Les journées pluvieuses d’Ame no kuni… Une histoire sans fin. Il n’y avait pas un jour où la pluie ne s’invitait pas dans le quotidien déjà morose des habitants de ce pays rongé par la criminalité et la fourberie. Si les nouveaux venus s’y acclimataient difficilement, ceux qui avaient vécu la majorité de leur existence à Murashigure n’y faisaient quasiment plus attention. C’était d’ailleurs le cas de notre criminel à la chevelure argentée, lui qui n’avait plus de souvenir de l’Autre pays…

Dans sa tête, il était un enfant de la Pluie, tout simplement.

Ce fut donc avec les cheveux trempés qu’il arriva dans l’entrepôt désaffecté se trouvant en bordure de la ville de Murashigure. Un lieu de réunion propice aux magouilles les plus inavouables. Et même si Kôsei n’avait pas vraiment l’esprit tordu, il se retrouva tout de même en ce lieu, accompagné de plusieurs autres gus à l’allure plus que douteuse. En tout et pour tout, une dizaine de mercenaires s’étaient réunis ici, sous la demande expresse d’un commanditaire ayant déjà offert une belle somme à ces malfrats rien que pour leur présence en ce lieu.

Assis sur un tonneau, le manieur de chaînes ne disait pas un mot. D’autres, comme lui, préféraient attendre en silence, jaugeant les autres mercenaires du regard. Tous étaient méfiants, seuls quelques-uns échangeaient des banalités dans l’attente que le commanditaire ne fasse son entrée. Même si aucun danger ne semblait pointer le bout de son nez, la tension était plus que palpable. Tous étaient sur leurs gardes, et cette atmosphère ne fit que se renforcer lorsque le commanditaire arriva sur le lieu.

Escorté de trois shinobis dont Kôsei ne pouvait sentir le chakra, il s’avança dans le lieu, un grand sourire aux lèvres. Il semblait ravi de voir les gaillards qui se trouvaient face à lui. La mission restait encore un secret, mais l’homme avait déjà réussi à les faire venir, ainsi il avait déjà accompli la moitié du chemin. Il ne restait maintenant plus qu’à choisir… Ou plutôt, les faire choisir.

« Bonjour à tous, je vous remercie de vous être présenté ici aujourd’hui. J’ai une mission des plus importantes à vous confier, qui sera extrêmement lucrative… Seulement, je n’ai pas assez d’argent pour tout le monde… »

Son sourire toujours affiché sur le visage, l’homme semblait prendre un malin plaisir à la scène qu’il était en train de provoquer. Car les mercenaires commençaient à s’échanger des regards suspects, presque craintifs.

Ils étaient tous idiots, la réponse était évidente. Du moins, Kôsei l’avait bien compris, ce fut pourquoi il commença à malaxer son chakra sans bouger d’un iota. Il savait ce qui avait en tête, et les autres allaient vite le comprendre. Car ils étaient neuf maintenant… Mais les prochaines paroles du commanditaire auront sûrement un impact non négligeable sur leur nombre…

« C’est pourquoi je vous ai réunis ici. Il y a deux places pour ce contrat. Je vous attends dehors. Si dans 20 minutes, je n’ai pas deux personnes devant moi… -Et je dis bien, deux. Pas une, pas trois… Deux.- Alors vous serez tous hors course et personne ne sera payé. Allez, je vous laisse, vous devez avoir des choses à vous… « dire »… ah ah ah !

Et c’est ainsi qu’il repartit, son rire s’éteignant peu à peu dans l’écho provoqué par les murs métalliques de l’entrepôt. Kôsei, qui n’avait toujours pas bougé, reporta alors son attention sur les autres participants tandis que le silence gagnait la pièce…

Mais ce n’était qu’éphémère, car le sang allait vite couler, c’était une évidence.

Les terres d’Ame étaient bien différentes de celles du pays d’origine du Titan. Sa terre natale ne lui manquait pas et celle-ci ne l’attirait pas non plus. Elle se trouvait juste sous ses pieds. Il y était de passage. Il aurait pu se retrouver ici comme ailleurs. Ça lui était parfaitement égal. Il avait fait son entrée au pays il y a peu et il s’était déjà renseigné sur les possibles missions à effectuer. L’intérêt principal pour lui étant essentiellement de pouvoir se nourrir. Et pour un homme comme Shintan, cette phrase n’avait pas forcément le même sens que pour la gente normale de la population.

