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Fouler son héritage

Hyōsho Shironome
Hyōsho Shironome

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Lun 9 Nov 2020 - 14:26






Fouler son héritage







Été 204, Port du Souvenir, Yuki no Kuni.

Délivré du joug de l'écume, les prunelles de l'opalin s'offrirent toutes entière à cette étendue gelée, dont le prisme de glace se dévoilait à tous ceux osant déposer leur regard impie sur la silhouette endormie du Pays des Neiges. Bordé d'une sempiternelle mélancolie, l'enfant demeura interdit, immobile, ne pouvant se résoudre à fouler à nouveau cette terre qui n'avait de souvenir que les brides informes qui pouvaient encore giser dans son esprit. Sa mâchoire se contracta, comme hésitante, avant que ses yeux ne trouvent à nouveau la courbe de la neige au-delà du pont du navire ; et laissant enfin ses paupières absoudre ce monde à son attention, ses pas s'élevèrent sous le joug d'un nouveau chemin, pour laisser la première trace de son passage sur le givre.

Demeurées fermées avec la plus tendre des déterminations, d'aucune ne s'ouvrit à nouveau pour laisser l'adolescent se délecter de ce paysage aux allures hors du temps ; bien au contraire, ainsi privé de ce sens primordial, l'intéressé laissa sa marche étreindre davantage le gel parant le sol, écoutant la douce mélodie qu'ils prononçaient. Les froissements de la neige, à chaque mouvement. Les murmures du vent gelé, caressant son visage sur son passage éphémère. L'ombre d'un flocon se déposant sur ses lèvres, sur ses joues, rapidement changé en une eau laissant son sillage sur leur chaleur.

Et lorsqu'il ouvrit à nouveau ses yeux, dardant ses prunelles éthérées sur ce monde silencieux, ses poumons s'emplirent de cet air nouveau. Et il ne put dire un mot.

Ce fut comme si son souffle avait été ravi de son étreinte silencieuse, comme si l'ombre d'une parole ne pouvait égaler l'immensité qui se destinait à lui, écho de tant de réminiscences dont il ne pouvait se remémorer l'existence. Des fragments de souvenirs, disséminés à travers la neige et la glace, lui faisant face, parfois ; dévoilés à lui, et pourtant, inatteignable. Cette sensation de vide sans réellement l'être, de n'être consumé que par la présence fantomatique du passé que l'on s'efforçait de retrouver mais qui, jamais, ne s'offrait pleinement à notre conscience. Même en foulant la terre de son héritage, rien ne lui revenait.

Il pouvait sentir des frissons parcourir ses joues, sa gorge, sa mâchoire se contracter et sa vue se flouter – et malgré cela, il ne pouvait se résoudre à laisser les larmes guider son esprit. Son regard se détourna un instant des pics majestueux de ces montagnes, balayé par la manche de son kimono. Et une nouvelle fois, il inspira. Une fois encore. Jusqu'à ce que ce sentiment d'impuissance se niche au plus profond de son cœur, là où il cesserait d'envenimer son esprit.

Sa silhouette glissa son attention sur le visage de l'Hayame et de l'Azuhime, dont il pouvait être témoin des expressions tout aussi différentes que la sienne ; et en glissant un mot à leur attention, il laissa ses pas guider son avancée au sein de ces terres gelées, pour tenter d'y trouver tous les dédales sourds de son passé.


[...]


Son regard suivit la courbe céleste que dessinaient la cime des arbres enneigés, au travers desquelles filtraient les doux rayons solaires d'un astre timide, dont la chaleur ne saurait effacer la blancheur qui pavait ces terres. Ainsi dévoilé au sein de ce manteau de givre, l'enfant des neiges tenta d'absoudre la tension qui régnait sur ses épaules, relique de ce sentiment de plus tôt. Ses poumons s'emplirent une nouvelle fois de l'air froid soulevant les senteurs boisées des troncs coupés par les intempéries, là où la nature en déclin se préparait à s'endormir à nouveau, à la veille de l'automne. Sous le couvert d'un manteau de gel, Shironome pouvait discerner les couleurs chaleureuses de feuilles mortes, demeurées exemptées de toute trace animale. De nouveaux flocons vinrent épancher leur présence sur ses joues rougies par le froid, et fermant les yeux, l'adolescent s'efforça d'apprécier le silence qui régnait en ces lieux, dont la majestuosité n'avait rien à envier aux dunes immaculées.


Pourtant, un cri vint percer le calme de cette forêt, plus proche de la bestialité que de l'homme ; sourd, rauque, tel un glapissement. Alerte, l'opalin ouvrit à nouveau ses yeux sur l'immensité qui lui faisait face, incapable d'en trouver la source sur le sillage de son regard. Qu'est-ce que... Il retentit, à nouveau, dans l'écho d'un feulement ; et dans l'instant qui suivit, la silhouette d'un loup blanc fendit l'espace sans même dénoter sa présence, fuyant l'être qui avait fendu son flanc d'hémoglobine. Les yeux plissés par l'adrénaline, le nivéen laissa ses pas épouser la tranquillité de ces lieux tandis qu'un sentiment insipide s'étayait dans son esprit, à l’image d’un voile que le vent s’efforçait de soulever au-dessus d’un secret enfouit.

Son attention s'attarda sur les branchages échoués au sol, et comme guidé par un instinct inculqué depuis sa naissance, il veilla à les éviter, comme si, intérieurement, il avait appris à se défaire des embuches que la nature plaçait sur le chemin de la chasse. Il inspira à nouveau, les sourcils froncés par l’odeur âcre qui lui parvint ; celle de ferraille et de sang, dont il ne tarda pas à discerner les détours au-delà de deux arbres jumeaux entrelacés.

Et tandis qu’il s’approchait, ses iris éthérées couvrirent les détours des traces laissées dans la neige ; celles, évidentes, du loup qu’il avait aperçu plus tôt et dont le corps marqué par diverses entailles avaient trahi sa défaite face à un autre. Ployant le genou face aux reliques de cet affrontements, l’adolescent laissa ses doigts tracer les contours des empreintes… jusqu’à ce que d’autres ne se mélanges à cette du canidé, plus larges, dépourvues de griffes. Celles d’une proie, remportée par l’animal ayant poussé ce râle bestial de plus tôt. Du coin de l’œil, il perçut les signes évocateurs d’une troisième marque, dont le chemin clair évoquait une retraite victorieuse, au-delà des cimes alentours.

Bercé par un instinct dont il n’avait jamais réellement pris conscience, Shironome s’élança à la suite de ces traces en balayant le gel tâché d’hémoglobine sur son passage, ruinant, pour autrui, tout repère – et bien qu’il se doute que l’Hayame devait tenir un œil sur ses faits et gestes, il se désintéressa à la retrouver, pour l’heure.


[…]


L’écho de sa respiration erratique trahit sa présence sur les berges rocailleuses de la montagne, aux flancs bercés d’une neige sempiternelle. Sa poitrine se soulevait au rythme des ordres insensés de son instinct, les poumons brûlés par l’air pur de cette terre qui évoquait en son cœur tant de mélancolie ; et bien qu’une telle sensation au creux de son torse pût éprouver son lot de douleur, il la chérissait. Ce sentiment de surpasser les barrières qu’imposaient son corps, d’être épanché d’une toxicité que ce vent glacial balayait sur son chemin, de véritablement exister… il ne pourrait s’en lasser. Alors, malgré ce tiraillement mené par sa course, sa silhouette s’avança à l’orée d’un renfort taillé dans la roche – et au détour d’un regard, l’on pouvait discerner l’ombre d’une entrée. Celle d’une caverne, taillée dans la chair des monts gelés.

Sa paume vint retracer les détours tranchant de cette cave, sa peau éprouvant le froid qui s’en dégageait comme un vieil ami. D’un coup d’œil jeté aux éclats glacés du sol, les reflets de l’hémoglobine se réverbérèrent dans ses prunelles éthérées, signant une traque réussie.


Sans laisser un instant à la crainte instinctive de s’installer dans son esprit, l’enfant des neiges s’élança à l’intérieur, rempli de tant d’espoir d’existence que le givre n’avait pu lui en offrir jusqu’ici. Tel un enfant désireux de découvrir le monde, sans en soupçonner les dangers. Chacun de ses pas soupira le son de sa présence tel un écho silencieux le long des parois, quand bien même il s'efforça de les faire taire. Sa main longea le revers de l'un de ces murs dont la roche grisâtre s'était recouvert d'une couche d'argent par endroit, incapable de survivre au joug de cet hiver éternel. Un grondement retentit à nouveau, dont il ne sût déterminer la localisation exacte ; car lui aussi avait été répété à travers la grotte, aussi loin puisse-t-il être.

