Voici maintenant quelques temps qu’il s’était échappé de prison, profitant d’un chaos auquel il ne s’attendait pas. La chance avait été de son côté lorsque l’un de ces mystérieux « sauveurs » était venu trancher ses liens. Kôsei n’avait pas vraiment compris sur le coup, mais il n’en était pas moins content. Il en avait donc profité pour s’échapper de ce trou à rats dans lequel il avait compté l’équivalent en lunes d’au moins deux mois. Une durée bien trop longue durant laquelle il s’était clairement ennuyé.

Mais désormais, il était libre. Se sachant cependant sous contrôle, il ferait mieux de quitter la ville. Enfin, c’était ce que ferait quelqu’un de plutôt censé. Mais ce n’était pas vraiment le cas de l’adolescent, il n’aimait pas cette idée de prendre la fuite… Pour aller où ? Car oui, tout ce dont il se souvenait était lié à cette ville de Murashigure, le monde extérieur ? Il ne le connaissait pas, et cela ne l’intéressait pas.

« Pousse-toi… »

Fit-il tout en passant devant la grosse brute qui était en charge de filtrer les entrées dans ce club des plus douteux. Ce n’était pas la première fois que Kôsei entrait dans ce lieu, la dernière fois… C’était juste avant qu’il ne se fasse arrêter par les autorités de la ville pour le meurtre de toute une famille. Un travail qu’il avait mené à bien, et qui avait été grassement payé.

« Yo Mork’ ! T’as du boulot pour moi ? »

Toujours aussi direct, le Kaigai n’avait pas vraiment de temps à perdre en paroles inutiles. Ses yeux azuréens balayaient la pièce avec vivacité et expérience. Il avait, au fil du temps, appris à repérer les potentiels dangers se trouvant dans une pièce. Ici, à part un couteau des plus affûtés posé sur une table, il ne semblait pas y avoir de danger immédiat.

Surtout que sa réputation parlait désormais pour lui, vu que sa dernière mission avait été un vrai succès. Le dénommé Mork’ le savait, ce fut pourquoi il ne fit pas l’affront à Kôsei de le prendre de haut, comme il le faisait souvent avec ses autres « clients ». Quelques minutes suffirent alors aux deux garçons pour se mettre d’accord sur une cible, mais surtout un prix. En ressortant, Kôsei avait un sac rempli de ryos… La moitié de la récompense, payée en avance, comme toujours avec Mork’.

Sortant du lieu délabré, le jeune garçon aux cheveux gris se dirigea alors vers les bas fonds de la ville, là où il pourrait trouver un coin tranquille où se poser. Il avait ses relations, cela ne devrait pas poser souci. Mais en s’aventurant vers les quartiers les plus malfamés de Murashigure, il eut un agréable pressentiment. Bifurquant le plus naturellement du monde, Kôsei s’isola alors dans une ruelle qui n’abritait qu’un sans abri se trouvant à l’autre bout de la rue. Il se dit que c’était l’endroit parfait, et se tourna donc, posant son sac rempli d’argent à ses pieds.

Derrière lui se tenait un homme, resté à bonne distance. Un visage inconnu pour notre jeune criminel… Le jaugeant du regard, Kôsei ne montra aucun signe d’hostilité. Il resta de marbre, attendant que le quidam n’annonce la raison de sa filature.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

L’information. Elle était pour Ame ce que les ryôs étaient à Iwagakure no Satô. Le savoir à Kumo. La vengeance à Urahi…

Une déesse sans merci qui donnait piste et victuailles, chuchotait aux oreilles des plus fortunés, cachée en chacun. À vrai dire à Murashigure et même ailleurs, jusqu’au pauvre paysan laissait sommeiller de petites pépites dans leurs inconscients. Des bruits de couloir, une marque de pas sur un certain chemin, un certain jour.

