Ce qu'il y avait sûrement de plus perturbant dans cet examen, ce n'était pas tant de devoir passer un examen que de le passer sur ordre du village à près de 27 ans. Cette simple donnée changeait beaucoup de choses et le moment le plus coquasse était encore ce jeune shinobi, qui aurait pu avoir l'âge d'un de ses plus jeunes frères cadets et qui lui avait demandé, avec toute la sincérité que la jeunesse pouvait offrir : Mais... Mais... Cet examen est si dur que ça pour vous soyez si âgé ? Soupir amusé à ce souvenir. Comment expliquer à ces jeunes qu'il n'avait jamais souhaité être considéré comme un ninja et se contentait d'être tout en bas de l'échelle ? Le pouvoir, la notoriété ne l’enivrait pas. Seul le plaisir de se dépasser et d'être fidèle à ses valeurs était un moteur qu'il estimait viable en cette époque troublée. Bien entendu, il n'était pas la seule "rare" exception et quelques individus apparaissaient plus âgés dans l'adolescence que ce le petit jouvenceau qui l'avait ainsi abordé de sa spontanéité paniquée. Mais quand il avait eu à suivre la procession des enfants-shinobis des trois villages, son regard azuré s'était perdu dans les sommités de l'infinité céleste avec cette seule question : comment en était-il arrivé à passer un examen pour ninja ? Il préférait ne pas regarder en arrière. Le village qu'il représentait était à ses yeux un prisme du plus sordide des bas-fonds. Pour de très nombreuses raisons, sans en vouloir à tout ses membres ou même ses habitants, réfléchir longuement à la situation et aux conflits perpétuels qu'il avait vu se gangréner entre les shinobis ne lui apportait qu'une sensation de lassitude et de mal-être. Mais hier était hier. Et s'accrochant à un horizon où chaque jour suffit sa peine, il expira comme pour expurger tout ce qui lui-même le pesait avant de se recentrer sur l'instant présent.

La jeunesse en tant que telle, fourmillante, curieuse et pleine d'ambition était une vue bien plus entraînante que les idées qu'il mettait derrière lui. Certains le regardaient comme un extraterrestre, d'autres contemplaient son katana avec envie. Tant de rêves et d'espoirs réunis autour de lui, comme si les enfants étaient ce fameux champ d'étoile qu'il devait traverser... Il se revoyait, plus jeune, s'entraînant avec ferveur pour honorer son nom et ses illustres parents. Finalement, peut-être était pour lui l'heure d'une forme de rattrapage ? Mais obtenir la gloire en tant que shinobi, réellement ? Ces nuages semblaient le narguer et rire de lui et de ses pensées. Il allait devoir faire preuve d'humilité et accepter cette épreuve comme étant une preuve d'être vrai envers lui-même. Tout du moins, cette volonté l'avait emmené sans trop de doutes jusqu'à sa table d'examen, au contraire de nombreux jeunes ninjas. Jamais n'aurait-il cru se sentir pris au dépourvu par un examen manuscrit.

La lecture du sujet lui arracha un sourire stupéfait. Entre l'amusement et l'agacement, il ne put s'empêcher de le commenter à voix haute, au milieu de ce brouhaha commun à tout début d'examen : Eh bien, eh bien... Si en soit, l'épreuve n'était pas complexe en elle-même, elle apparaissait comme redoutable pour le jeune homme. Il avait toujours été érudit et appréciait la littérature de ses contemporains. L'art de la rédaction et de la dissertation ne lui était pas inconnue. De même, sa culture n'ignorait pas le Code des Ninja. Mais... Mais... Malgré toutes ces probables qualités pouvant lui permettre de passer avec brio un examen écrit, un obstacle de taille se dressait devant lui...

Le poids de ses principes.

義, la rectitude

勇, le courage

名誉, l'honneur

誠, la sincérité

仁, la bienveillance

忠義, la loyauté

武士道, la voie du guerrier.

L'ironie en était grandiose. Un sujet qui testait la capacité d'un samouraï a suivre un code qu'il ne voulait pas suivre. Perplexe, le samouraï inspira longuement. Que devait-il faire ? Devait-il écrire ce qu'ils souhaitaient lire et trahir ce qui était les piliers de son être ? Sa fierté de samouraï ne pouvait l'accepter... Son cœur frappait violemment dans sa poitrine alors que la mesure orchestrale de son activité sanguine battait à ses tempes, telles les percussions d'une tempête orageuse qui enveloppait désormais son cœur.

Allait-il ridiculiser le village de la brume uniquement pour son honneur et sa fierté ? Son regard s'était fermé dans un épais et ténébreux orage. Les mots de l'énoncé se répétaient en écho avec lui dans une confusion de plus en plus intense. Il s'agissait de juger de la valeur d'une vie et de cinq autres. Face au chantage d'un psychopathe. Les éclairs de ses pensées tonnèrent. O'Dui S. Benten. Et même s 'il ne savait pas s'il s'agissait plus que des rumeurs, le désormais aveugle Eiichiro aurait pu convenir aussi à cette mauvaise mascarade qu'était cette charade pour Ninja. Cette maudite expérience de pensée... Son regard crépitaient d'intensité et le regard terrifié d'autres élèves qui avaient visiblement bien trop d'émotions pour réussir cet examen écrit.