Et avant même qu'il ne puisse réagir, ses yeux d'éther captèrent la lueur d'une silhouette tapis dans l'ombre, dont le grondement n'avait cessé de se raviver au fur et à mesure que sa marche s'était imposée en ces lieux. Immobile, l'enfant des neiges n'osa faire un mouvement.

Au fin fond de cette caverne bercée d’anneaux de givre, deux iris félines dardaient sa présence de leur méfiance, les crocs fermement plantés dans la carcasse sanguinolente d’un lièvre.

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Ven 22 Jan 2021 - 1:30
Fasciné. Voilà peut-être ce qui retranscrivait en cet instant le sentiment qui s'imprégnait purement et simplement du jeune homme, dont le corps tétanisé par l'appréhension se refusait à bouger, ne serait-ce que pour s'enfuir. L'ombre de son regard dessinait les détours de la mâchoire de l'animal, dont le museau se retroussait à l'onde de chacun de ses grognements et réverbérait la lueur de ses crocs acérés à cette proie qu'elle jugeait en devenir. Son attention s'échoua sur les gouttes de sang s'écoulant du creux de ses poils, jusqu'à l'aune du terrain rocailleux tapissant cette caverne.

Il pouvait discerner, à travers l'ombre qui se dessinait, les mouvements frénétiques du lièvre tenu entre ses incisives, luttant pour sa vie au profit d'un chasseur expérimenté. Ses pattes s'agitaient selon les vrombissements affolés de son cœur qui se refusait à réaliser que la mort approchait, afin de repaitre un autre vivant. Le règne animal, dans son état le plus cru, le plus vrai, le plus honnête. Et voilà qu'un homme s'y était imprégné, faisant tanguer la balance entre ces mondes.

Allongée telle la monarque de ces lieux, la bête, elle, semblait se repaitre de la crainte qui longeait peu à peu son échine. L'enfant des neiges déglutit, s'efforçant de chasser ce sentiment de son esprit ; car il savait, qu'encore, le givre épouserait ses chairs et ne repaîtrait ces crocs que de la fraîcheur de la neige. Alors, lentement, ses doigts furent les premiers à se mouvoir, à retrouver le semblant de réalité qui l'éloignait d'une statue de marbre. Puis ses bras, ses épaules. Ses chevilles, son souffle qui anima à nouveau sa poitrine. Ce sentiment effervescent qui avait empli ses poumons révoltés par sa course de plus tôt raviva ses muscles. Se sentir exister.

Détaché de cette transe féline, le nivéen laissa son regard s'attarder sur les détours de cette caverne, au bout de laquelle le gel avait laissé place à la chaleur des rocs et au tintement cristallin des gouttes longeant les stalactites. Il voulut avancer un nouveau, mais un grondement révolté fit écho à son geste, avec davantage d'intensité que la menace qu'il sous-entendait pouvait être réelle.

Alors il l'observa, figeant ses pas dans le mouvement qu'ils avaient commencé à tracer ; et comme ravie d'imposer ainsi sa volonté à une âme humaine, le félin abaissa sa gueule auprès du sol pour mieux rabattre l'une de ses pattes meurtrières sur la silhouette fragile du lièvre qui, doucement, glissait empalé de ses crocs. Des ondes de sang s'étendirent autour de son corps parcouru de frissons involontaires à l'approche de la mort... jusqu'à ce que ses pattes ne se stoppent, que son cœur cesse de tambouriner et que la chaleur de son corps ne le quitte au rythme des filets d'hémoglobine qui s'échappaient de ces plaies. Hémorragie, qu'ironiquement, son géôlier avait retenu d'imposer son glas final jusqu'à ce qu'il ne le désire.

Ainsi certaine du trépas de sa proie, la bête s'éleva au-dessus de cette viande nouvellement acquise, agrippant, avec une étrange délicatesse, sa fourrure entre ses crocs pour l'apporter davantage dans les recoins de cette cave ; et tandis qu'elle semblât se détourner de lui, l'enfant des neiges put remarquer l'une de ses larges pattes faillir à soutenir tout à fait le poids de sa stature. L'ombre de l'hémoglobine se dessina à nouveau entre ses poils blanchâtre, et en cet instant... Shironome se demanda s'il était le sien, et non pas celui du canidé autrefois combattu.

Mais il ne put se permettre de déceler au creux de ces hypothèses un soupçons de vérité : car dès lors que la créature féline s'était détournée de lui, son corps agit de lui-même, poussé par l'instinct.

Seul l'écho de ses pas trahit son départ précipité de la caverne, son sang bouillonnant d'adrénaline.
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Ven 22 Jan 2021 - 2:20
Le lendemain,

Bien des heures plus tard, lorsque le manteau d’égide du soleil avait ployé l’échine face à la grandeur des monts enneigés et trônait à nouveau au zénith, une silhouette fine se glissait dans les dédales immaculés de ces terres, encore bercé de la chaleur de l’éveil. Ses joues, rougies par l’air glacé caressant sa peau comme une douce amie, témoignaient des instants passés sous le couvert du givre et de ses arbres majestueux, à la recherche d’une once de mémoire, d’un fragment de souvenir qui trouverait, dans son esprit altéré, un écho de familiarité.

Ses pas longèrent les abords du port au-delà de l’auberge pour la seconde fois du jour, tentant de tracer le chemin qu’ils avaient autrefois emprunté à l’aube du printemps ; à un temps où nul n’aurait su lui confier d’autre vérité que son nom, et le visage d’une femme – d’une Déesse – qu’il savait désormais au-delà de ce monde. Et pourtant, malgré ce paysage mordant de froid, l’enfant des neiges se glissait au sein de ses dédales comme une âme ayant connu une fois ses détours, la peau loin d’être marquée du joug des frissons, d’un traitre sentiment glacial. Qu’il en soit trait au même givre qui paraît son corps lorsque son esprit s’abandonnait à toute réalité ou à toute autre raison, cela, il ne put le dire. Tout ce qu’il savait, en cette heure nouvelle, était que ces reliefs taisaient tous les soupirs que sa mémoire refusait à lui faire entendre.

Alors, le nivéen s’engouffra davantage au creux des bois longeant cette montagne, dans l’espoir que ces soupirs se changent en des voix dont il pourrait enfin entendre les paroles.


[…]


Bercé par le flanc d'une rivière, la paume de l'adolescent épousa les formes boisées de l'un des arbres résistant à l'hiver, dont les branches cassantes s'effondraient autour de sa morne silhouette. Ses mouvements, parfois, s'accompagnaient du froissement des feuilles taries sous la glace, du sifflement du vent, de l'écoulement de l'eau dormante à ses côtés. Il ne sût, véritablement, si ce chemin trouvait dans son esprit quelconque reflet, s'il se souvenait un jour avoir foulé les berges de ce maigre rivage – si même ce désir de vouloir trouver des réponses en arpentant une fois encore les reliefs des Neiges trouvait un quelconque sens.

Des échos de souvenirs, qu’ils aient prit place en ces lieux ou dans les terres de la Brume depuis le printemps derniers se reflétaient dans les détours de son esprit, tâchant de les lier à toute chose tombant dans l’ombre de son regard ; de trouver une similitude entre ces dunes et les ombres qu’il discernait en se rappelant la voix de celle que tous appelaient Fanatique, avec un dédain implacable. Cela, il était vain pour l'enfant des neiges de tenter d'imiter ses confrères. Qu'elle ait un jour été avide de souffrances ou de malheur, avide d'offrir sa vie à des puissances qui la dépassait... il ne pourrait la considérer autrement que comme un fragment de vie d'autrefois, et avec cette part de fascination qu'elle avait toujours trouvé à ses yeux, au même titre que son ordre.


Son regard s’éleva au-delà des rambardes de bois, dernières traces de dignité humaine dans ces terres avant que la nature ne s'en accapare tous les soupirs. Et tandis qu'il s'enfonçait davantage dans les couloirs que les cimes déployaient à sa vue, le rapprochant davantage des domaines sauvages qu'il avait arpenté la veille, une ombre persane faucha le coin de son attention.

Son corps réagit de lui-même, dardant, au quart de tour, l'endroit d'où elle pouvait provenir ; et devant le vide de toute explication, son visage darda chaque parcelle de cette esplanade, pivotant sur lui-même, écrasant les bois tant de son regard que de ses pas.

Et lorsqu'il la vit enfin, cette bête aux reflets d'argents qui avait glacé son sang, un frisson parcouru l'échine de l'adolescent, seulement pour être redoublé lorsque ses pupilles félines trouvèrent les siennes.

