Voilà quelques heures que Takeshi avait rejoint le village de Kiri. C’étaient ses premiers instants dans un village ninja. On avait commencé par lui donner un grade, celui de Genin, le bas de l’échelle dans la hiérarchie, ainsi qu’un bandeau frontal, signe de son appartenance au village. On lui avait également attribué un logement. Une habitation spartiate pour la plupart des gens, mais pas pour Takeshi qui était loin d’avoir vécu dans le grand luxe. Il avait à présent un nouveau foyer. Ne sachant pas trop comment réagir à cette nouvelle situation, lui qui n’avait jamais vécu en communauté à proprement parler, il décida, après deux heures de sommeil, de partir s’entraîner. Il trouva le Grand Dojo de Kiri ainsi que ses alentours, différents terrains et salles d’entraînement. Ces lieux lui plurent et heureusement car il comptait y passer la plus grande partie de son temps. Il choisit une salle d’entraînement spacieuse et assez éloignée du Grand Dojo pour ne pas être dérangé. Le soleil n’était pas encore levé lorsqu’il débuta ses exercices journaliers.
Peu à peu, des bruits se firent entendre à mesure que le jour pointait à l’horizon. Takeshi fut heureux de constater que ce village recelait de shinobis de sa trempe, des acharnés du travail. Ceci le motiva d’autant plus.
A un moment donné, Takeshi entama une phase destinée à combiner vitesse et force brute. Cela consistait à se déplacer à grande vitesse afin de porter un coup violent à l’adversaire. Il enchaînait les répétitions de ce mouvement en prenant pour cible tantôt l’air, tantôt les parois de la salle. Puis, alors qu’il chargeait une cible imaginaire le long d’un mur à vitesse maximale, il se heurta à un obstacle invisible. Cet obstacle se déroba sous l’effet de la charge et la collision fit perdre l’équilibre à Takeshi. Il se releva d’un bond et fut surpris de constater qu’il avait face à lui un homme aussi décontenancé que lui. Cet homme avait a priori pratiqué une technique de camouflage afin de l’épier.
Par réflexe, Takeshi attrapa son bâton attaché dans son dos et se mit en position de combat. Il afficha un sourire de défi, heureux qu’un adversaire potentiel lui soit ainsi servi sur un plateau d’argent.

- Alors on joue les voyeurs ?

L’inconnu était un homme de sa stature, quoiqu’un peu plus grand mais moins baraqué. Il était vêtu d’une curieuse manière, très féodale. Il portait le même bandeau que Takeshi, il s’agissait donc d’un ninja de Kiri. Le fourreau à sa ceinture indiquait qu’il portait un sabre, dont le manche suggérait que c’était une arme de très bonne qualité. Cet homme ne renvoyait pas une image de puissance, toutefois Takeshi ne se fia pas à cette première impression car les meilleurs combattants sont parfois ceux qui cachent le mieux leur jeu. D’autant plus qu’il n’avait absolument pas pu déceler sa présence grâce à sa technique de dissimulation ce qui était signe d’un grand talent. Takeshi avait donc hâte de se mesurer à cet individu.

- Ta technique est intéressante, mais j’espère qu’une fois démasqué tu sauras te défendre.

Malgré le fait qu’il l’eût surpris en train de l’espionner, Takeshi ne ressentait nulle hostilité de la part de cet homme à son égard. C’est pourquoi il se refusa à porter le premier coup, curieux de savoir ce que ce mystérieux shinobi lui voulait.

- T’es qui ? Qu’est-ce que tu me veux ? Tu veux te bagarrer ?

Le jeune homme avait formulé sa question sans méfiance, mais plutôt d’un air enjoué.

Takeshi s’amusa devant le formalisme de son interlocuteur. L’on eût dit qu’il venait d’une autre époque. Il faut préciser que Takeshi ne connaît rien de l’immensité du monde. Hormis sa contrée natale, Wasure no Kuni, et les abords de Kirigakure no Sato, il n’avait rien vu ni exploré. De plus, les personnes qu’il avait vraiment côtoyées se comptaient sur les doigts d’une main.
Cet homme lui rappelait vaguement quelqu’un qu’il avait connu à la prison inavouée. Il s’agissait d’un guerrier solitaire, très taciturne, avec lequel Takeshi n’avait jamais eu aucun contact d’ailleurs. Néanmoins lorsqu’il l’apercevait il ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur son passé. Et il l’avait entendu s’exprimer de la même manière que son interlocuteur du jour, de manière très précieuse, presque archaïque. Il avait entendu dire que ce prisonnier venait d’une contrée lointaine, Tetsu no Kuni, mais n’en savait pas davantage sur lui ni sur son peuple.
Lorsque Mafuyu se présenta, Takeshi commença par lui adresser un signe de main de manière très désinvolte, avec un sourire enjoué :

- Yo Mafuyu ! Moi j’suis Takesh…

Mais, tout en prononçant ces paroles, il se souvint des remontrances de sa mère au sujet de son impolitesse, notamment envers ses aînés. Alors le jeune homme se crispa, droit comme un « I », et s’inclina légèrement devant son interlocuteur tout en rougissant de honte.

