« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Les larmes venues du ciel étaient nombreuses et froides ; autant que faire se pouvait. L’éphèbe se complaisait dans la frigidité ambiante, pourvu seulement d’un fin pull et d’une veste tandis que ses pas le menaient dans les ruelles de Murashigure, qu’il avait arpenté assez de fois pour s’y déplacer les yeux fermés. Autour de lui, les sempiternelles scènes qui semblaient décorer ce paysage avec plus d’assiduité qu’il n’en avait jamais eu. Des voleurs à la petite semaine, la plupart en bas-âge, fuyant les commerçants avec de quoi se sustenter ; des hommes vêtus de noir dans des coins sombres, opérant des transactions plus sombres encore.

Il avait pris l’habitude de ne pas se mêler de tout cela, comme un espèce d’ordre naturel des choses. Si les jeunes courraient assez vite, ils mangeraient. Quant aux trafics incessants, ce n’est pas en coupant une tête d’une hydre en possédant des milliers qu’il y changerait quelque chose. Fondamentalement, l’Averse n’avait rien d’un idéaliste ou d’un héros. Seulement un vagabond faisant son bout de chemin..

S’il n’avait pas de but, Roki savait qu’en parcourant ces ruelles, tôt ou tard, quelque chose l’occuperait ou égayerait un peu la monotonie de son existence. Maintenant qu’il savait Xûen mort, le bretteur n’avait plus de modèle à affronter pour éprouver ses capacités récemment acquises et n’étant point homme à créer de vains conflits, il comptait sur une forme de la destinée pour lui apporter de quoi combler le vide.

Cette dernière se personnifia en l’apparence d’une demoiselle au chapeau de paille qui semblait de quelques mètres poursuivie par un groupe d’indigents se dispersant sur ses proches contours. Les avaient-elle offusquées de quelque façon ? N’étant point chevalier blanc ou servant, il ne put cependant se résoudre à une si bonne occasion de tester l’un de ses talents et se glissa dans les pas de l’un d’eux ; ô sa proie était tout autre que le groupe, qu’il savait faible dans son entièreté.

Avant qu’il n’ait pu le sentir, la main de Roki se posa sur l’épaule du plus éloigné d’entre eux. Tournant la tête, ce dernier put sentir son articulation s’immobiliser, victime d’un froid qu’il n’avait encore jamais expérimenté. Pauvre laquais à la solde d’un de ces innombrables baron du crime, ce dernier ne put qu’exhaler un nuage tangible dans l’air frais, vite dissipé par la pluie qui continuait de tremper les belliqueux.

Ne trouvant plus d’homme sur son chemin, il finit donc par rattraper la demoiselle qui s’était visiblement dans l’intervalle chargée de ses autres quidams l’ayant prise en filature.

Levant les mains d’un air innocent, il s’approcha doucement.

« Je ne fais pas partie de ce groupe d’individus. » Il accrocha à son faciès un mince sourire aux significations qui semblaient multiples.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Sans avoir pourtant vu quoi que ce soit de l’affrontement, Roki se contenta de fixer avec vacuité chaque cadavre, chaque gerbe de sang dissoute par les caprices aqueux venus des cieux. Des coups de sabres précis, chacun ayant visé des points vitaux ou incapacitants. Peu ou presque pas de zèle. Aucun coup superflu ; la femme devant lui savait se battre avec une lame ; assez en tout cas pour mettre hors d’état de nuire quelques malandrins.

Il laissa doucement ses mains retomber jusqu’à ses poches, assez lentement, très lentement, afin qu’il soit bien clair qu’il ne comptait pas attaquer. Et pourtant, avec une telle pluie, cela lui assurait une supériorité écrasante. Après avoir glissé sa dextre dans sa poche et l’autre simplement le long de son corps, Roki répondit à l’invective avec le calme qu’on pouvait lui connaître.

