«He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man.»
Eponyme paradoxe, le ciel crachait le même flux continu d’eau sur ses terres natales quand il les foula enfin d’un pas las et pourtant presque mécanique aux abords de la grande frontière avec Tsuchi no Kuni. Avant de quitter définitivement la Terre, ses pérégrinations aux alentours avait confirmé ses soupçons. C’était bel et bien le Mirage, la cause de ce cratère immense, laissant sa vie en gage pour une cause à laquelle il n’adhérait même pas. Manipulé par le système et l’Homme. Entre cela et son expérience récente avec Iwagakure no Satô et son pôle exécutif, un homme normal aurait nourri de la rancoeur.
Lui s’en fichait. Sachant feu l’Etoile du Matin bien loin ; il restait à savoir quoi faire au sujet d’honorer sa mémoire. Pas d’humeur aux belligérances, il opta pour la réflexion. Roki agirait après avoir mûrement réfléchi. Une fois à Murashigure, dépourvu de son compagnon Shô qui alla régler une affaire personnelle peu après avoir quitté les Crocs Rocheux, il sembla à l'épéiste être revenu au point de départ.
Mais le destin avait visiblement des projets pour lui.
Une bonne semaine en ermite dans sa cabane loin de tout à seulement s’entraîner suffit au prodige pour enfin se décider à sortir de son aliénation imposée. Une épée trop longtemps dans son fourreau finirait par rouiller ; pareil à l’une d’elle il choisit donc de servir un autre but que le sien, le temps de s’acclimater au monde l’entourant. S’informer, se faire plus de contacts.
Malheureusement le tableau de mission de la ville principale d’Ame no Kuni n’affichait rien de transcendant ni même digne de quelqu’un de sa trempe. Quittant les graffitis ornant les papelards délavés par les intempéries, il se dirigea donc vers le repaire le plus proche afin d’y chercher un employeur ou même des ragots intéressants.
Arrivé dans l’arrière-salle d’un troquet douteux où il dépeignait avec le reste de la clientèle, il sembla ressentir une odeur particulière ; une sensation de déjà vu. Roki oubliait rarement les caractéristiques principales d’une cible. Encore moins celles d’un collaborateur. Jamais celle d’un ami. N’était-il pas parti à Hayashi ? Pourtant la carrure, la chevelure, la signature chakratique. Autant d’indices qui ne pouvait tromper l’héritier du Torrent.
Comme à son habitude, d’un pas feutré il alla se glisser à côté de Lui. « Ca faisait longtemps,獅子 -shishi. » Un sobriquet qu’il avait adjoint jadis à la personne, par sa crinière et son tempérament.. Explosif ?
Attablé au fond d’une taverne, où la clientèle ne semblait n’avoir d’yeux que pour la révolution qui se profilait, Ashura tentait de faire abstraction des commentaires des uns et autres, en se concentrant sur l’étude de ses parchemins. Les parchemins de son défunt maître. Un véritable casse-tête. Pourtant, ce n’était pas la première fois qu’il se plongeait dedans, en creusant dans l’espoir de déchiffrer les annotations du mystérieux moine du Mont Shinryoku. Rien à faire. Il avait beau essayé, encore et encore, il revenait constamment à la case départ. C’était comme si son maître avait prédit ses intentions des années à l’avance, et qu’il avait pris un malin plaisir à ce que qu’il ne parvienne jamais à déchiffrer ses notes, qui pouvait aujourd’hui très certainement l’aider à libérer une partie de son pouvoir scellé.
Finalement, il abandonna. Ce n’était pas la première fois, et certainement pas la dernière. Ainsi donc, il referma et rangea le vieux parchemin écarlate, avant de se commander une bouteille de Saké. Bien qu’il voulût quelque chose de raffiné, pouvant lui rappeler ses mémorables aventures du côté Est du Yuukan, il dût se contenter de ce qu’il pouvait qualifier comme de la « pisse de chat », provenant sans doute de grand Ouest, ou du Nord, allez savoir.
A peine eut-il été servi, qu’il porta sa coupe à ses lèvres, réalisant que c’était bien plus dégueulasse qu’il ne l’imaginait. Bien qu’il demeurât parfaitement impassible, il ne peut s’empêcher de se demander comment tous ces bouseux faisaient pour ingurgiter cette saloperie à la longueur de journée. Mais peu importait. Tendant l’oreille, il se contentait d’écouter ce que disaient les uns et autres au sujet de cette fameuse révolution qui se profilait.