Un rendez-vous était fixé dans un entrepôt abandonné. En même temps, tout semblait délabré dans ce pays. Le lieu n’était clairement pas fait pour abriter des activités à la fois lucratives et légales. Il y avait belle lurette qu’un choix avait été fait et qu’il serait éternel. Le Titan s’avança dans l’espace totalement désert où déjà plusieurs hommes attendaient. Il y avait même un gamin. Shintan lui adressa un regard bref en s’avançant avant d’aller s’installer loin des autres, à l’arrière du regroupement. Certains discutaient tout bas entre eux mais l’esprit n’était clairement pas à la parlotte. De simples murmures dans l’attente de la suite.

Une petite compagnie s’aventura dans l’entrepôt où la dizaine de mercenaires attendait les ordres. Tandis que chacun devait compter sa part selon réussite du contrat, Shintan faisait un tout autre calcul. Ce gars dont il visait la nuque de son regard froid. Il devait avoir mauvais goût. Sa peau n’était pas nette, elle avait l’air abîmée. On ne touchait pas à un fruit dont la peau était clairement marquée par quelque chose. Non sans une certaine déception, il oublia ce cas, se reportant plus sur un duo à forte corpulence. Mais son menu mental fut interrompu lorsque l’auteur de cette réunion prit la parole afin d’expliquer les modalités de cette rencontre. La sentence tomba tel un couperet.

Une dizaine de candidats pour deux places. Il avait insisté d’ailleurs sur le nombre de personnes. Il devait bien être deux. Pas question donc de s’en donner à cœur joie sur toutes les vies présentes ici. Ce qui décevait au plus haut point le Titan mais il devrait faire avec. Maintenant que la tension était totale, à couper au couteau, le bruit des os qui se brisent marqua le début de l’affrontement. Shintan venait de se saisir de celui qu’il avait envisagé pour son repas. Pris par surprise, le malheureux n’échappa pas à la pression de la gigantesque main qui l’avait agrippée pour l’écraser. L’intérieur de la paume maintenant souillée, il ne restait plus que sept potentielles victimes au compteur. Tout comme un potentiel festin.

Les conditions du contrat avaient été annoncées, mais pas les moyens d’atteindre ces objectifs ; tout ce qu’ils savaient, c’était qu’ils devaient être deux au final et qu’il y aurait donc des personnes déçues. Le contenu de la mission n’avait pas été indiqué et ils ne savaient donc pas ce qu’ils devaient faire par la suite. Mais la première étape était importante, il fallait d’abord faire en sorte de rester dans les deux derniers du groupe. Kôsei le savait, ceux qui avaient été réunis ici n’étaient pas n’importe qui. Tous recommandés par leurs précédents commanditaires, tous avaient des capacités uniques qui faisaient d’eux des mercenaires d’exception. Et pourtant, tous sentaient désormais une lourde pression sur leurs épaules depuis la dernière annonce.

Le colosse avec le menton en chou-fleur attira la plupart des regards vers lui. Kôsei, quant à lui, semblait plutôt tranquille. Son allure ne semblait pas vraiment faire peur aux autres, mais les regards qu’il voyait sur lui le faisaient rire intérieurement, s’ils savaient. Et tandis que le top départ venait d’être donné, le colosse fut le premier à mettre en place son action. Un bruit d’os brisés se fit alors entendre dans l’entrepôt, glaçant alors le sang des autres participants qui furent alors les premiers témoins de cette macabre scène. Le crâne complètement brisé, l’homme retomba au sol. Kôsei regarda la scène de loin, mais il n’avait pas le temps de s’y attarder, il devait tout d’abord penser à sa propre survie.

Se mettant en action, il esquiva de justesse un coup de poignard d’un autre concurrent qui l’avait attaqué pendant le tumulte, le fourbe. Une fois l’assaut esquivé, Kôsei libéra une bande de tissu de sa sacoche et il l’envoya sur son agresseur qui fut alors immobilisé immédiatement par la bande de tissu. D’un mouvement sec du poignet, le jeune garçon aux cheveux gris resserra alors les liens et un nouveau fracas d’os se fit entendre. Un deuxième participant venait de perdre l’usage de ses moyens. Il n’en restait désormais plus que sept.

Ne s’arrêtant pas là, le jeune garçon aux cheveux gris libéra l’un de ses sceaux et libéra alors une multitude de chaînes qui vint alors faire son apparition à ses côtés. En s’en saisissant, le jeune garçon enchaîne directement et il les envoya alors sur tous les adversaires sans distinction, il voulait ainsi les entraver dans leurs mouvements. Il ne lui resterait plus qu’à choisir celui qui resterait si jamais il réussissait son assaut. En soit, le choix du roi.