« Une ombre du pays de la Pluie. L’Averse. » La première de ses interrogations était satisfaite. Il fit un premier pas, toujours lent, le clapoti de l’eau sous sa botte étant le seul bruit provenant de lui après ses paroles.

« Non. » Il n’avait jamais vu ces bougres de toute sa vie.

« Les raisons sont multiples. Dans l’imaginaire du parfait petit truand, une jolie femme est faible. Et la facilité, ils aiment ça les abrutis, par ici. Mais on sait qu’ils se sont trompés, leurs cadavres en témoignent. » Pas une seule émotion ne transparut sur ses traits. « Si je devais émettre une théorie, je dirais qu’ils te voulaient vivante pour leur servir de gagneuse, je te passe les détails. Les affres de la beauté féminine. »

Elle était méfiante, à raison. Lui était intrigué, bien qu’il parut aussi expressif que la dalle de béton qu’il foulait.

« Tu n’es pas d’ici, hein ? » Observation assez simple, mais presque concrète pour le bretteur. Tout en elle criait à l’exotisme, un exotisme qu’il ne connaissait peu ou pas assez. De quoi l’intéresser. Une étrangère qui pouvait être un vrai vivier d’informations.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

S’il fumait il aurait sûrement allumé une cigarette, lui aussi -même si le temps ne s’y prêtait pas vraiment. Il se contenta de rester inébranlable, planté là comme aurait pu l’être le dernier des ivrognes.

« Perspicace. » Il eut une moue convenue et continua de scruter de ses pupilles océan son interlocutrice sans s’épancher plus en lyricisme inutile. Il n’y avait là pas de métaphore ; c’était bel et bien son nom, hérité de réputation et de choix, d’anamnèse et de ses racines profondément enfoncé dans la terre meuble d’un pays où il ne cessait de pleuvoir, même lors de températures si basses. Avait-il déjà vu de la neige ici, à bien y réfléchir… ?

Roki haussa les épaules à son affirmation. Comment prouver ou même commencer à argumenter le contraire ? Ce pays n’était que tumulte constant, douce amertume pour celui qui la domptait assez longtemps pour s’y habituer. Toutefois, le fait qu’elle soit amejine aussi lui tira un mouvement de sourcil. C’était difficile à croire ; à en juger par son chakra et ses capacités, il aurait sûrement entendu parler d’elle. « J'oubliais ; je ne t’ai pas retourné la politesse. Comment tu t’appelles ? »

Ce n’était pas temps son physique mais son aura qu’il ne pouvait se résoudre à définir comme native de ces terres. Mais le bonhomme n’avait pas la science infuse et il accepta volontiers l’erreur. « Pure souche, oui. Un simple vagabond, mais je suis bel et bien initié au ninshû et ses formes diverses. Ca fait de moi un ‘shinobi’, j’imagine. » Cela lui tira un sourire ironique, ne découvrant cependant pas la blancheur de ses dents.

« J’ai le don pour me retrouver dans les guêpiers, hein. » L’air toujours aussi innocent, Roki se pencha sur un des cadavres et glissa sa main dans ses poches pour en tirer quelques papiers et une petite bourse.

Peu de gens pouvaient se targuer d’avoir autant de liquidité. Une avance sur un contrat ? Il ne la connaissait peut-être pas personnellement, mais l’Averse avait mémorisé chaque visage de chaque primé se baladant dans le Yukan. Quelque chose de plus personnel ? Un ancien employeur mécontent ? Un amant éconduit ? Autant de possibilités qu’il n’avait pas l’envie d’explorer à tâtons.

« Eh bien on dirait que tu vaux le déplacement. » Il lança vers la femme le petit paquet de ryôs. C’était sa proie, après tout ?

Une autre aura que la leur vint s’adjoindre aux alentours. Celle-là, il la connaissait.

« Yudaichiiiiiiiii. Tu marches sur les plates bandes d’un autre ; c’est exclusif. » Lâcha un grand chauve au crâne balafré. Roki fit un pas de côté pour s’adosser au mur de pierres éreintées par les intempéries.

