Le bruissement d’ailes fut une surprise en soi. Peut-être qu’il était trop absorbé dans ses pensées, à regarder par la fenêtre alors que la pluie tombait, comme presque toujours, dehors. Dans la pièce, une demi-douzaine de petits dindons en argile, leur peau verdâtre brillant légèrement à la lumière de la lampe sur la table de chevet de sa chambre d’hotel. Ils se baladaient librement un peu partout sur le sol, le lit, la table. Ils n’avaient pas une intelligence à proprement parlé, ni même des instincts. Mais l’Hayai découvrait lentement qu’avec une simple fluctuation de chakra, ils pouvaient les diriger, même indépendamment. Leur donner une routine, une fluctuation, peut-être. C’était un exercice fastidieux mais intrigants.

La poursuite de ses talents émergeants avait peut-être à quelque part donner une nouvelle dose de motivation pour l’Hayai. Et autrement des plus importants pour mener à bien sa cause mais celle des autres. Comment aider Katsu s’il ne pouvait même pas maîtriser son propre chakra ? Alors que l’Hayai n’avait jamais été très assidu de l’entrainement ou de la pratique, il se voyait régulièrement tenter de nouveaux exercices désormais, pour éprouver et approfondir ses connaissances de ses propres capacités.

Mais pour en revenir à ce bruit d’ailes, il n’avait rien à voir avec ceux de ses dindons, ni même le passage furtif d’un animal sauvage.

Non, car un foutu aigle géant venait de se percher sur le bord de la fenêtre, le courant d’air de ces ailes repoussant légèrement l’Hayai qui porta la main à sa poche, instinctivement, là où un kunai attendait patiemment. L’aigle caqueta en replaçant ses ailes, ses yeux fiers et vifs balayant la pièce et observant les petits dindons d’argiles qui s’étaient immobilisés. Mais il ne fit rien d’autre et c’est à ce moment que Taishi remarqua l’insigne métallique sur son poitrail, attachée d’une chaîne de simple facture autour de son coup.

Iwa.

Sans trop comprendre, l’Hayai avança sa main, songeant que le volatile risquait de lui bouffer un doigt. Mais celui-ci n’en fit rien, se contentant de l’observer, comme s’il attendait quelque chose. Taishi toucha le blason aux armoiries de la Terre, puis glissa ses doigts derrière, trouvant un petit rouleau comme il l’avait soupçonné.

Dès qu’il fut dans sa main, l’aigle eut un petit cri strident, battit des ailes et se laissa tomber vers l’arrière, reprenant vol avec grâce avant de disparaître au loin.

Encore un peu mystifié, Taishi regarda dehors pendant quelques secondes encore avant de porter sur son attention sur le rouleau, le déroulant sans cérémonie pour en lignes les quelques lignes. Ses sourcils se froncèrent, et il relut à nouveau. Il se gratta la tête avant de se tourner vers le lit. Une Katsu peu vêtue était sous les draps, en train de lire nombre de lettres, elle aussi. À cause différente, contenu différent.

« Tu vas vouloir lire ça. »

Il tendit le rouleau.

Katsuko était allongée là, sur le lit, en nuisette. Pensive, entourée de documents de toutes sortes, elle en tenait deux en mains. Deux dossiers. Le reste, c'était des lettres, d'autres dossiers de membres de l'organisation, des dossiers de potentielles cibles d'assasssinat, des propositions stratégiques.

La vampirette restait songeuse. Elle laissa son esprit repartir vers leur mission à peine finie, Taishi avait été formel, lui qui se tenait désormais proche de la fenêtre ouverte qui laissait passer un léger courant d'air agréable par sa fraîcheur. pour cet automne faussement paisible. Des Hijins étaient là, invités au palais. À en croire les dernières informations, Hi était devenu l'Empire du Feu. Teikoku. Et ce dernier était gouverné par Rei, Araho Daiki étant en vérité mort depuis longtemps. Donc ces hommes étaient probablement des émissaires de l'Empereur qu'ils avaient aidé l'année précédente.

Ces idées en tête, Neiko attendait une missive de ses informateurs qui surveillaient le tour du palais pour la prévenir par où et quand est-ce que les hijins partiraient pour pouvoir les intercepter à quelques kilomètres de Murashigure et voir avec eux comment s'arranger. Si c'était impossible, elle les laisserait partir sans la moindre égratignure. Car ce genre de comportement pouvait ruiner sa réputation en un instant.

