Avoir le grade de chûnin a son utilité. Pouvoir sortir du village sans avoir besoin de se justifier est un luxe que les aspirants ninjas n’ont pas. Wutu-Fuku est conscient de cet avantage, mais aussi des inconvénients qui en découlent. Les recherches du Kaguya sur le Dieu de l’Eau sont au point mort. Personne ne sait rien. Et peu savent que le Kaguya sait. Les récents événements de Wasure no Kuni sont dans toutes les têtes, et permettent au jeune homme d’arriver à une conclusion très simple : les seigneurs n’aiment pas les curieux, et n’ont aucune vergogne à les faire disparaître. Impossible donc d’aller demander des informations directement à la seigneurie. Non seulement le Kaguya ferait tomber le masque concernant les informations qu’il a à sa disposition, se metant ainsi potentiellement en danger, mais il pourrait aussi causer une réaction en chaîne chez les dirigeants du Pays de l’Eau pour cacher avec encore plus de vigueur toutes les informations qu’ils ont à leur disposition.

Les seigneurs, Wutu-Fuku n’en a jamais eu grand-chose à faire. Ao est un traître, comme si cela changeait quoi que ce soit. L’espèce de conseil de hauts dignitaires qui dirige actuellement le Pays ne vaut pas mieux. Kiri n’a reçu aucune information de la tête du Pays de l’Eau. Le Kaguya n’a reçu presque aucune information lorsqu’on lui a demandé de risquer sa vie sur le Pays Oublié. Alors eux non plus n’auront aucune information de la bouche du chûnin. Il mènera sa barque seul, dans un océan d’incertitudes et de menaces cachées.

Attentifs, les nombreux gardes qui surveillent le village et ses alentours ne manquent pas de remarquer la présence du chûnin, qui fait comme s’il allait simplement cueillir des champignons.

-Messieurs, bonsoir. Prévenez les autorités que je m’absente quelques jours.

Passant les portes du village sans se cacher des gardes, qui le reconnaissent, le kirijin parcoure désormais les restes des marécages… les apparitions publiques de Wutu-Fuku se sont succédé ces derniers temps. La réunion pour la Caserne, le discours de retour de Wasure no Kuni… Peut-être se demanderont-ils pourquoi il quitte l’enceinte du village à cette heure si tardive. Le Kaguya n’a pas prévu de s’absenter trop longtemps. Mais il est persuadé d’une chose : s’il n’y a aucune information disponible, il faut aller enquêter sur le terrain.

Les écrits du livre dérobé aux archives du village évoquent une île en particulier. Ue se prête bien aussi à ce genre de légendes, l’île étant la plus sauvage du Pays de l’Eau. Mais c’est presque « trop » évident. Peut-être faut-il penser autrement. Changer de point de vue. Une île sur laquelle des choses étranges se passent. Une île impossible à identifier, tant les textes restent vagues. Mais si les écrits sont si imprécis, c’est peut-être car l’île en question était évidente pour l’auteur. Peut-être est-ce l’île principale.

L’île la plus grande de l’archipel de Mizu no Kuni. Ce qui signifie également l’île sur laquelle il y a le plus de chances de trouver des endroits inexplorés. C’est ce que vise le chûnin : soulever une par une toutes les pierres jusqu’à trouver le moindre indice en dessous.

Aidé par sa maîtrise du chakra, Wutu-Fuku avance de branches en branches à travers les forêts de Mizu. Sa première cible, le village d’Ôki, visité récemment avec l’aide du jeune Shitekka, nouvel élève de Shyko. Si les archives du village ne donnent aucune information pertinente, il faut aller chercher du côté des anciens. Puisque le chûnin se donne à fond sur le chemin, il n’a pas besoin de beaucoup de temps pour rejoindre la petite bourgade côtière. Une heure lui suffit, sans se donner à fond. Le soleil est désormais timidement debout, laissant les locaux se réveiller au son des coqs. Quelques villageois semblent reconnaître le chûnin qui leur a rendu visite il y a quelques temps. Les petits villages de Mizu no Kuni sont nombreux. Les locaux voient en général d’un bon œil les Kirijins, qu’ils assimilent à l’importante réduction du banditisme sur l’archipel. Même si des efforts restent à fournir du côté des shinobis des villages cachés. Comme lors de sa première venue, l’objectif du Kaguya est déjà clair : le chef du village. Un homme sage, qui saura lui dire ce qu’il sait. Mais le ninja de Kiri devra être prudent et rester aussi vague que possible pour ne pas compromettre sa couverture.

Les deux gardes de la dernière fois reconnaissent le Kirijin. Gong, le gardien chauve ventripotent s’incline légèrement devant le représentant de Kiri en guise de salutation, bientôt imité par le visiteur.

-Maître Kaguya, nous ne vous attendions pas à votre retour aussi vite… que pouvons-nous faire pour vous ? Vous venez demander audience avec le grand chef, je suppose…

Sinon, il ne serait pas ici.

-Oui, il est un peu tôt, j’espère ne pas le déranger.

-Oh non, il est matinal. Mais je vous conseille d’attendre ici : il ne devrait pas tarder à sortir de lui-même pour ses ablutions matinales dans un ruisseau situé sur les hauteurs du village. Vous pourrez vous joindre à lui à ce moment.

-Soit.

La présence des deux gardes peut être gênante pour l’enquête du chûnin, mais il doit certainement pouvoir obtenir un peu de tranquillité puisqu’ils vont visiblement dans un lieu un peu isolé… comme indiqué par Gong, le chef du village sort de sa maison quelques minutes plus tard. Il est lui aussi étonné de voir Wutu-Fuku sur le pas de sa porte.

