Katsuko soupira. Elle était assise à la taverne de Seichi, une lettre en main. C'était la lettre que lui avait donné Musashi à son départ d'Iwagakure no Sato. La lettre qu'elle devait faire passer à son grand-père. Un certain Han Ryuma. Le Han Ryuma. Celui qui contrôlait une partie des ventes d'arme de Kaze. Celui avec qui son père avait fait affaire de nombreuses fois, pour divers traffics de toutes sortes. Armes, esclaves, hommes de mains... Même parfois quelques substances nauséabondes qui n'auraient jamais dû être consommées par qui que ce soit tant elles étaient destructrices pour le corps humain mais qui étaient si addictives tout en procurant de tels effets hallucinogènes qu'elles étaient florissantes.

Et d'après les dires de Musashi, ce salopard de Ryuma avait accepté un contrat quelque part, à Ame. Donc il était là, ou des hommes qui étaient à son service étaient là. Mais c'était plus probablement lui, en personne, qui était là. Si le contrat était suffisamment gros pour faire parler de lui, alors le patron s'était surement déplacé en personne. Et puis ce n'était pas si surprenant que ça, qu'il ne soit pas à Kaze. Après tout, avec la révolte, une bonne partie des nobles et des corrompus avaient fuit la ville. Ils s'étaient échappés pour esquiver le danger qui les guettait. Et avec eux, c'était toute une source de revenus immense qui disparaissait. Ces nobles s'étaient dispersés dans tous les pays alentours, Ame étant l'un d'eux.

Mais en plus de ces anciens clients qui étaient en partie venus se réfugier au pays de la pluie, ce dernier était en lui-même un repère pour toutes sortes de crevards. Toutes sortes d'hommes sans scrupules qui étaient de parfaits collaborateurs pour le vieux Han qui, malgré son âge avancé, semblait toujours aussi efficace dans ses travaux. Ah ça, on ne pouvait pas lui reprocher de mal bosser. C'était certain.

Reprennant une gorgée de saké, Neiko fit un peu l'inventaire du peu d'informations qu'elle avait pour savoir où commencer ses recherches. Elle avait aussi une somme de deux cent mille ryôs qui lui avait été allouée par Musashi. Ce n'était pas vraiment beaucoup à vrai dire et elle aurait peut-être encore besoin de mettre à la main à la poche à côté.

Si sa mission consistait simplement à remettrer la lettre au mercenaire, la vampirette ne pouvait s'empêcher d'avoir envie de mettre fin à ses jours. Il savait dans quelles conditions elle vivait lorsqu'elle venait le voir après s'être fait battre par son père. Il savait parfaitement. Et il n'avait rien fait. Pourquoi ? Parce que l'aider ne lui aurait rien rapporté. Elle n'était rien, elle. Il était de ceux qui ne marchaient qu'à ça, l'argent. Et si certains pouvaient croire que Katsuko était dans le même panier, ils se trompaient lourdement. L'or était certes une valeur importante qu'il était nécessaire de posséder pour mener une vie correcte, mais c'était aussi un danger. En posséder attirait les rats. Attirait les envieux. Attirait les rapaces de toutes sortes. Ceux qui étaient prêts à tout pour avoir une part du butin et qui n'avaient aucun scrupules.

La demoiselle aux yeux vermillon soupira. Elle avait peu d'éléments. Très peu. Et c'était surtout ça qui l'ennuyait pour l'instant. Parce que commencer de rien, ça augmentait les chances de commencer avec un faux pas. Et ça, ça pouvait coûter cher. Aussi bien en termes financiers que pour les chances de réussite même de la mission qu'elle avait.

Elle fit tourner le liquide transparent d'un geste répétitif du poignet. Elle réfléchissait, silencieussement, pour trouver la solution. Celle qui lui permettrait de bien commencer sans se mettre en danger. Puis, après plusieurs longues minutes à rester ainsi, Neiko porta le verre à ses lèvres et but d'un coup le reste de son contenu. Elle avait la réponse. Il fallait qu'elle aille voir certains de ses informateurs en périphérie de Murashigure, qui n'avaient pas été pris par la technique de Mamushi. Ils avaient eu accès aux informations plus facilement dû à la réduction de population temporaire que cela avait engendré. Et les mouvements de quelqu'un d'important comme Ryuma avaient dû être observés.

