MERCI POUR TOUT

Kaito se réveillait de ce qui semblait être sa meilleure et plus longue nuit depuis un bout de temps. Sa rencontre avec Suzuri Takara et l'éveil de son sceau lui avait causés une énorme fatigue mental et psychologique, à tel point qu'il s'était écroulé sur son lit sans se changer avant de se réveiller en début d'après-midi. Il se levait maintenant, sortant de torpeur direction la petite salle de bain histoire de prendre une douche qui allait le réveiller pour de bon. Sortant de cette dernière, il pris le soin de s'habiller de la façon la plus élégante possible, arborant son chemisier blanc surplombé de sa veste noire et décoré d'une petite cravate. Pour le bas, bien plus basique, un pantalon noir et des chaussures en cuir. Et évidemment, ses indéboulonnables gants blancs cachant le sceau sur sa main gauche.

Si le Meikyû portait une attention toute particulière à son apparence aujourd'hui, c'était pour un rendez-vous. Non pas un rencard, mais plutôt une visite à une personne qu'il avait mis de côté depuis trop longtemps, lui manquant de respect par son absence et ses trop rares - voir inexistantes - visite. L'éveil de son sceau avait réveillé quelque chose en lui, ou plutôt quelqu'un. Son père, son chère papa, qui lui avait apposé ce sceau clanique et ancestral sur la main avant de sombrer dans les ténèbres et la pénombre. Kaito lui en avait longtemps voulu de ne pas avoir su remonter la pente après la disparition de sa mère et de lui avoir caché pendant trop longtemps les vrais raisons de sa disparition et la possibilité qu'elle ne soit pas morte mais simplement retenue captive.

L'apprentissage auprès de la Suzuri avait permis à Kaito de renouer contact avec son père par le biais de la fusion de leur chakra à l'intérieur du sceau sur sa main. Le revoir en pleine forme et souriant avait remis encore plus de nostalgie dans la vie du jeune homme. Il était tant de partir, se rendre à l’hôpital, pour renouer contact avec son géniteur qui lui avait, malgré tout, offert une enfance heureuse avant ses 8 ans. Lui rendre visite avait alors émergé dans la tête du Meikyû avant de tomber dans les bras de Morphée. Il lui devait bien ça, et les paroles qu'il lui avait adressé durant leur rencontre dans le fort intérieur de Kaito, lui laissait un mauvais pressentiment.

-"Je n'y croyais plus. N'oubli pas ton objectif mon fils. Je vais pouvoir partir le cœur léger maintenant."

C'est cette phrase qui prenait l'entière attention du Meikyû alors qu'il arrivait aux abords de l'hôpital. Il passa le palier, quelques shinobis de Kumo ou autre soldats blessés en mission attendait patiemment leur tour, pour certains dans un état plus préoccupant que d'autres. Après s'être approché de l'acceuil, Kaito échangea quelques mondanités avec le personnel soignant, qui lui indiquait le numéro de la chambre dans laquelle son père vivait à présent. Car oui, son passage à l'hôpital était en réalité plus permanent, comme dit auparavant, son père avait sombré dans les ténèbres à cause d'une dépression et des ravages de l'alcool. Son corps n'était plus qu'un réceptacle, une coquille vide. Toujours vivant en paraître, mais sûrement mort depuis bien longtemps à l'intérieur.

Kaito rentra alors dans la chambre qu'on lui avait indiqué auparavant. Franchissant le pas de la porte de manière très lente et silencieuse, d'une attitude que requiert un passant dans un hôpital. Il était là, de dos, posé sur sa chaise roulante, devant une fenêtre qui donnait sur une des rues passantes de Kumo. Et pas n'importe qu'elle rue, celle qui menait directement au foyer de l'ancienne famille heureuse, son ancienne maison, celle de Kaito.

MERCI POUR TOUT

Le silence était légèrement pesant, simplement pour Kaito, son père n'ayant aucunement connaissance de sa présence ici, et même lorsque le jeune homme l'approcha aucun signe d'attention ne lui fût porté. Comme il l'avait dit, c'était une coquille vide, pourquoi continuer à vivre dans cet état pensait le Meikyû. Et bien tout simplement car il respire encore, même si aucune réaction ni aucune émotion ne transparaît sur son visage, même si son âme est déjà bien loin, son cœur qui bat lui impose de rester dans cet état.

Kaito pose alors sa main sur son épaule recouverte d'un gros pull en laine, fixant dans la même direction que son paternel, à travers cette fenêtre.

-" Je vois que t'as jamais cessé de veiller sur moi finalement.."

Kaito ponctua sa phrase d'un long soupir, comme si il se rendait compte qu'il devait lui aussi avoir fait souffrir énormément son père qui l'aimait tant. Le jeune homme avait toujours réfléchi dans un seul sens, celui de l'égoïsme de son père d'avoir attendu dix ans avant de lui raconter la vérité, celui d'avoir préférer s'allier avec les démons de l'alcool plutôt que d'affronter la réalité et faire son devoir. Mais pourquoi n'avait-il pas couru à la poursuite de sa bien-aimée si il savait qu'elle n'était pas morte? C'est cette question que Kaito aurait voulu lui poser si il avait su.