-Oh, maître Kirijin ! Devons-nous évacuer ?

Les deux gardes ouvrent grand les yeux et se regardent l’un l’autre, un peu désemparés. La question de l’évacuation d’Ôki a été abordée lors de la dernière entrevue, il est donc logique que ce soit la conclusion à laquelle le dirigeant local soit arrivé. Le chûnin désamorce sans attendre la tension.

- Non, non, rien de tout cela, ne vous inquiêtez pas.

Le vieil homme soupire de soulagement, comme ses deux « gardes ». Le second garde s’avance, tournant la tête vers son chef.

-Le Kirijin souhaite vous parler. Comme c’est l’heure de vos ablutions, nous lui avons suggéré de se joindre à vous.

-Ah, excellente idée ! Venez, nous n’en avons pas pour longtemps.

Les quatre hommes empreintes un sentier qui monte vers une sorte de colline, surplombant le village. Les habitations laissent peu à peu la place à des arbres, puis la forêt reprend ses droits. Quelques minutes plus tard, ils arrivent à une rivière, qui doit certainement se jeter dans l’océan un peu plus loin.

Quelques oiseaux piaillent et s’en vont rejoindre les branches ne voyant arrivée les quatre hommes. Ils sont également imités par quelques petits mammifères, à la recherche de nourriture suite à la fin de l’hiver. L’endroit est assez sauvage, mais une sorte de petit autel permet de voir que le lieu est régulièrement visité par les locaux, ou au moins le chef local. Les deux gardes restent en retrait tandis que le vieil homme s’avance vers l’autel. Wutu-Fuku reste immobile dans un premier temps. Le vieillard se retourne, l’air étonné, puis fait signe au kirijin qu’il peut le suivre. En s’approchant, il peut distinguer plus en détail le contenu de ce qui semble être un lieu de culte. Des caractères sont gravés sur une stèle, elle-même surplombée par rapport au sol par une large dalle en pierre. Le chef d’Ôki allume quelques bâtons d’encens qu’il pose dans un petit bol en roche avant de s’asseoir en tailleur et de joindre les mains dans un signe de prière, tout en restant silencieux. Les yeux fermés, le vieil homme semble absorbé par sa méditation. Wutu-Fuku ne sait pas trop ou se mettre en attendant. Il attend donc un signal de son hôte, qui ne viendra que quelques minutes plus tard, tandis que le vénérable quitte sa méditation en s’inclinant devant la stèle.

-Vous avez certainement remarqué, lors de votre précédente visite, que mon intérieur est marqué par une croyance… je suis certes chef « administratif » de ce village, mais aussi chef spirituel de la communauté qui l’occupe. C’est donc ma responsabilité d’honorer nos Dieux afin qu’ils nous apportent la bonne fortune et la prospérité des récoltes.

Les caractères sur la stèle évoquent le nom des divinités locales. Très prévisible, le principal caractère est lié à l’océan, première source de nourriture pour les villageois d’Ôki.

-Mais je vous embête certainement avec mes histoires ! Vous vouliez me parler ? Je suis à vous…

-Hé bien, je suis en ce moment en quête… culturelle, si on peut dire ça comme ça. Peut-être que cela va vous surprendre, mais j’aimerais beaucoup que vous me parliez de vos Kamis.

Le vieil homme plisse les yeux un instant, puis affiche un grand sourire sur son visage.

-Ah ! Que cela fait plaisir de voir un jeune intéressé par le patrimoine culturel ! Bien sûr, de nos jours, il y a d’autres priorités, j’en conviens. Mais si les jeunes ne s’intéressent pas à leur propre culture, personne ne le fera à leur place et cela va disparaître… c’est navrant. Mais bon… j’honore les Kamis locaux de manière quotidienne ! L’heure n’est pas fixe, il faut juste que je le fasse peu après le levé du soleil. On organise aussi deux festivals annuels, au solstice d’été et d’hiver…

Ce n’est bien sûr pas ce qui intéresse le chûnin, mais il écoute pour ne pas paraître trop précipité dans ses démarches. Mais aussi par simple respect pour le temps que l’ancien lui accorde.

-Oh, et à quoi ressemble donc ce fameux Kami de l’eau ?

Le vieillard se renfrogne un instant, comme si le chûnin venait de toucher un point sensible.

-Hmrmr… je vois ce que vous voulez dire…

Wutu-Fuku plisse les yeux à son tour. La tension monte, jusqu’à ce que du sang commence à couler depuis le nez du chef du village.

-Hé bien selon la légende c’est une très belle jeune femme simplement habillée avec un voile presque transparent !

Le vieil homme affiche désormais sur son visage un air un peu lubrique.

Visiblement, Wutu-Fuku et l’ancien d’Ôki ont une perception différente de la « culture ». L’expression sur le visage du chef du village devient presque lubrique. Le chûnin n’ose pas tourner la tête pour voir ce que font les deux « gardes ». Mais c’est peut-être pour cela qu’ils se tiennent aussi éloignés de la stèle. Le chef religieux perd un peu de sa superbe aux yeux du Kaguya. Il n’apprendra visiblement rien d’intéressant ici. Mais ce n’est pas une fatalité à ses yeux. C’était prévisible. Il va falloir explorer de nombreuses pistes avant de trouver quelque chose d’intéressant. Le moral est encore intact, et c’est ce qui sera décisif pour ce voyage. En plus de ce Kami de l’eau, on peut également noter l’existence du Kami des récoltes, qui est représenté sous la forme d’un bousier. Le Kirijin reste encore quelques minutes à écouter le vieil homme déblatérer, avant de finalement prendre congé et de s’en aller.