« Exclusif et bien payé. J’espère que t’as eu plus qu’eux, c’est pas le genre de somme qui suffit là où ils sont allés. » Tournant le visage vers lui, tout exprimait sur ses traits finement pincés un air affable et pourtant presque moqueur, dénué d’intérêt pour ces vies gâchées.

« Reste à ta place. Moi et Ikusha, on va s’occuper d’elle et après, on t’paiera un verre même si j’suis sûr que tu préfères la compagnie de ce genre de dindes kakakaka. C’normal à ton âge. » Il ne lui fit pas l’insulte de lui ébouriffer les cheveux. À vrai dire peu de gens à Ame savaient pour le niveau explosibilité que Roki avait récemment atteint. Mais il en faisait partie.

« Surveille tes paroles. » Il n’avait pas l’air plus menaçant que tantôt, mais le message passa quand il tapota son épaule sans autre forme de suite, reprenant sa place pour lui laisser le champ-libre. Déjà, l’Averse chercha par ses langues chakratiques ledit compère dont il avait été fait mention, qui semblait habile dans l’art de la dissimulation.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Roki ne décrocha pas un mot ni même une réaction quand elle l’accusa d’être de mèche avec le bonze. Le raisonnement n’était pas fallacieux et même si elle se trompait lourdement, les indices en sa possession laissait présager du contraire. Ajoutant du grain à son moulin, il lui adressa un sourire franc. Oui, il connaissait ce chasseur et il les connaissait à vrai dire presque tous. Bien qu’il ne fut pas toujours le combat qu’il incarnait aujourd’hui -chakra inexistant oblige- l’Averse avait su se rendre utile et nécessaire à la communauté. Beaucoup venaient donc à lui pour ses informations et son petit réseau quand il s’agissait de se mettre sur la piste de quelque shinobi.

Odama faisait partie de ceux-là. Mais il ne fallait pas se méprendre ; Roki n’avait aucun attachement à cette faune locale ni à cet individu en particulier. La rapidité féline de la demoiselle n’étonna pas le jeune vagabond lorsqu’elle s’engouffra dans la ruelle pour attaquer, étant lui aussi visé. N’avait-elle pas écouté clairement ?

Le mercenaire avait fait mention d’Ikusha, en binôme avec lui sur ce contrat. Sans avoir la quelconque information qu’il ne profiterait pas de la moindre faille, Nobume choisit de foncer sans attendre. C’était à ses yeux une erreur conséquente. Le balourd para le coup horizontal pour eux, plus par une question de géométrie que de réel intérêt pour Roki.

N’ayant pas bougé d’un millimètre, il fit son premier mouvement lorsque le corps meutri aux membres inférieurs de son homologue amejin heurta le sol dans un fracas. Il n’était pas inconscient, ni même mortellement blessé. Mais il profita de l’ombre du tas de chair en chute pour se déplacer, esquivant d’un cheveu la lame lancée vers lui pour prendre la direction d’un des toits par la voie des airs, s’étant propulsé au préalable sur un appui solide.

Il passa une minute, ou peut-être moins. Et le corps d’un homme aux cheveux longs et entre tissés apparut dans l’ombre du ciel. Ce dernier ne bougeait pas d’un cil. Puis, il se laissa tomber et s’écrasa contre les pavés, une flèche planté dans l’arrière du crâne. Le fameux compagnon de route du bonze. Debout là-haut trônait l’ombrage de la silhouette fine de l’Averse, qui suivit bientôt le chemin emprunté par Ikusha avec bien plus de brio.

« Il était moins une. » Moins une avant son premier tir et une possible blessure pour l’un d’entre eux. Doucement, sa main gauche sorti de sa poche et composa le mudra du tigre ; l’encre apparut autour du cou et le long des bras du dégarni rondouillet qui gémissait, emprisonné dans l’encre serpentant en filaments sur sa peau.