Roki n’était pourtant pas à homme à prier. Un gant de velour sur la jugulaire d’un concept qui ne crachait que mot par mot des pistes ; qu’il se contentait de distiller à son tour en respectant sa place sur la longue échelle qu’était le système. Un maillon, un barreau tout au plus ; position qu’il espérait dépasser sans pour autant vouloir pouvoir ou autorité.

S’il était là aujourd’hui, seul et camouflé par un pan de briques cimentés, son chakra lui-même disparu aux yeux des autres hominidés, c’était pour une raison bien précise.

Il y a de cela quelques mois, Roki avait opéré en prévision d’un long voyage à venir une mission pour le compte d’un des poids lourds de l’Underground. Rien de bien compliqué pour quelqu’un avec son set de talent ; libérer un prisonnier sans réveler sa propre identité ou même celui qui l’avait engagé.

Cependant, l’Averse n’était pas du type à relâcher n’importe quel fauve sans s’enquérir qu’il ne morde la main bienveillante. C’était ses règles ; bien que brouillonnes et parfois non avenues. Sa filature le mena donc jusqu’à dans une impasse et il décida en connaissance de cause de sortir du silence et de l’ombre qu’il affectionnait d’habitude tant.

« Konbanwa. » Rien ne l’obligeait dans son contrat passé à agir ainsi, mais il fit quand même un pas, révelant la partie inférieure de son visage à la faveur d’un lampadaire mourant.

« Qui es-tu ? » Il ne paraissait pas très autoritaire. Mais il se devait de savoir. Savoir qui avait mis à mort cette famille. Que ferait-il de l’information ? Comme toutes les autres.. ?

Une fois encore, son instinct ne l’avait pas trahi. Le cœur calme, comme son pouls, Kôsei regardait celui qui le suivait rentrer dans la lumière. Enfin, en partie. Il s’agissait d’un jeune homme arborant un certain look, il n’avait rien de comparable avec les racailles que l’on pouvait trouver dans les ruelles sombres de Murashigure habituellement. Là était pourtant sa localisation à l’heure où vous lisez ces lignes, il devait donc avoir un but précis.

Annonçant sa position par un « bonsoir », il prit alors un peu plus la lumière projetée par l’un des éclairages artificiels dont la ville était fournie. Et tandis qu’il ne se mettait pas pleinement en lumière, il posa une simple question à l’adolescent. Chose qui le surprit, soyons honnête. D’ordinaire, les quelques brigands qui s’étaient aventurés à le pourchasser connaissaient son identité car une prime avait été placée sur sa tête. Mais là, c’était bien différent, le quidam semblait l’ignorer.

D’abord méfiant, Kôsei ne répondit pas. Il resta silencieux de longues secondes durant. Son regard totalement fixe, il épiait les moindres faits et gestes de l’inconnu. Dans les bas-fonds de Ame, on pouvait croiser tout type d’individus… Et rares étaient les heureuses rencontres. Que ce soient des ivrognes, la Mafia ou encore des mercenaires… Tous étaient de potentiels dangers. Tout comme Kôsei pouvait être un danger envers autrui. Manger ou être mangé, telle était la règle à Murashigure.

« Qui je suis… ? »

On ne sentait pas d’agression dans son timbre de voix, seulement de la lassitude. Il était pisté, interpelé, tout ça pour se faire demander son identité par la suite ? Cela n’avait aucun sens, il y avait des informations dont il ne disposait pas, une partie de l’histoire qui n’était pas encore dévoilée.