Le temps passait et sa feuille était toujours vide. Il était un échec en tant que Ninja. Mais rester pétrifié ainsi n'aiderait en rien son succès, celui de son village et ne lui était d'aucune utilité. Même s'il devait naviguer dans la plus trouble des eaux, il devait reconnaître que la question méritait d'être posée : et si, un jour, il devait choisir ? D'instinct, son honneur lui disait de trouver une solution pour neutraliser le gardien, quitte à feindre et ruser. Mais que ferait un ninja ? Si s'approprier par et pour lui-même le code ninja était quelque chose d'épidermique, il se devait d'être plus sage.

Que ferait un guerrier, s'il avait la vie du plus grand nombre entre ses mains ? Et en quoi cela serait différent d'un shinobi ? Et que ferait quelqu'un qui portait en lui l'honneur de son village et son honneur de guerrier ? Tu peux baisser ta garde, je ne serai pas ton ennemi. ..... Et ma position ne me permet en rien d’agir comme je l’ai fait. J’espère que mon attitude ne portera pas préjudice à la vision que vous avez de mes frères d’armes. .... Elle ne te permet rien, dégage. ... J'ai porté deux noms, et je ne serais jamais moins fière de l'un que de l'autre. ...Agissez donc pour le bien de Kiri, et non le vôtre. ... Mon coéquipier. Un autre sabreur. J’avais une question à lui poser, mais il ne peut en aucun cas être ici. ... Dans ses souvenirs du village, de ses rencontres les plus nauséabondes aux plus agréable, il en était une qui convenait... Quelle question… Oui, ma confiance est à vous si vous la désirez. Les cheveux blonds, un sourire impertinent... Oui, sa disciple pouvait détenir la réponse.

Pour un guerrier, l'honneur et le plus grand bien prévalait. Mais pas pour un ninja. Était-ce une illusion, ou cet énoncé avait-il fini par le rendre totalement fou ? Peut-être que cet enfant sera très important pour le futur du village. Peut-être que le préserver n'est pas aussi égoïste. Ce qui compte pour un ninja, c'est d'accomplir la mission dans l'intérêt du village et de ses habitants. Aucune émotion personnelle ne devrait brouiller cet objectif. Il le savait... Et une certaine forme de logique émanait de cette éthique... La rectitude du samouraï lui commandait d'être ouvert d'esprit. De comprendre les autres, pour mieux les protéger et ne pas s'affaiblir en se repliant sur soi. Il sourit affectueusement. Merci, Ayuka-dono...

Le murmure imperceptible qui s'échappa de ses lèvres fut le point de départ vers l'écriture de sa réponse. Son sourire calme et rusé reflétait en son regard acéré les images des souvenirs qu'il avait des shinobis de son village. Hm... Je ne peux me laisser distancer par les plus jeunes, n'est-ce pas ... ? Tant pour le village que sa fierté de guerrier, il ne comptait rien sacrifier en cet instant.

*
* *

Des voix s'élevaient en sortant de la salle d'examen. Je me suis trop foiré ! S'écria un Genin en sortant. Et vous ? Vous êtes sorti ? Vous pensez l'avoir cette fois, cet examen ? Parce que vous êtes sorti vachement tôt de la salle, quand même ! Vous avez eu le temps d'écrire votre réponse avant de partir ? Watari sourit mystérieusement au jeune homme du pays de la roche. Qui sait, qui sait... Des flocons d'acier et de glace m'ont aidés à trouver ma voie...

Le Pays du Feu. Un pays situé en bordure du pays du vent, proche de ma terre natale. Ce qui ne me rendait aucunement ce territoire plus sympathique, bien au contraire. C'était un pays que je trouvais creux, moche, insipide, sans âme. Nous étions bien loin de l'animation incessante d'Iwa en ces terres, même si ce village de Shîto, en ces temps d'examens, était relativement animé.

Ah oui. L'examen.

L'heure de gloire, comme ils disent. Grand moment dans la carrière d'un ninja, l'occasion d'une promotion et de gain d'un grade. Une grande cérémonie de notre communauté, qui permettait également de côtoyer des ninjas d'autres nations. Dont les inquiétants shinobis de Kiri no Kuni. Ils avaient une tête étrange ceux-là, comme s'ils n'attendaient qu'une seule chose, pouvoir nous tuer. Brrr. C'était à en trembler. Simplement, si vous me connaissez un peu, il serait temps de savoir que je suis bien trop insouciant pour m'occuper de ce genre d'intimidations idiotes. C'est donc armé de mon plus grand sourire et d'une goutte de sueur que je m'avançais dans la foule, afin d'accéder à la porte de l'examen.