L’action du Titan avait mis le feu aux poudres, lançant par la même occasion les festivités. Chacun commençait à se ruer sur son plus proche voisin, et mieux préparés que le malheureux pris en traître par Shintan. Un acte qui lui vaudrait certainement des remarques dans tout autre lieu fréquentable. Ici l’honneur était bon pour les perdants et les lâches. Frapper un homme à terre ne dérangerait pas le Titan. Ce ne serait pas le premier et encore moins le dernier. Il ne faisait pas dans la dentelle et il ne comptait pas se laisser mourir dans ce pitoyable endroit pour une vulgaire mission proposée par ce qu’il considérait comme un moins que rien. Celui qui avait besoin d’hommes de main ne méritait pas d’autres titres. Même si ce genre de personnes faisait vivre Shintan.

Ce dernier se retrouva aux prises avec un autre mercenaire, qui s’était trouvé non loin du premier mort. Il prit le Titan pour cible, dans le but de faire partie du duo élu. Affichant un air placide, il se prépara à son tour. Ses poings prirent une dimension pharamineuse alors que son opposant se mit à cracher un jet de feu dans sa direction. D’un coup bien dosé dans le sol, la structure de l’édifice vibra lorsque l’impact de son poing désagrégea la terre pour en soulever un pan. La défense naturellement créée vint arrêter l’offensive sulfureuse. Le pyromane se préparait déjà en concentrant des sphères chargées en chakra Katon. Seulement le Titan ne comptait pas lui laisser l’opportunité de mener à bien son offensive.

Alors qu’il le chargeait pour lui broyer le crâne entre ses paumes. Des chaînes surgirent d’un peu partout, venant enlacer les mercenaires. L’épicentre de cette toile d’araignée métallique n’était autre que le gamin. Comme quoi l’apparence n’était pas une notion sur laquelle on pouvait se baser. Cependant il en fallait plus pour impressionner Shintan. Au même âge, il avait lui aussi commis certains actes que l’on aurait jamais imputé à un gamin.

La tactique était bonne en tout cas pour pouvoir maîtriser aisément la situation. Le Titan ne l’entendant pas de cette oreille s’empressa de réagir. Il avait été immobilisé lui aussi à cause des liens de fer qui s’étaient enroulés comme des serpents. Leur prise était sérieuse mais pas impossible à défaire. Shintan décupla sa taille pour atteindre le haut de l’entrepôt. Cette brusque croissance fragilisa la prise des chaînes sur lui. Ainsi libéré, il fixa le gamin en contrebas qui tirait les ficelles. Il balança sa main vers ce dernier pour récupérer le point de départ des chaînes. Il ne chercha même pas à éliminer l’enfant qui venait de lui offrir sa porte d’entrée pour ce contrat.

Les prises dans ce filet improvisé se retrouvèrent ballotées sous l’action du géant. Lorsqu’il fut bien en possession de toutes les chaînes, il tira d’un grand coup en pivotant sur lui-même, ramenant à lui les prisonniers. Puis il amplifia son mouvement avec force pour finalement relâcher les liens, envoyant ceux qui y étaient empêtrés s’écraser contre le mur du fond. La symphonie morbide qui se dégagea se joignit au tintement métallique, litanie stridente des derniers souffles de simples mercenaires. Triés sur le volet. Shintan soupira d’exaspération en regagnant sa taille originale. Il lorgna le dernier survivant d’un regard malsain. Une seconde s’écoula avant qu’il ne fasse un pas vers la sortie, pour rejoindre leur commanditaire.

- T’as la peau sur les os. Rien à manger.

Sur cette remarque importante pour le Titan, il regagna l’extérieur où l’attendait le moins que rien avec ses larbins. Le torse puissant de Shintan accueillit le nœud de ses avant-bras musclés où un cou n’aurait pas fait long feu s’il s’y était retrouvé. De sa voix rauque et puissante, le Titan interpella le commanditaire.

- Alors ? Faut faire quoi ?

Alors qu’il pensait avoir le contrôle de la situation, le Titan fut celui qui retourna cette dernière à son avantage. Il fit d’abord preuve de son talent héréditaire en jouant sur la taille de son corps afin de se défaire des chaînes que Kôsei venait d’utiliser pour mettre tout le monde sous son joug. Enfin, c’était ce qu’il croyait. Car le colosse venait de renverser totalement la vapeur et il prit la situation à son compte. Utilisant les liens de l’enfant, il s’en saisit, et grâce à sa force phénoménale, il vint alors balancer le reste des concurrents contre l’un des murs de l’entrepôt. Les chocs répétés des corps sur la tôle provoquèrent d’effroyables images au jeune criminel qui ne cilla cependant pas. Il ne savait pas si le danger était totalement écarté, car le colosse ne semblait pas raisonner comme tous les autres.