Retournant à ses dossiers en main, elle soupira et raya les deux noms affichés en haut à gauche, notant trois mot sous chacun. Mort pour Murashigure. En vérité, c'était deux traitres. Ils avaient offert quelques informations auxquelles ils avaient accès à l'usurpateur, chacun pour leurs raisons. Et en résultat, Neiko les avait éliminé. Ils avaient de la chance, la vampirette savait déjà tout sur eux. Il n'y avait donc pas véritablement eu de torture. C'était juste deux noms effacés du tableau. Deux statistiques supplémentaires. Des statistiques qu'elle aurait préféré ne pas écrire.

Soudain, alors qu'elle était plongée dans ses pensées, un battement d'ailes suivi de quelques piaillements se firent entendre à la fenêtre. Un aigle venait de laisser un message. Voilà une méthode peu discrète. Un oiseau plutôt grand, peu habituel dans le coin. C'était plutôt un oiseau originaire des montagnes du nord à vrai dire. Un messager d'Iwagakure peut-être. Apparemment l'oiseau était plutôt doué puisqu'il avait réussi à les retrouver au lieu de passer par l'adresse du médiateur qu'avait donné Katsuko par précaution. C'était peu rassurant à vrai dire, mais qu'importe. Les faits étaient là.

Curieuse mais ne voulant pas perturber l'Hayai dans sa lecture, Katsuko se redressa et observait l'homme qui l'accompagnait désormais. Les draps désormais sur les cuisses, dévoilant le haut de sa tenue à peine couvrante, elle rassembla ses papiers. Elle avait fini pour cette nuit, seule cette lettre l'intrigait encore. Triant la paperasse le temps qu'il finisse de lire, elle les posa sur la table de chevet à côté d'elle avant de se mettre à genoux sur le lit.

Hochant un peu la tête aux mots de son amant, la demoiselle aux yeux rougeoyant attrapa le rouleau offert et le déplia pour le lire. Ses yeux allèrent tout d'abord à la signature pour en vérifier l'expéditeur. Toph. C'était bien Iwa alors. Elle revint alors au début pour en découvrir le contenu, suspicieuse.

Et je dois reconnaitre que j'avais tord, et que tu avais raison. Voilà qui surprenait la kazejine. Avec le peu de fois où elle avait pu échanger avec la Hyûga, elle la voyait mal reconnaître ses erreurs. Cependant, le sourire qu'elle eut disparut rapidement. Ton expérience sera plus qu'appréciée, mais bien nécessaire. Elle voulait qu'il y aille. Qu'il aille avec eux à un sommet où tout pouvait déraper. Un sommet dont l'Homme au Chapeau pouvait entendre parler et qu'il pouvait venir détruire.

Terminant la lecture de la missive, Neiko resta sombre, la tête légèrement baissée. Elle n'aimait pas ça. Elle n'aimait pas ça du tout. Relevant les yeux après quelques secondes et rendant le parchemin à son destinataire, elle l'observa quelques secondes en silence avant de le briser.

« Tu vas vouloir y aller... Pas vrai ? »

Se mordant légèrement la lèvre, elle cherchait les mots pour le convaincre de ne pas le faire.

« Tu devrais pas. C'est peut-être un piège de ce Mokko. Et si le Chapelier est au courant, il viendra tous vous tuer... »

Elle se gratta un peu la tête, grimaçant. Elle sentait bien que ses propos n'auraient pas assez d'impact. Que cela n'allait pas l'arrêter. Mais quoi dire ? Quoi faire ?

« Tu devrais pas... Tu vas y mourir et j'ai pas envie de te perdre contre cette... chose. C'est pas un homme, il est trop puissant. Je l'ai vu ouvrir un portail à Wasure no Kuni. Personne peut faire ça normalement. Il a aussi mit le Tsuchikage hors d'état de nuire en un instant... Et il a rien pu faire. »

Elle soupira. Il ne l'écouterait pas.

« Je peux pas y aller, j'ai trop à faire ici. Et je veux pas y aller. Il... Il me fait trop peur. J'ai pas envie d'affronter ça. C'est pas gagnable... Et c'est pas de la parlotte comme ça qui va changer quoi que ce soit... »

Repoussant le reste des draps qui recouvrait ses cuisses, elle se leva et de sa démarche féline, elle rejoignit l'homme proche de la fenêtre, se plaçant face à lui. Elle observa son torse et posa son index au bas de son cou avant de descendre jusqu'à la fin de son sternum, puis elle releva les yeux pour croiser ses iris.