« On disait ? »

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

« Je ne pense pas qu’il y ait matière à s’épancher. J’ai supprimé celui sur le toit qui attendait de te faire la peau. » Logique implacable, évidence énoncée sans mesquinerie ni même le moindre air hautain. Pur constat froid. À la surprise, il garda son habituel presque blasé comme seule réponse. Elle voulait savoir pourquoi, Roki n’était pas stupide.

« De simples connaissances. Je suis à Ame depuis assez longtemps pour avoir côtoyé une bonne partie des gens qui gravitent autour de ce business. » Sa façon d’agir corroborait ses propos, même si elle ne le savait pas avec certitude, après tout. Mais Roki n’avait encore jamais tué un ami.

Il remarqua la goutte malgré la pluie, du moins il lui sembla l’apercevoir mais il n’en tira ni fierté ni conclusion rapide. Si le garçon dépourvu de chakra avait survécu si longtemps, ce n’était certainement pas en sous-estimant ses interlocuteurs. Paraissant trop calme pour l’être vraiment, il était toujours ou presque sur le qui-vive.

« Je suis d’accord mais disons que tu devrais faire passer le message à l’employeur. » Il lui sembla d’abord évident de déclarer son désintérêt quant à sa traque mais elle offrit en retour un contrat ‘alléchant’ et si Roki était bien quelque chose, c’était curieux.

« Un contrat ? À vrai dire je travaille rarement dans ce milieu mais tu peux toujours m’en parler, sait-on jamais. » Son sourire niais ne provoqua chez l’Averse pas plus de raison de la mésestimer.

« Pour ne rien te cacher.. Non, je n’ai rien à voir avec eux ou la raison qui les pousse à te traquer. Mais en tout bon amejin, j’apprécie l’information autant qu’un bon marché. » Il fit un pas vers elle, toujours à bonne distance. « Disons que c’est du bénévolat. Et que je ne t’en tiendrais pas rigueur si toi aussi, tu peux mettre sur la table un acte ou une parole utile. Qui sait, l’échange peut se révéler constructif.. » Il manquait son prénom à la fin de sa phrase, le ton le démontrait, comme s’il s’était interrompu dans son propos.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Toujours aussi stoïque dans sa position, ne bronchant que pour les quelques respirations espacées lui permettant d’humer l’air ambiant, aux senteurs de roche et de vase, il remarqua l’air sur le faciès bronzé de la sabreuse quand elle tira le papyrus de la poche de l’homme qui semblait toujours incapable de briser l’emprise qu’avait sur lui l’Averse.

Loin de lui l’idée d’en découvrir plus sur ses détracteurs, cela ne regardait qu’elle. Dans ce pays les secrets étaient légions. Tantôt monnaie d’échange, tantôt raisons de violences diverses. Il la regarda se cambrer puis se tourner vers lui, ses yeux d’un azur terne se plantant dans ceux de la mercenaire avec l’aplomb qu’elle pouvait lui connaître.

« Tout juste, c’est l’une des cordes à mon arc. » Il ne put s’empêcher de regarder la flèche dans le crâne du pauvre bougre dont la chute avait réduit le visage à une bouillie informe telle que ses employeurs comme ses proches amis ne pourraient plus jamais le reconnaître. Il n’éprouvait pas de remord. Comme d’habitude.

« Enchanté, Mukuro. Je pense que c’est quelque chose qui n’est pas impossible à envisager mais tu te doutes que je ne vais pas te suivre si facilement. » Sans attendre de réponse, une pulsation de son chakra se fit ressentir dans une petite zone autour du bonhomme et une fois sa réponse obtenue, il s’approcha d’une porte proche et plaqua sa main contre cette dernière.

