La journée avait été des plus moroses sur la ville du Murashigure. Les habitants de Ame, pourtant habitués à la pluie, n’avaient pas fait de vieux os dans les rues désormais désertiques de la ville. Pourtant, qu’il pleuve autant n’a jamais été un vrai frein aux activités clandestines… Mais le froid qui mordait chaque personne se trouvant exposée venait calmer certaines ardeurs.

Mais ce n’était pas le cas de notre jeune criminel. Toujours habillé de ce que certains appelleraient des « haillons », le garçon à la chevelure grise déambulait dans les rues de Murashigure, sans parapluie pour se protéger de ce qui était bien plus trempant qu’un crachin. Il n’en avait que faire. Ses pas réguliers, rythmés par l’entrechoquement des quelques maillons de chaîne encore présents à son poignet, dictaient le rythme de son avancée. Selon ses informations, sa « cible » se trouvait dans un restaurant où elle avait l’habitude d’aller.

Les habitudes… Voici bien quelque chose qui était considéré comme une pure erreur de débutant aux yeux de Kôsei. Pour échapper aux truands régissant ce monde de la pègre, il était nécessaire d’être imprévisible. Avoir des habitudes, des endroits favoris était donc à proscrire. Mais il n’allait pas se plaindre, cela ferait sûrement un contrat « facile ».

Ayant été plutôt bien payé pour cette mission, il s’était donc mis derechef au travail, voulant profiter pleinement de sa récompense une fois le coli livré. Et c’est donc pour cela qu’il rentra à son tour dans le restaurant et s’installa à quelques tablées de sa cible, celle qui avait déposé son katana près de sa chaise.

« Un bol de ramen classique. »

Voici ce que furent ses seules paroles. Tout en réglant son dû et en accueillant son plat, celui qui n’avait pas vraiment faim se mit alors à manger de façon soignée et discrète. Il était de ceux qui ne faisaient pas de bruit, ceux dont les paroles sans fin donnaient des migraines plutôt que des idées.

Tout en dégustant le plat, il fixait la kunoichi. Il n’avait aucune honte, ne vivait aucune gêne à cela. Il savait parfaitement pourquoi il était là, et la peur n’était pas un sentiment auquel il était habitué. La pression psychologique par contre… Il connaissait. Son expérience en tant que criminel lui avait appris qu’une cible qui se sentait acculée était, certes, pleine de ressources, mais surtout en proie à faire de nombreuses erreurs.

En fixant la brune, c’était ce qu’il souhaitait voir arriver, un faux-pas qui lui faciliterait la tâche.

Le temps semblait au ralenti lorsque Kôsei regardait la jeune femme se délecter de son plat. Soit elle le faisait exprès, soit elle était d’une lenteur qu’il n’aurait même pas pu imaginer dans ses rêves les plus fous. Il dû même commander trois fois une boisson pour avoir le privilège de rester dans le restaurant. Le tout sous les yeux accusateurs des gérants de l’établissement. Cependant, ils ne dirent rien, sachant pertinemment que contester ne leur aurait rien apporter de bon. C’est donc sans être trop embêté que l’adolescent aux cheveux gris continua son analyse.

Celle qui se faisait appeler Mukuro ne le regardait pas, trop concentrée par son plat apparemment. Mais Kôsei savait que ceci n’était qu’un leurre, elle avait sûrement remarqué son comportement depuis un moment. La pression psychologique qu’il essayait de mettre sur elle ne semblait pas porter ses fruits toutefois. En observant cela, le Kaigai comprit alors qu’elle n’était pas n’importe qui. La forte somme d’argent qu’il avait reçue était donc justifiée, sa « cible » n’était pas qu’une vulgaire voleuse comme on le lui avait laissé entendre.

Mais cela ne changeait rien. Il avait été payé pour une tâche, et il l’exécuterait. Voici comment il fonctionnait. Et alors qu’il avait déjà imaginé des dizaines de façons de réaliser sa mission, la jeune femme se décida ; finalement ; à bouger. Payant comme si de rien n’était, elle ramassa son arme ainsi que son chapeau et quitta l’établissement ; Kôsei sur ses talons. Après quelques détours bien sentis pour s’assurer de ne pas être suivie, ou de l’être, elle s’arrêta.