Et cela attisa les soupçons de notre jeune criminel qui se toucha machinalement le poignet droit, là où résidaient les quelques maillons d’une chaîne sectionnée. Non pas que cela lui rappelle un quelconque souvenir, seulement qu’il aimait sentir le contact de l’acier froid sous ses doigts. Cette sensation le berçait et lui rappelait qu’il avait avec lui de précieuses alliées…

« Tu me suis et c’est moi qui dois me présenter ? Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne ici… »

Car oui, les règles de Murashigure, il les connaissait par cœur. Résidant des bas quartiers depuis des années maintenant, il avait appris les règles, tout comme les limites de ces dernières. Et le quidam qui se présentait face à lui n’obtiendrait rien de lui s’il ne trouvait pas les bons mots… Sauf peut-être quelques bleus, dans le meilleur des cas.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Le modus operandi de Roki était presque toujours le même. Il ne posait pas de questions superflues et voilà pourquoi il était exactement là, dans l’embouchure de la ruelle. Mais était-ce un mal pour autant ? Pas dans son esprit. Libre à lui d’ignorer ensuite les conséquences de certains de ses actes après-coup. Mais Ame no Kuni était monotone à l’image des inlassables gouttes de pluie venant éreinter les mêmes tuiles, des mêmes toits.

Ils restèrent après son élocution tout deux immobiles. Tout deux silencieux. L’Averse ne se sentit pas pour autant menacé, croisant le regard azuré du prisonnier à nouveau libre. Son accoutrement était banal mais les morceaux de chaînes à ses poignets bien moins.

Quand il vint à les toucher, bien qu’il n’executa aucun mouvement de recul, Roki se tint prêt. Les duels dans des endroits si exiguës le connaissait et se solvait très rapidement. Il ne comptait certainement pas mourir ce soir. Tout ce qui exhala pourtant fut sa même aura froide et mordante ainsi qu’une accalmie presque surnaturelle.

« La seule vraie règle ici-bas, c’est qu’il n’y a pas de règles. » Pour la première fois son visage se décrispa un peu et laissa apparaître une moue amusée. Bien que toujours cryptique, il semblait se complaire dans ce genre de tensions.

« Si tu ne voulais pas être suivi, aurais-je cependant réussi ? Je m’enquiers seulement de ton identité et de tes motivations ; à vrai dire rien d’autre ne m’intéresse. » Si ce n’était pas le cas il aurait cependant menti pour dire la même chose, ce qui n’aidait pas. Pour dire vrai il aurait attaqué de prime abord et discuté si la proie avait survécue, mais là n’était pas la question.

Quant au pourquoi de cette envie, autant ne pas aller trop vite en besogne. Par excès de confiance, il était totalement à l’aise dans ce petit jeu pouvant vite devenir malsain.

Intrigante personne qui était présente dans cette rue en une heure si avancée de la nuit. Même si Murashigure était une ville qui ne dormait jamais, il était rare de trouver ce genre d’individus aussi avancé dans les bas quartiers de la ville. Du moins, Kôsei faisait rarement des rencontres comme celle-ci. Car l’homme en face de lui ne semblait pas agressif, bien au contraire. Il se montrait plutôt clair dans ses paroles, et aucune once de violence ne pouvait être ressentie par notre jeune criminel.

Mais il savait bien que cela n’était en rien un gage de sûreté, bien au contraire ; les pires criminels étant ceux qui se faisaient passer pour des personnes comme les autres. Les loups qui évoluaient au beau milieu du troupeau. Son instinct l’intimait donc à se montrer bien plus prudent que les apparences ne pouvaient l’inciter à le faire, et ce fut pourquoi il ne bougea toujours pas lorsque le quidam afficha une moue sur son visage, notant qu’il semblait plutôt prendre cela à la légère.

« Peut-être… Ou peut-être pas. »

Méfiant, Kôsei l’était. Il n’était pas question de lui dévoiler quoi que ce soit sur ses capacités. L’homme en face de lui semblait le tester, comme si cela n’était qu’un jeu. Mais il était aussi curieux de savoir ce qu’avait à lui dire le manieur de chaînes. Comme si tout cela était gratuit, Kôsei n’était pas de ceux qui dévoilaient leurs capacités au premier venu, encore moins si ce dernier ne se présentait pas et cachait ses réelles intentions.