Maintenant, il lui fallait trouver un gars qui ne serait pas à sa solde, sans quoi elle risquait de se faire repérer par lui et être soit reconnue, soit pire, attrapée. Ce genre d'homme n'aimait pas tropo qu'on fouine à son sujet, qu'on cherche des informations sur lui. Qu'on déniche des potentielles armes contre lui. Le vieux kazejin était violent, sans scrupules, maus aussi méticuleux. C'est pourquoi il avait survécu si longtemps dans un tel milieu. On ne vivait pas si âgé par hazard dans l'underground.

Pour trouver cet informateur qui correspondait à ses critères, à savoir présent à cette période de l'année, fiable, efficace et surtout sûr de lui pour pouvoir délivrer une telle information sans sécurité que ça ne se retournerait pas contre lui, Katsuko allait procéder par étapes. D'abord, s'enquérir auprès des taverniers de ui ils avaient vu fouiner pendant son absence. Elle ferait ça dans tous les établissemens au sud. C'était là qu'il y avait le plus de chances qu'il ait été remarqué, le Han. Quelques pièces suffiraient pour eux. Après tout, l'information était banale. Elle demanderait alors simplement s'ils étaient encore dans le coin, ces informateurs. Ils n'étaient personne, ils n'étaient pas des barons de mafia comme le Han l'était. Les localiser eux, c'était sans danger. Mais une fois qu'eux seraient contactés, elle devrait aviser au cas par cas. Chacun avait ses précautions mises en place, l'argent était toujours utile. C'est là qu'elle sortirait sans doute le plus gros de son pactole emprunté à Musashi.

Se mettant alors en marche sans plus tarder, la demoiselle quitta son domaine pour fureter entre les ruelles de la capitale d'Ame no Kuni. Se faisant discrète lorsqu'elle croisait des patrouilles de gardes, elle atteignit après une bonne trentaine de minutes la première de ces auberges où elle estimait pouvoir obtenir quelques pistes. Se dirigeant vers le bar, elle commanda un verre de whisky, changeant un peu de ses habitudes pour se donner une forme de courage. Car elle entreprenait là la première étape de la recherche de l'un de ses anciens fantomes. Celui d'Han Ryuma.

Une gorgée.

Elle observa le bois massif et poli par le temps, l'alcool et la lessive qui l'avaient parcouru. Cette enseigne était là depuis un moment. Son regard suivi les fils du bois jusqu'à arriver au mur. Du carrelage. Sans doute plus pratique à laver. Ce genre d'établissement ne misait pas sur un confort ultime même si les carrés noirs mate n'étaient pas particulièrement vilains. C'était même plutôt du haut de gamme pour Ame.

Une nouvelle gorgée.

Son regard continua sa course, longeant les murs. Elle perçut quelques tables, quelques clients. C'était calme. Pas de musique, seuls les bruits des verres, des chaises et des discussions à voix basse. Des respirations, des silences ponctuaient cette mélodie sombre et sobre.

Une gorgée de plus. Du courage.

Les prunelles rougeoyantes de la vampirette se redirigèrent finalement vers le barman. C'était bon. Elle était prête. Sortant une pièce qu'elle se mit à faire tourner entre ses doigts, jouant agilement avec, Neiko garda un air très sérieux. C'était important, cette étape, mine de rien.

« Dites-moi, j'aurais une petite question. Des fouineurs dans le coin, pendant cet été. Ça vous dit quelque chose ? J'ai besoin de retrouver l'un d'eux, peut importe lequel. »

L'homme la regardait également, l'air pensif.

« J'y gagne quoi ?
- Cette jolie demoiselle et neuf de ses amies. Ça me paraît honnête non ? Je veux juste savoir qui est venu traîner là à la recherche d'infos. Ils sauront jamais que c'est toi qui m'a parlé. »

Elle lui fit un doux sourire. Un sourire plein de sous-entendus quant à son sort s'il refusait. Il n'avait à vrai dire pas le choix, et personne a protéger. Il avait tout intérêt à accepter.

« Yen a trois principalement. Mace, Maliki et Akiro. Ils posaient des questions sur les évènements en cours. Mais j'en sais pas plus. Et c'est c'que j'leur ai dit. »

D'un simple hochement de tête, Neiko sortit la dizaine de pièces promises et les glissa jusqu'à son interlocuteur, terminant son verre avant de se relever.