Un craquement retentit quand les doigts collés firent céder la serrure, alors qu’il pénétra dans l’endroit. Pourquoi chercher refuge dans un troquet rempli d’oreille alors que cet endroit était vide. Et à en juger par la décoration et le contenu de la petite pièce, il n’était pas habité par des gens dangereux.

Il s’installa sans une once de gêne autour de la table et posa son regard sur ses propres mains. « Bien. Arrête-moi si je me trompe. Tu n’es pas le commanditaire de ladite mission. J’en déduis que tu es déjà à la solde de quelqu’un. Ne t’inquiètes pas, je ne veux pas plus de détails que cela. Qu’as-tu à m’offrir contre mes talents, autre que de l’argent ? C’est ma première question. » Il fit glisser l’un de ses doigts sur la table en sentant par ce fait chaque aspérité du bois grossier.

« Ensuite. Que te faut-il exactement ? Le Fûinjutsu est un domaine d’expertise extrêmement large, il faut pouvoir s’entendre sur ce que j’aurais à faire. » Il marqua une pause en relevant le regard vers elle.

« Finalement, Mukuro.. As-tu engagé d’autres Amejin ? Il y en a parmi eux avec lesquels je refuse de travailler. » Il détendit assez son dos pour qu’il touche le dossier de sa chaise et attendit.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Roki siégeait là. Immobile, inamovible de la place qu’il avait choisi à écouter et peser chaque mot sortant de la bouche pulpeuse de la shinobi. Dans la pièce régnait une odeur de tabac froid, de gingembre et de musc. De temps en temps, la mâchoire de l’homme se contractait quand il avalait sa salive sans un bruit.

« Soka. Je suis prêt à te croire. Bien entendu si nous travaillons ensemble, tu découvriras que j’ai une tolérance toute particulière quand il s’agit de mensonge. » Il afficha un mince sourire qui cette fois laissait découvrir une facette encore inconnue pour elle. Il joignit ses mains et croisa ses doigts. Même si elle était devenue aphone, Roki n’avait aucun mal à décrypter les mots à la façon dont elle les mimait avec ses lèvres. Pourtant il ne paraissait pas spécialement concentré.

« De l’information. Brute ou raffinée. Je suis pas difficile, tant qu’elle a un sens. » Une mauvaise habitude peut-être mais il aimait beaucoup savoir. C’était grâce à ce trait de personnalité qu’il avait en quelques mois développé les domaines du Ninshû dans lesquels il excellait à présent. Ceux-là même pour lesquels elle lui demandait de l’aide. Paradoxalement il se fichait des villages cachés et pourtant. L’Homme n’était que contradiction, non ? Et tout était voué à changer maintenant qu’il était ce qu’il était. Comme eux, un shinobi.

Elle put voir à la mention desdits Dieux un de ses sourcils s’arquer. D’étonnement. D’intérêt ? Il avait visiblement une bonne étoile, pour le mettre sur la voie ainsi. Où allait-il, pourquoi et avec qui ? Tout cela restait indubitablement à découvrir.

« J’ai entendu des bruits, mais jamais rien de concret et de tangible. » Il ne lui fit pas l’insulte de mettre en doute leurs existences. Mukuro semblait sûre d’elle, rien n’exhalait d’autres qu’une troublante véracité.

« Ce n’est pas rien, haha. » C’était vertigineux. Ne serait-ce que s’approcher de ce genre de Bête ? Autre chose que l’Alpha qui lui avait déjà donné du fil à retordre. Elle en avait cité trois. Combien étaient-ils ? Que pouvaient-ils faire ? Trop de question que sa bouche en débordait presque tant elle restait close.

« Avec de la préparation, rien n’est impossible. Que sais-tu d’eux ? »

Déjà sa matière grise chauffait. Un Dieu du Désert ? Il siégeait donc à Kaze no Kuni. Celui de l’Eau devait sans nul doute se trouver dans le pays éponyme. Il garda son calme, même si c’était à peine plus dur que d’habitude.