Pourtant... pourtant, cette fois-ci, Shironome pouvait sentir que ce n'était ni la peur, ni la crainte, qui avait éveillé une telle réaction. C'était un ravissement, une curiosité, une fascination que ces orbes bestiales imprégnaient à sa chair à chaque contact entre l'humain et l'animal pour qui ces terres leur appartenaient, en cette heure ou dans l'ombre de jours passés.

Alors, lorsqu'il vit son poil encore entaché des mêmes reflets sanguins que la veille là où d'autres s'étaient assombri aux détours de sa mâchoire, ses sourcils se froncèrent. Davantage, lorsqu'elle poursuivit sa route prédatrice et qu'une fois encore, sa lourde patte semblait... boiter, exactement comme hier.

Mais en un instant, la bête disparu, s'élançant avec toute la puissance que son corps fendu par une blessure pouvait le lui permettre ; et délaissé ainsi par la présence de l'animal, son attention s'échoua à nouveau sur ses alentours, déglutissant en repensant à ces chairs tranchées.

Il ne sût réellement pourquoi son corps frissonna ainsi face aux reflets d'une plante dès l'instant où elle semblait avoir éveillé en son esprit un fragment de souvenir, sous une autre forme – attachée auprès d'autres, dans l'ombre de deux mains. Pourquoi d'autres éclats de faunes poussaient les murmures du vent à raviver des paroles dans son esprit, pourquoi ses paumes semblaient épouser les mouvements d'autres retraçant un bol forgé par la pierre, et d'un roc écrasant chacun des brins. Pourquoi une vague de douleur, alerte et pourtant si floue, avait parcouru son flanc qui venait de se souvenir un jour de son existence.

Machinalement, ses doigts empoignèrent le pan du kimono épais couvrant son épaule, dénouant le tissu qui le retenait sur sa taille légèrement, ne serait-ce que pour entrevoir la peau qui se dessinait sous son bras...

Et à cet endroit même où la douleur fantôme avait frappé, son index pouvait sentir le reflet bombé d'une cicatrice, fine, et pourtant belle et bien réelle. Sa mâchoire se contracta tandis qu'il retraçait une fois, deux fois, sa présence sans pouvoir se remémorer ce qui l'avait causée.

Il n'y avait là que fragments, un éclat rougeoyant d'hémoglobine, l'odeur âcre d'une mixture préparée. Le son de pierres s'entrechoquant contre un bol, le froissement des herbes écrasées les unes parmi les autres. L'écoulement d'une eau réchauffée par des langues de feu. Et tandis que ses yeux épousèrent les berges de cette maigre rivière, sa poigne se dénoua du vêtement, ne serait-ce qu'un peu. Ses paumes élevèrent à nouveau l'épais tissu sur sa peau, d'un air absent.

Shironome déglutit à nouveau, incapable d'embrasser à nouveau l'incertitude qui s'était nichée dans son coeur.
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Ven 22 Jan 2021 - 10:43
Une insulte traversa la barrière érigée par les lèvres de l’enfant des neiges, qui redoubla un grommellement à l’adresse de sa propre poigne ayant échappé l’objet de son emprise. Sa paume vint se plonger dans le courant clair de l’eau, balayant avec elle les brides sanguines qui étaient apparues à la surface de sa peau. D’un coup d’œil, il avisa le bol gelé trônant à ses côtés, forgé du même givre que son corps pouvait convoquer comme étant sien… ainsi que l’étrange mélange trônant en son creux, de plantes mélangées, à peines tranchées. Son regard migra sur les détours de la pierre épaisse aux pieds de la coupole, empoignée plus tôt, et il soupira.

D’un geste rageur, sa senestre se délia de la caresse du courant, épanchant le peu d’eau restant sur sa main dans les plis de son kimono, et d’un geste décidé, il s’empara à nouveau de cette caillasse, laissant l’écho de cette roche frappant la glace faire seul trait de sa présence en ces lieux.


[…]


Trahie par l'écho de ses pas s'enfonçant dans la poudreuse, une silhouette adolescente se frayait un chemin aux abords d'une caverne autrefois bafouée de sa présence, ses paumes refermées sur les flancs d'une glace forgée. Ses pupilles éthérées détaillèrent le reflet des rayons d'aurore sur ses côtes rocheux, à l'ombre de la crevasse signalant l'entrée à l'intérieur de ce mont ; et, incertaine, elle laissa sa marche la guider à nouveau, dans l'écho de chacun de ses mouvements.

Le son distinctif de gouttes d'eau frappant l'égide de la roche tapissant la caverne parvint à nouveau à ses oreilles, distant, et pourtant présent. Ses yeux se plissèrent sous la caresse du vent s'engouffrant à son tour dans la brèche, voilant sa vue le temps d'un instant. Mais lorsqu'il les rouvrit enfin, balayant l'ombre floue que ce souffle avait imprégné sur ses pupilles et que son esprit se refusait à laisser se désagrément impacter sa course, les détours abstraits d'une silhouette féline s'imprégnèrent dans son regard, au même titre qu'un grondement sourd emplissant graduellement l'espace.

L'adolescent déglutit à nouveau, observant la bête des neiges autrefois étendue sur le flanc se redresser de toute sa majestuosité menaçante, sa gueule retroussée au-dessus de ses crocs saillants. Son poil se tendit à l'extrême, hérissé face à cet intru qui par deux fois avait bafoué son territoire, les griffes raclant le sol rocheux avec une appréhension malsaine.

Shironome fit un pas en sa direction, éveillant chez l'animal un grognement d'autant plus insipide. Un autre provoqua le son criard de griffes imposant leurs traits dans la pierre. L'instant suivant, le fauve se jetait sur lui, les yeux rugissant de colère avec ce sourd désir d'ôter la vie de ce corps trop téméraire pour que ces crocs ne lui apprennent la valeur de son audace.

Son corps s'éparpilla en une myriade d'éclats de givre, ne laissant que l'ombre de la neige pour épouser les traits de la mâchoire du félin. Sa silhouette fine retomba à l'orée de l'entrée de la caverne, désorientée, incertaine à l'idée que son assaut lui apporte victoire ; mais aucun goût ferreux ne paraît sa gueule, ni gouttes sanguines ne venait s'échapper de ses poils blanchâtres. L'enfant des neiges déglutit, ployant le genou pour glisser le bol au pied d'un mur, pressentant que cette panthère s'apprêtait à se jeter à nouveau sur ses chairs. L'adrénaline hérissait chacun de ses sens et longeait son échine de sueurs froides mais indéniables ; et lorsque son regard croisa à nouveau les iris fendues de l'animal, il n'eut qu'une poignée d'instants pour laisser à nouveau le givre prendre ses droits et s'exempter du poids meurtrier de ses crocs.

Et lorsqu’il sentit l’air se soulever sur ses flancs, retraçant les détours de l’une de ses pattes encore marquées par l’aspect sableux de la terre, son buste se métamorphosa à l’image d’autrefois, se parant à nouveau de cette glace qui forgeait, inconsciemment, son héritage. Une danse entre ces deux âmes, meurtrière pour l’une, de survie pour l’autre où les mascarades telles que celles-ci furent nombreuses, amenées au rythme de coups portés par le fauve qui ne trouveraient que la caresse des cristaux.

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Dernière édition par Hyōsho Shironome le Dim 24 Jan 2021 - 22:37, édité 1 fois
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Ven 22 Jan 2021 - 11:26
La poitrine de l’enfant des neiges se soulevait difficilement, éprise de cette fatigue creuse qu’amenait chaque mouvement avec elle ; et il pouvait sentir que le même sentiment éprouvait les muscles du fauve qui lui faisait face, dont jamais les yeux perçants ne se détachaient de sa silhouette. Quand bien même cette valse avait répudié son endurance aux confins de ce que sa blessure pouvait le lui permettre, sa détermination à chasser cet intrus semblait inaltérée ; c’était là son seul désir, un ultimatum guidé par les lois de la nature lui ayant appris que chaque ombre humaine portait avec elle son lot d’avidité et de cupidité, entraînant la mort du règne animal. La paume de l’adolescent vint épouser les détours du sol rocheux de la caverne, respirant lourdement au creux de ce moment de répit où tous deux jaugeaient l’autre, conscient qu’aucun ne pourrait tenir la cadence plus longtemps. Mais lorsqu’il vit le poids menaçant de l’une de ses pattes s’élever à nouveau dans le seul désir de faucher à nouveau son corps ou la glace qui semblait s’y substituer, il éleva ses paumes face à elle, laissant pour la première fois sa voix se réverbérer sur chacun des murs de la caverne.