« J'aime les affaires qui marchent. À la prochaine Shoto. Prend soin de ton fils. »

Un petit sourire sur les lèvres, elle se retourna finalement et quitta la taverne, dirigeant ses pas vers la prochaine des tavernes. Connaître autant d'informations que possible sur chaque personne qui pouvait devenir une source d'informations, c'était l'une de ses premières règles. Une menace sonnait toujours plus juste si on savait précisément de quoi on parlait, même si elle était à demi voilée.

Capuche sur la tête, la vampire marchait à pas rapides dans les rues pavées de la cité de la Pluie. Elle observait l'eau s'écouler rapidement vers les égouts, accompagnant ses enjambées rythmées. Les gouttes qui s'écrasaient au sol autour d'elle continuaient à ronger perpétuellement le sol de la cité, encore et toujours exposé au climat pluvieux.

Poussant à nouveau une porte d'une taverne, Katsuko s'y engouffra avant de refermer la porte derrière elle. L'ambiance était un peu plus vive que la précédente, plus de voix s'élevaient dans la bâtisse. Et si certains se turent quelques secondes à son entrée, ce ne fut pas le cas de la moitié des personnes présentes, et les discussions reprirent après un instant. Se dirigeant directement au bar là aussi, l'informatrice sourit au barman, un sourire entendu. Il savait pourquoi elle venait là, elle avait cette attitude différente lorsqu'elle travaillait de lorsqu'elle venait, nonchalante, s'installer pour prendre un verre.

« Qu'est-ce que j'peux pour vous, Neiko-san ? »

Un petit sourire satisfait étira les lèvres de la demoiselle aux yeux de sang lorsqu'il prit le soin d'utiliser un qualificatif respectueux à son égard. Tous ne procédaient pas ainsi, et ça lui donnait l'envie d'être plus sympathique avec lui.

« Oh c'est très simple. Je cherche des contacts. Mace, Maliki et Akiro. Est-ce que tu les aurais vu travailler dans le coin ces derniers mois ? Et je voudrais aussi savoir ce qu'ils cherchaient. »

Faisant miroiter quelques pièces dorées dans sa main pour que l'homme sache qu'il serait payé en fonction de ce qu'il pouvait lui dire, la demoiselle patientait tandis que le tavernier réfléchissait un peu plus longuement.

« Ils sont tous les trois passés dans ces eaux là oui. Mais j'ai pas revu Akiro depuis au moins deux mois. Maliki est une régulière d'ici, elle vient une fois par semaine. Vous pourriez repasser, c'est demain qu'elle vient normalement. Pour Mace, c'est beaucoup plus aléatoire. Pour ce qu'ils cherchaient, Maliki rien de particulier, elle me demande toujours des nouvelles et les dernières infos du coin, mais c'est tout. Akiro et Mace par contre, ils voulaient se renseigner sur une sorte de nouvelle petite organisation qui s'est pointé ici, des vendeurs d'armes à ce que j'ai entendu. Mais c'est absolument tout ce que je sais, et c'est ce que je leur ai dit. Vous croyez qu'Akiro a pu se faire chopper ? Les marchands d'armes c'est rarement des rigolos. Parler d'eux ils aiment bien, ça fait des clients, mais enquêter sur eux, ils aiment moins. Moi j'préfère rien savoir de plus à leur propos, j'veux pas m'attirer d'ennuis...
- Merci Donato-san. Bonne journée à toi. Si jamais tu vois Mace, dis lui que j'aimerais bien lui parler affaires. Maliki je me débrouillerais. Et Akiro... Si jamais j'ai des nouvelles, ça t'intéresse ? »

Le tavernier haussa un peu les épaules.

« Pourquoi pas. Au moins ça confirmera peut-être ma théorie. »

Lui répondant par un sourire amusé avant de laisser une somme plutôt agréable, la vampire partit de la bâtisse rapidement. Il lui restait une autre taverne à visiter, la taverne du Loup de Mer, tenue par un mizujin qui se disait pirate à la retraite. Une taverne qui avait son lot de rumeurs et d'informations qui y circulaient.

