindre difficulté : ce dernier, en effet, se tenait là, contemplatif, au centre de la salle centrale, comme attendant la sentence qu’il avait peut-être déjà pressenti.

« Mého. »

Il s’approcha de quelques pas, laissant l’opportunité au jeune homme de prendre acte de sa présence, avant de stopper net, figure sombre et enrubannée presque inhumaine.

« ...Je suis venu t’annoncer quelque chose. Tenzin… ne reviendra pas. Ton sensei… a été vaincu par Tôsen, à Tsume. Selon toute vraisemblance, peu avant le discours qu’il nous a tous adressé… »

Il fit une pause, de circonstance, oeillant autours de lui les colonnes et muraux qu’il connaissait bien.

« ...C’était un shinobi d’exception. Un sensei exemplaire, tu en sais quelque chose. Dans l’âpreté du deuil… on se rappellera tous de ce qu’il nous a laissé à chacun, personnellement. Dans notre corps de métier… c’est toute la finalité qu’on peut espérer. »

Consciemment ou non, Mého se débrouilla plutôt bien pour encaisser la nouvelle, et si les yeux de l’Oterashi étaient bien trop exercés pour ne pas percevoir les signes qui trahissaient la douleur du jeune brun, ce dernier ne démérita pas. Par décence, Yanosa ne le fixa pas directement, et laissa ses pas le guider lentement dans le temple sur le côté, s’imprégnant des lieux en se souvenant de sa première visite entre ces murs. Lui aussi était habité par des émotions vivaces, et dans ses entrailles s’était réveillé un puits de lave et de magma hurlant qui n’était pas près de retourner à un quelconque sommeil millénaire.

Cependant, il ne pouvait plus se permettre de rester à l’écoute de ces sentiments et sensations. Ne le pouvait même peut-être plus du tout, l’aurait-il voulu. Trop de choses dépendaient à présent de lui et de sa capacité à agir, et si il ne demeurait que le maillon d’une chaîne, il restait lucide sur l’impact que pouvaient avoir les décisions qu’il prendrait à l’avenir.

« ...Oui. Tout indique qu’il a succombé à un Katon puissant. D’une façon ou d’une autre… Tôsen est parvenu à exploiter sa faiblesse élémentaire. »

Il stoppa sa marche, se retournant droit vers Mého pour le fixer à nouveau avec intensité. La tension et cette forme de désespoir qui suintaient par tous les pores de sa peau n’étaient pas près de s’en aller, mais il lui faudrait bien plutôt plus tôt que plus tard , songea Yanosa.

« … Je sais que tu auras besoin d’un peu de temps. De solitude, j’imagine… Ce pourquoi j’ai voulu te l’annoncer rapidement… Mais, Mého, n’oublie pas : Iwa a besoin de toi, de nous tous, plus encore qu’auparavant maintenant que Tenzin n’est plus là. »

Il resta immobile un moment, puis jugeant qu’il ne pouvait pas être d’un grand secours au bretteur pour l’aider à traverser son deuil, il tourna les talons.

« Tu sais où me trouver, si tu as besoin de moi. Reste fort, dans le corps et l’esprit : c’es tout ce que je demande. »