Il fait jour maintenant. L’air est encore frais, l’hiver souhaite rappeler aux mortels qu’il peut encore se montrer un peu, avant que les beaux jours n’éclipsent totalement la possibilité de revoir de la neige avant la prochaine saison froide. Il se passe plusieurs heures avant que le chûnin ne se décide à faire une petite pause, incité par sa vessie. Il pose son sac à terre et, se soulageant derrière un arbre, il entend à peine des bruits de pas légers dans l’herbe derrière lui. Le Kirijin tourne bien sûr logiquement la tête, pour apercevoir un petit chien qui fixe son sac avec intérêt. Un Shiba Inu au regard gourmand. Certainement a-t-il été attiré par l’odeur de nourriture. Il avance à pas légers, guidé par son instinct de prédateur, avant de lever les yeux et de croiser le regard du Kaguya. L’animal s’arrête et ne baisse pas les yeux. Il y a de l’électricité dans l’air. Le jeune homme aurait juré avoir observé de la fourberie sur le visage de son adversaire poilu. D’un coup, le chien prend appui sur ses puissantes pattes arrières pour bondir jusqu’au sac de vivres du shinobi.

-Non pas maintenant !

Pris au piège, Wutu-Fuku ne peut se retourner et intercepter le petit canidé qui lui dérobe son sac à l’aide de sa mâchoire, avant de foncer en direction des buissons. Le Kaguya doit encore attendre quelques secondes avant de pouvoir commencer sa traque. Quelques secondes qui peuvent faire la différence. Mais le chûnin n’est pas né de la dernière pluie et ce n’est pas un chien sauvage qui va réussir à le distancer.

Guidé par ses oreilles, le shinobi de la brume entame la course poursuite. D’un bond, il se propulse sur les branches des arbres alentours, ce qui lui donne une meilleure visibilité des environs. Utilisant son chakra pour aller plus vite, il retrouve vite la trace du petit voleur, qui n’a pas pu aller aussi loin qu’il ne le pensait visiblement. Le sac est assez imposant si on prend en compte le gabarit de l’animal, il a eu les yeux plus gros que le ventre. Wutu-Fuku attend d’être presque pile au dessus du Shiba avant de fondre sur lui.

D’une charge gracieuse, le Kaguya se propulse depuis la branche sur laquelle il trône, en direction du Shiba Inu chapardeur. Le kirijin est en un clin d’œil sur le canidé, et une fois au niveau de sa cible, attrape d’un geste ample le sac qui est dans la gueule de son adversaire. Ce dernier s’accroche à son trésor comme si sa vie en dépendait. Utilisant toute la puissance de sa mâchoire, le petit animal tente le tout pour le tout. Mais le chûnin est bien plus lourd que son ennemi, et il peut donc soulever le sac, et donc le chien avec, qui se retrouve bien embêté dans une telle situation. Il tente de se débattre tant bien que mal, en vain. Les grognements de frustration du shiba n’atteignent pas le bipède qu’il vient de voler. Finalement, après quelques secondes supplémentaires, il lâche prise avant de s’enfuir dans un des nombreux buissons alentours. Wutu-Fuku n’a aucun intérêt à poursuivre l’animal. Il n’a pas spécialement un esprit de vengeance, surtout contre un chien. Cette courte course-poursuite aura au moins eu le mérite de le faire courir. Il s’apprête à repartir, mais se stoppe dans sa course devant un phénomène plutôt étrange…

-Que…

Le shinobi regarde autour de lui. Il se frotte les yeux mais est obligé de constater l’évidence. Le décor autour de lui n’est plus le même que quand il est arrivé, si bien qu’il est incapable de dire par où il est arrivé. Il est purement et simplement perdu. Peut-il conclure que tout ceci était un stratagème pensé pour le perdre volontairement dans les bois ? C’est un peu tiré par les cheveux. Le Kaguya saute et monte sur un arbre jusqu’à la canopée pour y voir plus clair autour de lui.Mais il ne voit rien qui pourrait l’aider. Il redescend donc de son perchoir, bredouille.

Un civil aurait pu paniquer dans une situation de ce genre. Mais pour un individu qui sait utiliser le chakra, ce n’est pas un problème. Le kirijin est bien plus endurant qu’un mizujin lambda. Il n’a qu’à courir dans une direction sans s’arrêter jusqu’à tomber sur une construction humaine ou sur le bord de mer, qu’il n’aura qu’à suivre, le littoral du Pays de l’Eau étant parsemé de villages et autres habitations de pécheurs ou de marchands. Le jeune homme soupire et remet son sac sur son dos avant de mettre en œuvre son plan. D’un bond, il retourne sur les hauteurs afin de prendre la route.

Mais la progression à travers la forêt est plus pénible qu’avant. Les arbres sont plus sombres et la luminosité diminue. Les branches sur lesquels s’appuyer sont plus petites, moins stables, ce qui pousse le chûnin à adopter une progression au sol. Ce qui n’est pas mieux. Les buissons sont plus épais, il est donc difficile de s’y faufiler pour avancer. C’est comme si la forêt entière se liguait contre lui. Peut-être un peu trop d’ailleurs.

-Et si…

Et si finalement, sa première intuition est la bonne ? Que tout ceci est bel et bien un stratagème ? Le Kaguya veut en avoir le cœur net. Il compose un unique mudrâ avant de lancer une technique.

-Kai !