« Tu fais attention au moins... D'accord ?.. Et tu me dis s'il y a des choses importantes qui s'y passent. Ah, et je l'ai pas dit... Mais tu me reviens vivant... Sinon je te tue. »

Parfaitement sérieuse, la jeune femme habituellement sûre d'elle laissait transparaître son inquiétude dans les bras de celui qu'elle aimait. Elle ne voulait pas le perdre. Et même s'il était libre, elle ne voulait pas le découvrir mort dans quelques semaines, seul ou avec le reste des représentants qui s'étaient déplacés à Hayashi pour ce sommet.

« Katsu… »

L’Hayai se gratta la tête tout en reprenant le parchemin, le relisant même s’il en avait déjà mémorisé le contenu, comme si cela allait faire une différence sur sa signification. Il pouvait comprendre l’inquiétude de la rose. En vérité, il aurait pu tout simplement ignorer ce message. Rester loin de tout ce qui pouvait concerner cet homme, et espérer ne jamais avoir affaire à lui à nouveau, via l’Empereur de Hi ou lui-même. Mais est-ce que c’était si simple ?

« Katsu.. »

Il soupira et se retourna vers la fenêtre, observant le paysage qui évoluait, à perte de vue. C’était plus grand que lui, plus grand qu’eux. Et peut-être qu’il en était autant du danger que le Chapelier représentait pour ce monde. Rien n’était aussi simple que de le diaboliser, mais Taishi avait cessé d’essayer de justifier chaque côté de la médaille. S’il était un allié des shinobis, il l’aurait dit depuis longtemps.

« Katsu. »

L’Éclair Vert se retourna vers la femme, la retrouvant entre ses bras. Ce n’était pas simplement qu’elle était soucieuse. Elle avait peur, non pas pour elle, mais pour lui. Peut-être qu’elle savait déjà comment cette conversation se terminerait, et que c’était le pire pour elle, cette causalité fatale.

« Je dois y aller. »

Il souffla silencieusement en passant les doigts entre les mèches de la femme, avec tendresse.

« Un homme aussi puissant ne peut agir sans avoir un but en tête. Comme tout humain, il est ultimement motivé par le pouvoir, la richesse, ou la puissance individuelle. Il agit hors de toute échelle, de toute portée. Il serait naïf de croire que ses actes n’auront pas un jour une répercussion pour Ame, elle aussi. »

Taishi secoua la tête.

« Tu dois rester ici pour préparer la prochaine phase du plan. Et moi, je dois m’assurer que rien ne mettra en péril le fruit de tes efforts. Par ailleurs, un tel message de la part de Toph… »

Ce n’était pas tout. L’Hayai ne connaissait qu’une seule personne ayant les modalités pour le localiser, car il lui avait fourni lui-même les instructions afin de le contacter.

« Seule Aimi avait le moyen de communiquer avec moi. S’il s’agit d’un piège, elle serait alors impliquée. Et ça me semble tout simplement impossible. Pour le reste, si le Chapelier voulait vraiment me tuer, il l’aurait fait il y a bien longtemps, lors du massacre de Yugure. Pour le reste… »

Il réfléchit au contenu de la lettre de manière plus globale.

« Ce message donne l’impression que cette rencontre rassemblera les forces shinobi majeures du continent. Or s’ils sont les seuls présents, qui parlera pour ceux qui ne s’identifie pas aux villages shinobis ? »

Taishi ne se voyait pas comme un représentant du peuple. Mais pour autant, il pouvait s’assurer que les intérêts des indépendants soient entendus. Comme nukenin, il avait l’avantage de parler en son nom, et dans des vocations qui le dépasserait.

« Qui plus est, parler est peut-être exactement ce que les puissants de ce monde ont besoin de faire, en ce moment. Depuis le massacre de Hi, les armes sont bien plus bruyantes que les diplomates. Et c’est peut-être exactement ce que le Chapelier souhaite sur ce continent. »

La menace de la femme le fit sourire et s’esclaffer légèrement. Il prit les paumes de la rose entre les siennes.

« Je ne suis pas grand-chose, mais je crois avoir gagné le droit de dire que je suis relativement difficile à tuer. Il n’en sera pas différent cette fois. Je reviendrai, et nous terminerons ce que nous avons commencé. »