« Tu as donc de ta propre initiative choisit de rassembler de pauvres âmes pour lutter contre des Déités ? » Courageuse ? Menteuse ? Ignorante ? Plus Roki semblait la connaître plus les contours de sa personnalité devenaient flous..

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Roki acquiesça puisqu’elle appuyait son premier propos. Somme toute il avait déjà opéré pour des gens répondant à des crimes bien pires que les mensonges mais ce genre de travail et la relation qu’ils bâtissaient n’avaient rien de la simple mission de récolte d’information ou de traque.

Elle parlait de le satisfaire et effectivement Mukuro était sur la bonne voie. Les quelques gouttes de l’océan de son savoir qu’elle lui avait promulgué semblait aller dans ce sens, en tout cas. Alerte et circonspect il resta dans la même démarche que plus tôt et continua de la regarder parler tandis qu’elle fumait. Le nuage de nicotine le frôla mais ne brouilla pas la vision qu’il avait d’elle au travers.

« Soka. Et ces gardiens sont disposés à transmettre un savoir littéralement capable de stopper un Dieu à n’importe qui, sans contrepartie ni quelconque autre vice ? » Il haussa intérieurement un sourcil. « En tout cas, même s’il me faut encore de l’entraînement pour arriver à un niveau de maîtrise tel que je pourrais utiliser telle arcane, ça paraît assez intéressant pour que j’en sois. »

Roki eut l’air pensif quand elle parla de toutes les factions cherchant elles aussi le bénéfice de telles techniques interdites.

« J’ai plusieurs questions. » Il posa son index sur le bois de la table.

« Premièrement, imaginons que nous réussissons et que nous scellons une Déité. Dans quoi ? Quel récipient peut abriter tant de puissance ? Ensuite. Que ferons-nous d’eux ? Qui en disposera ? » Roki était rarement insouciant. Jamais au point de mettre une telle relique dans les mains du premier quidam venu.

« Deuxièmement. Si ce que tu dis est juste, ce ne sera pas différent d’une course à l’armement. Penses-tu vraiment que nous faisons à nous deux le poids contre des villages shinobis ? Même un seul dans l’hypothèse où ils ne travailleraient pas ensemble ? »

Il n’y eut aucune peur lisible sur son visage ; à vrai dire il éprouvait même une certaine excitation à se mesurer à d’autre dans un tel domaine. La traque. Sa spécialité.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Elle y mettait incontestablement du sien et malgré les zones d’ombre qu’elle laissait volontairement il y avait bien assez de grain pour le moulin de Roki qui n’en perdit pas une miette. Chaque mot et chaque phrase l’enfonçait un peu plus dans cette situation où revenir en arrière deviendrait périlleux, ardu même. Comment pouvait-il lui tourner le dos maintenant, après avoir été appâté de la sorte ? Elle avait joué les bonnes cartes.

Qui pouvait bien être ces gardiens ? D’où tiraient-ils tel savoir ? Plus la voix de Mukuro retentissait et plus il en voulait, davantage. Si elle avait tourné les talons et s’en était allée à ce moment là ; Roki ne pouvait dire comment il aurait réagi. ‘Les forcer ou les convaincre’. Il bloqua sur ces termes. La force serait peut-être de vigueur pour mener à bien ce projet donc. Cela ne le rebuta pas. Pas qu’il se pensait mieux que les autres pour ce qui allait suivre ; mais pas question de ne pas en faire parti, à ses côtés ou non.

« Une piste tu dis. J’imagine que j’en saurais plus au moment venu. » Il était assez patient pour ne pas se jeter sur elle afin de remplir les trous qu’elle laissait. Elle avait un avantage sur lui toutefois et ce n’était pas pour lui plaire.

Son expertise dans le domaine du Fûinjutsu rendit ce qui allait suivre bien plus facile à appréhender. Si on pouvait sceller le chakra d’un humain alors c’était hypothétiquement possible sur toute autre créature dotée de cette même énergique, aussi déique qu’elle fut.

