Ainsi se termina mon initiatique voyage en terre tetsujine,
alors que nous marchions d’un pas rythmé, toutes les trois, en direction du sud du Pays du Fer, à destination d’Urahi, la capitale de l’Empire du Feu, loin de ces contrées abandonnées des dieux, en proie à une guerre civile pour le moins sanglante, un chaos sans nom engendré par la mort de l’ancien shogun. Nous avions, la Lieutenante et moi-même, eu l’immense honneur, et, surtout, la grande chance d’avoir su retrouver, au fin fond d’une caverne aux parois cristallisées, la dernière représentante d’une lignée dorénavant disparue, ou presque, la princesse déchue Taira Sakina. Une femme définitivement... singulière, d’une sublime beauté, visiblement habituée au luxe et au douillet confort d’une vie passée au palais royal, qui se retrouvait à présent à fuir misérablement, la queue entre les pattes, pour sa propre survie. Une difficile épreuve, sans doute, qui, en y pensant rapidement, ne pouvait provoquer chez moi qu’une bonne dose d’empathie à son égard. Oui. Si d’apparence, tout paraissait nous séparer, de nombreux liens pouvaient être établis entre nos deux parcours, similaires à de nombreux niveaux. Nous nous ressemblions peut-être plus que je n’aurais su, tout comme elle, l’admettre, au fond.

Voulant arriver le plus rapidement possible à la frontière, la Lieutenante nous avait contrainte à une seule halte en cours de route, histoire de nous désaltérer, de casser la croûte un bref instant et – dans le cas les concernant, car je n’y avais toujours pas droit – d’évacuer... ce qu’on avait à évacuer, tout naturellement. Les nombreuses heures d’entraînement auprès de ma mentore portaient de toute évidence fruit, considérant l’absence de chute (Surprise, hein !) et l’apparente facilité que je possédais maintenant à suivre la cadence imposée par ma supérieure. Je ne traînais plus, ça non ! Un réel contraste avec celle qui, pas si longtemps auparavant, ne pouvait faire deux pas sans trébucher ou ralentir le rythme, au grand dam d’une Lieutenante au bord de l’exaspération. Fière de cet exploit et des efforts que j’avais pu fournir lors de notre voyage en terre ferreuse, et, sans doute, touchée par la nostalgie qu’apportèrent de tels souvenirs, je vins rejoindre le flanc droit de ma JooJoon, lui tenant à peu près ce langage :

« Lieutenante, je... j’aimerais vous remercier de m’avoir prise sous votre aile, alors que je ne le méritais pas une seule seconde, à l’époque. L’ancienne moi était... faible. Faible, arrogante et pleurnicharde. Un bébé sans le moindre talent. Elle n’aurait dû mériter aucune attention de votre part, à mon avis. Pourtant, je marche à vos côtés, moi, la version améliorée de la Natsumi de jadis. Le coût a été important, et mon passé me hante encore, je ne le cacherai pas, mais je suis fière de qui je suis dorénavant. Fière de vous servir et de servir l’Empire. Merci Jun. Cette chance unique, cette opportunité de transcender l'être défectueux que j'étais... jamais je n'oublierez qui me l'a offerte. Gloire à vous, Lieutenante. » dis-je avec une pointe de nostalgie brisant quelque peu la voix qui sortait de ma gorge resserrée par l’émotion, tout en plaquant le poing contre mon thorax, en signe de respect. « C’est sans doute un peu inutile d’en parler maintenant, mais... Je voudrais intégrer officiellement les rangs du Teikoku à notre arrivée à la capitale. Devenir une vraie soldate et rejoindre une unité qui me ressemble, ça me conviendrait parfaitement. Vous m’aiderez? » Un brin pensive, je pris une demi-seconde de pause avant de poursuivre, exposant cette fois-ci un objectif qui m’était plutôt personnel, sans lien direct avec les affaires impériales. « Avec votre permission, je... J’aimerais aussi faire des recherches en lien avec mes origines hijines. Hi no kuni est ma terre natale, j’y ai vécu pendant six ans, environ, avant de partir avec mes... parents... pour l’actuelle Kumo. Des membres de ma famille habitent encore les contrées du Feu, j’en suis persuadée. Je souhaiterais les retrouver. »

Et, sur ces ultimes paroles, nous passâmes la frontière terrestre délimitant le Feu du Fer. Ce passage entre deux mondes symbolisa bien plus pour moi qu’il n’y paraissait au premier abord. Ce fut, à l’instar des multiples changements d’apparence ou de parures lors de notre voyage en Tetsu no Kuni, la représentation d’une renaissance, d’un renouveau. La Natsumi kumojine laissait à présent la place à la Natsumi hijine. Forte et dévouée. Suivre la voie du Crocodile avait changé mon destin, ça oui. Jusqu’où cela me conduirait-il ? À voir. Cela n'attendait que d’être écrit...