Son mode de fonctionnement était similaire à celui de l’adolescent, elle n’avait donc rien d’une étrangère dans cette ville qu’était Murashigure. Et alors qu’elle faisait désormais face à celui qui la suivait et surveillait depuis un bon bout de temps, la jeune femme prit la parole pour parler pour ne rien dire. Encore une qui était trop sûre d’elle. Voici les pensées de notre jeune criminel, elle parlait trop et offrait trop d’opportunité de l’attaquer.

« Je suis là pour te faire prisonnière et je ne partirai pas tant que ma mission ne sera pas accomplie. »

L’approche pouvait paraître surprenante, mais Kôsei n’était pas du genre à s’embêter avec des faux-semblants. Il savait cependant la valeur de la vie, souvent payé pour l’ôter.

« Je te propose de te passer toi-même ces menottes anti-chakra et de me suivre sans faire d’histoire. »

Dit-il en lui lançant des menottes reliées par une chaîne. Sur chaque menotte se trouvait un sceau censé bloquer le chakra de celui emprisonné. Une belle invention qui lui avait été fournie par son commanditaire. Un objet précieux, entre de mauvaises mains. Enfin, si tant est que toute cette histoire était crédible. Peut-être étaient-ce de simples menottes en fer qui n’avaient aucun effet.

Quoi qu’il en soit, Kôsei venait de lui offrir une opportunité de ne pas perdre de côtes dans l’affaire. Un prince, en quelques sortes…

Elle ne comprenait vraiment rien à rien… Encore une de ces idiotes, une cible des plus faciles. Kôsei ne se plaignait pourtant pas, bien au contraire. C’était simplement de l’argent facile à se faire. Elle ne voulait pas coopérer ? Tant pis, se salir les mains n’avait jamais été un problème pour notre jeune criminel. Il comprenait la nécessité de faire soi-même le travail si on le voulait bien fait, il n’aurait donc aucun scrupule à utiliser la force. C’était juste… Moins propre, et plus coûteux en temps et énergie.

Après, il fallait dire que sa méthode de négociation n’avait jamais vraiment fonctionné. Peut-être n’était-il pas fait pour cela, après tout. C’est donc avec un sourire qu’il accueillit la réponse cinglante de la jeune femme. Il s’y attendait, mais c’était comme si on venait de l’autoriser à frapper. La manière douce avait échoué, place à la manière forte donc.

Et tandis qu’il commençait à malaxer son chakra, le jeune garçon aux cheveux gris recueillit une nouvelle remarque, cette fois sous la forme interrogative. Tout d’abord, elle enfonça une porte déjà largement ouverte. Évidemment, s’il y a mission, il y a commanditaire, Einstein. Mais ce n’était pas le plus drôle, car elle demanda le nom de ce dernier, ainsi que les raisons qui le poussaient à la cibler. En entendant cela, Kôsei n’eut plus de doute, il n’avait vraiment pas affaire à une pro. À moins qu’elle ne bluffe. Car personne d’initié n’aurait posé ces questions.

Encore une débutante.

« Bon, je n’ai pas vraiment de temps à perdre. Tu as laissé passer l’occasion de te faire transporter dans le calme, on fera donc autrement… »

Composant les mudras, le jeune garçon utilisa une bonne quantité de chakra qu’il insuffla au niveau des chaînes qu’il portait autour de la taille. Par un mystérieux pouvoir, ces dernières commencèrent alors à bouger d’elles-mêmes et à flotter dans l’air, à ses côtés. Une fois totalement démêlées, Kôsei ne perdit pas de temps et avec un ultime mudra, il les envoya sur sa cible avec une vitesse impressionnante.

Il pouvait soit la frapper avec, soit l’emprisonner. Et c’était bien la deuxième option qui fut sélectionnée pour l’occasion. Si la jeune femme, sa cible, ne pouvait pas se mouvoir, il serait beaucoup plus facile de la mettre hors d’état de nuire. Et tandis que l’adolescent restait immobile, sa cible devait maintenant se débarrasser de ces lourdes et résistantes chaînes qui arrivaient sur elle.