Les partisans du gouvernement se faisaient discrets, même si les regards méprisants qu’ils balançaient de temps à autres aux rats qui infestaient la salle semblaient trahir leur camp. Mais encore fallait-il avoir l’œil bien aiguisé pour s’en rendre compte. Quant aux racailles, ils semblaient partagés, sachant que cette révolution pouvait tout aussi leur profiter que leur causer des sérieux ennuis. « Que le Seichi réussisse ou non, en fin de compte c’est le Collectif qui en ressortira gagnant… » Songeait le guerrier jaune, dont le regard se posait, du fait de sa position au fond de la salle, sur chacun des personnages ayant une opinion à exprimer.
Bien qu’il ne soit pas du genre à s’assoir et écouter les autres causer de la sorte, Ashura trouvait cela amusant, pour une fois. Cependant, comme toute chose dont on abuserait, cela commença rapidement à lui paraître ennuyant, au point qu’il éprouvait une soudaine envie d’aller cogner quelques raclures, non pas pour défendre le veuf et l’orphelin, mais simplement pour se défouler. C’était néanmoins sans compter sur la voix qui l’interpella, le faisant retourner délicatement la tête.
« ... Karasu… » Fit-il, lentement.
Sa discrétion l’étonnera toujours. Sa présence l’étonnait d’autant plus en cet instant précis. Cela devait faire combien de temps qu’il l’avait perdu de vue ? Il ne saurait le dire avec précision.
« En voilà une belle surprise ! » Ajouta -t-il, avant de se retourner vers le serveur, lui faisant signe de s’approcher. « J’imagine que c’est cette « révolution » qui te fait sortir de l’ombre ? » Reprit-il, avant de demander au serveur de leur apporter deux verres de saké, laissant toute de même le temps à son compère de préciser sa préférence, si tant est qu’il en avait une. « Ne me dis pas que tu comptes prendre part à ce conflit dont on sait tous comment ça va se finir ? » Rajouta -t-il, en regardant son vieil compagnon droit dans les yeux.
Il saura très certainement où il voulait en venir. D’un autre côté, il se pouvait que le corbeau ne sache même pas de quoi il parle, ce qui serait assez ironique, il fallait le reconnaître. Toujours était-il que le bretteur tombait à point nommé, juste au moment où Oroshi et Ashura espéraient gonfler leur rang avant leur fameux voyage du côté du grand désert. Hasard ou destin ? En réalité, peu importait.
« Remarque, les révolutionnaires paient bien, paraît-il... » Fit-il, d'un ton sarcastique. « Plus sérieusement, et si tu me disais plutôt ce que tu as fait durant tout ce temps ? » Conclut-il, d’un fin sourire qu’il n’adressait pas à n’importe qui.
«He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man.»
La voix du Bakuhatsu, comme la teinte de sa crinière n’avait pas changée d’un iota. Doucement, ses membres inférieurs se fléchirent pour le laisser se glisser à côté de son homologue amejin et disposer d’un siège dont le branlant n’empêcha pas le bretteur de se maintenir avec un équilibre parfait. Etait-ce vraiment une surprise que deux enfants du pays se retrouvent au moment même où ce dernier subissait encore une fois les mêmes changements qui le lancinait depuis de si longues années ?
La politique, les daimyôs et autres joyeusetés liées à la noblesse avaient le don d’endormir un homme de la trempe de Roki. Mais ici, il n’avait point besoin d’avancer à visage recouvert, pas plus que d’enrober ses mots de quelque bel emballage pour les faire avaler à son interlocuteur. Ne voyant pas d’intérêt au subterfuge ou la manipulation, il fut donc honnête. « C’est possible. À vrai dire, à y passer tant de temps, en sort-on jamais vraiment ? » Une mince moue amusée transparut sur son faciès laiteux, entre les mèches brunes en désordre l’encadrant avec harmonie.
Roki ne tergiversea pas sur la commande et continua de regarder son allié, poignets sur la table. Il était sûrement la personne la plus jeune du troquet mais personne ne semblait s’offusquer de s’il était légalement autorisé à porter ses lèvres à quelconque breuvage. C’était d’ordre publique que la légalité ici-bas était quelque chose de tout à fait relatif, livrée à l’interprétation de criminels et autres rebuts de la société.