Poussant les portes du Loup de Mer, l'informatrice repéra les deux figures qui l'intéressaient. La serveuse, une bonne femme à l'oreille un peu trop ouverte et le barman, son mari. Allant commander du saké au bar, elle le fixa quelques instants avant de lui poser la même question qu'aux précédents. Et sans surprise, il les avait aussi vu passer. Comme Donato, il avait plus entendu parler d'Akiro. C'était sans doute fini pour lui, ou alors il faisait profil bas. Peut-être avait-il mit les voiles aussi, c'était une possibilité.

Tentant à nouveau sa chance auprès de la grosse serveuse qui se frayait tant bien que mal un chemin entre les tables de manière assez ridicule, la vampire lui demanda ce qu'elle savait à propos de Maliki et de Mace. Et là, contrairement aux autres, celle-ci lui expliqua que Maliki était dans sa chambre qu'elle avait prit ici-même et qu'elle pouvait l'appeler si nécessaire. Demandant alors simplement le numéro de cette dernière, Neiko lui dit simplement que leur discussion devait être privée et qu'elles seraient mieux à l'étage. Prenant une bouteille et un verre supplémentaire, elle grimpa pour aller toquer à ladite porte jusqu'à ce qu'une rouquine aux yeux noisette vienne lui ouvrir. Les cheveux bouclés, taille moyenne, des tâches de rousseur sur les paumettes, l'informatrice la reconnut rapidement et l'invita à rentrer.

« Konnichiwa Neiko-san, rentre, tu as besoin de savoir quoi aujourd'hui ? »

Faisant affaires avec elle de temps en temps, Katsuko la connaissait bien et savait qu'elle pouvait être assez directe avec elle.

« Konnichiwa. Je vais faire simple, je recherche un homme. Celui à la tête du nouveau groupe de vendeurs d'armes qui s'est installé récemment dans le coin. Han Ryuma. Tu en as entendu parler ? »

Si Maliki était plutôt tranquille jusque là, cette dernière blanchit soudain et déglutit difficilement.

« Erhm... On doit vraiment en parler ?.. Si... Si ça se sait que j'ai dit quoi que ce soit...
- T'inquiète, je comprends et j'ai prévu de quoi t'aider à te faire discrète pendant un moment. »

Sortant sur la table une bourse de près de 50 000 ryôs, la jeune femme jaugea un peu sa vis-à-vis, toujours hésitante, et en sortit une seconde du même montant. Toujours un léger doute dans les yeux, cette dernière se lança malgré tout, visiblement n'aimant pas beaucoup ce qu'elle devait faire.

« Et bien... C'est à dire que... J'ai un peu fait mes recherches sur lui... J'étais pas la seule, on était trois à s'intéresser à son cas... Il y avait Akiro et Mace aussi... Akiro, il s'est fait attraper il y a deux mois environ... On devait se retrouver à un point de rendez-vous et... Et je l'ai vu se faire attraper par trois gars, j'ai juste eu le temps de me jeter dans une poubelle avant de me faire remarquer. J'ai entendu ses gémissements pendant deux minutes... Et les coups ont continué encore cinq bonnes minutes après... Et... Et quand ils ont arrêté, ils ont parlé bien fort... "La rouquine, on t'a vu. Si tu continues à fouiner, il t'arrivera la même chose. Ou pire... T'es mi..."... Erhm pardon... "T'es mignonne après tout, j'te laisse imaginer ce qu'on leur fait, aux mignonnes." Et... Ils sont partis... Il y avait juste du sang au sol, plus d'Akiro... Quand j'en ai parlé à Mace, il m'a dit de faire profil bas et qu'il s'occupait de fouiner plus discrètement... Mais il y a trois jours il a failli se faire attraper, il est venu me voir avec un couteau planté dans la hanche... J'ai pu trouver un médecin qui a accepté de le soigner, il est encore en train de se reposer... Il faut pas qu'il y retourne...
- Je vois... Bon, t'en fais pas, j'me suis pas faite payée pour vous buter tous les deux. J'ai juste un message à faire passer à leur boss. Tu as la moindre idée d'où je pourrais les trouver ?
- Non... Je sais pas... Mais Mace sait peut-être... Il a continué ses recherches pendant deux mois, mais plus discrètement. Je suppose qu'il a du trouver quelques infos avec ce temps. Avec A... Akiro, on a pu à peu près découvrir comment ils fonctionnaient et à qui ils vendaient, principalement d'autres mafias locales, des petits groupes sans importance à l'époque. Je sais pas à quel point ils ont avancé... »

La kazejine hocha la tête. Elle comprenait bien la situation et les risques qu'ils avaient encouru, tout ça pour récolter des infos qui étaient au final assez faibles.

