Lorsque Petite pierre rêve de devenir montagne:

Epuisée par des longues journées de voyages et d’aventures à travers le pays, Fuyumi rentrait au village aux côtés de son compagnon félin. Cela faisait désormais plus d’une semaine que la jeune femme n’avait pu profiter d’une véritable nuit de repos et si sa condition physique restait excellente, forgée par une attention particulièrement à son entretien, elle ne possédait plus la fougue de sa jeunesse. Atteignant la proximité du village de la Roche, elle se rendait directement vers son foyer pour prendre des nouvelles de sa famille lorsque le son de percussions atteint ses oreilles. Attirée par ces sonorités indistinctes, elle dévia sa route pour s’en approcher, pénétrant rapidement dans l’œil du Cyclone, cratère formé des mois auparavant par le sacrifice du Quatrième. Ce lieu, apparut en l’instant d’un instant, façonnait désormais le paysage d’Iwa, détonnant avec les reliefs alentours. Lieu de recueil pour certains, terrain d’entrainement pour d’autres, il avait su rapidement imposer sa place dans le quotidien des villageois malgré sa position externes aux remparts.

Ce ne fut cependant pas l’historique de ce lieu ou sa symbolique qui entrainaient la Jonin en son sein, mais bien cette douce mélodie, ravivant ses sens, égayant son humeur. Plus elle s’approchait, plus elle pouvait distinguer les notes qui l’attiraient inexorablement toujours plus proche de leur source. La joie et la curiosité laissèrent alors rapidement place à une mélancolie profonde, ravivant de vieux souvenirs enfouis. Il ne s’agissait pas d’un instrument commun dans cette région, mais les connaissances musicales de la jeune femme ne tiraient pas ses sources du pays de la Terre. Les mésaventures de sa jeunesse l’avaient conduite dans de nombreux établissements de loisirs où danses et musiques se mélaient dans l’opulence et l’allégresse. Des clients provenant des quatres coins du monde, chacun possédant leurs propres goûts, conduisaient ceux les satisfaisant à découvrir tout ce que la culture du continent avait à offrir.

S’arrêtant à une dizaine de mètres de la source de cette mélodie transportant son esprit dans les méandres du passé, la jeune femme s’agenouilla face à l’inconnue, sans même remarquer les larmes qui s’échappaient de son masque. Si aucun des souvenirs que cela lui ravivait n’était porté par la moindre affection, elle ne pouvait s’en libérer pour autant. Elle restait donc ainsi, immobile, sous le regard perplexe de son chat. Ce dernier ne pouvait que ressentir des émotions étrangères provenant de sa compagne sans en saisir leur signification.

Ses pensées étaient si lucides lorsqu'elle jouait, qu'elle avait l'impression de pouvoir les voir courrir devant elle. Les yeux toujours fermés, ses mains tappaient sur la surface froide de son instrument de manière méchanique maintenant, simplement guidées par son sens inné du rythme. La cadance de la musique restait la même, à la fois énergique, mais rempli d'une certaine nostalgie, un genre de mélancolie heureuse qui appaisait l'âme de ceux et celles qui réussissaient à y apporter l'attention particulière qu'elle méritait. D'ailleurs, pendant un instant, la jeune femme sentie quelque chose près d'elle, elle entendit le bruit des vêtements qui frottait ensemble et ressentie une présence étrangère qui se rapprochait. Parfois, dans un élan de quiétude mentale, il devenait comme possible de voir sans regarder, de comprendre sans voir ou entendre, et c'est ce qu'elle ressentie à ce moment, ne faisant que sourire innocement à cette scène invisible qui se déroulait autour d'elle. La musique n'était-elle pas, après tout, un language universel? Rien de surprenant alors qu'une âme en quête de communication, consciente ou non de ce besoin, vienne parler avec elle le language du silence et de l'introspection.