Sans se froisser ni même esquisser la moindre réaction, il répondit donc du tac au tac. « Tu le sais aussi bien que moi, il n’est pas dans mes habitudes de m’interposer dans les manoeuvres politiques des élites. Je ne traite ce genre de mal que quand il franchit le pas de ma porte. » Une façon élégante de mettre des mots sur ce que certains appelleraient de la lâcheté. Pourtant, Roki n’avait pas plus peur de la dynastie régnante que de Seichi et leurs troupes. Cela n’affectait ni son quotidien ni ses objectifs ; aucune raison d’agir, donc.
Il continua de l’écouter en baissant les yeux sur le verre qu’on avait posé aléatoirement devant lui. Le bout de son index vint à faire le tour de la soucoupe. « Je n’ai pas vraiment d’intérêt pour l’argent. Ca non plus, ça n’a pas changé. » Ni pauvre, ni riche, Roki avait de quoi survivre et ne cherchait que rarement à gagner de grosses sommes, sauf quand il le jugeait nécessaire.
Voilà qu’il rentrait dans le vif du sujet. Encore une fois, aucune raison de mentir, même si l’interrogation était large. « Je me suis entraîné. La Résonance m’a laissé des séquelles plutôt positives, à vrai dire. J’ai cherché mon maître mais je viens d’apprendre qu’il est mort en attaquant Iwagakure no Satô, contrôlé par l’Homme au Chapeau. Rien de plus intéressant. Me voilà donc ici. Et toi, Ashura ? Quand je t’ai quitté la dernière fois, tu poursuivais le tien. »
À l’époque, l’Averse était encore dépourvu du don de chakra, traçant sa route grâce à son épée et parfois à son froid, se manifestant en de rares occasions. Mais il n’avait pas chômé...
Amusé par la réplique de l’épéiste, le guerrier jaune détourna rapidement le regard, le temps de convoquer un serveur et d’exiger le meilleur de leur breuvage pour son acolyte. Pas certain que l’averse en raffolerait, mais il devra malheureusement s’en contenter, étant donné que ce n’était pas forcément le meilleur coin de la capitale pour déguster un saké de qualité.
Reportant de nouveau ses pupilles dorées sur Roki, qui était sans doute la personne qu’il s’attendait le moins à voir, Ashura ne peut s’empêcher de l’interroger sur ses intentions, concernant la « révolution » qui se profilait. Comptait-il prendre part à cette fameuse guerre opposant le gouvernement au Seichi ? Ou se contentera-il, comme il avait souvent coutume de le faire, de rester en dehors de ce genre de conflit ? Il avait une idée de la réponse, mais cela ne l’empêcha pas moins de vérifier si le corbeau était resté fidèle à lui-même, ou si le temps l’avait finalement transformé ? Une interrogation qui pouvait peut-être paraître anodine, mais elle ne l’était pas, loin de là, puisque cela lui permettrait de savoir s’il pouvait à termes compter sur lui, comme au bon vieux temps, ou non. Après tout, beaucoup de ceux avec qui Ashura avait pu grandir et travaillé avait dérivé et pris de chemins qui rendaient désormais toutes ententes et collaborations tout simplement impossible…
Le guerrier jaune, dont le faciès demeurait, l’espace de quelques instants, relativement neutre, fut toutefois satisfait de la réponse de son interlocuteur, et se contenta d’acquiescer d’un petit hochement de tête. Si, dernièrement, les manœuvres politiques, tant à l’échelle nationale qu’internationale, semblaient « intéressé » de près légèrement intéressé le Bushin, il n’en était rien pour son camarade, qui restait visiblement fidèle à lui-même. Mais cela n’avait en soi rien d’étonnant…
Lorsque le serveur déposa enfin les deux verres sur la table, Ashura ne manqua pas de porter le sien à ses lèvres, tandis que son acolyte semblait étrangement hésiter. Après un bref regard, le guerrier jaune ne s’en préoccupa pas, et se contenta plutôt de poursuivre son échange avec l’averse.
« Pourtant l’argent ouvre bien des portes, et délie bien des langues, Roki. » Lâcha le Bakuhatsu, sur un ton posé.