« On n’a pas été présentés mais sa réputation le précède. » C’est un de ses sbires qui avait soumis Xûen au joug de l’illusion et l’avait envoyé à la mort dans un combat contre le Tsuchikage de l’époque ; comment l’oublier ?

Un Dieu des Cinq Éléments. Un autre à Neuf Queues. Tout cela était plus ou moins nouveau. Il avait entendu parler à l’époque de la monstruosité libérée un temps à Kaze. Des pièces d’un large puzzle semblait s’assembler dans son esprit. Tout n’était pas aussi simple qu’au commencement. Ces monstres divins semblaient liés puisqu’elle parlait d’en réveiller certains pour accéder au dernier, l’objet de convoitise de l’Homme au Chapeau.

Il continua de rester stoïque et d’assimiler la masse d’information qui ruisselait sur lui. La sensation était bien plus agréable que la pluie.

Maintenant, elle en vint au sujet des villages. Une coalition entre l’Empire du feu, Iwagakure et Kirigakure. Rien que cela… Quelque chose le fit tiquer mais il n’eut pas la malpolitesse de la couper et attendit, gardant son interrogation dans un coin de son esprit jusqu’au bon moment. « Je ne comprends pas, tu m’as bien dit que l’Homme au Chapeau avait libéré le Dieu des Cinq Éléments. Pourquoi voudrait-il le récupérer maintenant, n’en a-t-il pas eu l’occasion ? Il a échoué ? » Les extensions de ses mains toujours croisées, il essaya de comprendre. « À moins que tu veuilles dire que nous devons le récupérer. Dans ce cas, il le possède sur lui, dans quelque chose de transportable ? C'est possible ? »

« Je suis de ton avis ; je n’ai aucune envie de voir ce genre de choses dans les mains des factions qui dominent déjà le monde. Vu certains shinobis et leurs réputations, ça ne promet rien de bon. » Le bingobook était rempli d’exemples corroborant son propos. « Ca ressemble un peu à une cause perdue, mais j’en suis. »
Une course contre la montre avec en tant qu’adversaires les systèmes les plus puissants du monde ET l’homme le plus puissant du monde. Un court tremblement prit Roki et parcourut son bras gauche. Un sourire s’afficha sur son minois peu bronzé. L’excitation, le présage de l’adrénaline.

Il garda le même air enjoué quand il entendit prononcer le nom de Ashura. Des Kazejins ? Boh.

« Tous auront pour but de chasser les démons, et cetera ? Tout me semble bon, j’ai fini de t’harasser de questions, je crois. »

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

« Je suppose que la priorité va aux Kinjutsu et aux autres Dieux de prime abord ? » Il ne lui avait pas fallu longtemps pour le déduire ou au moins se résoudre à cela. Dans l’état actuel c’était purement et simplement du suicide d’aller affronter un homme de sa trempe avec les armes et les informations dont il disposait. Prudence s’imposait donc, s’il pouvait éviter de le croiser jusqu’à jouer à armes égales ou au moins avoir quelque élément de réponse. « À moins que tu sois mieux informée que moi à son sujet, haha. » Elle savait tant de chose qu’il ignorait ; peut-être connaissait-elle son talon d’Achille ?

Il fit un signe négatif de la tête quand elle parla de cette Impératrice dont il ignorait tout. Quel comble pour un féru d’information que de ne rien savoir ou presque sur l’histoire des pays l’entourant. Roki se promit de se renseigner abondamment quand à tout cela dès qu’une fenêtre de temps s’offrirait à lui. Pour l’heure les faits se présentaient à lui et il continuait de les accueillir à bras ouvert.

« Généralement les tombeaux d’Empereur sont ‘voyants’ non ? Les locaux devraient indiquer facilement où on peut le trouver.. ? Mais pourquoi chercher un cadavre et pas ses proches ou ses possibles descendants ? » Il prit une courte inspiration. « Kaze hein. » Il n’y avait là pas matière à tergiverser. Ce serait le Pays du Sable.