Inspirant calmement, elle se laissa toujours emporter par son propre élan mélodique avant d'ouvrir les yeux et d'apercevoir cette autre femme qui s'était assise en face d'elle, pas très loin, plutôt près même. Bien que des larmes glissaient le long de ses joues, la genin ne fit rien si ce n'est de garder ce petit rictus au lèvres, non pas par moquerie, mais par simple compassion. Si une âme pleurait, c'est qu'elle associait des sentiments profonds vis à vis sa musique, elle communiait avec elle d'une manière ou d'une autre et...comprenait en fait d'où venait l'inspiration derrière la création. Kurai, elle-même, avait endurée des choses que l'on ne devait normalement pas enduré dans une vie "normale" et comprenait que trop bien ce chagrin enfoui parfois dans le coeur de ceux qui n'osaient pas regarder l'ombre qui les hantait. Sa musique, bien qu'étant un cadeau pour remercier Iwagakure aujourd'hui, venait d'abord et avant tout de là...de la propre noirceur qu'elle avait vécu et dont elle s'était libérée en venant ici. C'était d'ailleurs là la raison qui la poussait à remercier les Iwajins de cette manière.

Ralentissant tranquillement la cadence et la force sur laquelle elle tappait sur l'oval de fer, elle laissa la musique se dissiper tranquillement, comme si elle s'évaporait dans l'air, comme si elle continuait sans cesse d'exister, mais qu'elle ne faisait que s'éloigner vers d'autres coeurs. Enfin, lorsqu'elle ne fut finalement qu'en train d'effleurer les notes du bout des doigts et que la musique ne devenait plus qu'une reminescence de ce qu'elle était quelques secondes plus tôt, elle continua d'observer la spectatrice qui, jusqu'ici, était restée parfaitement silencieuse malgré ses larmes sincères. Kurai croisa donc simplement les bras par dessus la percussion, y appuya légèrement son poid, puis souris sincèrement avant de parler d'une voix douce et compatissante.

Kurai

Merci d'avoir pris le temps d'écouter, mais j'ai l'impression que ton âme à besoin de se faire entendre aussi. Si tu veux, je t'invite à prendre le thé. Qu'en dis-tu?

Les sens inhibés par la mélodie, Fuyumi y focalisait sa pleine attention. Lorsque les coups sur l’instrument se finirent, elle en émergea avec longueur et sérénité. Elle porta ses mains à son visage, essuyant ses joues avec le tissu qui recouvrait ses paumes. Caressant du bout des doigts le sommet de la tête de son chat, elle finit par se relever en reprenant son souffle. Un léger sourire s’afficha alors sur son visage faisant face à la douce voix qui venait de l’adresser.

— J’ai encore à découvrir quelqu’un dont ce ne serait pas le cas, répondit-elle d’une voix encore fragile. Je ne saurais refuser une telle proposition après avoir ainsi profité de tes talents. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas laissée emporter d’une pareille manière par un simple instrument.

Malgré l’amour de la jeune femme pour les arts, elle n’avait guère le temps de s’adonner à cette passion ou aux festivités qu’elle accompagnait bien souvent depuis la transformation de Rokkusu en Iwa no Kuni. Si ses camarades de la Roche étaient souvent des plus sympathiques, les villages cachés n’avaient pas la réputation d’être des plus festifs et l’absence du festival estival l’année précédente n’arrangeait aucunement la situation.

S’approchant légèrement de la musicienne, elle ouvrit son bras en direction des portes du village pour l’inviter à l'y accompagner.

— Fuyumi, enchantée, se présenta la Jonin avec un ton plus serein et maitrisé, avant de se tourner vers son compagnon félin. Je te présente Yuu.

L’animal, peu intéressé par cette rencontre, ne daigna même pas adresser un regard à l’inconnue et se mit à détaler en direction du village. Après tout ce temps à voyager en compagnie de la jeune femme, il ne souhaitait que se trouver un coin au chaud où dormir. La sachant accompagnée, toute inquiétude n’avait pas lieu d’être. Malgré le manque de considération qu’elle venait de subir, Fuyumi ne put s’empêcher de céder un léger rire, amusée par son audace.

— Ce sera peut-être pour une prochaine fois alors, plaisanta-t-elle. En attendant, je serais curieuse de savoir où tu as pu apprendre à jouer d’un tel instrument. Il me semble avoir entendu des sonorités similaires à quelques reprises au pays de la Pluie, mais cela remonte à bien trop d’années pour me mettre le doigt dessus.