A vrai dire lui-même ne portait en réalité que peu d’intérêt pour l’argent, mais il ne reconnaissait pas moins son importance, surtout dans des lieux comme Ame, et d’autant plus pour réaliser des projets d’envergures, tels qu’il le prévoyait, avec son frère d’arme de toujours. Ainsi donc, on pouvait dire qu’il avait un regard beaucoup plus nuancé qu’autrefois, ou que son interlocuteur du moment.
Conscient que l’averse n’avait peut-être pas d’ambitions telles que les siennes, du moins peut-être pas dans l’immédiat, le guerrier jaune lui épargna le speech classique, qui servait, la plupart du temps, plus à se convaincre soi-même de ce que l’on déclare que de convaincre autrui.
Interrogeant naturellement le ténébreux sur ce qu’il fit ces derniers temps, histoire de mieux cerner sa soudaine disparition, Ashura ne fit pas déçu des réponses de son interlocuteur, bien au contraire.
« Tu veux dire par cette femme qui a hypnotisé bon nombre d’Amejins et mercenaires pour lancer un assaut sur la cité de la roche ? As-tu pu apprendre plus sur les circonstances de sa mort ? » Demanda -t-il, naturellement.
Bien que « compatissant » à l’égard de Roki pour la perte de son maître, le visage du guerrier jaune semblait pour ainsi dire indiquer autre chose… il se crispait.
« Cet homme et ses sbires semblent visiblement à l’origine de biens de maux qui ont frappé le Yuukan, et Ame. » Ajouta -t-il, avant de prendre une gorgée de son nectar, histoire d’apaiser ses nerfs et de ne pas songer à son camarade qui avait trouvé la mort lors de la guerre du côté de la roche.
Si le sort du reste du monde lui importait en réalité très peu, on ne pouvait pas en dire autant d’Ame…
« … je suis revenu depuis peu également. » Fit-il, dans un premier temps. « Mon maître n’est plus de ce monde. Il a eu ce qu’il méritait ! » Ajouta -t-il, sèchement. « Sinon, j’ai parcouru le monde, surtout à la recherche de quelqu’un capable de m’ôter cette chose, que l’ermite m’a laissé en dernier souvenir, en vain… » Reprit-il, en lui montrant le sceau qui se trouvait sur sa nuque. « Me voilà désormais de retour aussi. Hasard ou destin, nous voilà de retour pratiquement au même moment, Karasu… » Fit-il, en le regardant droit dans les yeux. « Que comptes-tu faire désormais ? » Conclut-il, avant de porter son regard sur son verre, prenant une longue gorgée de son saké qu’il ingurgitait depuis un moment comme de l’eau.
L'averse avait peut-être des projets. Sinon, il lui en donnera...
«He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man.»
« Je serais bien stupide si je prétendais le contraire. » Effectivement il ne pouvait aller contre le discours de son homologue Amejin. Il avait vu les deniers régir les vies et les actes de foules entières, décider de l’issue de nombreux conflits. Mais certaines choses ne pouvaient être réglées par la monnaie et même si elle servait de raccourci, de passerelle pour simplifier une traversée ; elle n’était pas essentielle dans un monde tel que le leur. Les riches ne mourraient pas moins vite, leur chair ne résistait pas mieux à l’acier de Tetsu à sa ceinture.
Ashura semblait assez bien informé, une qualité qu’il appréciait chez ses partenaires de discussion et cela lui tira un rictus sur son faciès jusque là peu expressif. « Celle-là même. Je sais qu’il a péri contre un homme de valeur. Une Ombre. » Il n’y avait plus aucune trace de son humanité lisible, pas plus qu’autre chose. Froid et implacable, Roki paraissait peu soucieux de ses propres mots. Est-ce que Xûen avait eu la fin espérée par les gens de sa caste ? Sûrement. Mais cela ne convenait pour autant pas à l’Averse. Que comptait-il y faire ? Rien dans l’absolu. Peut-être.
En savoir plus était futile désormais. Il connaissait ce qu’il avait besoin pour agir si l’envie se faisait sentir. Le reste n’était que funestes détails et embranchements qu’il ne comptait pas emprunter.
