Passer de démanteler une partie du réseau de combats de coqs clandestin à la surveillance est une bien grande chute. Enfin, le premier était de mon fait, j'ai moi-même enquêté avant même d'être un membre de la Kenpei, et le second est simplement ma mission. D'ailleurs, ce fameux réseau de combats de coqs n'est qu'une partie d'un réseau encore plus grand, de combats en général, et lui-même fait partie de ce qu'on appelle plus communément la pègre de Kiri. Si on va encore un peu plus loin, des rumeurs parlent même de liens entre toute la pègre à l'échelle mondiale. Pas quelque chose de cordial, mais des affaires, et des affaires qui marchent. Mais plutôt que continuer à travailler sur ces pistes, je suis là, à regarder les marécages brisés, dont l'odeur suffit à m'empêcher d'utiliser mon odorat lupin. Il est vrai que cet endroit est avant tout un accès - terriblement dangereux - à notre village, mais nombreux sont ceux qui s'y perdent et y meurent avant de pouvoir dire "Kiri".

La journée est bien morne, et le brouillard peu épais, en ce matin, ce qui donne un véritable aperçu des environs. J'y vois des animaux entrer, et ressortir de la tourbière, d'autres entrer, et ne jamais revenir. Une journée banale à ce poste, somme toute. Dois-je réellement m'en plaindre ? Au moins, en comparaison à la surveillance des ports du pays, le nombre de personnes que je suis à même de rencontrer est moindre, et ici, il est très probable que j'ai à me battre plus qu'à discuter. Cela me rappelle ce rebelle qui aimait un peu trop les flammes, avec qui j'ai failli me battre ici-même. Si cela devait arriver aujourd'hui, je l'aurais sans doute réellement attaqué, ne serait-ce que pour la préservation des loups. Ce sont d'ailleurs des flammes qui me tirent de ces pensées superflues. Cet idiot serait-il de retour ?

"Et moi qui pensais ne croiser personne."

Une partie de la végétation est détruite, autour du lieu d'où proviennent les gerbes orangées, et même si je suis indifférent à cela, mon rôle m'oblige à interpeller la personne responsable. Détruire un tel monument de la culture Kirijine, et même Mizujine, ça ne peut pas rester impuni. A moins que la personne n'ait une très bonne raison, sachant que s'entrainer n'est pas une excuse puisque des lieux sont prévus à cet effet à l'intérieur des murs du village. Je me déplace donc à la fois vite et discrètement, jusqu'à atteindre l'intrus. La première chose que je réalise, c'est qu'il a l'air puissant, mais je ne peux pas juste faire demi-tour. Je bondis donc pour me retrouver face à lui, mon air indifférent habituel sur la face. Sa tête ne me dit rien, je n'ai jamais vu ce roux dans les environs, néanmoins je ne suis pas non plus omniscient, et il est possible qu'il soit de Kiri. Je commence donc par une phrase qui ne se veut ni agressive, ni permissive.

"Êtes-vous Kirijin ? Savez-vous que ce lieu n'est pas fait pour pratiquer le ninjutsu ? Et que cherchez-vous à accomplir avec votre acte précédent ?"

J'écoute les paroles et suis les gestes de l'homme qui me fait face. Il appartient bien à Kiri, comme en témoigne le bandeau accroché à son bras, que je n'avais pas remarqué dans ma grande lassitude. Cela enlève déjà un problème, mais Kirijin ou non,ce que fait cet homme n'est pas légal, et je me dois de le réprimander. Néanmoins, il ne m'en laisse pas vraiment le temps, et continue son rituel assez particulier. Je n'essaie pas de l'interrompre, du moment qu'il ne carbonise pas le reste des marécages, je pourrai toujours le réprimander après. Et ma curiosité est légèrement attisée par cet étrange énergumène, et ses activités pour le moins originales. Il utilise donc plusieurs jutsus, faisant montre de sa maîtrise de différents éléments, et je reste en retrait, les bras croisés. Des mouvements se produisent et se répercutent, à une distance pour le coup énorme. Finalement, un anima surgit, et se met à parler. Je me doute qu'il s'agit du genre d'animal que les shinobis peuvent invoquer, pour en avoir déjà vu par le passé. Mais comment cet homme savait qu'il trouverait une telle créature à cet endroit, et pourquoi le renard a-t-il réagit ? Je l'écoute alors, et je laisse les deux dialoguer comme ils le veulent, après tout je ne suis pas là pour me faire des amis, et de préférence, pas pour me faire d'ennemis non plus.

Alors ce rouquin souhaite conclure un pacte avec le renard ? Eh bien, cela me donne au moins un aperçu du ridicule de ce genre de rencontres. Pour ma part, je n'aurais qu'à trouver des loups incapables de parler, et assoir ma domination sur eux par le biais de ma forme animale, et ainsi j'aurais également des animaux, bien plus nombreux, à mes ordres. Mais bon, le concept de Kuchyiose est un peu différent, pour le peu que j'en sais,et il paraîtrait même que ces bêtes-là soient capables d'utiliser le ninjutsu, et d'autres artifices des shinobis. Lorsque l'immaculé demande si nous comptons nous battre,je secoue lentement la tête.