Il se leva délicatement de sa chaise, d’une manière presque féline. Paradoxe quand on savait à quel groupe d'animaux il était rattaché. « Bien. Qu’est-ce qu’on attend ? » Il lui adressa un sourire presque sympathique et rangea le morceau de bois où il s’était assis à sa place première, au centimètre près.

« Jamais entendu parler d’Oroshi mais je connais bien Ashura, effectivement. » Il continua de glisser vers la porte, alors même qu'il aurait logiquement dû suivre celle qui menait le tempo. Sa main se posa sur la poignée quand il se stoppa net. Sans se retourner, sa voix s'échappa de sa cage thoracique dans un requiem de mots qui ne laissait au hasard aucune tonalité. « Roki. Ou l'Averse, si ça te chante. Mais fais attention, j'ai reçu ce titre d'un ami et je n'aime pas spécialement qu'on le bafoue. » Il ouvrit alors et laissa la maigre lumière allumer son visage, pivotant vers elle pour délivrer un sourire macabre. Bien qui bridé, son chakra exhala et remplit la pièce en un instant. Puis plus rien. Il avança alors sous la pluie.

« He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man. »

Elle aboutit au même raisonnement que lui et il ne s’embêta donc pas à approuver le propos. Cette Impératrice avait tout intérêt à avoir eu un cercle d’ami encore en vie ou des enfants, sinon la piste serait froide et ils perdraient un temps précieux dans une course qui avait déjà commencé. Qui savait ce qu’étaient déjà en train de préparer les Puissances Shinobis à l’heure où ils parlaient.

Mukuro avait l’air de nourrir une haine tenace contre cet homme dont il ignorait tout sauf la gargantuesque puissance. Ca pourrait servir pour la suite. D’une façon ou d’une autre, elle était bien plus liée et impliquée dans tout cela qu’elle voulait bien lui laisser paraître.

« Wakata. » Elle ne donna pas d’horaire précis mais la destination et son commanditaire semblèrent suffire à l’Averse qui n’opina pas du chef sans en penser moins pour autant.

À son action précédente, elle se mit à rire. Rien de bien méchant, rien de suffisant en tout cas pour lui faire perdre sa placidité. Le deuxième sobriquet qu’elle lui trouva n’était pas bien plus plaisant mais il avait le mérite de laisser intact son titre ‘d’Averse’. Cependant le Amejin n’était pas homme à menacer ni même à effectuer des demandes insensés alors sa bouche émit un propos concis qui visait à rétablir la vérité sur son action passée.

« Libre à toi d’en penser ce que tu veux. La renommée ne représente rien pour moi cela dit. » Être reconnu ou même adulé ; vivre pour cela n’évoquait chez lui que mépris et désintérêt. L’homme qui l’avait pourvu de ce patronyme l’avait adjoint de bien d’autres choses et c’était le seul vestige du Torrent qu’il avait gardé. Peut-être y voyait-elle quelque chose de ridicule. Se comporterait-elle de la même façon si Roki en venait à piétiner une de ses convictions profondes ?

« Et bien j’imagine que nos routes se séparent ici. » Il s’approcha doucement d’elle et faisant bien comprendre qu’il n’avait aucun but hostile, il sortit délicatement un shuriken de son étui. De l’autre main, il composa un mudra et ce dernier s’orna de symboles semblant être de l’encre noir de jai.

« Quand tu voudras me trouver il te suffira d’insuffler du chakra dans ce sceau. Tu peux aussi demander à Ashura de prendre contact avec moi si il est déjà avec toi. Sur ce. » Il jeta l’arme ninja sans la moindre once de force vers elle afin qu’elle la saisisse puis disparut à la faveur d’une ruelle plus sombre et incertaine que l’était l’avenir de Roki à cet instant. Il avait quelqu’un à voir.