« Je vois. Tu peux me guider à Mace discrètement ? Ça peut être ce soir si tu préfères. Faut vraiment que je donne cette enveloppe. Paraît que c'est important. Pour l'argent, je vais te filer encore 50 000 ryôs, vous vous le partagerez avec Mace, ça vous regarde. Vous pourrez vous mettre un peu à l'abris le temps que ça redescende comme ça.
- D'accord pour l'argent et pour ce soir... Merci Neiko, je... Ça aidera bien. Pour Akiro... Tu sais s'il avait de la famille ?.. Il en parlait jamais avec Mace et moi. Qu'ils sachent... Qu'il est passé de l'autre côté...
- Je trouverais un truc pour que ce soit moins douloureux, mais oui, il avait encore sa mère. Je la préviendrais, on verra si elle tient le choc. Je pourrais lui filer un peu d'argent au cas où pour l'aider.
- Garde les cinquante milles de plus alors... Elle en aura besoin... On s'en tirera avec ça chacun. »

Pensive la jeune femme aux yeux rubis soupira et sortit deux bourses plus petites, de dix milles ryôs chacune.

« Pour compléter pour vous alors. Je laisse pas mes informateurs dans cet état sans aide. »

Se relevant, la chef du réseau lui fit un petit signe de tête.

« On se retrouve où ?
- Taverne du pot d'étain, c'est pas très loin de là où il est planqué... »

Nouveau hochement de tête, la Chinoike se contenta d'une dernière parole avant de quitter la chambre.

« À ce soir alors. »

Descendant tranquillement les escaliers du Loup de Mer, Bellone compta une cinquantaine de pièces qu'elle donna au passage à la femme du barman et dix qu'elle laissa sur le comptoir de ce dernier. Elle avait encore près de trente mille pièces du paiement de Musashi, les cinquante milles étant de côté pour la mère d'Akiro à qui elle devrait annoncer la nouvelle. Ce n'était pas un moment qu'elle appréciait, même si elle gardait toujours une certaine distance avec ses informateurs. Et il lui en faudrait certainement une partie pour payer les gars de Ryuma pour qu'ils lui remettent la lettre réellement. Elle soupira un peu, au moins le travail n'était pas trop complexe.

Maintenant, il fallait attendre.

Installée à la taverne de Donato, là où Maliki lui avait donné rendez-vous, Neiko sirotait un verre de saké en écoutant un peu les conversations autour d'elle. Des brigands à l'est, des disparitions au nord, un assassin en série dans une ville proche de la frontière d'Hi no Kuni... Que de nouvelles peu réjouissantes mais qui étaient le quotidien du pays. Elle soupira un peu, pensive. Elle ne sortit de son introspection que lorsque son verre fut vide, moment que choisit la rouquine pour venir lui demander de la suivre.

Se levant rapidement après avoir laissé une pièce pour payer sa consommation, la vampire aux yeux carmin suivit la fille au regard noisette. En quelques minutes elles arrivèrent après un dédale de rues à une maison dans laquelle s'engouffra Maliki, faisant monter à l'étage Katsuko. Porte de droite, elle toqua trois coups avant que la porte ne s'ouvre sur un Mace assez pâle, des bandages autour du torse. Il avait du perdre pas mal de sang, sans doute avait-il du cavaler un moment avant de pouvoir se mettre à l'abris, ses poursuivants semés. Si cela avait été elle, il n'aurait jamais pu s'enfuir, il pouvait s'estimer heureux.

« Rallonge toi. Il faut qu'on parle. »

L'homme ne se fit pas prier et retourna tant bien que mal dans la couchette qu'il avait pour se reposer. Pendant que Neiko s'installait à côté de lui, Maliki partit dans la petite cuisine et revint avec des verres d'eau et une assiette chaude pour Mace. Après lui avoir laissé un peu de temps pour boire et se restaurer, la vampirette aux sens aiguisés par l'odeur de sang qui s'était répandue dans la pièce et qui était particulièrement affriolante pour elle se décida à parler.