Il remarqua que le circonspect du Bakuhatsu s’était ébréché. Ce n’avait rien d’étonnant en y réfléchissant. Murashigure était le point de départ de cet assaut et il avait peut-être lui aussi à exorciser des démons nés dans les flammes de cette manipulation auditive.
« Et rien ne démontre que c’est parti pour s’atténuer. » Roki ne savait rien d’Hayashi, du Sommet et de ce que le mystérieux individu avait prévu pour eux. Mais quelque chose semblait lui murmurer qu’il ne tarderait pas à avoir de ses nouvelles.
Il porta une première fois la boisson à ses lèvres sans éprouver quelconque satisfaction à cela puis reposa le récipient sans perdre la moindre once d’attention pour les propos du Lion. Il avait accompli le devoir qu’il s’était fixé. Bon pour lui. Il s’en réjouit dans son même mutisme habituel, n’affichant qu’un plissement de ses paupières.
Le shinobi observa la marque apposée sur son confrère d’un oeil intéressé. Il jeta ensuite ses yeux sur sa propre main. Pouvait-il faire quelque chose ? « Pour ce que ça vaut, je peux peut-être aider à ce propos. » Il lui adressa un signe de tête respectueux et continua d’ouïr chaque mot et la façon dont ils étaient prononcés.
« À vrai dire je me tourmente encore. J’ai été tenté de visiter les villages cachés, en l’occurrence celui de la Roche, pour n’essuyer qu’un refus et du dédain. Ça ne m’a pas donné plus envie que ça de retenter ma chance, là-bas ou ailleurs pour l'instant. Mais vagabonder sans but ne m’attire pas non plus. »
Enfin il révela ses canines dans un sourire franc, soutenant son regard. « Quelque chose me dit tu vas devenir intéressant. » Le blond avait une carte à réveler dans sa manche, il le pressentait.
Dernière édition par Yūdachi no Roki le Mar 28 Avr 2020 - 17:06, édité 2 fois
Il y avait bien de choses que l’argent ne pouvait acheter, et ces choses-là, si elles lui étaient indispensables, Ashura les obtiendraient par la force. C’était ainsi que les choses fonctionnaient dans le pays de la pluie. C’était ainsi que les choses se faisaient dans le monde. Il l’avait appris à ses dépens lorsqu’il avait abandonné les hautes montagnes du mont Shinryoku. Mais il n’y avait rien à regretter, puisque toutes ses expériences l’avaient rendu tel qu’il était : un survivant. Un guerrier. Un être à part.
Portant sa coupe à ses lèvres, Ashura regardait devant lui de manière évasif, tout en prêtant une oreille attentive à l’averse, qui se tenait tout juste à sa droite. Puis, lorsque celui-ci lui apporta quelques détails sur la personne qui avait provoqué la mort de son maître, le guerrier jaune ne manqua pas de tourner sa tête vers son camarade.
« Cela a dû être un combat spectaculaire… Compte tenu de ce qu’on raconte sur les ombres, c’est sans doute le meilleur adversaire contre qui on peut espérer tomber. » Des paroles qui se distinguaient nettement de ce que son regard exprimait.
Ashura n’avait jamais su se montrer compatissant, bien qu’il fût capable, comme tout être humain, de ressentir cette forme d’émotion. Toujours était-il que le guerrier se posait un certain nombre de questions. Le fait que certaines personnes aient pu se libérer de l’emprise de Mamushi, tandis que d’autres non. Le fait que certains avaient finit dans les geôles Iwajins, dont certains qui furent libérés, à l’image de Mukuro, tandis que d’autres non. Mais au-delà de ces interrogations, qui n’avaient en réalité que peu d’importance, il se demandait ce qu’il était advenu de l’adversaire de Xuen. Car, en soutenant le regard de son camarade, il percevait clairement quelque chose. Une chose dont il saurait décrire, mais qui présageait d’une certaine manière le pire. Peu importait, il espérait seulement que l’averse savait qu’il pouvait compter sur lui, si un jour il envisageait l’une des possibilités qui lui traversaient l’esprit.