« …Je ne veux pas te faire de mal. », souffla-t-il dans un murmure étouffé.

Il ne sut réellement si ce fut l’écho de ses paroles reflété dans ce maigre espace qui l’arrêta dans son mouvement, ou si ce ne fut la douleur fendant son épaule tremblante qui l’avait retenue de frapper, mais ces griffes qui furent autrefois désireuse de fendre sa peau retrouvèrent les détours du sol, remplacées par le grondement sourd d’une menace renouvelée. Un appel, indéniable, à quitter les lieux avant que sa tempérance ne se tarisse. Blessée ou non, la bête semblait déterminée à ne laisser plus longtemps ses terres bafouées de la sorte.

L'adolescent déglutit, pesant le pour et le contre avant de prononcer de nouvelles paroles, sous le joug de la prudence.

« Ton flanc. Tu t'es blessée en combattant avec ce loup, pas vrai ? », il laissa un instant de silence s'imposer, bercé par les grognements qui ne cessaient d'émaner du félin. « Je souhaite simplement t'aider pour ta blessure. Je partirais une fois que ce sera fait. »

Sa gueule s'entrouvrit une nouvelle fois, laissant s'échapper un râle menaçant de plus, l'échine parcourue de frissons se réverbérant sur chaque pli de sa fourrure hérissée. Quant à l'opalin, il commençait à être en proie à l'ombre du doute à défaut de devenir celle de la bête, le regard glissant sur les détours du bol de glace laissé à la dérobée.

Ses iris éthérées revinrent trouver ceux de la panthère, et lentement, ses pas le menèrent auprès de l'objet, veillant à ce que chacun de ses mouvements ne puisse trahir une quelconque intention de la blesser, ou raison de s'attaquer de nouveau à lui. Ses genoux ployèrent face au récipient, ne lâchant ses yeux de l'animal qu'un instant pour en aviser le contenu ; et, doucement, l'une de ses paumes s'abaissa pour repaître deux de ses doigts de la mixture étrange qui reposait en son creux.

De l'autre, il releva l'une des manches de son kimono, en agrippant le tissu entre ses dents, et avisant une fois encore le fauve dont les grondements ne cessaient de se répéter, il glissa sur la surface de sa peau une couche de cet épais mélange verdâtre, afin d'exempter sa dextre de tout résidu. L'adolescent déglutit à nouveau, dardant l'animal en s'efforçant de ne pas y trouver une quelconque source de crainte – car si tel était le cas, elle la sentirait émaner de lui, et croirait à la présence d’un nouveau danger.

« …Tu vois, ça n’est pas toxique, sinon cela m’empoisonnerait aussi. », déclara-t-il avant de nouer sa manche relevée au-dessus de son coude, pour que son geste demeure à la vue du félin. « Je partirais après ça, je te le promets… mais il faut que tu me laisse t’aider. »

Ô cela était si humain, de penser son intervention nécessaire dans l’ordre de la nature, de croire de façon si fervente que sa présence était destinée à venir en aide à d’autres qui ne pouvaient prendre soin d’eux par eux-mêmes. De se penser sauveur d’autrui, de considérer le règne animal comme une force avec laquelle ils pourraient parlementer ou apaiser de quelques paroles qu’aucun d’entre eux ne pourrait comprendre le sens. Raisonner avec le monde animal – une bien maigre entreprise.

Malgré tout, un éclat de lucidité sembla s'éprendre des iris de cette panthère ; et si ses grondements menaçants ne se stoppèrent à aucun instant, son flanc vint épancher sa douleur sur les détours glacés du sol couvrant la caverne, comme assise. Ses deux pattes avant demeurèrent tendues, prêtes à frapper, et pourtant, cette seule posture sous-entendait un aval. Un accord, de courte durée. Un sursis, pouvant tout autant prendre la forme d'un piège tendu à cette âme humaine pour mieux déchirer sa chair lorsqu'il se serait senti en sécurité. Alors, avec toute la prudence du monde, les doigts du nivéen se raffermirent sur les détours du bol, et lentement, il s'approcha.

Il pouvait sentir, qu'avec chaque pas formulé vers elle, sa méfiance grandissait et les tremblements parcourant son corps redoublaient. Incertaine, quant à l'idée de lui permettre une telle approche, le museau assailli par l'odeur âcre et insipide de cette mixture répandue sur sa peau blanche. Une preuve, qu'elle semblait ne pouvoir quitter des yeux.

Mais lorsque la silhouette de l'adolescent siégea enfin sur son flanc, les genoux pliés, son regard fauve trouva le sien, aussi empli de grandeur qu'une monarque ; et Shironome pouvait lire dans ce seul coup d'œil tous les risques qu'il prenait à s'approcher, combien tous ses mouvements étaient scrutés, détaillés, observés et qu'un seul d'entre eux pourraient trouver des traits d'excuse pour relancer l'assaut.

Alors, avec une lenteur méticuleuse, l'enfant des neiges plongea sa paume dans le cœur du bol, empoignant une quantité suffisante de ce mélange proche de la boue ou de l'argile. D'une nouvelle œillade adressée au félin, sa senestre s'éleva doucement, jusqu'à venir frôler les poils blanchâtres du bout des doigts, jusqu'à ce que sa main n'épouse tout à fait le pelage de l'animal. Un geste qui provoqua un élan de ferveur chez la panthère, qui redoubla ses menaces de nouveaux grondements. Shironome déglutit, l'observant une fois encore avant de laisser ses mouvements chasser légèrement sa fourrure de l'entaille, se retenant de forcer son mouvement ou de chasser quelques poils demeurés dans la plaie, de peur que la surprise ne pousse la bête à répliquer.

D'une attention toute particulière, cette silhouette enfantine glissa sa dextre auprès des muscles fendu de l'animal, déposant la mixture le long de la blessure, une fois, deux fois, selon les murmures que ces fragments de souvenir avait dicté dans son esprit. Il ne savait si, un jour, il avait reproduit de tel geste sans se les remémorer ou s'ils lui avaient été administrés... mais cette connaissance de la nature et de ses bienfaits qu'elle recelait, il lui semblait qu'elle lui avait été confiée dans l'enfance, dans des paroles susurrées à son oreille comme des conseils avisés, des enseignements guidés par la bienveillance.

Il put voir, du coin de l'œil, le museau de la panthère se retrousser face à l'odeur tandis qu'il appliquait à nouveau une once de mélange sur le sommet de la plaie, dont les rougeoyances semblaient désormais invisible sous la présence de cet onguent préparé à la dérobée.

Finalement, ses paumes se détachèrent de son pelage dans le souffle d'une dernière caresse, l'une, couverte de vert, l'autre, exemptée. Toutes deux vinrent s'échouer sur l'ombre de ses genoux, observant le comportement de l'animal. Sa gueule s'approcha de sa plaie avec réticence pour mieux la sentir, cette odeur de soufre mêlée à celle des plantes arpentant les forêts. Et pour la première fois, il réalisa que l'écho de ses grondements avait cessé, peut-être depuis même l'instant où, perdu dans ses pensées, il avait couvert sa blessure sans prendre compte du monde extérieur.

Shironome s'envira de la vue de l'animal, conscient qu'un tel spectacle n'adviendrait peut-être plus jamais dans cette vie. Ses genoux se délièrent tandis qu'il se relevait, poussant une réaction qui ne saurait se faire attendre ; les grognements reprirent, amenés par les lueurs de crocs retroussés. La panthère se redressa sur ses quatre membres, toisant l'humain sourdement.

Et simplement, il agrippa l'objet de gel et détourna les talons, non sans lui accorder un dernier regard. Il s'engouffra hors de ses murs sans un mot, respectant sa promesse autrefois prononcée.
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Mer 24 Fév 2021 - 19:14
Une poignée de jours plus tard,

Bien des heures écoulées trahirent une aurore succédée aux crépuscules de journées passées, tandis que l’ombre d’une même silhouette demeurait, arpentant les dédales de cette forêt que nul ne semblait avoir trahi de sa présence, si ce n’était celles animales. Ses poumons s’emplirent une fois encore de l’air glacé emplissant les lieux de ses senteurs boisées et brûlantes de givre, éveillant ses muscles à la lisière de langues de feu muettes ; et pourtant, c’était-là un sentiment qu’il chérissait plus que tout autre. C’était l’une de ces émotions qui ravivait les chairs d’un éclat d’existence, qui les arrachait à l’indolence du quotidien pour leur révéler ce qu’elles avaient toujours su, mais que le temps leur faisait oublier. Qu’elles étaient animées de vie, et combien ce cadeau pouvait être précieux.