Le Kai est une technique qui permet à son utilisateur de se libérer d’un genjutsu en déversant une quantité d’énergie dans son organisme pour perturber son flux chakratique. Le chûnin sent le chakra se stabiliser en son for intérieur, tandis qu’autour de lui, les buissons deviennent moins épais, les arbres retrouvent des couleurs. La lumière naturelle perce à nouveau la canopée. Il était effectivement piégé dans une illusion. Mais qui a pu lancer ce genjutsu ? Est-ce le Shiba Inu croisé précédemment qui en est le responsable ? Et surtout pourquoi ? Pourquoi un chien capable d’utiliser des illusions s’en servirait de cette manière pour lui dérober son sac ? Il aurait été bien plus simple de dissimuler sa présence pour voler le sac sans se faire remarquer.

Si la végétation a retrouvé des couleurs, le sol n’est plus le même. La terre a laissé sa place à des surfaces plus rocheuses avec un certain dénivelé. Devant lui, une profonde crevasse. C’est la même chose derrière. Lancer le Kai était une bonne idée, mais il aurait dû le faire plus tôt. Avec la distance parcourue, difficile de revenir sur ses pas. Peut-être n’est-ce même pas pertinent. Il ne sait pas s’il a effectivement avancé en ligne droite pendant tout ce temps. Est-ce que le chien lui-même n’était pas un élément de l’illusion ? Combien de temps a-t-il passé dans le genjutsu ? Quel a été l’élément déclencheur ? Peut-être que sa perception du temps a également été altérée, et qu’il a passé bien plus de temps dans l’illusion qu’il ne l’a perçu.

-Tsss… je me suis fais avoir comme un débutant. J’aurais pû me faire tuer, j’ai été trop imprudent.

Des questions qui restent sans réponses, ce qui a le don de frustrer le chûnin. Il se sent plus vulnérable qu’il ne le pensait. Mais se morfondre ne lui permettra pas de sortir de cette situation. Il faut se remettre en route. De rapides vérifications (il n’a ni faim ni soif) viennent au moins l’informer qu’il n’a pas passé des jours à tourner en rond. Encore une fois, un individu lambda ne pourrait pas se permettre de rester dans la crevasse. Il aurait déjà eu beaucoup de mal à ne serait-ce qu’en sortir.

Les bruits de pas du Kaguya raisonnent longuement, les sons ricochant et provoquant des échos, qui viennent percer un silence presque oppressant. Bien décidé à ne pas se faire piéger une nouvelle fois dans une illusion, il reste sur ses gardes et prend attention aux détails les plus insignifiants. C’est ainsi qu’il détecte, avec une fine écoute, qu’il n’est finalement pas le seul à faire du bruit dans cette crevasse. Il s’immobilise sur une épaisse racine surélevée d’une bonne hauteur par rapport au sol. Avec l’écho, difficile de dire quel bruit provient de l’écho et quel bruit est réel. Un craquement. Dans un geste guidé par l’instinct de survie, Wutu-Fuku esquive jusqu’à se plaquer au bord de la paroi, tandis qu’une gigantesque mâchoire fauche la racine sur laquelle il était, une fraction de seconde plus tôt.

La racine sur laquelle Wutu-Fuku tenait en équilibre un instant auparavant n’est plus qu’une bouillie dans l’estomac de la créature qui a attaqué le Kaguya. Le monstre, propulsé à grande vitesse, parcours plusieurs dizaines de mètres et brise de nombreuses racines supplémentaires avant se réussir à se stabiliser, plantant des doigts presque humains dans la paroi rocheuse pour tenir en équilibre. Le chûnin ne peut voir que le dos de la créature mystérieuse, et sa respiration puissante qui se retrouve amplifiée par l’écho de la crevasse.

Au premier coup d’œil, la créature ressemble vaguement à une salamandre à la peau grise. Mais bien plus massive qu’une salamandre normale. Ce n’est que quand le monstre se retourne que Wutu-Fuku se met à questionner la nature même de cette créature. Car si son corps rappelle bien celui d’une salamandre, son visage est presque… humain. Un regard dans lequel on peut lire un certain malice, une dentition composée d’une myriade de dents acérées et même… un nez ? La chimère qui fait face au Kaguya pousse ce dernier à utiliser un kai, tant ce qu’il a en fasse de lui n’a aucun sens à ses yeux.

Mais il doit se faire une raison… quoi que soit cette chose, elle a tenté de le dévorer. Et elle va recommencer, à en juger par la salive qui coule le long de sa gueule.

Le monstre mi-homme mi-salamandre pousse un nouveau hurlement en direction du Kaguya. La façon dont la gueule de la créature s’ouvre est elle aussi presque surnaturelle, chacune des mâchoires s’étant ouverte sur un angle de plus de 90 degrés. D’un bond, elle fonce sur le kirijin. L’absence de racine pour se déplacer ne la dérange pas, puisqu’elle se déplace sur les murs tel un lézard, plantant ses mains dans la roche. Mais au niveau des réflexes, Wutu-Fuku n’est pas en reste. Alors que la créature s’apprête à le heurter, il bondit jusqu’à trouver un nouvel appui sur lequel se poser, une excroissance rocheuse de quelques mètres.

Il ne pourra pas faire cela éternellement, mais la structure qui l’accueille désormais a l’avantage d’être assez large pour lui permettre de se mouvoir et donc de se défendre autrement qu’avec des esquives qui n’arriveront pas à semer un adversaire de cette taille. Alors que le monstre lui fonce à nouveau dessus, il fait appel aux pouvoirs du Shikotsumyaku. Depuis son corps, une multitude d’os pointus poussent d’un coup et sur plusieurs mètres, à la manière d’un poisson globe. La créature est stoppée par les pieux osseux, mais la technique n’est pas aussi efficace que sur le papier. Certains pieux n’ont fait que glisser sur le corps gras de la salamandre au lieu de la transpercer.