La preuve fut qu’il se contenta d’une simple remarque lorsqu’il posa ses yeux sur Kôsei. Il n’avait pas assez de gras sur les os apparemment, et ne représentait rien à manger. Une idée bien étrange, mais le Kaigai en avait vu d’autre. Il ne répondit rien, et se contenta alors de suivre silencieusement le Titan vers l’extérieur. Après tout, la première épreuve venait d’être franchie avec brio. Les deux, pourtant si différents, étaient les deux vainqueurs de ce premier test. Et ils se présentèrent donc dehors, rejoignant les commanditaires qui les accueillirent avec des rires et des sifflements. Ils étaient surpris, c’était le moins de le dire.

« Eh bah, si je m’attendais à ça. On dirait que les deux extrêmes s’en sont sortis. J’aurai pas parié sur vous ah ah ah ! M’enfin, un deal est un deal. Vous serez donc les deux derniers gardes du corps de ma garde pour mon rendez-vous de tout à l’heure. D’ici là, allez-vous nettoyer pour être présentables, on ne rencontrera pas n’importe qui ! »

Il leur indiqua alors un endroit un peu en retrait où se trouvaient des lavabos et des serviettes éponges un peu miteuses. Si Kôsei n’avait aucune trace de lutte récente sur ses habits, ce n’était pas le cas du Titan. Il avait quelques traces de sang encore frais sur lui. Kôsei ne bougea donc pas, il se contenta de se saisir d’une pomme située dans un panier de fruits sur une table non loin, et il s’assit par terre, en tailleur, mangeant alors le fruit défendu en silence.

Après une petite heure d’attente où le manieur de liens avait bien analysé les différentes personnes présentes, le « chef » revint en grande pompe. Il s’était changé, avait revêtit ses plus beaux habits. Il faisait très classe, tout en démontrant sa richesse. De nombreux bijoux en tout genre ornaient ce drôle de personnage. Et lorsqu’il arriva, il dit simplement à ses gardes du corps…

« Allez les petits, on y va. On a rendez-vous dans une quinzaine de minutes avec… Le neveu de celui qu’on appelle « Le Juge Blanc » ! »

À l’écoute de ce nom, Kôsei regagna un peu d’attention pour les paroles du commanditaire. Ainsi, ils allaient à l’encontre du Collectif…

Une nouvelle fois. Cela s’annonçait intéressant.

Le moins que rien s’amusa de la situation. C’est sûr que lorsqu’on restait en arrière-plan sans se salir les mains ça pouvait paraître divertissant. Shintan ignorait tout de ce nouveau commanditaire qui pourtant ne lui inspirait que dégoût. Même en lui vantant le goût incroyable de sa viande, il n’y lâcherait pas un croc. Sa seule vision lui coupait l’appétit. Il voyait dans cette situation une sorte de jeu où des paris pouvaient être pris. Ils n’avaient pas songé que ce serait ce duo qui s’en sortirait.

Une remarque fut faite sur la tenue du Titan. Ce dernier n’avait guères prêté attention aux gerbes de sang qui s’étaient déposées sur lui. C’était bien la première fois qu’on lui réclamait d’être présentable pour un contrat. Si le moins que rien voulait des mannequins, il y avait bien d’autres manières de recruter que ce petit lynchage en règle. Le gamin n’avait pas été atteint par la crasse aussi Shintan se dirigea sans faire d’histoire jusqu’aux lavabos. Il se passa de l’eau sur les bras ainsi que sur le visage pour faire disparaître les traces sanguinolentes encore fraîches. Une goutte dégoulina jusqu’à ses lèvres. Il la préleva du bout de la langue pour la dégûster. Un peu âpre mais son propriétaire devait avoir un potentiel gustatif. Dommage que maintenant il doive en refaire le puzzle 3D pour trouver cette perle. Il abandonna là son envie.