Même aux yeux d’un enfant ayant perdu toute trace de son passé. Ses prunelles forgées d’éther revinrent trouver les alentours de ces bois, couverts d’un doux manteau de poudreuse ; et au loin, il crut percevoir le reflet d’une couche de gel, parsemant un lac, sans véritablement y porter attention.


Son visage se détourna de cette esplanade, laissant son ouïe retrouver les détails de ces plaines, en espérant que dans l'écho de cette vie sauvage où trônaient les seules reliques de sa mémoire, d'autres apparaîtraient également.

Mais lorsqu'il tentait de faire taire ces brides de nature, les yeux clos sur ce monde pour espérer en regagner un autre fait d'illusions de l'esprit et de fragments d'autrefois... l'adolescent rechignait à y demeurer. Car de nouveau, ce fut comme si l'odeur âcre de la fumée revenait hanter ses pensées, comme si les flammes longeaient de nouveau sa peau, se mêlant aux reliques de l'affrontement du Shodaime. Comme si les paroles prononcées par cet homme qu'une voix avait nommé Arare, se répétaient en boucle ; un souvenir auquel ses pensées s'attachaient, indéniablement.

Je t'interdis de parler d'elle de cette manière, Arare!
C'est une Yuki ! Tu devrais la haïr, elle et son clan autant que moi, et voilà que tu lui offres un bâtard
que tu n'as pas eu le courage de tuer pour laver ton honneur !

C'est mon fils!

Les yeux de Shironome s'ouvrirent à nouveau sur les reliefs du paysage, les iris meurtris par une ombre de douleur passagère, apportée par la mélancolie d'un monde face auquel il ne savait comment réagir, auquel son cœur semblait attaché mais dont son esprit souhaitait s'éloigner, comme banni, incapable d'outrepassé ce linceul flou qui couvrait sa mémoire.

Wakaki est ton fils. Celui-là n'est qu'un rejeton qu'aucun de nos clans ne désire voir porter le nom.

Ses poumons s'emplirent à nouveau de l'air bordant ces plaines, résiné face à l'impossibilité d'outrepasser cet interdit muet. Au lieu de cela, il s'adonnait, pleinement, à prêter l'oreille aux éclats de vie parcourant la forêt, aux bruissements des êtres invisibles à ses yeux pressant leurs petits corps parmi les feuilles ou se dissimulant à la venue de l'aurore. Au son de pas, pressant la neige sous leur poids ; de ceux qui attirèrent davantage l'attention du nivéen, au détour d'un regard glissé au-dessus de sa maigre épaule.

Ses yeux s'écarquillèrent légèrement, amenés par un vent de surprise : car sur son flanc, éloignée de plusieurs mètres, trônait la silhouette féline de cette panthère rencontrée une poignée de jours plus tôt, son poil dépourvu de gouttes sanguinolentes. Au contraire, dans la lumière filtrant par les feuillages, il pouvait discerner, à peine, l'ombre d'une plaie cicatrisant peu à peu, aux reflets verdâtres par endroit. Un sourire sincère se glissa sur ses lèvres, à cette vue. Jusqu'à ce que leurs regards ne se croisent à nouveau, lorsqu'elle éleva son museau de la poudreuse couvrant ces terres.

Pourtant, l'espace d'un instant, il crut voir ses moustaches et son poitrail se révolter par un intérêt tout autre, celui de la prudence. Il décida de se défaire de cette sensation d'incertitude en la voyant s'éloigner, détournant à son tour son attention de sa silhouette ; et se faisant aveugle aux bruissements des feuillages et aux hurlements de bêtes animales s'élevant au loin, il poursuivit sa marche dans la forêt gelée, en emplissant son poitrail de toutes ses effluves.

Dans son dos, le félin s'arrêta à nouveau, l'une de ses pattes relevées comme par appréhension. Son museau revint retrouver l'air sibyllin de ces terres, comme pour sentir les traces de présences qui taraudaient son instinct sans cesse. Ses babines se retrouvèrent face à ce vide aux yeux des hommes, qui tenaient pour elle tant d'indices ; ceux forgés par son odeur, celle du sang, et celle plus humaine de cet être chétif se tenant au sein de ce territoire que nul de ses pairs n'avait osé fouler depuis longtemps.

Un frisson s'épris de l'échine de Shironome lorsqu'il entendit un grondement cerner ses flancs ; et d'un sursaut, il se retourna, sa paume agrippant la hanse d'un kunaï par simple réaction instinctive. Son regard azuré croisa celui de l'once qui avait fauché la distance qui les séparait et qui semblait continuer encore sa course, bafouant la poudreuse sous ses pas au fur et à mesure que ses grognements s'élevaient en sa direction, comme pour le prévenir de ne pas tenter davantage sa patience. Sa mâchoire se contracta à cette vue tandis qu'elle s'approchait davantage, ralentissant sa cadence pour mieux laisser ses lourdes pattes laisser ses empreintes dans la neige qui tamisait le bois.

Il n'eut pas à attendre davantage pour se mettre lui aussi à courir, pensant être prit pour chasse. À l'air poussiéreux de ces arbres se substitua la chaleur éreintante de l'urgence se pressant au cœur de ses poumons, revolant ses propres muscles contre ses gestes. D'un coup d'œil dressé sur son flanc, il tenta d'aviser la bête ; en vain. Seuls les bruits réfractaires de sa silhouette féline courbant son chemin le long du sien pouvaient lui offrir un semblant d'indice sur sa position.

Et au fond de lui, il avait l'amer sensation de n'être qu'une proie que l'on guidait près d'un flanc sauvage inconnu, pour mieux s'en repaître dans l'ombre de son incrédulité.

Le hurlement d'une meute de loup trahit le silence effréné de sa course, le faisant frissonner à nouveau face à l'instinct de survie qui s'éprenait de ses muscles. Ses pas finirent par s'écraser sur les détours d'une clairière, où un lac gelé trônait en son sein comme un hameau accueillant les âmes au repos ; mais sous le joug de l'hiver, il n'était que mortel, de cette glace fine qui le recouvrait pour mieux saisir les imprudents sur son passage. Ses yeux se fermèrent avec force, priant d'une pensée... avant qu'il ne s'élance droit devant lui, sentant les grognements du félin se rapprocher davantage de ses flancs. Pitié, ne te brise pas.


Un grondement sourd répondit à son geste, comme avorté par la frustration ; mais sans s'arrêter une seconde, l'enfant des neiges traversa la surface givrée de cette eau, dont les craquements subtils firent manquer un battement à son cœur. Un fragment de glace s'enfonça sous son passage, provoquant une nouvelle fissure sous sa prochaine enjambée. Pitié, pitié, pitié... Son souffle erratique s'échappait de ses lèvres à chacune de ses inspirations ; et une fois qu'il eût rejoint l'autre bord, ses paumes s'effondrèrent sur ses genoux, tentant tant bien de mal de chasser cet air qui brûlait ses poumons, de reprendre le contrôle sur son corps, n'importe quoi. La course avait éreinté ses muscles, et déjà, il pouvait sentir le froid mordant assaillir ses chairs sans qu'il ne puisse l'en empêcher. L'échine courbée, les oreilles assourdies par ses propres respirations, il était incapable de faire quoi que ce soit. Jusqu'à en oublier la silhouette féline qui avait chassé ses flancs, et l'avait poussé dans de tels retranchements.

Sa poigne enserra le tissu de son kimono recouvrant son torse, dans un vain espoir de s'ancrer quelque part, n'importe comment, afin de ne pas succomber à l'ivresse du manque d'air ; et le souffle lourd, il avisa un regard par-dessus son épaule. Ses yeux s'écarquillèrent sous la surprise, manquant d'inspirer à nouveau.

Aux abords du lac, de l'autre côté, trônaient une meute entière de loups bruns ; de ces mêmes, symboliquement, qui ressemblaient au canidé ayant échangé crocs et griffes avec le félin quelques jours plus tôt, pour remporter le cadavre d'un lièvre. Et quant à elle, l'once trônait au centre du lac, tentant elle aussi de s'enfuir : mais sa gueule, elle, était tout entière tournée vers lui, hurlant et grognant comme pour le pousser à s'enfuir davantage, à continuer sa course. Car déjà, l'une des bêtes s'était détournée du reste du groupuscule pour longer les contours du lac givré, pour mieux cerner ces deux âmes qu'ils avaient choisi comme festin.