Beaucoup avait déjà été emprisonné grâce à cette technique, elle ne serait qu’un numéro sur la liste…

Du Futon, intéressant… Il fallait avouer que le jeune garçon aux cheveux gris ne s’attendait pas à ce que sa première tentative soit la bonne. La traque était avant tout une affaire de patience, seuls les plus fous ou les plus incompétents jetaient toutes leurs forces dans le premier assaut. Ici, Kôsei voulait simplement « tester » la jeune femme qu’il avait prise pour cible… Voilà tout. Et elle s’en était admirablement bien sortie, il fallait l’avouer. Rejetant les chaînes du criminel comme s’ils étaient de simples bouts de tissus, elle prit ensuite la poudre d’escampette.

Agile, mais pas assez furtive. Voici ce qui lui manquait pour échapper à notre jeune criminel. Car aussitôt avait-elle fui, aussitôt il s’était jeté à sa poursuite. Ils étaient là sur son terrain, il connaissait la topographie par cœur pour avoir arpenter si souvent ces rues malfamées depuis son plus jeune âge. Il prit donc un chemin légèrement différent, devinant la direction dans laquelle se dirigeait. Il ne lui fallut pas longtemps pour se rendre compte que son flair avait fonctionné car il arriva juste devant elle au détour d’une rue.

Sans doute surprise, Kôsei n’allait pas lui laisser le temps de se remettre de ses émotions et il composa à nouveau des mudras. Cette fois, une dizaine de chaînes furent créées de nulle part et vinrent alors se ruer sur la jeune femme, mais depuis des angles différents ; le but était d’éviter de voir son assaut repoussé de la même façon que tout à l’heure. Il testait une nouvelle fois sa défense, mais aussi ses capacités de réaction.

« Plus tu te débats, et plus ça sera douloureux pour toi. Alors un conseil, laisse toi faire et tu verras bien ce qui se passera lorsque je t’aurai livrée à mon commanditaire. S’il te veut vivante, c’est sûrement qu’il a intérêt à ce que tu le sois… Je ne voudrai pas t’abîmer. »

Le Kaigai en avait marre de perdre de l’énergie inutilement. C’était toujours la même rengaine. Ils fuyaient, ils se débattaient, mais finalement… Ils finissaient tous par craquer et à se retrouver totalement entravés par les techniques toutes plus machiavéliques les unes que les autres. Kôsei utilisait son « art » comme un atout de surprise en général, mais s’il le fallait… Il savait aussi hisser son niveau à celui de la résistance de son adversaire.

Il suffisait juste de passer la bonne attaque au bon moment, et ça… Kôsei savait faire.

« Alors… Prête à montrer patte blanche ? »

Une nouvelle tactique ?

Tandis que sa dernière tentative de capture venait de faire mouche, le jeune Kôsei esquissa un petit sourire ; il était bien au courant de sa façon particulière de se battre et l’effet de surprise était souvent l’une de ses armes les plus redoutables. Et maintenant qu’il venait de capturer sa cible sans l’avoir amoché, il était plutôt content. Car son paiement n’aurait pas été complet si jamais elle était revenue avec quelques blessures, ou peut être quelques membres en moins. Cela avait été une demande des plus spécifiques de la part de son commanditaire, le fait de l’avoir emprisonnée grâce à ses liens était donc la solution la plus adaptée.

Maintenant qu’elle fut entravée, la jeune femme qui avait la langue bien pendue reprit la parole. Elle ne semblait pas accepter son sort et semblait toujours vouloir parler pour comprendre. Mais il n’y avait pas grand-chose à comprendre. Et Kôsei allait le lui faire comprendre.

« Ce que tu as fait n’est pas mon problème. On m’a engagé pour venir te capturer et te ramener à un endroit. Je ne sais rien de plus, si ce n’est que je devais éviter de te faire du mal, voilà tout. Maintenant avance, car tu n’en sauras pas plus. »

Lui qui n’était pas du genre bavard, il avait déjà énormément discuté avec sa cible alors qu’elle était déjà prisonnières de ses liens. Tout en agissant sur la fermeté de ces dernières, il lui fit alors comprendre qu’elle n’était cependant pas à l’abri qu’il sévisse si elle se comportait mal. Il ramassa alors son sabre et guida ensuite la jeune femme vers les quartiers les plus pauvres de la ville.

Tout en marchant, Kôsei faisait attention à ne pas se faire surprendre par une potentielle attaque. Il ne savait pas qui était la jeune femme, ni pourquoi son commanditaire voulait la faire venir. Tout ce qu’il savait, c’était qu’ils avaient encore trois pâtés de maisons à traverser avant d’arriver au lieu convenu. Et pas forcément les plus sûrs si vous voyez ce que je veux dire.