« Bien. J'ai besoin que tu me transmettes tout ce que tu sais à propos de ces nouveaux trafiquants d'armes, mais surtout où les trouver. J'ai un message à faire passer à leur chef, Han Ryuma. J'ai donné à Maliki de quoi vous en sortir et je suis au courant pour Akiro, je donnerais de l'argent à sa mère pour qu'elle s'en sorte et je lui annoncerai la nouvelle moi-même. Ça te va ? »

Le jeune homme qui s'était redressé un peu pâlit légèrement à la mention d'Akiro puis hocha la tête. Il comprenait. Lui laissant alors le temps de rassembler ses esprits pour lui raconter ce qu'il savait, l'Informatrice était prête à lui apporter la plus grande attention, ayant même sorti un carnet sur lequel elle s'apprêtait à noter les informations capitales.

« Erhm... Et bien... J'ai trouvé que ces vendeurs venaient de Kaze et qu'il souhaitaient s'implanter à Ame et surtout ici, à Murashigure. Ils ont déjà une ville dans le sud ouest du pays où ils sont bien installés, à Shiogama. Leur boss est en déplacement là-bas de ce que j'ai appris l'autre jour avant de manquer de me faire attraper. Une taverne leur sert pour faire les échanges là-bas, le Ryô Affamé. Je sais aussi qu'ils sont importants à Kaze et notamment à Taiyo, c'est des gars d'expérience, ils savent ce qu'ils font. Je sais pas si tu ferais pas mieux de pas y aller, Neiko... »

Un sourire amusé sur les lèvres, la kazejine fit un signe négatif de la tête.

« T'en fais pas va, merci des informations en tous cas, grâce à toi je vais pouvoir plier cette affaire rapidement. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, j'ai de la route à faire demain, je vais me coucher tôt. Shiogama n'est pas la porte à côté. Ah, et faites gaffes à vos traces, c'est facile de vous repérer. Je vais vous donner un petit coup de pouce pour cette fois, mais faites attention à l'avenir. »

Se redressant, la tueuse aux yeux rougeoyant leur fit un signe de tête puis rabattit sa capuche de jutte sur sa tête pour disparaître dans les ruelles de la cité. Avant de partir cependant, elle prit le temps d'effacer ses traces ainsi que celles de Maliki et celles qui restaient de Mace dans les alentours, jusqu'à la taverne de Donato. Ils avaient eu de la chance de juste tomber sur des gros bras débiles et pas des traqueurs entraînés. Elle savait qu'il y avait quelques bons soldats dans les membres qui aidaient Ryuma. Ce vieil enfoiré. Pestant un peu, elle retourna à la taverne du Maraudeur, là où elle pourrait passer la nuit tranquillement.

HRP:

Les yeux vers le ciel, elle regardait la pluie tomber sur son visage. Tracer des sillons sur ses joues, tomber au sol. Le temps passé où elle n'avait pas besoin de la pluie pour vivre cette ritournelle était révolu. Enterré. Paisible, reposée, elle pouvait partir de Murashigure trouver le lieu où elle devait livrer la lettre. Son nom et son apparence physique avaient changé. Il ne pouvait pas la reconnaître. Elle ne risquait rien. Absolument rien.

Sortie de nul part, un animal blessé retrouvé à Hi no Kuni, là était le début de la piste pour quiconque la connaissait sous le nom de Neiko. Pour ceux qui auraient eu connaissance de Katsuko, la piste s'arrêtait en plein désert, au bord d'une oasis. Évanouie, envolée. Perdue dans le sable du désert qu'elle avait si longtemps cotoyé, pourtant si pâle. L'enfermement n'avait pas aidé. Signe de pureté, il lui avait collé à la peau, totalement faux, pour mieux envouter. Suivre les ordres et obtempérer. Même à contre-coeur, même lorsque l'envie de vomir la prenait. Mais tout ceci, c'était passé. Enterré.