« Bon, et si tu en venais directement au fait. Ça nous évitera de perdre notre temps… Pourquoi tiens-tu à avoir ces informations ? Pour qui travailles-tu ? »

Une supposition de la part du Kaigai ? Pas vraiment…

Lui aussi savait jouer sur les mots lorsque cela était nécessaire, et ce fut donc sans soucis qu’il tendit une perche à son interlocuteur. En fonction de sa réponse, il pourrait lui aussi en apprendre un peu plus sur ses réelles motivations, même s’il les taisait une nouvelle fois. Un petit jeu malsain engagé entre deux individus dont l’âge frôlait avec l’adolescence et qui maniaient pourtant bien les mots.

Une situation qui pourrait ressembler à une impasse, mais qui n’en était pas une. Car Kôsei le savait bien, s’il l’avait suivi jusqu’ici c’était pour une raison… Et elle serait dévoilée, tôt ou tard.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Une danse qu’il pratiquait depuis qu’il avait atteint l’âge d’émettre des mots et de penser convenablement mais un partenaire inédit, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Si les détails changeaient, c’était la même chorégraphie qui se reproduisait dans un modèle imparfait qui justifiait pourtant de tout l’intérêt qu’il avait à la situation.

Il laissa son interrogation planer sans y répondre dans un premier temps. Là n’était pas manoeuvre pour l’inquiéter. Leurs avis pouvaient bien diverger sur la question des droits de chacun et des manières à employer. Pour ce qui le concernait, il n’avait jamais cru aux lois établies par des générations et des générations de criminel ; se pensait-il au-dessus d’eux ? Question ardue.

Ses autres questions firent toutefois sortir le brun de son mutisme. Il naissait enfin un intérêt réel aux paroles de Kosei, du point de vue de l’Averse.


« Tu marques un point. On n’obtient rien sans donner d’abord. » Des miettes, un aperçu. Une bouchée.

« J’ai joué un rôle dans la comédie burlesque qui t’a permit de briser les chaînes que tu sembles content d’arborer ainsi. Je ne travaille pour personne. »


Pour ce qui était du pourquoi de son intention d’obtenir lesdites informations, il devrait lui aussi faire un pas vers lui s’il espérait entendre quoi que ce soit se rapprochant de la vérité. De sa vérité. Roki observa bien son vis-à-vis. Il portait des vêtements dont il ne prenait pas soin, n’avait pas jugé nécessaire d’ôter les résidus lui rappelant la captivité. Son visage était peu expressif et son aura encore méconnue du bretteur. Pas de signe avant-coureur d’une discipline Bukijutsu et pas de trace de sceau sur sa peau apparente.

Le temps allait finir par lui réveler de plus en plus de détail ; jusqu’à qu’il puisse trancher. Métaphoriquement ?

Au moins, ils commençaient à se comprendre. Kôsei fut rassuré par le comportement non agressif du quidam, même s’il pouvait très bien cacher son jeu. Le shinobi aux chaînes le savait, utilisant lui aussi cet aspect non-agressif pour s’en prendre à ceux qui manquaient d’attention. Il ne ferait donc pas la même erreur que ceux qu’il avait déjà eu grâce à cette ruse.

Cependant, rester bloqué dans une position telle que celle-ci pouvait être mauvais pour le business. Les murs avaient des oreilles dans cette ville qui ne dormait jamais, il fallait donc être en constante surveillance de ce qu’on pouvait dire ou faire. Et Kôsei le savait, il jouait d’après ces règles du jeu depuis un long moment, cela ne le surprenait plus.

Le quidam annonça alors à l’adolescent aux cheveux gris qu’il avait joué un rôle prépondérant dans sa libération d’une des vieilles prisons de Ame. Premier signe de réaction de la part du Kaigai qui écarquilla alors les yeux. Il ne s’attendait pas vraiment à ça et fut donc légèrement désarçonné par l’annonce que venait de lui faire le brun.

