Il y a plusieurs semaines...

Le noir complet. Puis doucement, les nuances de gris invoquent un esprit qui se réveille. Où suis-je, se demande celui qui découvre en même temps une douleur lourde en même temps qui se perd dans ses questions. Ses articulations sont fatiguées, son énergie est vidée, sa tête est lourde. Mais rapidement, il sait qu’il est vivant. Ce n’est ni le paradis, ni l’enfer : juste le monde shinobi tel qu’il pensait l’avoir quitté.

Il tente d’ouvrir les yeux, mais rien que cet effort lui coûte tant qu’il abandonne rapidement. Il a le temps de se reposer encore…

« Tu es enfin réveillé ? »

Est-ce le simple fait d’avoir entendu quelqu’un ou que cette voix soit si familière pour que Mokkô se sente obligé de se tirer de son étrange sommeil ? Ses yeux s’ouvrent enfin, pointant vers un plafond qu’il reconnaîtrait entre mille : il est chez lui, dans un temple monial.

Et il n’a pas besoin de se tourner vers son interlocuteur pour savoir qui il est. Mais un doute persiste : comment pourrait-ce être lui ?

« Toi ? Suis-je en enfer pour que tu sois la première personnes que j’entends à mon réveil ?
─ La situation est, je l'avoue, ironique. Sans doute un signe divin, vieil ami. »

Vieil ami ? Mokkô n’en revient pas. Tandis que la brume qui semblait habiter son esprit se dissipe petit à petit, il tente un nouvel effort. De l’extérieur, il ne fait que pencher la tête mais de l’intérieur, la douleur du Charpentier est telle qu’il aurait peut-être préféré avoir succombé à ses blessures. Mais il fallait qu’il le voit, ce « vieil ami », pour être finalement sûr de ce qu’il savait au fond déjà. Il était bien là : vivant et surtout chez lui, dans un temple monial. Lui qui représentait finalement tout ce que les moines combattaient et haïssaient.

« Divin, ce n'est pas parce que nous prions les mêmes Dieux que j'ai oublié. Vieil ami ? Décidémment, je suis en enfer. Je me lèverais bien pour te crucifier sur place... »

Il ne plaisantait pas. Non seulement il ne pouvait se faire à l’idée que son interlocuteur avait toujours sa tête, mais surtout qu’il soit ici, comme accepté par les moines, après tous les péchés dont il s’était rendu coupable. Pourtant, un éclair de lucidité lui imposait du recul.

« ... mais j'imagine que si mes frères sont ici et t'ont laissé être à mon chevet, c'est que tu as réussi à blanchir tes pêchés. »

L’homme avance d’un pas. Mokkô, quant à lui, sait bien qu’il n’était pas en état de faire quoique ce soit contre lui.

« Blanchir, non. Je ne partagerai jamais votre vision et vos blasphèmes, mais je connais son objectif. »

Soudain rappel à la dure réalité. Mokkô le Charpentier revit alors ses souvenirs. L’attaque sur Hikari, la capitale des moines. La libération désastreuse du Dieu des Éléments par… l’Homme au Chapeau. Celui dont on parle, c’est bien lui. Ce criminel aux méfaits abjects. S’être approprié la puissance d’un Dieu, il a réussi, tout en commettant l’irréparable.

La douleur que le Daimyô du Pays du Bois n’est plus seulement physique, sa peine est atroce et sa culpabilité face à cet échec historique l’attaque. C’est forcément dépité qu’il répond, toujours allongé sur son lit.

« "Son" objectif ? On le connaît et il a réussi à l'atteindre : il est devenu l'hôte d'un Dieu. »

La douleur lui est de nouveau insupportable. La fatigue est devenue trop lourde. Il abandonne face à son dépit et referme les yeux. Pourtant, à nouveau, son interlocuteur le rappelle à la conscience avec des mots forts.

« Non, je te parle de son objectif final. Et il se pourrait qu'avec les shinobis... nous arrivions à le vaincre avant. »