Lorsqu’il revint vers l’équipe du commanditaire, il leur précisa la nature du boulot. Ils formeraient la garde rapprochée de l’endimanché qui leur annonça avoir rendez-vous avec le neveu de celui qu’on appelait le Juge Blanc. Le Titan était censé savoir de qui il s’agissait. Pourtant le surnom ridicule ne lui disait rien. Quand bien même, il aurait eu la même réaction. La petite troupe, pour le moins hétéroclite, se mit en route étant attendue d’ici un quart d’heure. Le colosse fermait la marche et gardait son silence habituel. Il regarda l’autre sélectionné. Il n’avait pas cillé quand la situation avait dégénéré. Ce gamin avait sûrement plus de cran que tous les autres guignols réunis autour du pingouin fanfaronnant. Il s’assura d’avoir capté son regard pour lui adresser la parole.

- Shintan, se présenta-t-il sobrement.

Le caractère du Titan et le timing firent qu’ils n’eurent pas l’occasion de se lancer dans une grande discussion. Quand bien même ils auraient eu le temps, il n’aurait pas été du genre à s’y intéresser. Juste une simple présentation concise pour qu’il puisse l’interpeller en cas de besoin durant cette mission. Dans le pays le plus dépravé, ce genre de rencontres pouvait vite virer au vinaigre. La petite compagnie se retrouva à l’entrée d’une taverne, ou du moins à ce qui y ressemblait. Il n’y avait pas de porte, juste un panneau de métal sans poignée. Pourtant le battant se déroba à l’approche du pingouin qui s’engouffra dans le bâtiment avec sa garde personnelle.

L’endroit était plongé dans l’obscurité, quelques néons éclairant à peine quelques coins. On pouvait distinguer des silhouettes de ci de là. Le Titan se contenta de suivre le pas des autres mercenaires jusqu’à une nouvelle porte qui faisait s’enfoncer le petit groupe dans des entrailles de béton. Cette fois, des lumières agressives crachaient leur blanchâtre lumière où elles pouvaient. Ils passèrent plusieurs points de contrôle pour désarmer ceux qui l’étaient. Toute la petite clique du pingouin s’était équipée d’armes en tous genres. Précaution que le Titan n’avait pas besoin de prendre, en étant déjà une lui-même. Après un dédale de couloirs où régnaient le silence et le froid, on leur intima l’ordre d’entrer dans une pièce.

Le commanditaire fit signe à son groupe de surveiller la porte. Son entretien se voulait privé apparemment. Shintan ne comprenait pas l’intérêt d’un tel dispositif dans ce cas. Il ne protesta pas cependant en se postant comme les autres dans le couloir. La porte se trouvait dans son dos et il y percevait les échos de la conversation. Alors qu’ils poireautaient tous en silence, une femme vint à leur rencontre. Abîmée à l’œil et aux tempes, elle portait un plateau où étaient disposées des tasses de thé. Elle tendit les bras, non sans tremblements, pour servir sa livraison. Les premiers s’emparèrent de leur boisson pour se désaltérer mais le Titan n’y prêta pas attention. Il remarqua que la rumeur dans la pièce à côté s’était tu.

Automatiquement, son regard se porta sur la damoiselle tremblotante. Ce qu’il aurait pu prendre pour les résidus d’un trauma pouvait cacher autre chose. Il constata la véracité de sa déduction lorsque plusieurs hommes armés surgirent à l’autre bout du vaste couloir. Ils se ruaient droit sur eux, vociférant dans leur course :

- Ce sont eux ! Le patron les veut pour son business, chopez-les !

Soupirant de son large nez, Shintan ne chercha pas plus loin l’escroquerie dans laquelle ils étaient tombés. Son poing devint énorme et il s’en servit pour défoncer la porte. Personne derrière. Les grands décideurs semblaient s’être fait la malle à travers un passage secret derrière une bibliothèque. Le Titan leur souhaita alors de courir vite en prenant leur suite.

Tandis que son regard azuré croisait celui du Titan, il entendit alors la montagne prendre la parole de sa voix rocailleuse et se présenter. Shintan hein ?

« Kôsei. »

Répondit-il simplement.

Il ne s’attendait pas à ce qu’une brute comme le dénommé Shintan fasse preuve de courtoisie à son égard. Mais il le perçut comme étant une preuve de respect, et le manieur de liens savait qu’il n’avait aucun intérêt à l’ignorer. Il fallait lui montrer une certaine forme de considération, sinon il se ferait un ennemi de plus. Et vu qu’ils devaient travailler ensemble pour cette mission, ils devaient alors montrer une certaine de… Synergie.