Après quelques instants de réflexion, Kôsei plongea alors son regard azuré dans celui de son interlocuteur qui venait de titiller sa curiosité. Il souhaitait savoir qui il était, alors qu’il l’avait libéré des geôles dégoûtantes de sa prison. Normalement, ce n’était pas plutôt l’inverse ? Drôle de personnage…

« Eh bien, ça pour une surprise… »

C’en était une de taille, assurément.

Mais cela était-il réellement important ? Pensait-il que grâce à son action, le Kaigai allait le remercier à bras ouverts et lui donner de l’argent ? Si tel était le cas, il serait vite déçu. Et Kôsei allait donc le lui faire comprendre rapidement en reprenant la parole. Cependant, entre individus volant sous le radar, un certain respect était établi. Et pour sa déclaration, Kôsei allait répondre à une partie de ses demandes.

« Kaigai no Kôsei, voici comment on m’appelle. Quant à mes motivations, elles ne te regardent pas. »

Cela n’était pas dit d’un ton agressif, aucun mot n’était prononcé plus haut que l’autre. Cependant, l’inconnu avait titillé sa curiosité, ce fut donc pourquoi il ne s’arrêta pas et reprit sa parole tout en continuant à toucher ces chaînes qui lui procuraient une sensation de bien-être sous les doigts.

« Et toi, à part un justicier qui délivre tous les criminels des prisons de Ame, qui es-tu ? Et pourquoi souhaites-tu en savoir plus sur moi… ? Des remords ? »

Un sourire sarcastique sur son visage, Kôsei était tout ouïe.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Le terme surprise l’amusa quelque peu sans qu’il n’en fasse l’étalage de façon physique. Effectivement, c’était même étonnant pour lui-même. Mais depuis la mort de Xuen, depuis la Résonance, depuis Yuki no Kuni tout avait changé, pour le meilleur comme pour le pire. Il se mettait à agir en défiant parfois le bon sens, prenait des risques pour des choses et des causes qu’il avait jusqu’à présent ignorées, enfouies.

Il voulut bien laisser échapper son nom sans demander la réciproque immédiate. Kagai ; cela signifiait selon les kanjis avec lesquels c’était écrit “étranger”. Pourtant l’homme en face de lui avait tous les attributs d’un natif de ces terres. Lui non plus n’avait pas de patronyme réel, d’ailleurs. Un point commun dans la fange de Ame.

Le dénommé Kosei fit l’impasse sur ses motivations, ce qui ne tira aucune réaction à Roki. Il fallait s’y attendre après tout. Le coeur des Hommes était un endroit froid et difficile d’accès. Etait-il pour autant satisfait ? Pas vraiment.

« J’ai peur de n’être pas grand chose de plus. » Il resta de marbre sous le joug de son sourire et continua de le jauger avec le même flegme signature.

« Roki. Je m’appelle Roki. De la curiosité plus que des remords, à vrai dire. » Il fit un pas de plus en avant, laissant découvrir ses yeux azur et sa chevelure à la vue de Kosei tandis que sa masse pencha vers le côté pour tomber contre le mur de querons.

Comme l’endroit où ils siégeaient, il sentit la discussion prendre la direction d’une impasse. Aucun des deux joueurs ne comptait sacrifier des pions et ce n’était pas son genre de délibérément exposer son raisonnement ou ses motivations à coeur ouvert à ses plus proches amis. Alors un inconnu qu’il soupçonnait d’être un forcené avide d’argent incapable de se raisonner et apte à effectuer n’importe quelle tâche si tant était qu’elle ait un apport pécuniaire important…

Au moins, il avait désormais un nom : Roki. Qu’il soit un pseudonyme, un faux nom ou tout simplement sa réelle identité ne changeait rien. Kôsei avait demandé sans vraiment avoir d’espoir d’obtenir des informations. Cet homme, qui se disait être son « sauveur » qui l’avait libéré de prison, ne donnait aucunement d’informations valables, ni de raisons claires sur ses agissements. Aux yeux du jeune criminel, tout ceci n’était que du vent.