Le monstre relâche tout de même ses prises à cause de la douleur, dans un hurlement qui arracherait presque de la pitié au Kaguya s’il n’était pas en train de jouer sa vie dans ce combat. L’amphibien commence même à chuter vers les profondeurs de la crevasse. Pour Wutu-Fuku, c’est le moment où jamais pour tenter de mettre de la distance entre lui et cette chose.

Il est urgent pour le Kaguya de quitter rapidement cette crevasse. Si la créature est tombée, rien ne dit qu’elle ne pourra pas revenir d’ici peu. Wutu-Fuku a déjà été témoin de ses compétences en escalade et il lui suffirait d’une prise pour pouvoir se relancer dans le combat. Il n’a pas d’autres choix que d’utiliser son chakra pour pouvoir s’accrocher à la paroi et courir à la verticale afin de se mettre en sécurité. Alors qu’il commence à courir, il peut entendre, comme un écho lointain, le cri de la salamandre géante. La réverbération du son provoqué par les parois rend la localisation du monstre difficile. Wutu-Fuku tourne à peine la tête qu’il peut déjà voir son adversaire sortir de l’ombre, au loin. Il décide donc d’utiliser une charge de haut rang, afin de parcourir rapidement la distance qui le sépare de son but. Ce qui fonctionne plutôt bien, puisque le monstre n’est bientôt plus qu’une petite forme lointaine désormais. Le chûnin a à peine le temps de souffler qu’il entend un nouveau bruit. Un sifflement. Alors qu’il foule enfin la terre ferme, au bord de la crevasse, un rocher lancé à toute vitesse vers le haut vient pulvériser l’emplacement sur lequel le Kaguya a atterri. Le choc est puissant et, avant de sombrer dans l’inconscience, Wutu-Fuku se maudit de ne pas avoir pensé que son adversaire était capable d’utiliser ses mains pour lancer des objets.

Wutu-Fuku grommelle en ouvrant les yeux difficilement. Il ne voit d’abord qu’un plafond en bois, avant de tourner la tête vers une personne, de dos, occupé à couper quelque chose sur une table. Et à en juger par la couleur de ses cheveux et leur rareté, elle doit être plutôt vieille. Les sens du Kirijin lui reviennent peu à peu. Et une douleur perçante envahie son corps, l’empêchant de réprimer un gémissement, qui attire l’attention de son « sauveur ».

-Ah, vous êtes réveillé !

Dit le vieil homme en sursautant. Il se précipite au chevet de Wutu-Fuku aussi vite que son dos le lui permet, ce qui laisse l’occasion au Kaguya de mieux détailler l’homme. Il s’agit d’un vieillard qui compense son manque de cheveux par une épaisse barbe. Des lunettes de soleil cachent ses yeux au reste du monde, tandis que la chemise à fleur qu’il porte témoigne d’un certain goût pour la mode.

-Mais... mais ! Ne bougez pas trop enfin, vous avez plusieurs os cassés ! Attendez…

Des os cassés… Wutu-Fuku tique. Il est un Kaguya, après tout. Alors que son corps s’imbibe de chakra, les os cassés se replacent et se ressoudent à leurs emplacements d’origine. Le vieil homme recule de quelques pas, ne réussissant qu’à prononcer un « oooh » de surprise. Quelques instants plus tard, le Kirijin est comme neuf, si on fait abstraction des quelques bleus qu’il a sur le corps.

-J’aurais dû m’en douter. Vous êtes un de ces « shinobis » après tout.

Dit le vieil homme en désignant le bandeau frontal de son invité, posé sur une étagère à quelques mètres. Maintenant capable de se lever, Wutu-Fuku peut mieux détailler l’endroit dans lequel il se trouve. Une habitation en bois plutôt rustique mais qui ne semble pas manquer de confort pour autant.

-Excusez-moi… on ne s’est pas déjà rencontré ?

Wutu-Fuku ne peut s’empêcher de trouver que le vieillard lui a l’air étrangement familier. Ce dernier fait glisser un instant ses lunettes sur son nez, laissant voir deux yeux sombres aux paupières ridées, comme pour indiquer sa surprise suite à la question. Il détaille son invité quelques secondes, faisant mine de réfléchir, avant de faire non de la tête et de remettre ses lunettes à leur emplacement d’origine.

-Non jeune homme, j’ai bien peur de ne pas vous connaître. Mais cela ne m’étonne pas : j’ai un frère jumeau qui habite à Kiri. Peut-être est-ce pour cela que vous pensez me reconnaître.

Un jumeau ? L’explication n’est pas satisfaisante aux yeux du chûnin. Ce prétendu jumeau n’est pas une connaissance du Kaguya non plus. Le jeune homme tente de chasser cette idée de son esprit tandis qu’il marche vers le meuble sur lequel son bandeau frontal repose.

-Merci de m’avoir… sauvé, je suppose ? Je suis Kaguya Wutu-Fuku. Vous êtes ?

-Appellez-moi Rôshi. Oh, et je n’allais pas vous laisser croupir dans votre sang sans rien faire ! Même si visiblement vous vous en seriez tiré sans mon intervention… si même un médecin est incapable de faire son travail de nos jours, où va le monde, je me le demande…

-Vous êtes un médecin ?

-Hé oui !

Dit le vieil homme les mains dans le dos, non sans avoir retrouvé une certaine fierté dans sa façon de se tenir droit.

-Mais j’ai mes limites… et je suis si vieux et si seul ici…

Le Kirijin glisse son bandeau frontal dans son kimono et retourne s’asseoir tandis que Rôshi se lamente sur le manque de compagnie inhérent à son mode de vie, tout en reconnaissant les avantages qu’il peut avoir.