- Euh, bonjour monsieur, je me nomme Takeshi. Kagai Takeshi.

Une fois les présentations faites, Takeshi réadopta sa posture de combat. Il était terriblement excité à l’idée que Mafuyu veuille bien combattre contre lui, ce serait sa première opposition dans ce nouveau village, face à un combattant confirmé semblait-il. Il en ressentait des frissons de plaisir. Cependant, lorsqu’il vit scintiller le haut de la lame de Mafuyu, Takeshi prit l’initiative de déposer à terre son bâton qu’il portait jusqu’alors sur son dos.

- Battons-nous à mains nues, à la loyale. Et d’ailleurs…

Takeshi s’approcha tranquillement de Mafuyu et lui présenta son visage en fermant les yeux.

- Frappe-moi. Je t’ai déjà mis un coup avant notre combat, faut qu’on commence à égalité, alors je te laisse remettre les compteurs à zéro.

Il s’agissait là d’un principe inaliénable de la personnalité de Takeshi. Même si sa vie était en jeu, il ne pourrait se féliciter d’une victoire sans ces conditions de parfaite équité.

Cet homme, par son comportement, inspirait beaucoup de considération à Takeshi. D'une certaine manière, il représentait par sa personnalité le guerrier qu'il souhaitait devenir plus tard. Ce Takeshi du futur était un combattant respectueux, appliquant strictement les valeurs qu'on avait inculquées au jeune homme depuis l'enfance.
Takeshi encaissa le coup de Mafuyu sans broncher, en laissant même apparaître un petit sourire satisfait. Ce coup de poing n'avait pas été asséné à pleine puissance, il était donc inutile pour Takeshi de s'en servir pour essayer de jauger la force de son adversaire. Cependant, le regard que Mafuyu lui lança eut le don de lui provoquer quelques frissons. Et ces frissons n'avaient rien à voir avec ceux d'excitation ressentis plus tôt. Là, son regard avait quelque chose d'inquiétant, sans pour autant être hostile. La déclaration suivante de Mafuyu confirma ce sentiment : cet homme ne rechignait pas à tuer ses opposants si nécessaire. Takeshi ne se faisait néanmoins pas de souci. Le combat qui s'annonçait était amical, il ne craignait pas pour sa vie.
Le fait que Mafuyu jetât son arme à terre honora grandement le jeune homme. Un homme prêt à se plier sans discuter au choix des armes par l'adversaire lors d'un duel était le signe d'une grande confiance en soi.
Takeshi se remit définitivement en position de combat, soutenant avec aplomb le regard de Mafuyu. Il avait la ferme intention de porter le premier coup afin d'avoir l'avantage. Toutefois, se battre à fond dès le début serait une erreur. Il lui fallait avant tout évaluer la force de son adversaire du jour. Son sourire laissa place à une poker face, un mur d'impassibilité dressé entre son adversaire et lui, afin d'ôter toute prévisibilité à ses mouvements.
Au signal de Mafuyu, Takeshi s'élança vers lui de front. Il utilisa d'entrée une technique offensive de rang D ("Enchaînement pieds/poings) qui lui permit de porter trois coups à son adversaire : un jab du gauche et un crochet du droit vers son visage suivis par un coup de pied gauche latéral en visant son flanc droit.

Takeshi continuait à porter des coups à Mafuyu, sans se donner à fond non plus. Il lui laissait régulièrement le temps de répliquer mais son adversaire n'en faisait rien. Takeshi savait qu'encaisser les coups sans rien faire était un moyen d'évaluer sa puissance, aussi se gardait-il bien de dévoiler toutes ses cartes. Surtout qu'il était sûr que Mafuyu disposât d'une panoplie offensive redoutable. Takeshi pouvait lire dans son regard qu'il le considérait comme son égal et ce sentiment l'emplissait de joie. Son compliment sur sa force confirma cette sensation. Il lui répondit avec une fierté rageuse :

- En effet ! Je dois devenir le meilleur guerrier possible. Puis quand ce sera fait, je progresserai encore !!

Ce combat n'avait aucun sens à proprement parler. Ici, il n'était ni question de défendre son honneur ni de s'entraîner ni de défendre sa vie ou celle d'autrui. Seulement deux combattants s'affrontant pour le plaisir de se battre. En tout cas c'était la vision de Takeshi sur la situation. Ce dernier réduit progressivement la cadence de ses coups jusqu'à l'arrêt complet. Toujours en garde, à deux mètres de Mafuyu, Takeshi le toisa de la tête aux pieds. Cette armure avait fini pas vraiment l'intriguer, il se risqua donc à l'interroger à ce sujet :

- Cette armure. C'est celle d'un peuple en particulier ou tu la portes pour le plaisir?

Son questionnement formulé, Takeshi se tut et resta immobile, sa garde prête, attendant à la fois une réponse et une contre-attaque.