Et tandis que le « justicier » affirmait qu’il n’avait aucun remord et qu’il était simplement venu dans le but d’assouvir sa curiosité, Kôsei ne tiqua pas. Il analysait ce visage qui était désormais totalement visible sous l’éclairage feutré d’un lampadaire vivant sans doute ses derniers jours. Des cheveux bruns plutôt long, un visage assez fin et plutôt sculpté, mais ce qui attira l’attention, ce fut la couleur de ses yeux. Similaires aux siens, les yeux du dénommé Roki portaient en eux la couleur des océans.

Restant de marbre, Kôsei respecta son interlocuteur en l’écoutant jusqu’au bout. Mais il avait déjà l’esprit ailleurs. Il fallait qu’il aille chercher la deuxième partie d’un contrat qu’il avait réalisé la semaine passée. Il n’avait pas de temps à perdre, car on ne sait jamais vraiment combien de temps les receleurs restaient au même endroit.

« Si tu t’attends à un merci ou je sais quoi, tu vas être déçu… Je ne t’avais rien demandé. »

Toujours aussi associable, Kôsei savait pourtant qu’il devait sa liberté à cet homme ; si ces dires étaient vérifiés. Mais il était comme ça, pour lui, c’était une faiblesse de devoir un service. Et s’il affirmait à haute voix un remerciement, cela le nuirait plus qu’autre chose à l’avenir, il le savait. C’est donc pourquoi il agissait tel un ingrat, pourtant conscient de la « chance » qu’il avait eue ce jour-là.

Une fois ces paroles dites, il ne quitta pas son interlocuteur du regard, ne voulant pas lui tourner le dos. Son chakra commença à s’activer, et bien qu’il ne fit aucun mudra, le jeune manieur de chaînes était prêt à riposter en cas de danger. Mais cela n’était pas son intention première, pour lui… Cette petite entrevue n’avait déjà que trop duré, il était temps d’y mettre fin et que chacun reprenne son chemin de son côté.

« Bien, si c’est tout… »

Il ne finit pas sa phrase et tourna alors les talons, démontrant ainsi à Roki qu’il en avait fini pour aujourd’hui. Tout en marchant d’un pas calme et régulier, il restait néanmoins attentif à ce qui pourrait se passer… Car dans cette ville où le crime régnait en maître, il ne fallait jamais tourner le dos à quelqu’un sans être prêt…

Kôsei le savait bien.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Était-il déçu du déroulement de l’entrevue ou de son résultat ? Dur à définir étant donné qu’il ne s’attendait à rien. Roki resta seulement planté là sans autre forme de déplacement ou de réaction. Pas plus d’impuissance que d’envie de le poursuivre. Il avait glané quelques informations ; pas assez pour le pister sans problème. Du moins dorénavant, il n’aurait aucun mal à le reconnaître, même si son apparence se trouvait changée.

Kosei sembla vouloir lui fausser compagnie et il n’intervint pas le laissant reprendre sa route. Cela lui laissa une impression en demi-teinte, tout de même. Il devait visiblement s’en remettre au sort pour apprendre si son acte avait causé des dégâts ; le fameux effet papillon. Il suffisait qu’un shinobi en rencontre un autre, agisse sur son présent ou son futur et il naissait des flammes du changement des répercussions de plus en plus dantesques.

Ni amer ni même enjoué, il le laissa partir et bien qu’il fut de dos, il lui adressa un sourire en sentant son chakra fluctuer ainsi. Le bougre était sur ses gardes et il avait en quelque sorte raison. Bizarrement, il eut l’impression que ce n’était pas le chapitre final de cette histoire et sans s’en rendre compte, son propre corps se mit machinalement en mouvement vers d’autres contrées plus propice au calme que cette sombre ruelle.

La pluie commença à s’abattre. Plus de quinze ans qu’il l’expérimentait, et pourtant.. Rien à faire, il l’appréciait toujours autant.