Il s'était trompé, lourdement. Cette once n'avait à aucun instant cherché à se repaitre de ses chairs, dans l'absence de toute proie. Elle l'avait guidé loin d'une menace tout autre, que seuls ses sens animal pouvaient percevoir ; un échange de dettes, semblait-il, pour son flanc cicatrisé. Le souffle court, il ne pouvait que l'observer poursuivant sa course au milieu de cette étendue gelée, où les craquements de son passage subsistaient. Et dans ce capharnaüm de grognements, d'hurlements et d'inspirations assourdissantes, Shironome eût l'impression de perdre pied.

Un craquement de plus retentit.

Il vit la silhouette de l'once s'effondrer, la glace rompre sous son poids, déjà fragilisée par son passage. Son corps sursauta, lui aussi.

Les remous glacés de l'eau semblèrent soulever même la couche de givre qui la recouvrait, propageant leurs fissures jusqu'aux abords du lac. Un glapissement leur répondit, puis un autre. Un hurlement. Les canidés qui s'étaient avancés sur cette étendue reculèrent, apeurés. Un râle retentit dans le silence ; celui de l'once, dont les poils humides se pressaient contre sa chair tremblante. Ses griffes s'accrochaient aux rémanences de plaques de gel, sans pouvoir se hisser. Jusqu'à ce que sa gueule ne disparût entièrement sous les eaux et ne se hisser à la surface pendant quelques secondes pour happer le peu d'air qui lui restait.

Non ! Il voulut hurler ; mais sa voix, elle, éreintée par son souffle, s'était brisée. Sa main enserra sa gorge tandis qu'il était témoin des mouvements erratiques de l'animal dont le règne avait courbé l'échine face aux lois de la nature, incapable de nager, ni même de s'extirper de ce lac, dont le givre engourdissait peu à peu ses muscles. Il ne lui suffit que d'un regard pour se rendre compte qu'à son image, les loups demeuraient tétanisés sur place ; certains, même, rechignaient à s'avancer, à faire demi-tour. Ils ne se risquaient pas à venir, de crainte d'en payer le même prix.

Les prunelles éthérées de l'enfant des neiges contemplèrent une dernière fois les traits du félin, avant de déglutir.

Et sans réfléchir, Shironome se jeta à corps perdu dans l'eau gelée.
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Jeu 25 Fév 2021 - 21:28
Le froid.

Celui mordant de l’eau, celui du souffle du vent qui se dressait tel un monarque entre les hauts troncs de cette forêt blanche. De ceux qui pressaient des frissons le long de sa peau, qui tétanisaient ses muscles à l’images de ceux de ce félin. Shironome hoqueta lorsque son visage émergea enfin à la surface, les lèvres violacées par les températures extrêmes. Ses bras s’entourèrent maigrement autour de la silhouette de l’animal, aveuglé par les gouttes givrées qui roulaient sur son front et son visage. Il pouvait sentir, chaque fibre de son corps, lui hurler de sortir, de l’abandonner ici ; l’instinct de survie, poussé à son paroxysme. La prise de ses doigts sur son pelage humide faiblit, comme si inconsciemment, son esprit le poussait à la délaisser, à lui murmurer l’idiotie de son action.

Ses gestes devinrent erratiques, ceux d’un enfant, couplé aux mouvements inconsidérés de son buste où ses poumons se comprimaient sous le manque d’air et le gel. Dans un dernier élan de volonté, le nivéen enserra les flancs de la panthère sans se soucier de sa précédente blessure – priant pour qu’il ne la rouvre pas ainsi – et releva sa dextre au-dessus de la surface, tentant, ne serait-ce qu’une seconde, de retrouver les traces du silence ou d’une quelconque harmonie se trouvant en ces lieux ; car il n’y avait qu’ainsi qu’il parvenait à faire appel à ce don si particulier qui était le sien, lorsqu’il trouvait dans la nature et son entourage une quiétude imitant celle des neiges.

Il sentit un tremblement s’emparer de lui, une nouvelle fois ; et dans le mutisme avorté de ses lèvres, la chair qui paraît autrefois son bras s’érigea en un éclat de givre s’étendant sur le reste de l’eau gisant sur son flanc – un appui, bien plus solide que la glace fragile qui couvrait autrefois le lac. Et tant bien que mal, il se hissa sur ce récif d’infortune, glissant un coude, puis un genou, puis un autre : et lorsque ce membre de neige rejoignit celui demeuré humain pour enserrer la silhouette du félin, un craquement retentit, plus léger.

Le son lourd de deux corps tétanisés s’échouant sur cette vague de froid lui fit écho, rompant ce cappricio de respirations erratiques.

La chair revint hanter son corps de gel, tandis qu’une main hasardeuse s’élevait sur la glace parant la surface pour s’y ancrer davantage. Shironome rampa, glissa, sur ses détours brisés, jusqu’à demeurer inerte. Ses poings refermés à en faire blanchir ses phalanges reposaient sur ce socle, ses muscles parcourus de frissons incontrôlés ; et de nouveau, il pouvait sentir ses poumons s’incendier à chacun de ses soupirs, à brûler son être de l’intérieur de langues de froid. Des fourmillements envahirent son nez, sa gorge – ses oreilles s’assourdirent, et il eût l’impression de ne plus exister, de n’être qu’un amas d’humanité tentant désespérément de s’accrocher à celle qui s’échappait graduellement de ses lèvres, rythmée par son souffle saccadé.

Son flanc retomba contre le givre couvrant le lac, incapable de soutenir d’avantage le poids de son corps et de ses vêtements alourdit par l’eau. Ses doigts raclèrent la peau couvrant sa gorge dans le maigre espoir de forcer désespérément l’air d’y entrer ; et lorsqu’il inspira enfin, ses pupilles dardèrent le ciel sans réellement le voir, flouté par un regard aveuglé.

Sa paume retomba contre ses côtes, frôlant le pelage humide de l’animal qui s’évertuait autant que l’humain à se remettre de cet étau glacé, allongé, lui aussi ; et se tournant vers elle légèrement, l’enfant des neiges put entrevoir l’ombre verdâtre de ce pansement d’infortune, duquel un maigre filet de sang dépassait. Rompu, sans l’être assez pour hanter son esprit d’inquiétude.

Alors, d’un seul besoin d’accaparer un peu de chaleur, l’adolescent se pressa contre le corps de la panthère tel un enfant, incapable d’empêcher ses muscles de trembler. Il senti, vaguement, le poids de sa gueule s’élever sur ses côtés pour darder ses gestes d’un air intrigué ; et il ne put que lui adresser un regard fébrile, avant de tomber, lui aussi, aux portes de l’inconscience que ce froid glaçant imposait à son corps.

Il n’entendit que l’écho de sa mâchoire bestiale retomber, elle aussi, sur le givre ; tétanisée par ce soupçon d’adrénaline quittant sa chair.

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Sam 12 Juin 2021 - 19:42


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« L’amour n’est pas un accident.
Je n'ai que faire de tes sentiments pour cette putain, Enman, te voir lové auprès d'elle était déjà un affront, mais lui faire un enfa–
Je t'interdis de parler d'elle de cette manière, Arare !, le bruit d'une table basse retournée accompagna sa réplique tandis qu'il se relevait face à son frère. L'écho soudain fit sursauter Shironome, qui se pressait davantage contre la porte extérieure du barraquement.
C'est une Yuki ! Tu devrais la haïr, elle et son clan autant que moi, et voilà que tu lui offres un bâtard que tu n'as pas eu le courage de tuer pour laver ton honneur !
C'est mon fils !
Non, il ne l'est pas !, hurla-t-il. Tu en as déjà un, un Hyôsa de chair et de sang, faut-il que sa mère ait péri à sa naissance !
Ne l'utilise pas pour ton argumentaire stérile. », gronda son frère en retour.

Cela sembla apaiser ses paroles, le temps d'un instant ; comme par un respect offert à l'une des siens dans la mort, contrairement à d'autres en vie pour qui il n'éprouvait que dégoût.

Sa voix s'éleva à nouveau, forgé d'une colère sourde.

« Wakaki est ton fils. Celui-là n'est qu'un rejeton qu'aucun de nos clans ne désire voir porter le nom. »

Un bruit sourd retentit, poussé par la maladresse d'une âme qui voulait demeurer discrète. Le tintement d'un objet de porcelaine roulant sur le sol rompit l'échange des deux adultes, dont les attentions conjuguées vinrent se loger sur ses détours. La silhouette de l'enfant se jeta sur cette perle ronde, comme pour tenter de l'empêcher d'attirer davantage de foudres sur sa présence ; mais en voulant la récupérer, il comprit que l'ombre de son visage se présentait tout entier aux yeux des plus âgés demeurés à l'intérieur de la bâtisse. Si le regard de l'un s'adoucit dans la sollicitude d'un père en comprenant qu'il avait entendu leur échange depuis lors, celui de l'autre se durcit davantage, les poings serrés par une telle situation. Malgré lui, Arare éprouvait un certain inconfort, face aux mots employés en sachant que l'objet d'une telle discussion l'avait entendue depuis son commencement.