Quant aux différents événements qui frappèrent le Yuukan, pour la plupart notamment du fait de ce mystérieux homme au chapeau et sa horde, Roki constatait que rien n’indiquait que les choses allaient s’atténuer. Il avait raison, et le pire était peut-être à venir. Seulement, le guerrier jaune n’avait pas l’intention de pourchasser cet individu ni aucun de ses hommes, mais il ne sera pas moins impitoyable avec eux s’il venait à croiser leur chemin. Pour Ame. Pour son camarade tombé au front contre ceux qu’Oroshi s’amusait à appeler « vendeurs de tapis ». Mais aussi pour lui, puisque pour devenir Bushin, il fallait nécessairement affronter les plus puissants monstres et shinobis. Seulement voilà, il n’en faisait pas non plus une obsession.
Ainsi donc, Ashura se contenta d’agiter légèrement la tête, venant ainsi confirmer les propos du corbeau.
Portant sa coupe à ses lèvres, il ingurgitait sa boisson comme si de rien était, avant de reprendre la parole, et notamment de montrer à son interlocuteur le sceau que son maître lui avait apposé à la nuque. Roki examina rapidement le sceau en question, et lui fit savoir qu’il pourrait peut-être l’aider. Si cela avait étonné le guerrier, son visage demeurait toujours aussi neutre, le regard limite songeur.
« Je t’avoue que cela m’aidera beaucoup. Ainsi donc, tu as aussi suivi des enseignements de fuinjutsu ? » S’enquit-il, naturellement.
Il ne devait pas être novice dans cet art, car sinon jamais il ne lui aurait proposer son aide, songeait le guerrier jaune. Maintenant il restait à savoir si sa maîtrise était suffisamment grande pour décoder le parchemin de son maître et parvenir à neutraliser ce sceau qui lui pourrissait d’une certaine façon la vie.
Enfin, lorsque le guerrier jaune interrogea son interlocuteur pour savoir ce qu’il comptait désormais faire, ses réponses l’étonnèrent en partie, mais ne manquèrent pas moins de lui faire décocher un fin sourire, à peine perceptible. Il voyait là une parfaite opportunité d’embarquer le ténébreux avec lui du côté du grand désert. Peut-être que le « destin » avait conduit l’averse jusqu’à lui uniquement pour cela, qui sait.
« C’est étonnant venant d’un village commerçant. Encore ils m’auraient refusé, je comprendrais, mais toi… » Lâcha -t-il, en agitant légèrement la tête, le tout sur un ton sarcastique. « Du côté de Mizu, ils semblent bien plus ouverts, malgré tout ce qu’en disent les rumeurs. » Reprit-il, en détournant le regard.
Il balaya rapidement la salle du regard, puis reporta ses pupilles dorées sur l’averse. Son corps suivit le mouvement de sa tête, comme s’il s’apprêtait à évoquer un sujet assez important.
« Et bien tu tombes à point nommé, Roki de l’averse. Je suis arrivé à Ame sans but aussi, si ce n’était peut-être au mieux de mettre un peu de l’ordre dans la capitale. Toutefois, je refuse de me salir les mains pour le moment, j’attends de voir l’issu de la bataille qui opposera le gouvernement au Seichi.
Je pensais retourner à Hayashi pour régler quelques détails, mais entre temps on m’a proposé un projet plutôt intéressant. Un contrat. Un gros contrat du côté du grand désert. Je ne sais pas si tu as lu les articles du kunai émoussé, mais ce qu’ils disent sur les événements à Kaze est bien vrai. Ces rumeurs sont fondées. J’ai une contact qui travaille pour l’organisation qui tente de prendre le contrôle du pays. Ils ont besoin d’alliés. Ils promettent beaucoup de choses, dont certaines seraient susceptibles de t’intéresser, même si on doit encore voir les détails une fois sur place.
Quoi qu’il en soit, si tu me dis que tu n’as rien à faire, alors viens avec moi. Viens avec nous. Tu trouveras ton compte, j’en suis persuadé. Ce sera aussi un bon moyen pour toi de mettre tout ce que tu as appris en application, et de voir à quel point tu as progressé. Car, des affrontements, il va en avoir… Qu’en dis-tu, l’averse ? » Conclut-il, d’un sourire carnassier.
«He who makes a beast of himself gets rid of the pain of being a man.»
Il opina du chef lentement aux mots de Ashura. Effectivement, un Kage devait en avoir dans la manche et pour ce qui était de Xûen, c’était l’homme le plus fort qu’il lui avait été donné d’affronter et de contempler à l’oeuvre. Sur les terres de Tsuchi, on le surnommait le Mirage désormais. Un être exceptionnel sacrifié sur l’autel du Shinobi avec un grand S. Qu’il en fut ainsi, Roki n’en parut pas le moins du monde affecté en y repensant.