Resserant son poing, cramponnant le pull de son père, de légères larmes perlant sur son visage, Kaito repris d'une voix emplie d'émotions.

-" Pourquoi? Pourquoi ne pas l'avoir poursuivie? Pourquoi ne pas avoir tout fait pour la retrouver? Qu'est ce qui a bien pu te pousser à ne pas agir? Et pourquoi ce silence pendant 10 ans? Pourquoi ?!"

Soufflant pour faire redescendre la pression, Kaito releva la tête, amena son père vers son lit en poussant sa chaise, avant de le soulever pour l’aliter en douceur, faisant bien attention à ne pas toucher aux nombreux fils et autres perfusions qui le suivaient partout. Une fois l'homme allongé confortablement, Kaito pris une chaise pour s’asseoir à côté de lui au niveau du torse. Il prit alors sa main qu'il recouvra des deux siennes avant de reprendre la parole.

-" Tu sais, même si ça fait depuis quelques mois que tu n'es plus à mes côtés, j'ai déjà bien grandi. Maman serait fier de moi... Je progresse de plus en plus en tant que shinobi et je commence même à aimer ce métier. Je pensait pas qu'aider les gens me rendrait si heureux. Je dois tenir ça de vous, vous adoriez aider les gens.. Vous seriez vraiment fier moi. J'ai rencontré quelques personnes sympa qui m'aide à progresser, même si je me suis pas encore fait de véritable ami.. Mais ça viendra, même les villageois sont plutôt gentils avec moi, tu sais même la vieille voisine que tu détestait, et bah elle est super cool avec moi depuis que vous êtes plus là.. Je dois lui faire pitié sûrement. Après tu sais, il y a toutes ces histoires de Résistance et d'Annexion, j'avoue être un peu perdu parfois, mais j'essaie de faire ce que je trouve le plus juste pour moi et surtout pour les villageois que j'ai envie d'aider.. J'suis sûr que tu aurais participé aussi, c'était ton truc les conflits politiques.. ponctua-t-il d'un léger rire étouffé. Et j'ai aussi éveillé mon sceau ancestral, mais ça tu dois déjà le savoir..

Les larmes coulaient toujours sur les joues de Kaito, qui malgré tout affichait un léger sourire. Lâchant la main de son père, il enleva délicatement le gant de sa main gauche pour exhiber fièrement son tatouage aux yeux vitreux de son père.

MERCI POUR TOUT

Il brandissait le sceau sur sa main tel une fierté, comme pour montrer à son père qu'il avait réussi, que malgré le temps qui passe il n'avait jamais oublié cette soirée. Faisant ressortir une légère lumière violette du sceau en l'activant, Kaito le portait à la vue de son géniteur. Une lueur semblait apparaître au fond de ses yeux, c'est ce que le Meikyû voulait croire, mais il s'agissait vraisemblablement du reflet de la lueur émise par le symbole.

-" Tu vois j'ai réussi, je l'ai éveillé.. Mais tu dois déjà le savoir, et c'est pour ça que je suis là! Tu m'as dit que tu allais partir le cœur léger.. C'est donc aujourd'hui que ça ce termine?"

C'était le pressentiment que Kaito avait eu en retrouvant son père en son fort intérieur grâce à la fusion de leur chakra. Il le savait et c'était aussi pour ça qu'il fallait absolument qu'il vienne le voir une dernière fois. La mission que son père cherchait à accomplir venait d'arriver à son terme. Le jeune homme l'avait sûrement fait attendre trop longtemps, mais il avait raison, il pouvait partir le cœur léger, Kaito n'oublierait pas ce pourquoi son père lui avait apposé ce sceau. L'apprentissage de Takara et ses mots lui avait aussi remis les idées en place, elle parlait du tatouage comme, non pas d'une arme, mais comme une sorte d'opportunité, de connaissance, de vérité. C'était sûrement là aussi le sentiment et la volonté de son père.

Les larmes continuaient de perler le long des joues du jeune homme, qui repris son discours alors que les machines qui l'entourait semblaient émettre un dernier bruit strident signe de l'arrêt de son cœur.

-" Merci pour tout Papa. Je t'aime."

Il pris soin de remettre son gant avant l'arrivée du personnel médical, puis pris une nouvelle fois la main de son, désormais, défunt père au creux des deux siennes, arborant toujours un léger sourire. Comme si il savait que son père venait de partir en paix avec lui même et qu'il ne souffrirait plus enfermé dans ce tombeau de chaire.

Kaito rejoignit alors la sortie de l’hôpital de longues minutes plus tard, échangeant avec le personnel soignant sur les modalités en cas d'obsèques. Elles auraient lieu quelques jours plus tard. Mais avant cela un nouvel entretien avec Takara était prévue, peut-être l'occasion de lui faire part de ce qu'il à vécu aujourd'hui. Mais pour le moment, les pensées du Meikyû étaient ailleurs, la tristesse d'avoir perdue un être cher, mais la satisfaction de ne plus le savoir souffrant et de nouveau en paix. L'objectif de Kaito revenait donc de plus belle aux yeux de ce dernier, il l'avait promis à son père, il retrouverait ce qui est arrivé à sa tendre mère.