Shironome détourna les yeux des deux adultes, refermant ses petits poings sur la perle de porcelaine ; et aussi vite que ses jambes pouvaient le porter, il se détourna de la bâtisse, incertain quant au fait que sa présence soit bienvenue ou non.

Le visage d'Enman se ferma, lorsqu'il avisa son frère cadet, avec la même hargne sourde qu'il lui avait adressée plus tôt.

« Va-t-en.
Quoi ?
Je ne veux plus entendre un mot sortir de ta bouche. Cette discussion est terminée., il vit la colère déformer les traits de son vis-à-vis, bien qu'il se résignât.
Tu ne pourras pas répliquer la même chose devant le conseil des anciens, Enman. Cet enfant va payer le prix de votre bêtise, que vous avez choisi d'ignorer.
Va-t-en ! », cracha-t-il plus fermement.

L'écho d'une porte que l'on refermait avec fureur lui répondit.

Et après lui, ne restait le silence.
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Dernière édition par Hyōsho Shironome le Sam 12 Juin 2021 - 19:56, édité 1 fois
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Sam 12 Juin 2021 - 19:44
*


Guidé par la main puissante de son oncle, Shironome pénétra dans l'ombre d'une pièce isolée du reste du baraquement, dont l'intérieur n'était illuminé que par les frêles crépitements de torches sur les flancs de la matriarche du clan Yuki, les genoux pliés sur un couffin de tissu à l'opposé de la pièce, et des rayons de l'aurore filtrant par les fenêtres de bois. Son regard enfantin se posa sur la silhouette de sa mère, ainsi que sur la silhouette de cet homme, son père, tous deux assis face à elle comme s'il s'agissait de présider une audience. À l’un, l’on réservait la honte d’avoir entaché la pureté de son ascendance. À l’autre, la colère de s’être mêlé à ce clan se pensant si pur et supérieur, et le dédain de le croire désireux d’en devenir un à son tour.

Au sein de cet air lourd et chargé de colère, il n'eut le temps d'appeler le nom de sa mère qu'une main puissante guidait son dos jusqu'à un groupuscule d'hommes et de femmes longeant les murs de cette pièce. Sur les vêtements des uns et des autres, il pouvait reconnaître les armoiries des deux clans, Hyosa et Yuki, réunis. L'un d'entre eux, particulièrement, lui accorda une œillade à travers ses cheveux blonds avant de se détourner de lui. Il ne put le reconnaître, mais de par sa stature, le garçon sentait au plus profond de lui qu'il se tenait face à sa grand-mère comme un égal, le dos droit, les mains jointes.

Son oncle apposa sa paume sur son épaule lorsqu'il arrêta leur marche pour trôner derrière son frère, Enman. Comme pour le tenir près de lui, et l'empêcher de bouger. Du coin de l'œil, Shironome crut reconnaître les traits de Wakaki, au loin, qui dû détourner le regard de lui à son tour, forcé par l'un des plus âgés.

La voix de sa grand-mère, et matriarche, s'éleva dans le silence de la pièce, faisant écho au vent des Neiges qui frôlait les reliefs de la bâtisse.

« Comment as-tu pu ? »

La jeune femme redressa son regard dans celui de givre qui lui était lancé par sa mère, l’air digne, malgré toute la rage qui trônait au sein de ces prunelles maternelles qui la dardaient sourdement. Ses traits semblèrent se parer de la même noblesse qu’elle avait toujours guidé auprès d’elle, héritage de son clan, avant qu’elle ne réponde à ces paroles acerbes par le même ton humble que tout autre ;

« Comment ai-je pu quoi ? Protéger mon enfant de vos remarques acerbes ? De la réalité de deux clans qui se déchirent et se haïssent quand ses deux parents savent en faire exception au nom de quelque chose de plus grand ? »

La réplique qui la coupa fût crachée des lèvres de la matriarches telle une insulte, dans laquelle l’on pouvait pressentir toutes les affres d’une colère qu’elle ne pouvait plus étouffer.

« Non. Que tu nous aies caché son ascendance par le mensonge, que tu aies impliqué l'un d'entre nous dans ta fourberie en le prétextant père pour que l'on ne découvre pas la vérité. Que tu aies pu nous as laisser aimer cet enfant comme un Yuki alors qu’il n’est qu’un de ces… »

Et pourtant, lorsqu’elle croisa le regard du garçon, debout derrière ses parents près de son oncle, incrédule aux problèmes des adultes, elle retint ces mots de trépasser. Il put voir sa mâchoire se contracter avant qu’elle ne poursuive, interdisant par un seul regard à sa fille de prendre à nouveau la parole pendant cet interstice.

« Tu sais tout de l’honneur de notre lignée, du pouvoir que nous sommes dotés et des attentes de royautés que l’on se doit d’atteindre par honneur au premier Daimyo. De cette dignité qui ne peut être entaché par la bassesse d’un clan qui n’a que pour espoir d’accaparer ce qui ne lui appartient pas.
Convoquer le premier Daimyo comme une excuse pour votre ego à chaque parole ne vous rend ni plus noble ni plus digne qu’un autre.
Arare. »

La voix de l’homme s’éleva envers son frère comme un rappel à l’ordre, pour mieux l’intimer à se taire et à ne pas changer ce semblant de procès en une jetée de poudre entre leurs deux clans. Et telle une monarque, la matriarche du clan Yuki éleva son menton face à l’intervention du père de l’enfant, dans un air proche de la distinction envers lui – un terme bien trop fort qu’elle ne prononcerait jamais, pour un Hyōsa.
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Hyōsho Shironome
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Sam 12 Juin 2021 - 19:47
« Shironome. »

Le garçon sursauta à l’entente de son nom, élevant un regard vers son oncle trônant sur son flanc, et vers la main puissante qu’il gardait sur son épaule depuis le début de cette entrevue, dans laquelle il voulait trouver ne serait-ce qu’un peu de chaleur pour se rassurer, sans savoir si c’était là le sentiment que l’adulte lui prêtait. D’un geste du menton, Arare hocha la tête en l’observant du coin de l’œil avant de darder à nouveau ses yeux dans le vide, droit, impassible.

« Approche. »

Il déglutit, faiblement, avant de sentir les doigts d’une main se presser contre son échine pour le pousser à avancer, d’une légèreté mêlée de force à suivre cette demande. Alors, il fendit l’espace de ses petits pas, vêtu de ce pauvre kimono, aux armoiries des Yuki.

Lorsqu’il dépassa les silhouettes conjointes de ses parents, tous deux assis au centre de cette pièce sur leurs genoux, il put sentir leurs regards se presser sur lui, soucieux, inquiets. Et pourtant, conscient de ce qui s’apprêtait à ce dérouler devant eux. Debout, ainsi, il semblait à peine plus grand qu’eux, de ces cinq années de vies ; et pourtant, il n’était qu’un frêle fragment de ces clans, dont il s’apprêtait à perdre tous deux le nom.

Ses yeux s’élevèrent sur les traits marqués par les années de la matriarche, tandis que ses paumes vinrent se joindre dans son dos, comme pour imiter les plus âgés de son clan dont il pouvait voir les visages l’observer à leur tour, sur ses deux flancs. Et bien qu’intimidé par tous ces yeux posés sur lui, il tenta de faire comme si de rien n’était, en avisant sa grand-mère dans la faible lueur des torches illuminant la pièce dans la noirceur de l’aurore.

Il la vit se redresser, lentement, avec l’aide de cette canne de bois qui ne la quittait jamais dans ses souvenirs ; il comprit, par ce seul geste, toute l’importance de ses paroles à venir lorsque la chaleur des réprimandes d’autrefois se substitua sur son fasciés à une pleine amertume, aujourd’hui. Peut-être, ressentait-elle une pointe de pitié pour ce garçon né sans le savoir au cœur d’un union qu’aucun ne respectait.

Elle n’en avait certainement pas pour quiconque trahissait ses lois.

« Qu’importe ce que ta mère ait pu t’enseigner ces dernières années, ou l’emblème que tu crois porter comme étant celui de ton clan, cela ne fait pas de toi un Yuki ; du fait de ta naissance, tu n’en a jamais été un, aussi irresponsable cela a-t-il pu être de te l’avoir un jour fait croire. »

Elle pouvait voir sa fille bouillir de colère par les mots qu’elle employait à l’adresse de son fils, lorsqu’elle lui accorda une œillade. Mais elle demeurait assise, muette, les poings serrés sur ses genoux ; car elle savait, que si elle laissait ses sentiments révolter cette pièce, il n’en ressortirait que plus de honte pour elle et son enfant. Car les Yuki, nobles comme le givre, se devaient de ne jamais s’abaisser à des élans de passion, d’autant plus en présence des hauts dignitaires d’un clan qu’ils portaient en horreur, et devant qui ils devaient, plus que d’habitude, se montrer sous leurs atouts de royautés.

