Le complexe scientifique était un des rares endroits où le Nara n’avait pas sa place ; en effet ses capacités ninjas n’en faisait pas un allié pour les médecins et autres chercheurs. Mais le clan de l’Ombre avait d’autres atouts pouvant servir à l’avancée de Kumogakure no Satô. Comme à l’époque de Hi no Kuni, ils avaient privatisés une partie de la forêt et l’avait érigée en lieu secret et interdit où seuls les leurs pouvaient se rendre et interagir avec ce qui s’y trouvait. Là, faune et flore cohabitaient dans des circonstances particulières, propices à certaines choses. L’essence de tout cela pouvait donner des croisements et des choses jusque là impossible ; et c’est bien la rareté de ceci qui augmenta leur valeur. Assez pour intéresser lesdits chercheurs.
C’est en sa qualité de Nara qu’il se rendit donc aux portes de l’immense complexe, son énorme rouleau dorsal aux sceaux remplis de plantes et autres cadeaux de la nature récoltés dans leur havre de paix, comme les bois de leurs daims, servant de remèdes à bien des maux. Arrivé à l’accueil, il parlementa quelques minutes avec l’hôte pour faire valoir son identité et ses prétentions, jusqu’à être guidé au bureau de l’un des médecins à qui remettre les denrées.
L’endroit était vide, son rendez-vous se faisant attendre, sûrement dû à une urgence quelconque ; être médecin était une occupation éprouvante et demandante et il ne se sentit pas insulté, s’octroyant le droit de coller son dos à l’un des murs en analysant l’endroit. C’était un bureau appartenant à une kunoïchi, à en juger par l’agencement ; laquelle, il ne le savait point, faute à son peu de contact avec cette faction du Nuage.
Peut-être était-ce le début d’une longue collaboration ? Ou peut-être pas. Toujours était-il qu’il se tenait dans la pièce sombre, sa large ombre dansant au gré des luminaires. Cela faisait déjà quelque temps que Kurayami -le nom qu’elle portait- n’avait pas fait valoir sa domination sur autrui ; pourtant cela ne lui manquait pas. Le calme relatif de sa vie actuelle avait ce quelque chose de reposant, parfait pour un flegmatique dans son genre.
Avant que n’importe quel signe extérieur lui fasse sentir la présence de sa future interlocutrice, il put ressentir son chakra. Il n’y avait aucun doute à avoir.
La course. La vie à l’hôpital oscille continuellement entre deux extrêmes : soit c’est le calme plat et il ne se passe rien, soit c’est complètement l’inverse et Chiaki n’a pas le temps de se reposer. Aujourd’hui est une journée pleine de vie, pleine de surprises. Les urgences se bousculent, les infirmières courent presque dans les couloirs pour trouver des chirurgiens. Une raison à tout ce bazar ? Une bagarre qui a mal tourné. Les civils se tiennent encore moins bien que les ninjas. Ils se prennent pour des héros, à manipuler des outils qui n’ont jamais demandé à servir d’arme de crime. M’enfin. Chiaki coud, recoud, découd. Quand il faut chercher plus loin et s’occuper des organes abîmés, elle y va aussi. Pas de peur, pas d’hésitation. De toute façon, dans son métier, le moindre doute peut condamner un être. Alors elle se jette les deux pieds dedans sans même réfléchir. Mais là … Là, Chiaki a besoin de réactiver ses neurones pour faire autre chose.
La chirurgienne s’assure que tous les patients soient au moins sur pieds, qu’il n’y ait plus besoin d’elle, avant de s’éclipser lentement. Juste une pause, rien qu’une petite pause, entre deux tables d’opération … Cette idée la séduit, peut-être un peu trop pour ce qu’elle représente. Ses pas la font progresser dans le gigantesque labyrinthe hospitalier, jusqu’à la mener dans ses quartiers. Son petit monde rien qu’à elle. Chiaki hésite avant de poser sa main sur la porte. Il y a quelqu’un. Une source de chakra plutôt puissante, d’ailleurs. Elle arque un sourcil. Qui ? Pourquoi ? Avec l’urgence absolue ? La brune ouvre son bureau et y pénètre.
Ses prunelles émeraudes se déposent sur sa droite, où elles croisent une silhouette inconnue. Un sourire amusé étire rapidement ses lèvres. On pourrait croire à une intrusion, mais si cette personne se trouve ici, à ce moment précis, elle y a été invitée. Chiaki voit en cet homme une manière d’échapper à son devoir, mais peut-être que cette rencontre est pire que son travail ? Qui sait ?