« Tu t’arrêtes jamais de parler toi c’est pas possible. Écoute, je sais même pas qui tu es ni pourquoi on te veut, mais on te veut. Et oui, je suis un mercenaire qui a été payé pour cette mission. Donc maintenant, garde tes questions pour celui qui m’a payé et marche en silence, on y est bientôt. »

Et il tira une nouvelle fois sur les liens, raffermissant ainsi son emprise sur la jeune femme pour lui faire comprendre qu’il ne rigolait plus, il en avait marre de l’entendre jacter. Vivement que cette mission se termine…

Les paroles toujours aussi insupportables aux oreilles du jeune criminel ne cessèrent pas. La jeune femme était des plus versatiles et elle ne semblait pas comprendre lorsque l’on lui annonçait qu’il ne fallait pas qu’elle jacte autant. Comprenant que c’était peine perdue, Kôsei ne continua pas et ne prit même pas la peine de lui répondre. Elle ne comprenait rien aux paroles, peut-être saurait-elle mieux interpréter un silence long et pesant de la part du mercenaire.

Et c’est ainsi qu’ils finirent leur petite escapade en arrivant dans l’arrière-boutique de celui qui avait recruté le Kaigai pour capturer la jeune femme. Le lieu était mal éclairé et ils durent passer par deux gardes qui les toisèrent du regard avant qu’ils ne puissent finalement être entreposés dans une pièce où ils durent alors attendre que le commanditaire ne pointe le bout de son nez. Plusieurs minutes passèrent durant lesquelles Kôsei resta silencieux, s’assurant que ses liens n’aient pas bougé et que la jeune femme ne puisse pas prendre la poudre d’escampette. Et alors, après plusieurs minutes qui parurent une éternité, il apparut enfin.

Un homme plutôt gras, dont les doigts étaient ornés de tatouages et de bagues qui semblaient peser une tonne, en or massif, évidemment. Le visage balafré par des cicatrices dues à sa vie de mercenaire, il souriait en observant les deux jeunes gens se trouvant devant lui. Il se saisit d’une chaise qu’il fit racler sur le sol poussiéreux avant de s’assoir dessus, croisant ses jambes pour montrer sa décontraction. Avec un raclement bruyant de gorge, il prit alors la parole.

« Bien… C’est du bon travail gamin ! Tiens, voici la prime comme promis ! »

Lui fit-il tout en balançant un sac rempli d’argent au gamin. Ce dernier s’en saisit, regarda l’intérieur de ce dernier pour vérifier le montant de la prime. Tout y était. Il referma alors le sac et ensuite il se leva. Ce fut à ce moment que l’homme reprit la parole, interrompant le criminel dans son mouvement.

« Je peux doubler ta prime, si tu acceptes de coopérer avec cette jeune femme. Je vous offre à chaque 500.000 ryos si vous vous emparez d’un document pour moi. Si je t’ai faite venir ici, c’est parce que tu es l’une des meilleures voleuses du coin à ce qu’on m’a dit. Et vu que le gamin a l’air de savoir y faire, vous formerez peut-être un bon duo… Qui sait. »

En regardant tour à tour le gros lard et la jeune femme, Kôsei réfléchit calmement. Il avait déjà empoché une belle somme d’argent, mais l’idée de doubler la prime n’était pas repoussante, loin de là. Kôsei venait de prendre sa décision, il se rassit alors, donnant implicitement sa réponse au commanditaire pour la nouvelle mission.

« En voilà une bonne nouvelle gamin. Bien, votre mission sera de voler les documents présents dans le coffre d’un riche homme d’affaire ayant son manoir aux abords de Murashigure. Vous trouverez tous les éléments nécessaires à la réalisation de cette mission dans le dossier présent sur la table. Ah ouais… J’oubliais. Gamine ? Si tu refuses, je te ferai me rembourser chaque ryôs que tu m’as volé… »

Un sourire mauvais affiché sur son visage, le vieux quitta alors la salle. Laissant les deux jeunes entre eux, à méditer leur future mission. Ils allaient devoir voler un document assez important pour investir une petite fortune… Cela promettait !

Enfin, si la voleuse y consentait, évidemment.