Le nouveau manieur de Briseuse de Glace n’avait pas besoin d’être rassuré ou d’entendre des mots doux. Le deuil était une épreuve mise en embûche sur son chemin plus d’une fois et il avait sa propre manière de le surmonter. Il jeta un regard en coin à son accolyte de boisson ; un regard qui laissait transparaître toute l’amplitude de ses actions et ô combien il était presque imprévisible.
Roki prit en un instant la décision d’opter pour l'honnêteté envers son frère d’arme et doucement, il dessina avec le bout de son index des symboles invisibles pour étayer son propos et briser l’inaction de son membre gauche.
« Depuis que j’ai acquis le don du chakra, j’ai pu mettre à contribution des années de savoir qui sommeillait jusque là. J’ai moi-même beaucoup à apprendre mais je suis persuadé que je tiens déjà quelque chose. En tout cas, je suis tout disposé à mettre mes talents à ta contribution. » Un maigre sourire vint orner ses lippes, preuve de son engagement envers l’une des rares personnes hormis Keigo à qui il portait de l’intérêt et du respect dans sa forme la plus pure. Bien sûr, Roki respectait une personne capable de se hisser dans la hiérarchie ou celle qui mettait à genoux un pays ; mais le sentiment qu’il avait pour ses proches et ses amis était d’un autre bois. Moins luxueux, plus solide.
« Faut croire qu’il ne fait pas bon d’être amejin ces temps-ci. » Un autre sourire, teinté cette fois d’une certaine mélancolie. « Je le saurais quand me viendra l’avis de voir les océans et leurs mystères. » Mais ce n’était pas pour tout de suite, ça.
Roki écouta alors le Bakuhatsu. Ce qu’il avait à dire et à proposer. Ce dernier l’avait connu en tant que bretteur et il ne venait que maintenant de lui démontrer ses progrès mais sans savoir cela, il lui tendait une main, lui offrait un but. Le visage de Mukuro vint faire une apparition dans la clarté de son esprit tandis qu’il parlait.
« C’est une sage décision. » Vouloir interférer avec Seichi et ses potentiels alliés se trouvait être une perte de temps et de moyens. Pas assez informé, il avait opté pour la même solution. « J’en ai vu vent. Soka... » Il prenait la presse avec des pincettes mais crut aisément Ashura, lui aussi enfant de la Pluie. On ne bernait pas ce genre d’animaux aussi facilement.
« Je crois que je vais accepter ton invitation, qui fait écho à une autre. » Peu de temps avant, la mercenaire aussi avait voulu le recruter. Et dans les deux cas, les mots furent bien choisis. Il n’avait là pas de raison de ne pas se mêler à ce qui allait chambouler ce monde. « Comme tu le dis, nous verrons les détails sur place. Pour les affrontements je ne me fais pas trop de soucis. » Sa confiance en lui sembla transpirer de chacun de ses pores, presque surnaturelle. Cela, il le tenait de l’Etoile du Matin. Un regard à son fourreau suffit à le convaincre de rejoindre le pays natal de son ancien propriétaire.
« Des précisions à me communiquer sur la marche à suivre ? »
L’épéiste avait été, autrefois, particulièrement impressionnant de part sa grande maîtrise du katana, alors le voir, aujourd’hui, capable de manipuler le chakra et toucher véritablement aux arts ninja ne pouvait que réjouir le guerrier jaune. Il allait avoir besoin de lui, c’était indéniable, et ce d’autant plus en apprenant le don dont la résonance lui avait généreusement fait cadeau. Cependant, la question qui se posait, et dont Ashura n’y songea même pas une seconde, c’était de savoir si Roki était disposé à mettre ses talents à sa contribution, à leur contribution, ou non. Il avait après tout beau donné l’impression qu’il était resté le même, rien ne garantissait pour autant qu’il soit prêt à s’embrigader dans ce que les Amejins prévoyait sur le termes.