« Bonjour. »
Juste un mot, avant de s’avancer tranquillement jusqu’à son bureau. Elle s’installe sur son siège en exhalant un long soupir. Poser ses fesses n’a jamais été aussi satisfaisant. Confortablement assise, ses yeux repartent à l’assaut de l’inconnu. Un grand parchemin, un être plus grand qu’elle d’une bonne vingtaine de centimètres et âgé de … Hm … Elle réfléchit. Environ vingt-cinq ans. Peut-être vingt-six, mais pas plus. Chiaki se rapproche de son bureau avec son siège et, d’un signe de la main, invite l’inconnu à prendre place face à elle.
« Je suis Sentetsu Chiaki, chirurgienne de cet établissement. Veuillez pardonner mon absence, l’hôpital est en ébullition aujourd’hui. »
Elle réajuste ses lunettes sur son nez et détache ses cheveux jusque-là noués en une queue haute. La chirurgienne a désormais un air plus accueillant, beaucoup moins froid et sûrement moins professionnel.
« Alors, dîtes-moi, monsieur … » La Chûnin fouille ses papiers et remarque qu’il n’y a aucune information à son sujet. Pas de nom, pas de précision, rien. Il est là, c’est tout. Elle arque un sourcil. « Eh bien, je ne sais même pas qui vous êtes, veuillez m’excuser. Que puis-je pour vous ? »
Sourire de circonstance. La vie à l’hôpital, soit c’est tout doux, soit c’est complètement le bazar. Elle soupire. Peut-être que cet homme est un envoyé de la providence, présent ici pour calmer les tensions et lui permettre d’ajouter un peu de calme à sa journée marathon. Peut-être est-ce l’inverse. Chiaki prie silencieusement pour qu’il soit une pause dans cette course contre-la-montre, ne serait-ce que pour une poignée de minutes.
À son salut presque amical s’il n’était pas solennel, signe qu’elle avait bien compris les intentions non-hostiles du Nara, le Nara répondit par un simple port-de-tête abaissé, découvrant sa nuque comme il était l’usage à cette époque. Regardant à qui il avait à faire sans se montrer irrespectueux comme certains énergumènes face à des courbes féminines, ses yeux de jais se plantèrent pour saisir le regard émeraude de la doctoresse derrière le verre de ses lunettes.
La jaugeant en étant encore debout, il ne se formalisa pas du geste et accepta l’invitation à se poser tranquillement sur l’un des fauteuils confortables du bureau de l’employée Kumojine sans se presser. Chez lui, on ne pouvait lire ni appréhension ni aucune gêne. Observant la demoiselle se mettre à l’aise tout en l’écoutant, son fin rictus se mua en sourire poli ; lui garderait sa queue de cheval strictement attaché. Cependant, il pouvait comprendre l’importance d’un moment tel que celui-ci pour les professionnels de son domaine, devant assumer en plus de leur simple charge de shinobi la vie des malades et autres blessés.
« Watashi wa Kansei no Nara Ichizoku. » Il accompagna sa phrase de son simple sourire peu marqué. « Vous êtes pardonnée, je suis plutôt le fautif à vous attendre dans l’ombre de votre havre de paix. » Dénotant avec ses mots à cause de son air plus à l’aise qu’autre chose, son flegme habituel empêchait la gêne.
« C’est de mon fait, j’imagine. Je me suis annoncé plus tôt en arguant avoir de quoi aider les praticiens de l’établissement ; depuis des décennies mon clan cultive, élève et protège faune et flore. Je suppose qu’il est temps que les fruits de ce travail bénéficie pleinement à Kumogakure. » Quelques fois, un médecin informé venait réclamer telle ou telle plante aux siens, mais cela serait bien plus facile si le libre-échange était instauré, ou au moins personnifié entre deux relais de ces factions. Certains voyaient encore les Nara comme des gens trop intelligents pour être honnête ou semblables aux quelques fourbes ayant participé à l’élection de Seijiro. Kansei lui était propre sur lui quant à cela, encore Hijin à l’époque ; bien que son affiliation passée pouvait aussi être vu comme une raison de soupçons…
Tout en finissant sa phrase, il fit pivoter le rouleau pour le faire devenir droit tel un pilier, déroulant petit à petit le papier fin et calligraphié. En passant son index sur certains sceaux inscrits, il en sortit plusieurs échantillons ramenés pour l’occasion.
« Voilà quelques aperçus des bénéfices de la Kōen Nara. J’imagine que vous êtes mieux placés pour estimer leurs utilisations réelles. » Cachant plus par respect que par réelle ignorance ses connaissances dans le domaine qui n’avait aucune raison d’être découverte sans qu’il en paraisse pour autant de la moindre micro-expression, il regarda avec bienveillance celle qui avait soupiré, espérant ne pas être pressé par un ultimatum ou la lassitude de la journée que passait la Chirurgienne aux yeux béryl.