Uiba, toute de noir vêtue, progressait à travers la pénombre. Pas de faux en main, Youmaneiru avait fusionné avec elle suite à son excès de rage et donnait une double authenticité à sa tenue spéciale constituée à base de diverses trouvailles. Pour s'attaquer à un sans-cœur, elle s'était temporairement débarrassée du sien, et quoi de mieux pour symboliser tout ça que de porter le visage même de celui qui n'avait pas de cœur mais un visage, quoique le visage restait caché, mais donc elle arborerait son visage masqué. En réalité, tout s'était compliqué dès le départ. Mais cela avait bien peu d'importance, puisque de toute façon la finalité de cette vendetta parlerait d'elle-même.
Oh bien sûr, elle aurait pu passer sur toute cette histoire. Parce qu'elle n'était qu'une petite soldate. Parce qu'elle était encore jeune. Parce que ceux ayant du pouvoir pouvaient tout se permettre, surtout envers ceux qui n'en disposaient pas. Oui, elle aurait même dû ne point moufter. Sauf que ce n'était pas la tête qui dictait ses actes, malgré la migraine, mais bien son cœur, blessé. Était-elle la seule victime ? Non. C'est là que ce cri du cœur devenait le fruit d'une contagion. Si elle avait été la seule à subir les maux de la manipulation et de la trahison, alors peut-être que la Koukotsu aurait su accuser le coup, le digérer, l'enfouir, et recoller petit à petit les morceaux épars de son âme égarée.
Sauf que Hotaru lui aussi souffrait. Ils ne s'étaient ni vus ni parlés, mais elle le savait. Depuis ce jour, ce jour soudain où au gré d'un festival, Nobuatsu Saji, cette ordure sans cœur avait été hissée en tant que Mizukage à la place d'Hotaru, certainement abattu sur le champ par cette nouvelle aussi improbable qu'impromptue.
C'en était bien trop. Un meilleur ami courcircuité dans sa légitime ascension s'ajoutait alors à son propre cas pourtant déjà affreux : Celui d'une fille devenant femme à qui l'on a fait croire en l'amour, puis envers laquelle on a purement et simplement posé un lapin. Tout cela après n'avoir cessé de la désorienter tout du long d'une mission de Rang B ! Et donc importante pour sa carrière. Dans sa mémoire, elle ne se souvenait même plus en quoi consistait cette mission ; seul le ferme postérieur de son supérieur hiérarchique d'alors la hantait, tantôt traçant la route, tantôt se dandinant en haut d'un poteau, tantôt la frôlant presque éhonteusement.
L'échassière en frissonnait encore. Oui ce jour là il s'était tout permis. Son petit jeu du volcan-iceberg avait tout ôté à l'innocente apprentie, de son instinct jusqu'à sa dignité. Ce soir là, voyant que rien ne se passait lors de leur mission malgré un stress permanent et une tension sexuelle dévastatrice, elle était venue la nuit à la porte du village. Personne. Si ce n'est sa propre honte. Sa détresse intime. Et un oiseau nocturne à la chansonnette vraiment très humiliante, que Youmaneiru avait vraisemblablement dévoré après une ellipse psychologique. Alors oui. Oui Vengeance. Ceux qui ne comprenaient pas cela étaient tous des pourris.
Alors, animée par toute sa fierté restante et la rage qui avait investie les zones creuses de son être fragilisé, Uiba approchait le mur d'enceinte débouchant sur le Palais de la Brume. Et là, oui là, elle utilisait le reste de son attirail : De la peinture fraîche. Puis elle passait à l'acte. Il n'y avait à priori personne aux dernières nouvelles, et elle ne perdrait pas de temps à observer plus encore, surtout qu'elle n'y voyait pas grand chose avec ce masque et cette visière ajoutée. Mais le message serait passé. Au matin, il le verrait tous. Puis qu'il serait désormais écrit :