-Au moins les sales gosses ne viennent pas sonner chez moi en pleine nuit ! Et puis, personne ne s’aventure par ici, les gens du coin ont bien trop peur du Seigneur Mashima.

-Le Seigneur Mashima ?

-Oui, une sorte de gros reptile qui vit dans les environs.

Wutu-Fuku bondit de sa chaise assez vite pour faire peur à Rôshi. Le vieillard ne peut que parler de la créature qui l’a attaqué.

-C’est ce monstre qui m’a attaqué ! Qu’est-ce que vous savez sur lui ?

Le visage de Rôshi devient soudainement plus sombre tandis qu’il fouille dans son esprit.

-Hé bien… déjà quand j’étais jeune, il y a bien longtemps comme vous pouvez vous en douter, les anciens nous disaient déjà de ne pas nous aventurer dans les environs, sous peine de nous faire dévorer par le Seigneur Mashima. C’est une créature tantôt vénérée comme un Kami, tantôt crainte comme un démon. Elle est extrêmement dangereuse mais très territoriale, s’aventurant rarement en dehors de sa crevasse.

Le Kaguya a un déclic dans son esprit. Est-il possible que ce Seigneur Mashima soit la cause des illusions qui l’ont emmené jusque dans cette étrange crevasse ? Et si c’est effectivement le cas, pourquoi a-t-il été une cible, plus qu’un autre ?

-Sommes-nous loin de la crevasse ?

-Pas spécialement… une demi-heure de marche, je dirais. Enfin ma marche, et c’est plus compliqué à parcourir avec un jeunot sur le dos, surtout quand on a mon âge ! Oh oh oh, je suis si vieux…

-Pourquoi est-ce que vous vivez aussi proche de cette créature ? Vous n’avez pas peur qu’elle vous attaque ?

Rôshi regarde son invité avec un air étonné et un peu affligé, comme s’il devait expliquer à un enfant pourquoi il faut se laver les mains avant de manger.

-Je vous l’ai expliqué pourtant. Le Seigneur Mashima est territorial. Tant que je ne m’approche pas de son domaine, je ne risque rien. Depuis des années que je vis ici, je n’ai été attaqué que par quelques rapaces et un cochon sauvage. Et je lui ai bien montré qui était le patron !

Dit-il en se tapotant le ventre.

-Mais pourtant vous m’avez retrouvé. Je veux bien avoir été propulsé sur une bonne distance suite au rocher qu’il m’a lancé, mais quand même…ça veut bien dire que vous avez approché son domaine, non ?

Si les yeux de Rôshi sortent de leurs orbites quand le Kaguya dit avoir été frappé par un rocher comme on pourrait être « frappé » par un gland tombant d’un arbre, il commence à chercher un peu trop ses mots aux yeux du chûnin. Le vieillard semble même s’irriter.

-Je… je cueillais des baies sauvages dans les environs, voilà tout !

Wutu-Fuku plisse les yeux, tentant de démasquer un mensonge dans les propos de son hôte. Ce dernier lui tourne le dos en marmonnant dans sa barbe, retournant à son plan de travail, coupant furieusement une pauvre racine qui n’avait rien demandé à personne. Le Kirijin est méfiant, la façon dont il a été happé par un genjutsu plus tôt n’a fait que renforcer son attention. Mais il n’est pas totalement convaincu de la malhonnêteté du vieil homme. Il l’a « sauvé », après tout. Alors qu’il aurait très bien pu l’achever si tel était son objectif à la base. Mais ne pas être malhonnête ne veut pas dire ne pas être un menteur.

-Mouais.

Le Kaguya se lève. Maintenant qu’il est guéri, il n’a aucune raison de continuer à squatter la cabane du vieux Rôshi. Mais cette histoire ne lui plait pas, il y a anguille sous roche.

-Vous êtes certain que vous ne me cachez rien ?

Le vieil homme tourne la tête.

-Mais vous en avez pas assez de chercher la petite bête ?!

-Monsieur Rôshi.

-Je…

Les bruits provoqués par le couteau ralentissent, avant de cesser.

-Je ne peux pas quitter cet endroit.

-Pourquoi ?

-Si je pars, le Seigneur Mashima quittera sa crevasse.

Cette information change la donne. Le vieux Rôshi et le monstre-salamandre sont liés. Mais à la façon dont le médecin en parle, il semble plus prisonnier de cette relation qu’autre chose. Il lâche son couteau et se tourne une nouvelle fois vers le Kirijin.

-Il ne part pas car je le vénère quotidiennement. Si je ne le vénère plus, une seule fois, il ira se déchaîner sur les villages alentours. C’est pour cela que le Seigneur Mashima est tantôt vénéré comme un Kami et tantôt craint comme un démon.

Le destin peut se révéler joueur. Dans sa quête du Dieu de l’Eau, Wutu-Fuku est tombé sur un demi-Kami à l’allure de Salamandre. Si le Kirijin est certain de la nature particulière mais certainement non-divine de la créature, cette dernière reste un problème qu’il convient de gérer d’urgence. Il ne peut décemment pas laisser Rôshi croupir ici, à vénérer un monstre arrogant afin de préserver les villages alentours. C’est moralement infect. Et puis… même en faisant preuve de pragmatisme, il faut bien reconnaître que le vieil homme ne risque pas de vivre encore bien longtemps. Il arrivera fatalement un moment où il redeviendra poussière, comme chaque mortel. Et à ce moment, si le démon Salamandre n’est plus vénéré, il ira se déchaîner sur les innocents des environs.

-Je vais vaincre le Seigneur Mashima.

Dit le Kaguya avec détermination en fixant Rôshi dans les yeux. Ce dernier commence à trembler et s’approche du Kaguya pour l’agripper par le kimono avec une force surprenante pour son grand âge.