"Ce que vous faites ici ne me concerne pas, mais si vous commencez à tout saccager, alors je devrais vous passer les fers, tous les deux. Je me fiche de quel genre de pacte vous comptez faire, mais je vais rester pour m'assurer que tout se déroule sans que Kiri ne soit impacté en mal."

Je ne bouge pas d'un poil, mais je suis prêt à réagir au cas où le mastodonte décide de ne pas être cordial. Il se pourrait même que j'aie à le tuer, si celui-ci me considère dans son équation sordide. De mon côté, je ne suis même pas un arbitre, plutôt un policier en activité, en train de surveiller que personne ne commet de crime... ou plutôt, que personne ne commet plus de crimes...

Je bâille en regardant cette scène, qui est sans nul doute très étonnante, mais pour me tirer une expression, quelle qu’elle soit, il faut être vraiment doué. Un renard géant qui parle avec un roux qui détruit tout autour de lui pour son ambition personnelle, ce n’est pas une chose si rare dans le Yuukan, je suppose. Cependant, je ne peux laisser des choses fausses être dites sur moi, et je réplique, sans vraiment hausser le ton mais pour au moins replacer la vérité à sa juste place.

« Je ne suis pas ici par hasard, je suis chargé de la surveillance de ce secteur. Et je ne compte pas manquer à mon devoir. »

Pour la suite, je regarde le puissant shinobi s’assoir devant celui qu’il veut dompter. Pour moi, il s’agit là d’une façon d’agir peu judicieuse face à une entité contre qui l’on veut paraître fort. D’autres diraient que cela montre une grande confiance, et peut donc impressionner l’animal. Le jeune homme semble un peu agacé d’être appelé le rouquin, mais en l’absence de présentations, il n’est pas étonnant que le poilu ait à trouver des surnoms. Pour ma part, être appelé le brun ne me dérange pas, c’est ce que je suis depuis la naissance après tout. Les propos qui suivent sont à mon attention, mais je n’y crois pas vraiment. Qui s’embêterait à réparer ses dégâts dans un lieu aussi inhospitalier ? Le garçon aux cheveux écarlates n’a pas l’air aussi bienveillant.

Le renard propose alors un défi, que je trouve pour le coup assez banal, et qui ne devrait pas être difficile à réaliser. S’il s’agissait de moi, je n’aurais qu’à user de mon Doton pour me cramponner à la bête, et alors je serais son maître légitime ? Eh bien, si tel est le cas, alors peut-être que je vais finir par me laisser tenter par l’idée d’asservir un animal, le privant ainsi de sa liberté. Enfin, en y réfléchissant, ce n’est pas mon genre de priver quiconque de sa volonté propre. Le spectacle commence alors, et je me tiens prêt à l’interrompre à tout moment si l’un des deux se met à causer plus de chaos par ici.

J'assiste à cette scène pour le moins irréelle, restant tout de même impassible, car peur de choses réussissent à m'impressionner dans ce monde. Je n'ai pas grand intérêt dans cette chasse de pacte d'invocation, n'ayant pas besoin d'un animal de compagnie pour moi. En fait, je suis moi-même capable de me transformer, alors les capacités d'un autre animal me seraient inutiles, au fond. Restant à observer cet homme tenter de rester sur le dos du renard, je me demande si quelqu'un n'a jamais pensé à faire de cela une épreuve sportive. On pourrait appeler ça du Rodeo Sportif, et le but serait de tenir le plus longtemps possible sur le dos d'un quelconque animal réputé pour être difficile à dompter. Enfin, je ne risque pas de l'inventer, dans tous les cas, mon rapport aux événements de ce genre étant très limité, voire inexistant. Je suis tiré de mon ennui lorsque cette chevauchée fantasque prend fin, et que les deux ont une nouvelle discussion. Il semblerait que le roi des renards s'avoue vaincu, aussi facilement, et propose donc de signer un pacte avec Tatsuya.

"C'est donc si simple ?"

Me dis-je à moi-même, trop loin pour être entendu par le roux, et au mieux perçu par son animal domestique. Je le vois trancher sa paume pour signer de son sang, comme semble lui indiquer le monstre. Lorsque cette rencontre s'achève, la bête semble confier quelque chose de top secret à son nouveau maître, avant que celui-ci ne revienne vers moi, pour s'incliner en guise de remerciements.

"Pas la peine de me remercier. Vous n'avez pas tout saccagé, alors je n'avais pas de raisons d'intervenir."

Je regarde les alentours, et mes yeux se posent de nouveau sur le rougeoyant. Je ne compte pas tout remettre en place moi-même, mais ses aptitudes semblent adaptées. Je lui désigne donc son œuvre:

"J'aimerais que vous redonniez au moins un peu son état d'avant à ce lieu. Il nous sert de barrière naturelle contre les envahisseurs, alors il serait pratique qu'il reste le plus intact possible. Sur ce..."

Sans dire au revoir, je me retourne, et repars vers mon poste de garde, espérant ne pas retomber sur quelqu'un, sauf si son attitude me donne le droit de le passer à tabac, ce qui me ferait le plus grand bien. D'ailleurs, ce gros renard ne risque pas d'être un problème, s'il se balade avec lui dans le village ?

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