Passons ce moment un peu ennuyant où les examinateurs firent rentrer la trentaine d'entre nous dans une salle d'examens ressemblant à toutes les salles de classe dans lesquelles j'avais pu rentrer. Rien de nouveau ici. À peine 3 examinateurs, un papier, un crayon et basta. Quelle austérité pour un événement de ce niveau. Ou alors étais-je totalement insensible au charme que cela pouvait avoir, mais il me semblait que tout cela n'avait vraiment pas grand chose de solennel. Rien qui ne pouvait éveiller en moi.

Jusqu'au sujet.

Les examinateurs tentaient de nous placer en face du plus grand dilemme de notre jeune vie. Enfin, en ce qui me concernait, puisque tout le monde ne semblait pas aussi jeune que moi. Notamment parmi les ninjas Kirijin. Bref, je m'égare. Ce sujet était tout, sauf ce à quoi je m'attendais. Je croyais qu'ils testeraient nos connaissances théoriques sur le Ninjutsu, sur les tactiques de combat, sur les mudras, sur les techniques de sceau, sur les techniques d'espionnage, sur beaucoup de choses. Mais surtout pas sur ça. Outre le fait que ce sujet soit d'une cruauté infinie, il ne semblait contenir rien qui ne se trouvait dans un quelconque manuel. Et, comme à mon habitude, mon cerveau commençait déjà à fumer, à peine l'épreuve lancée.

'' Réfléchis. Le sujet est simple. Enfin non. Mais s'ils vous le proposent, c'est qu'il y a une solution. Et la solution est forcément possible à atteindre. Éliminons déjà les évidences. Clairement, il ne s'agit pas de lui exploser le crâne. On n'est apparemment que des brebis sans capacités de combat ou de survie. Et malgré cela, il fallait réagir comme un ninja. ''

Ma main s'était mise à trembler, je suais à grosses gouttes et mes yeux sortaient déjà de mes orbites à la manière d'un cartoonesque personnage. Le spectacle de ma souffrance devait sûrement être très amusant vu de l'extérieur.

'' Bon. Que nous reste-t-il ? Première option : Pousser la chaise. Ce ne serait pas une mauvaise option. Enfin si, buter son fils est une mauvaise option. Mais d'un point de vue pragmatique, ça faisait un mort pour en épargner 5. Et, dans tous les cas, il était fort probable que si je ne poussais pas la chaise, il le ferait lui même et cela ferait 6 morts. Mais c'est sensiblement impensable.

Deuxième option : Refuser de pousser la chaise. Mais on en revenait à ma réflexion précédente. 5 personnes mouraient, mon fils sans aucune doute aussi et moi sûrement avec pour avoir désobéi. 1 décision qui nous montait à 7 morts.

Ne restait alors que la troisième option.''

J'étais tellement investi dans mon travail que je me sentais presque sorti de la salle de classe, attaché par les poignets dans cette fameuse pièce, mon fils prêt à être pendu, mon pied posé sur la chaise. Un stress et une pression intense m'envahissait, au fur et à mesure que je dessinais la scène dans mon esprit avec les mots de ma copie. Parce que j'avais trouvé la solution. La troisième option. L'écrire en restant dans la peau du personnage me faisait mal. Mais j'avais tout oublié de la voie des ninjas. La seule chose qui avait mené ma décision était une réflexion personnelle. Inspiré de l'éthique de mon pays, de mon clan.

Naenda Kaïn a écrit:

La réponse, à mon sens, est d'une simplicité évidente. Cet homme, en punissant le fils ainsi, n'a pour but que de s'amuser en torturant l'esprit du père. Ce qui fascine cet homme est la souffrance d'autrui, en lui infligeant tout d'abord cette torture psychologique, surplombée, normalement, par la souffrance absolue d'être responsable de la mort d'un proche. La solution est donc très simple. Ma décision serait la suivante : Satisfaire la volonté de ce sadique en préservant ce qui a du sens. Dans ce modèle, les éléments sont cinq innocents, un jeune garçon et un homme au moins d'âge mûr. La personne étant la moins importante, selon ces faits, est moi, le père. La meilleure des solutions serait donc de me proposer en lieu et place de mon enfant. Me passer la corde au cou et laisser mon fils pousser la chaise. Sauvegarder les générations futures au prix de ma vie.

Je me rends bien compte que ce comportement pourrait bien ne pas satisfaire qui que ce soit ou résoudre la situation. Mais c'est cette réponse que je préfère apporter, plutôt que de me laisser dicter un choix par un ennemi, proposant deux options impossibles.

Tssss. Si avec ça je passais l'examen moi... C'est exactement ce que je me disais en sortant de la salle, accompagné de plusieurs autres personnes, avec le même visage dépité que moi. Mon premier examen du monde civilisé et... tout ça pour ça. Enfin, malgré mes doutes, je n'avais aucun regret. En situation réelle, j'aurais fait la même chose.