-Vous n’avez rien compris, pauvre fou ! La raclée qu’il vous a infligée lors de votre première rencontre aurait dû vous servir de leçon ! Vous ne faites pas le poids…

La voix du vieillard faiblie, à l’image de sa poigne. Il décide finalement de s’asseoir sur le lit.

-Vous êtes encore jeune. N’allez pas à la mort pour sauver un vieil homme. Il me reste quoi, quelques années à vivre au mieux…

-Et que fera le Seigneur Mashima une fois que vous partirez ?

Rôshi n’a aucune réponse à donner à une telle question. Elle est évidente et il est inutile de la formuler.

-Allez au moins chercher des renforts !

Ce serait la chose la plus logique à faire. Monter une équipe de Kirijins pour affronter la créature en ayant plus de chances de victoire. Pourtant, ce n’est pas ce que Wutu-Fuku a envie de faire. Dans sa quête du Dieu de l’Eau, le Kaguya interprète cette rencontre comme un signe, une responsabilité à assumer. Et puis, s’il est incapable de vaincre une grosse salamandre, comment pourrait-il être utile à la Brume dans une situation aussi épineuse ?

Les événements de Wasure no Kuni l’ont placé face à sa propre faiblesse. Wutu-Fuku n’est pas arrogant de nature, mais le fait de rencontrer en personne l’Homme au Chapeau lui a fait comprendre l’écart qui le sépare des puissants de ce monde. Pourtant, les deux hommes ne se sont pas affrontés directement. Le Kaguya a exécuté l’une de ses techniques les plus puissantes, que l’ennemi public numéro un a balayé d’un geste, transformant un géant d’os animé en un simple tas d’ossements tout ce qu’il y a de plus banal.

-Je gagnerais, je vous le promets.

Le duel entre le chûnin et le Seigneur Mashima ne s’est pas déroulé dans des conditions très favorables pour le Kaguya. S’il arrive à amener le combat sur un terrain plus favorable, il pourra faire une meilleure prestation. La salamandre est résistante, mais elle n’est pas invincible pour autant. Certains pieux osseux du Kaguya ont bien transpercés la peau de la créature…

-Tsss… je suppose que je n’ai pas le choix…

Le vieil homme baisse la tête et se fait une raison. Autant aider son invité comme il le peut pour tenter de vaincre le Kami. La seule détermination de Wutu-Fuku à affronter le Dieu/Démon Salamandre ne suffira pas pour vaincre. Et s’il souhaite faire sortir le Seigneur Mashima de sa crevasse, il va devoir ruser. Comme l’a indiqué Rôshi plus tôt, la créature ne sort pas d’elle-même de sa tanière.

-Il n’y a rien de susceptible de pousser le Seigneur Mashima à quitter son domaine ?

-Non, si ce n’est… un affront. C’est encore pire que de ne pas le vénérer.

-Un affront ?

Ce n’est que logique, en fin de compte. Vénérer le Seigneur Mashima permet de garder un statu quo. Ne pas le faire le poussera à aller se déchaîner dans les environs. Mais s’il est insulté, alors il ne peut que tenter de se venger de l’imprudent qui a osé lui manquer de respect. Mais comment est-on censé manquer de respect à une Salamandre ?

-Vous avez beau être un shinobi, vous n’êtes pas très inventif sur les choses simple… je ne sais pas moi, pissez dans la crevasse, soyez créatif ! Ce n’est pas bien compliqué pourtant !

Le vieux Rôshi grommelle dans sa barbe.

-J’exécute mon rituel de vénération chaque matin. Si l’affront est effectué à la place de l’adoration, alors il n’y a aucun doute : il sortira de la crevasse… mais soyez prévenu : il vous attaquera cette-fois si avec une forte motivation. Il va vous détester.

Les deux hommes continuent à échanger sur le plan. Il est convenu de contre-attaquer le lendemain matin, après une nuit de repos nécessaire au Kaguya après les épreuves qu’il a traversé plus tôt. Wutu-Fuku est content de trouver dans son inventaire un parchemin explosif et du fil de fer : parfait pour tendre un piège à la créature. Il ne reste plus qu’à patienter, désormais…

Le lendemain matin, le duo se lève aux aurores. Rôshi tente tant bien que mal d’être un soutien moral pour le jeune Kirijin. Il ne peut pas faire beaucoup plus. Après un dernier échange, le Kaguya quitte la cabane, direction la crevasse. Une fois arrivé, il place stratégiquement son fil de fer le long du bord, afin de créer un mécanisme de déclenchement pour son parchemin explosif. Une fois le piège installé, il ne reste à Wutu-Fuku qu’une seule chose à faire.

-Bon, quand faut y aller…

Tandis que, comme les formes de vies les plus animales, il urine sur le territoire de son adversaire pour contester sa suprématie, il peut entendre, lointain, une soudaine agitation dans la crevasse. Le Seigneur Mashima est réveillé. Et il arrive. Wutu-Fuku recule d’un bond et se met en position de combat, tandis que des bruits de roche écrasée se rapprochent peu à peu de sa position. Jusqu’à ce que le parchemin explosif se déclenche, générant une déflagration puissante…

Wutu-Fuku recule d’un bond rapide tout en croisant les bras devant lui pour se protéger de l’explosion et des débris qu’elle projette sur une bonne dizaine de mètres. Il n’arrive pas à distinguer si le parchemin a fait quoi que ce soit à la Salamandre. Le bruit de l’explosion couvre tout autre son. Comme la fumée au niveau visuel, qui l’empêche de bien distinguer la silhouette du monstre pendant un court instant. Avant que celle-ci ne se révèle, peu à peu, tandis que les nuages de poussière retombent, laissant apparaître le Seigneur Mashima toujours debout. Enfin debout, c’est une façon de parler. Il se tient bien droit. Sa gorge s’est gonflée comme peut l’être celle des crapauds commun. C’est cette zone qui a encaissé l’explosion du parchemin. Elle ne laisse voir que quelques brûlures plutôt superficielles. D’un coup, la gorge de la Salamandre se dégonfle pour retourner à son état initial.