L’averse répondit dans la foulée à cette fameuse interrogation, faisant alors décocher un fin sourire au guerrier jaune, qui appréciait le fait de pouvoir toujours compter sur lui. Pour l’heure, Roki ne posa pas la moindre condition, il se contenta simplement de faire entendre à son frère d’arme qu’il était disposé l’aider, si nécessaire. Ashura fit naturellement un léger signe de tête, comme pour exprimer sa satisfaction mais aussi une façon de remercier son partenaire. Mukuro, Oroshi, et potentiellement Roki, l’équipe commençait à prendre forme, même si la première n’était pas vraiment une Amejin...
« Cela ne date malheureusement pas d’aujourd’hui, Roki. » Finit-il par lâcher, après la petite remarque de l’averse.
Il détourna le regard, observant passivement les différents personnages présents au sein de la salle. Il fallait que cela change, songeait-il, tandis que des brides de souvenirs remontaient à la surface.
Ils avaient souffert à l’époque, c’était le moins qu’on puisse dire. Aujourd’hui d’autres souffraient pour les mêmes raisons. Des responsables il y en avait un certain nombre, tant originaires du pays que des étrangers qui se servaient d’Ame pour une raison ou une autre. Cela devait changer. Seulement, étonnement, la raison qui poussait véritablement Ashura à vouloir que les choses changent semblait quelque peu différente de celle qu’on pouvait penser de prime abord.
Ashura écouta la remarque de son camarade concernant Mizu, puis reporta son regard sur Roki, avant d’acquiescer d’un léger signe de tête. Ce jour-là, qui sait, peut-être qu’il l’accompagnera. Après tout, Mizu était le coin parfait pour se trouver des alliés de taille, et ce malgré tout ce que pouvait en dire les rumeurs.
Quoi qu’il en fût, le guerrier jaune finit par se lancer dans un long monologue pour convaincre son camarade de le suivre du côté du grand désert. Si Roki était disposé à mettre ses talents à sa contribution, il pouvait sûrement commencer par le suivre du côté de Kaze. Il trouvera son compte, Ashura en était persuadé. Tous ceux qui le suivront trouveront d’ailleurs leur compte, d’une manière ou d’une autre.
L’averse accepta étonnement aisément la demande du guerrier, sans doute bien aidé par le fait que le vagabond erre sans but. Cependant, Ashura ne manqua pas de noter que son camarade avait été démarché par une autre personne, pour une demande à peu près similaire. Le Bushin ne put s’empêcher de s’imaginer la tête de Mukuro, mais en fin de compte, qui que soit cette personne, cela n’avait au finale que peu d’importance. Surtout à partir du moment où Roki accepta de suivre et d’aider la bande Amejin.
« Je vois. Laisse-moi deviner. Une jeune femme au corps attrayant, mais un peu idiote et qui n’a peur de rien ? » Fit-il, sur un ton sarcastique. « Quoi qu’il en soit, c'est bon de pouvoir te compter parmi nous. Nous sommes désormais trois, je me donne encore deux jours pour recruter quelques types intéressant.
Quant à la marche à suivre, c’est simple. On se donne rendez-vous dans trois jours, au couché du soleil, prêt de la frontière avec Kaze. D’ailleurs, si tu connais des personnes susceptibles de nous êtres utiles, n’hésite pas à les embarquer à toi. Comme je te disais, tout le monde trouvera son compte. Et à la fin de cette « aventure », nous ferons le bilan, et nous discuterons peut-être de quelque chose de plus grand, concernant Ame. » Reprit-il, sur un ton sérieux.
Il jeta un bref coup d’œil à sa coupe de saké, repensant au goût que cela avait, avant de reporter son regard sur l’averse.
« Qui que soit la personne que tu ramènes avec toi, il est important que nous travaillions en équipe. L’alliance avec ce groupe Kazejin est tout aussi important que nos actions concernant ces créatures, dont tu sembles déjà être au parfum. » Ajouta -t-il, en restant attentif à sa réaction.
Ashura ne doutait pas une seconde de Roki, mais on ne pouvait pas en dire autant des autres qu’ils pourraient, tous les deux, trouvés pour gonfler leur rang.
« … J’aurais sans doute aussi besoin de toi pour quelques cours concernant le Fuinjutsu. Il faut dire que je suis un peu rouillé. Mais cela pourra attendre Kaze, je pense. Si tu as des questions ou un point dont tu voudrais en discuter, n’hésite pas. »
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