« À partir de ce jour, tu n’en porteras plus le nom, ni ne sera élevé comme l’un des nôtres., elle marqua un temps d'arrêt. Me suis-je bien fait comprendre ? »

Et dans le regard de celle qu’il avait autrefois appris à chérir comme une grand-mère, dont les sourires et les embrassades engageaient chaque jour plus d’amour et de fierté, l’enfant ne pouvait voir désormais qu’une colère sourde parée d’une ombre de dureté, et de dégoût.

Alors, sa petite mâchoire se tendit et sa tête s’abaissa, ses poings frêles serrés face à l’incompréhension d’une situation qu’il ne comprenait pas. Et pourtant, il savait ce qu’elle attendait d’elle. Un acquiescement, ni plus ni moins, avant de se détourner de lui.

Sa voix s’éleva dans un murmure parmi celles des adultes, ratatinée à l’image de sa silhouette qui n’avait qu’une envie ; quitter ces lieux où l’animosité n’était plus une émotion, mais une règle forgée dans le fer.

« …Oui, Zokuchō.
Bien. »

Elle tendit une main face au garçon – celle ne lui servant pas d'appuis, paume élevée vers le ciel. Et elle patienta. Patienta, en laissant son geste parler pour elle-même, espérant qu'elle n'ait pas à formuler sa demande à pleine voix. Mais comment aurait-il pu comprendre. Lui, qui à peine quelques jours plus tôt et depuis qu'il avait été tissé, l'avait abordé comme sa plus grande fierté, en pensant le mériter ; en pensant qu'il lui appartenait.

Sa voix grave retentit à son adresse, sans appel.

« Ton kimono. »

Shironome sursauta, serrant le tissu épais entre ses petites paumes. Par instinct, il jeta un regard à sa mère pour savoir quoi faire, pivotant vers elle, comprendre ce qu'on attendait de lui. Il ne vit qu'une larme rouler sur sa joue sans qu'elle n'émette le moindre mouvement, toujours droite, digne, comme une Yuki devrait l'être. Et lorsqu'elle croisa le regard d'éther de son enfant, le même qu'Enman portait au creux de ses pupilles, elle hocha simplement la tête, avec tant de regret dans ses yeux.

Le garçon observa de nouveau la matriarche, ses poings frémissant légèrement sur le vêtement, effleurant les armoiries inscrites sur son poitrail du bout des doigts.

« Retire-le. »


族長 Zokuchō, litt. personne à la tête d'une famille
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Sam 12 Juin 2021 - 19:48
Ses lèvres s'entrouvrirent, comme pour lui adresser une parole : mais il ne dit rien, demeurant stoïque, tiraillé. La voix de son père s'éleva dans son dos, acerbe, sous les formes de mots qu'il savait que sa compagne ne pouvait prononcer.

« Vraiment ? En êtes-vous arrivés à telles aberrations ? Ce n'est qu'un vêtement pour lui, laissez-le le garder, il n'y est pour rien dans l'histoire de nos cla–, Shironome sursauta en l'entendant, raffermissant sa poigne sur le col de son vêtement.
Je pense que vous vous êtes suffisamment mêlés aux Yuki pour une vie entière pour avoir à m'infliger vos paroles davantage, Hyōsa Enman. Ne vous humiliez pas d'avantage en pensant pouvoir vous adressez à moi comme à un égal. »

L'adulte voulut répliquer ; mais en voyant le geste de son amante, qui avait dressé pour la première fois son visage dans sa direction depuis le début de cette entrevue, il s'abstint. Quant à la vieille femme, elle répéta sa demande d'un geste face à l'enfant, y adjoignant de nouveau la voix.

« Ne me fait pas attendre, Shironome. »

Le regard de l'enfant trouva celui de la matriarche, tremblant d'incertitude – et pourtant, lorsqu'il vit la dureté qui trônait dans ses yeux, il abaissa sa tête à nouveau, et, lentement, commença à dénouer la ceinture blanche qui retenait sa taille. Des frissons parcourraient sa peau, visible par quiconque. Dans cette salle où les hauts dignitaires des deux clans s'étaient réunis, il ne pouvait s'empêcher de se sentir épié, dégouté, chassé. Pour la première fois, il ne pouvait se sentir à sa place parmi eux, et son cœur, lui, lui soupirait que ce sentiment était devenu une réalité.

Lorsque ses doigts s'entremêlèrent sur sa ceinture, il paniqua davantage, craignant d'être de nouveau pressé, ou d'entendre les adultes s'amonceler de répliques amères à son encontre. Alors, il se dépêcha davantage sous le regard peiné de sa grand-mère – qu'il ne remarqua pas – qui lui fit grâce de toute remarque. Par son abstinence, tous semblaient l'imiter, tant qu'elle représentait aux yeux des deux clans une force avec laquelle l'on ne devait se confronter.

Lorsque l'obi se dénoua enfin, les deux pans du vêtement glissèrent légèrement sur son torse, mais avec attention, le garçon plia ce morceau de tissu en premier, afin de le presser au creux de la paume de la vieille femme. Les Yuki lui avaient appris à être droit, à faire les choses correctement, une à la fois, parfaitement. Cela, ils ne pourraient l'effacer de lui.

Lentement, Shironome fit glisser le kimono du nagajuban blanc qui couvrait encore son corps – un sous kimono, porté par tous, mais dont l'épaisseur laissait à désirer en ces terres gelées – et de nouveau, il frissonna, légèrement. Ses poings s'entourèrent sur le vêtement qu'il pressa sur sol, ployant les genoux face au tissu pour mimer la façon dont on lui avait enseigner à le plier, de sorte à ce que les armoiries ressortent sur la face visible à tous.

Le garçon se releva, doucement, laissant les fibres frôler une dernière fois ses mains d'enfant ; et lorsqu'il avisa une dernière fois la matriarche, ce fut pour le poser au sommet de l'obi, entre ses doigts.

Elle l'observa, un instant, avant d'accorder son attention au vêtement. Comme prise dans ses pensées, elle ne dit rien, le temps de quelques secondes.

Lorsqu'elle détourna l'objet à l'un des membres du clan trônant à ses côtés comme pour s'en défaire, ce fut comme si elle avait rompu son mutisme. Sa main revint trôner sur le bâton soutenant toujours sa silhouette, avant qu'elle ne déclare ;

« Tu peux disposer, maintenant., avant même que l'enfant ne puisse réagir, la voix de sa mère s'éleva dans son dos, comme un soupir.
Shironome. »

D'un seul coup, il se retourna vers elle, et en voyant ses deux bras ouverts, le garçon se jeta dans son étreinte pour se blottir contre elle, appréciant le peu de chaleur qui émanait de son corps. Il sentit l'une de ses mains venir se glisser dans ses cheveux, pressant son visage dans l'ombre de son cou ; et en retour, il referma ses petits poings sur le col de son kimono dans son dos, le regard dardant le sol pour ne pas avoir à croiser celui des hommes et des femmes des deux clans qui les observaient certainement avec dédain.

La matriarche ne dit rien face à leur embrassade, cependant. Elle se contenta de se détourner d'eux pour observer un Hyōsa en particulier.

« Avez-vous quelque chose à ajouter, Hyôsa Hakyo ? »

La mâchoire de sa mère se contracta en entendant ces mots, n'osant pas un regard à son amant. Lui, demeurait bouillant de colère, son regard s'élevant jusqu'à son chef de clan. Lequel l'observa le temps d'une seconde avant de répondre, ses bras noués dans son dos à l'adresse de la matriarche.

« Je n'ai que faire d'un enfant élevé en Yuki. Doive-t-il être l'un des nôtres par ses pouvoirs, il n'en sera pas un, que ce soit par le nom ou la reconnaissance., il considéra l'enfant, avant d'ajouter. Faites-en ce que vous voulez.
Hakyo ! », s'exclama son père de rage en se redressant debout, menant à davantage d'échanges menés par la colère dans cette maigre pièce.

Shironome nicha davantage son visage dans les bras de sa mère, frissonnant ; et en réponse, elle ne put que continuer de lui offrir un tant soit peu de tendresse en caressant ses mèches blanches, pour tenter d'occulter la réalité à ses yeux d'enfant.
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