Malgré la surprise de voir que son piège n’a eu que peu d’efficacité, Wutu-Fuku ne peut pas ne pas profiter de ce laps de temps. Il concentre du chakra Fûton dans son bras, avant de l’abattre vers le Kami, créant une lame d’air acérée. Mais le Seigneur Mashima fait preuve d’une agilité difficile à lui soupçonner en raison de son imposant gabarit. D’un bond, il se retrouve au-dessus du Kaguya et ouvre en grand sa gueule pleine de dents pointues. Une sorte de mucus en jaillit sous forme de jet. D’une série de mudrâs rapides, le Kaguya crée un puissant courant d’air devant lui, qui le protège de l’étrange liquide, le faisant s’écraser autour de lui sans le toucher. Mais cela n’enlève rien au fait que la Salamandre est dans les airs… et qu’elle tombe droit sur le mortel. Ce dernier tente d’esquiver, passant par-dessus les restes du mucus, qui ne se dissipe pas comme de l’eau devrait le faire normalement.

La salamandre s’écrase lourdement sur le sol, créant des fissures sur plusieurs mètres tout autour d’elle, montrant son dos au Kaguya. Soudain, sa queue s’allonge et entreprend un large mouvement de balayage. Le coup est plutôt étrange, puisqu’il laisse un large espace en dessous qui permet à Wutu-Fuku d’esquiver facilement. Pourquoi avoir frappé ainsi ? C’est comme s’il n’avait pas voulu toucher le mucus qui l’entoure…

Le Seigneur Mashima se retourne, faisant face au Kaguya. Son visage presque humain ne peut que perturber n’importe quel observateur. La Salamandre bondit, passant au-dessus du liquide. La théorie de Wutu-Fuku semble se confirmer : elle évite la matière générée plus tôt. Il serait curieux d’en voir les effets. Utilisant les pouvoirs du Shikotsumyaku, il fait sortir des os de son corps qui viennent s’entrecroiser rapidement pour former un large bouclier. Des pointes osseuses s’enfoncent également dans le sol pour en augmenter la stabilité. Et cela ne manque pas : le démon se heurte au bouclier de plein fouet. Le bouclier est largement fissuré, sans toutefois se briser sous la violence de l’impact.

Ne pouvant se soustraire à la gravité, le Seigneur Mashima chute dans son propre mucus en poussant un cri plaintif. Wutu-Fuku recule d’un bond vers un arbre, se suspendant à une solide branche à l’aide de son chakra pour voir la situation de manière plus large. Cela lui permet d’étudier sommairement la substance crachée plus tôt par son adversaire. Elle semble sirupeuse et adhésive au point que son lanceur n’arrive pas à s’en dégager… le chûnin ne peut que se féliciter d’avoir évité tout contact avec cette dangereuse attaque. Son avantage dans ce combat est sa petite taille et sa capacité à bouger vite. S’il perd cet avantage, il est mort. Quoi qu’il en soit, cette substance semble plutôt intéressante. Wutu-Fuku ne manquera pas de l’étudier davantage plus tard… s’il survit.

La substance collante qui emprisonne le Seigneur Mashima est solide. Il tire, de toute ses forces, dans un hurlement qui fait fuir les quelques animaux de la forêt qui étaient encore dans les environs. Finalement, ce n’est pas la bave qui cède en premier, ni la salamandre. Mais bien la roche en-dessous. La créature a du mal à se mouvoir avec ces rochers accrochés aux membres, mais elle peut tout de même reprendre le combat. Escaladant le mur d’os, elle fonce maladroitement sur le Kaguya. Ce dernier décide de lancer une nouvelle lame d’air à son adversaire. S’il a pris la peine d’esquiver, c’est bien que la technique lui semble dangereuse. Il ne pourra pas esquiver avec la même adresse, cette-fois ci.

Mais le Seigneur Mashima prouve, s’il le fallait encore, qu’il a de la ressource. S’il ne peut esquiver, il dispose d’un bouclier accroché à chacun de ses membres. Une épaisse couche de roche. Il oppose à la lame d’air l’une de ses protections improvisée, qui explose sous l’impact. Mais le membre de la salamandre est intact. Ce mouvement, il pourra le reproduire autant de fois que nécessaire. Et une fois qu’il n’aura plus de roche accrochée aux membres, il lui suffira d’esquiver, à nouveau.

-Zut, je suis dans une impasse ! Il peut esquiver et se protéger de mon Fûton, et mes techniques osseuses ne peuvent pas percer sa peau épaisse et grasse en profondeur…

Et contrairement à Wutu-Fuku, le Kami n’utilise aucun chakra pour ses attaques. Le Kirijin, lui, s’épuise. Les lames d’airs utilisées plus tôt sont des techniques très gourmandes en chakra. Il ne faudrait pas que le combat s’éternise. Surtout que pour l’instant, les tentatives du Kaguya pour blesser son adversaire se sont soldées par des échecs. Il faut qu’il soit plus stratégique. Qu’il frappe à un moment où le Seigneur Mashima ne pourra pas esquiver. Mais il ne lui reste plus beaucoup de temps pour penser à un plan car déjà, la salamandre, désormais à portée, abat sa queue sur l’arbre qui porte le Kaguya.