Reprenant un regard droit, la jeune femme eut un sourire carnassier. Désormais, le prédateur, c'était elle. Elle n'était plus le jouet. Elle pouvait voler de ses propres ailes. Courir. Elle avait besoin de ça pour se sentir vivre à nouveau. Pour ressentir. Le vent, la pluie, le froid mordant sous la cape en toile solide mais pauvre, les graviers sous ses pieds, l'odeur de la terre mouillée qui l'entourait. Son souffle maîtrisé, la chaleur qui s'en dégageait. Les frottements de ses vêtements sur sa peau. Un concert. Celui de la victoire. De la liberté.

En un rien de temps, elle traversa les plaines et forêts qui la séparaient de Shiogama. Elle savait où aller. Quelques questions une fois dans la ville, une adresse. Quelques pièces bien placées et la porte s'ouvrait. Et la voilà, dans l'antre, le lieu qui rassemblait tout. D'un coup d'oeil, elle observa. Compris le fonctionnement. Trouva à qui s'adresser. D'un pas sûr, elle s'approcha d'une table et sortit une bourse de dix milles ryôs, accompagnée de l'envelopper.

« Konbawa messieurs. Je suis venue pour transmettre un message à votre patron. Voici l'argent pour votre effort, et la lettre à transmettre. »

Un silence s'était abattu là où régnait le bruit quelques secondes plus tôt. Les regards s'étaient tournés vers la silhouette encapuchonnée. L'homme à qui elle s'était adressée, tout dans ses postures et ses sourires indiquait qu'il était le maître de la pièce. L'influent. Le second. Le bras droit. Il était trop sûr de lui, se croyait trop intouchable pour ne pas être suffisamment proche de Ryuma. Il était forcément un minimum important. Suffisamment pour transmettre un message.

Alors qu'elle allait commencer à tourner les talons, un gros bras s'avança et lui porta la main à l'épaule, la touchant avec une certaine force. Mais loin d'être impressionnée, l'informatrice utilisa l'une de ses techniques. Une amélioration de sa puissance et de ses réflexes. D'un seul coup, elle attrapa le poignet de l'homme et lui faucha les jambes, le mettant à genoux, main douloureuse.

« Autre chose puisque vous abordez le sujet. Je suis Neiko. Vous avez tué un de mes hommes, Akiro. Je n'aime pas qu'on s'en prenne à mes hommes. Une vie pour une vie. »

Avant que quiconque dans la pièce n'ait pu réagir, l'implaccable Chinoike dégaina son nouveau wakizashi et trancha nettement la gorge du gros bras qui s'ouvrit dans un flot.

« La lettre est du petit fils de votre patron. Mes hommes, vous ne les touchez plus. Sinon c'est la mort. Idem pour ceux qui penseront malin de me suivre. »

Serrant fortement le poignet de l'homme qui tentait de se débattre et en même temps d'arrêter le flot de sang qui s'écoulait de sa gorge et giclait sur la cape de l'assassin qui venait de lui prendre la vie, Neiko le lui brisa dans un craquement audiment avant de le lâcher au sol alors qu'il agonisait.

« Estime-toi heureux. La mort de mon homme a été bien plus lente de ce que je sais. »

Faisant un tour de la pièce de ses yeux luisants, la vampire n'y trouva que peur et haine.

« Vous semblez avoir compris. Sayonara. »

Quittant la taverne du Ryô Affamé sans plus attendre d'un pas assuré et dans une sorte d'incompréhension générale de ceux qui l'avaient vu, Katsuko commença par nettoyer le sang sur sa tunique d'une technique puis lança quelques détections afin de s'assurer qu'elle n'était pas suivie. Après plusieurs kilomètres, elle changea de méthode et fit tout simplement disparaître ses traces en s'enfonçant dans une forêt avant de les camoufler, disparaissant dans la nature pour ne réapparaître que quelques kilomètres plus loin.

Soupîrant alors un peu et se détendant après avoir fait une dernière technique de détection afin de s'assurer de sa tranquilité, Neiko reprit la route vers Murashigure. La lettre atteindrait à coup sûr son destinataire, la mention du petit fils du patron ne pouvait pas fait défaut, pas plus que le nom Han Ryuma qu'elle avait caligraphié sur le devant de la missive. Il ne lui restait plus qu'à envoyer une lettre à Musashi pour le prévenir et à aller voir la mère d'Akiro pour lui expliquer, lui prêter une épaule et lui donner l'argent pour qu'elle s'en sorte.

HRP: