Ce monde est cruel.

Encore une journée bien banale dans mon monde fait d'argent, de manipulation et d'errance. Je venais de quitter la ville miteuse de Murashigure, le travail m'attendant vers d'autres horizons, toujours dans ce pays où règne la pluie telle une malédiction divine. Si seulement le pays le plus adéquat pour se faire du benef aurait pu se trouver dans de magnifiques champs de fleurs en plein soleil. Mais non, il faut croire que la misère du pays attire inlassablement la pluie.

Vêtu d'un accoutrement de vêtements larges laissant que très peu d'espace de ma peau prendre l'eau, j'avançais seul le long d'une route boueuse. Destination un petit village, ou du moins ce qu'il en reste, ma mission ne se trouvait pas ici, mais faire le plein d'énergie était le meilleur moyen de rester en vie encore un bon moment. Je passais le pas du modeste "village", si on pouvait utiliser ce terme pour le définir. Malgré mes à priori sur cet endroit fantôme, un bar était peut-être le seul bâtiment encore potable ici. Une aubaine pour moi, prendre un verre, jouer aux jeux et me divertir en compagnie de la gente féminine était peut-être mes trois plus grandes passions.

Un homme semblait sortir du bar, vraisemblablement énervé et en colère de ce qui venait de lui arriver. Il me percuta au niveau de l'épaule, me regardant avec ce regard animal des brutes dénuées de conscience et du moindre neurone. Mon regard, camouflé légèrement par les cheveux qui tombaient sur mon visage, vint s'abattre sur lui et d'un tour de passe-passe clanique, l'animal sauvage venait de se transformer en docile animal de compagnie, qui se confondait maintenant en excuse avant que je tourne les talons.

-" Un verre de schochu."

Les portes de l'auberge franchient, je m'accoudais au bar, l'ambiance rythmée par les chants, les paroles non maîtrisées à cause de l'alcool, les brailleries et les rires. Une fois mon verre servi et mon ryo économisé au détriment de l'aubergiste, mon regard se posa sur une table où une partie de poker semblait être entamé. Une bonne somme avait l'air d'être mise en jeu. Bingo, je n'allais pas partir de ce village miséreux les mains vides. Je m'approchais alors d'eux, une fois mon verre englouti d'un trait. Posant mon manteau noir sur le dossier d'une chaise vide, je l'amenai aux abords de la table.

-" Ils vous restent une place pour un vagabond de passage?"

Les mots sérieux et calmes venaient aux oreilles des participants, avant que ceux-ci ne regardent tous en direction du même personnage. Alors, serait-ce lui qui dicte les règles en ces lieux?

Fais ton argent, ferme ta gueule.

Mon regard venait de croiser celui du mystérieux joueur de poker. Ils avaient également été amenés à regarder du coin de l’œil cette espèce de kunaï difforme de couleur verte posée sur la table. Si les règles qu'il dictait en ces lieux étaient celle de l'intimidation, alors la partie risquait d'être forte intéressante. L'attrait du jeu, l'appât du gain, le tout couplé par l'inconnu au yeux émeraude, faisait vibrer en moi quelques douces sensations.

Sans vraiment réagir à sa première phrase, je m'installais calmement sur ma chaise, la rapprochant désormais des autres joueurs. Qu'il n'aime pas ma façon d'agir m'importait peu, du moment que je pouvais rejoindre la table cela me convenait. Mais ce fut de courte durée, il pouffa de rire avant de demander aux autres de tourner les yeux. Drôle de personnage au premier abord, mais terriblement intriguant.

-" La seule règle vraiment valable en tous cas."

J'accompagnai ma phrase d'un léger sourire hypocrite. Je pensais vraiment ce que je venais de dire, mais sourire n'était vraiment pas dans ma nature. Tant pis, toujours faire bonne impression, cela peut aider pour se jouer des gens ou trouver des contrats intéressants.

La partie était entamée, le kunaï à deux têtes toujours présent sur la table. L'inconnu teinté de vert fumait une sorte de calumet tout en passant les cartes pour la première main. Mon but, clairement repartir avec le butin, mais cela ne se fait jamais lors des premières mains, beaucoup trop risquée. Même si ma capacité clanique me permettrait de tricher et de lire les jeux sans trop de difficulté, la priorité était évidemment de ne pas se faire démasquer. Tricher une fois sur une personne, c'est ok, mais tricher 10 fois sur la même personne, là, c'est vraiment satisfaisant. Le passeur de cartes s'alla à une phrase philosophique, me demandant mon avis sur la question.

Aucun doute, il tentait également d'entrevoir ma personnalité. Les beaux-parleurs, ou du moins ceux qui manie les mots avec grandes précautions sont plutôt rares dans ce pays malfamé, la partie n'en serait que plus intéressante après tout. Accompagnant sa réplique, il prit soin de relancer la mise forçant le deuxième joueur à balancer ses cartes. Lâche. Toujours suivre sur la première main, montrer qu'on est présent mentalement, ne jamais laisser un autre joueur prendre l'avantage psychologique d'entrée de jeu.

-" Ce sont les actes qu'on raconte dans les livres, très rarement les discours. Mais les beaux discours donnent souvent naissance à de grands actes."

Suite à ma phrase qui se voulait aussi philosophique que la sienne, j'avançais mon argent, suivant sa relance. Qui serait donc le premier à entrer dans la tête de l'autre. Les fourmillements commençaient à me gagner. Cela faisait bien longtemps qu'une partie de poker ne m'avait pas autant excité.

Parlons du bénéf'.

Le mystérieux passeur de cartes venait de répondre à ma phrase se moquant légèrement de l'impact des livres, faussant un léger rire. Peut-être voulait-il instaurer un climat plus délicat pour les deux abrutis qui nous écoutaient parler. En tout cas, je n'étais pas dupe, un aussi bon parleur, maniant les mots de cette façon ne pouvait pas mentir au sujet qu'il avait sûrement appris énormément de différents ouvrages. Il suivit sa phrase en sortant quelques cartes sur la table, ne renforçant pas spécialement mon jeu. Puis d'un mouvement habile et maîtrisé, il se mit à "jouer" avec son kunaï.

Il y ajouta quelques mots, auquel je ne pus me résigner à répondre d'emblée, étant d'accord avec son point de vue.

-" Je vous rejoins là-dessus. Aucune importance pour ceux qui ont participé."

Il relança aussitôt la mise sur la table. Avait-il une véritable main, ou cherchait il a bluffer? J'eu peu de temps pour réfléchir à la marche à suivre en fonction de mon jeu. L'homme reprit une nouvelle fois la parole, me visant directement par ses mots. Visiblement, il semblait bien bavard. Il faut dire que si les deux autres étaient ses camarades, et bien cela devait faire longtemps qu'il n'avait pas eu de réel discussion. Cette phrase semblait faite pour m'intimider. Il me prenait sûrement pour quelqu'un d'autre, son visage en tous cas, ne me disait rien du tout. Et j'avais tendance à très bien retenir les visages, plus que les noms.

-" Et bien désolé de vous offenser, mais je n'ai pas la moindre idée de qui vous êtes. Je devrais?"

Répondais-je avec la plus grande des sincérités, mon regard toujours vide et mon visage toujours plat et sans reliefs. Une sensation vint maintenant s'emparer de moi. Sa tentative d'intimidation venait augmenter d'un cran alors que je pouvais ressentir la pression de son chakra envahir la pièce. Que cherchait-il au final? Lui qui se disait intéresser uniquement par le jeu, semblait quand même bien plus intéresser par ma personne. En tous cas, la quantité de son chakra était bel et bien impressionnante. Ce n'était clairement pas un shinobi débutant et son niveau au combat surpassait semble-t-il de loin le mien. Je ne me suis jamais vraiment perfectionné dans le domaine du combat, ma technique reposant plus sur l'esprit et la filouterie.

Un des hommes tenta de fuir ce qui semblait le dépasser en ce moment. C'était sans compter sur le beau-parleur qui le stoppa net, l'invitant à se rasseoir sans perdre de temps. C'était clair, l'intimidation était bel et bien la règle qui dictait cette partie et les actes du shinobi émeraude. Il entama -une nouvelle fois- un autre discours, parlant de la géopolitique du pays. Choisir un camp? Il était alors évident qu'il était au courant de nombreuses choses concernant Seichi et leurs adversaires. Dans quel camp se trouvait-il ? Aucune idée. Mais il me demandait clairement de choisir le mien. J'avais déjà quelque peu avancer sur ce sujet étant tombé par hasard sur Neiko au détour d'un verre.

Le conflit qui se tramait à l'intérieur du pays ne me concernait en rien, mais le business serait sûrement plus intéressant avec une vraie politique commerciale et un dirigeant plus enclin à aider la population. Que le moindre crasseux du pays meurt de faim dans un coin n'était pas mon problème, mais s'il venait à retrouver quelques richesses, cela élargirait mon répertoire de potentiel commanditaire.

J'alternais mon regard entre les cartes présentes sur la table, mon jeu et le regard incisif du mystérieux homme, dans cette partie de carte où le butin n'était plus l'enjeu principal.

-" Vous savez, ma vie ne vaut certainement pas grand chose, même pas une simple partie de carte sûrement. Vous devez certainement connaître Neiko. Quelle femme. Et elle a ce don, d'avoir de très bons arguments pour choisir ses potentiels alliés.."

Je posais cette phrase ici, tentant de déstabiliser quelque peu mon adversaire du jour, toujours avec ma froideur et ma franchise habituelle. S'il venait à être dans le même camp que la kunoïchi, cela lui permettrait peut-être de se détendre un peu au lieu de vouloir attenter à ma vie. Sinon, peut-être que je venais de faire une grave erreur, mais je posais quand même le nom de "Neiko", sa simple mention allait peut-être refroidir son élan meurtrier.

J'accompagna le tout en suivant la mise du verdâtre. Continueras-tu jusqu'au bout?