Après quelques minutes d’attentes derrière une porte, Kôsei restait assis, dos au mur. Un genou replié, il laissait reposer son bras droit dessus, passant sa main sur la chaîne l’entourant de façon quasiment automatique. Cela était devenu un automatisme, presque une chose qu’il faisait inconsciemment. Et il ne s’en rendait pas toujours compte, mais cette petite routine l’apaisait.

Et ce fut donc avec calme qu’il vit la servante arriver avec son plateau, tremblant de tous ses membres. Sans un mot, Kôsei l’observa ; quelque chose n’allait pas avec elle. Et tout comme son compère, il comprit rapidement que quelque chose n’allait pas. Et quelques instants plus tard, les craintes furent confirmées. Lorsque une demi-douzaine d’hommes se rua dans le couloir, armes à la main, pour venir les agresser.

Tandis que le Titan fut prompt à réagir en agrandissant son poing et en défonçant la porte qui les séparait de leurs commanditaires, Kôsei préféra se concentrer sur ce qui se passait devant. Les assaillants faisaient beaucoup de mouvements inutiles et aboyaient plus qu’ils ne devaient mordre, Kôsei en déduit donc qu’ils n’étaient que des larbins. Ses bandes de tissu feraient donc l’affaire.

Activant un sceau situé sur son avant-bras, il libéra alors d’épaisses bandes de tissus. En y imprégnant son chakra, il les fit alors voler en direction de ceux qui l’assaillaient. Il ne lui fallut que quelques instants pour qu’ils soient tous emprisonnés dans ses liens, tout en se débattant. Décidément, ils n’étaient pas très coriaces. Et ce ne fut qu’une fois qu’il eut fini son « œuvre », que le jeune criminel prit alors la peine de se relever. Il remarqua alors le trou béant dans ce qui était censé être une porte, et il sourit. Le Titan s’en était sorti à sa façon, lui aussi.

Mais il comprit bien vite qu’il se devait de continuer, car même si certains gardes étaient tombés, ils étaient dans un piège. Et s’ils ne retrouvaient pas rapidement le commanditaire, ils pouvaient dire adieu à leur paiement. Et cela, il en était hors de question.

« J’imagine qu’on a pas trop le choix… On y va ! Vous trois, restez ici pour vous occuper des autres qui arrivent. »

Face à la démonstration des deux criminels, les autres gardes acquiescèrent sans broncher, ils ne voulaient pas d’embrouilles avec les deux monstres qui étaient à leurs côtés. Et c’est en s’enfuyant que Kôsei fit une dernière action avant de s’engouffrer dans le trou. Il frappa la servante au visage, la faisant ainsi tomber par terre, le plateau d’argent fit alors un fracas monstrueux qui sonna le moment de leur départ.

En arrivant dans la pièce, il ne fallut pas longtemps à Kôsei pour remarquer des traces de lutte vers la bibliothèque. Des livres renversés, un qui semblait tenir de façon magique sur l’étagère en retrait, il y avait forcément un hic. Quelques secondes furent suffisantes pour qu’il trouve le passage secret.

« Ici ! »

Il ne prit pas longtemps pour s’y engouffrer et retrouver une nouvelle fois un dédale de couloirs étriqués et peu éclairés. Nul doute que le Titan faisait tout juste la taille de ces couloirs, rendant ainsi potentiellement ses déplacements compliqués dans ces couloirs. Et après plusieurs tournants, ils se retrouvèrent alors dans une pièce circulaire, peu éclairée, où du sable avait été disposé par terre.

Une fois arrivé, des lumières s’allumèrent alors et la mascarade prit alors fin. Retrouvant peu à peu sa vue, le jeune garçon aux cheveux gris entendit alors une grille métallique se refermer derrière l’endroit d’où ils venaient, le Titan et lui. Et il vit aussi que ce qu’il prenait pour une pièce ressemblait plus à une sorte d’arène. Des gradins regroupant des dizaines de personnes à l’aspect plus louche les uns que les autres, étaient installés. Mais à leur niveau, il n’y avait personne. Ils étaient juste tous les deux.

Et la voix vint alors confirmer les soupçons du jeune garçon.

« Bienvenue aux 45ème combat clandestin du Maestro ! Pour notre petit jeu aujourd’hui, deux candidats bien différents et pourtant tout aussi redoutable. D’un côté, un Titan qui n’hésite pas à déchirer ses victimes de ses dents d’acier. De l’autre, un vaurien qui passe partout. Mais au final, il n’en restera qu’un… Messieurs, vous avez deux minutes pour prendre les paris. Qui sera le dernier à respirer ?! »

Les règles du jeu étaient simples…

Ils s’étaient fait complètement bernés.