Le soleil dans son agonie dorait les vallées et s'éteignait sans bruit, La lune au teint d'argent, resplendissante et pleine, s'élevait et dominait les cimes enchantées.
Dans le crépuscule, les forêts déterraient leur mémoire tandis que leur souffle réveillait les esprits gardiens, des lueurs spectrales glissaient sur les eaux sombres, les futaies ambrées d'odeurs fades s'embaumaient frénétiquement.
Des parcelles de temps, des grains d'éternité se faisaient la belle, se cavalaient et s'échappaient pour n'être jamais et pour ne pas exister. D'une fantastique histoire qui dérapait, des trous vides se creusaient dans le quotidien de l’autochtone et, l'image de son corps se fondait dans la sombritude nocturne. L'ennui se collait à sa peau hâlée, il ne restait presque rien, que l'enveloppe molle d'un guerrier pourtant habité d'un désir ardent de vengeance.
S’alternaient le noir et le blanc comme le jour et la nuit, puisqu’il lui fallait tant de peine pour apprécier la vie cloîtrée de shinobi. C’était une question de patience pour le virtuose martial, comme la traversée d’un long tunnel, il devait se fournir de beaucoup de persévérance pour nourrir ses ambitions.
Puis s’ensuivait ses doutes, des obstacles sur la route nébuleuse de son parcours, de son ascension fulgurante parmi la communauté Iwajin. Nonobstant ce fait, il ne pouvait y renoncer, car il était tout d’abord un juvénile guerrier doté d’une réelle envie d’avancer. Mais pour se faire, le Yasei dōbutsu devait apprendre à s’ouvrir à autrui, son tempérament introverti restreignait fortement son adaptabilité parmi ses pairs pourtant effrayés à la simple vue de son ombre primitive.
Nagamasa Chôgen et Yoshitsune furent les seuls à croire en l’homme plus qu’au guerrier redoutable que représentait l’autochtone. Pour preuve, Chôgen lui avait fait intégrer le Yamagenzõ, Yoshitsune quant à lui, le hissa au sommet de la branche sibylline des Tengu, gardiens ténébreux des montagnes…
C’est avec l’esprit endeuillé et bouleversé que le Koretsu se rendit parmi les appartements du nouvel élu. Son expression facial ne laissait transparaître aux premiers abords, aucune sympathie particulière, un visage sombre, menaçant aux multiples balafres et peintures tribales.
« Vous vouliez me voir, Tsuchikage ? » Demanda simplement le Koretsu.
Le Jônin s’inclina légèrement en guise de respect pour le nouveau patriarche, avant de dévisager avec insistance son supérieur. Senkū demeurait dès lors, dans l’attente, curieux de savoir ce que pouvait bien lui vouloir le Bakuhatsu, intrigué de par ses prochaines ambitions pour le village et sa sécurité, priant pour qu'il ne soit pas aussi stupide que les frères samouraï. Car en effet, il avait averti Yoshitsune qui prétendait à des idéaux chimérique, aujourd’hui, il nourrit ces derniers six pieds sous terres à vouloir se rapprocher trop près de l'astre solaire...
Le Borgne s’étant levé, avait bien conscience qu’il ne recevait pas n’importe quel Iwajin dans son bureau. De tous les shinobis et kunoichi du village caché des Roches, celui que l’on appelait parfois le Kotetsu était sans aucun doute l’un des plus réputés. Ses faits d’armes étaient nombreux au point où le Yondaime aurait pu le voir à sa place, si le Daimyô de Tsuchi no Kuni n’en avait pas décidé autrement. D’ailleurs, cette décision n’était pas à prendre comme un revers pour le Yaoguaï : sieur Byakuren n’avait pas craché sur son profil, mais simplement placé l’obligation d’avoir quelqu’un de parfaite confiance à la tête d’un village possiblement en crise.
Oui, Yaoguaï Senkû aurait pu être un candidat pour le poste occupé par le Bakuhatsu. Mais c’était bien l’inverse qui était devenue une réalité, difficile à accepter pour certains. Et ainsi, comment ne pas être curieux de l’avis du Jônin sur le nouveau Visage d’Iwa ?
« Je vais te tutoyer. Tu peux faire de même. Assieds-toi si tu le souhaites. »
Il avait ouvert sa main droite comme pour indiquer la chaise la plus proche de son interlocuteur. Ce n’était pas encore tout à fait en ordre dans son bureau. Après tout, le Yondaime n’avait pas emménagé à l’étage de l’Académie Hashira depuis longtemps. Mais pour l’homme simple que l’ancien chef d’armée était, c’était amplement suffisant.
Tandis qu’il faisait le tour de son bureau, Kyôshirô avait laissé sur ce dernier le dossier ouvert du Yaoguaï. Ce n’était pas simplement un ensemble de rapports de ses missions que l’on pouvait y trouver, mais également quelques informations sur ce qu’il avait pu déjà accomplir au sein des Tengus. C’était justement ça dont il serait principalement question. Et comme le Borgne était, en plus d’être simple, très direct…
« J’ai remodelé le Yamagenzô. S’il ne perd pas son identité que je ne veux pas changer, j’ai simplifié sa hiérarchie et lui ai rajouté une troisième branche axée sur l’exploration et la diplomatie. En bref, sur la politique officielle extérieure. Comme tu t’en doutes, les Tengu continueront de s’occuper de la politique extérieure… officieuse. »
Alors qu’il avait reposé son bassin sur le devant de son bureau, le Tsuchikage se tourna légèrement mais suffisamment pour porter à sa main un récapitulatif des changements qui seraient apportés au Yamagenzô. Il tendit le document à Senkû.
« Le département des Tengu deviendra le Sazori, le Scorpion. Peu de choses changeront, mais je ne veux plus que d’un seul Capitaine à son bord. Et que ce soit sur recommandations ou suite à la lecture de ton dossier, tu me parais être le candidat idéal. »
Le Yaoguai rejoignit son supérieur hiérarchique en s’installant en face de celui-ci comme il lui avait été demandé. Kyôshiro désirait instaurer une certaine confiance entre les deux hommes, en effet, le fait qu’il autorise l’ostrogoth à le tutoyer dénonçait indirectement et avec véhémence, qu’en dépit de sa stature suprême au sein de la hiérarchie rocailleuse qu’il considérait le Koretsu comme étant une sorte d’égal.
Un bon point pour le nouvel arrivant qui n’apparaissait aucunement hautain, sa simplicité aux premiers égards, n’avait d’égal que sa franchise. Senku l’observait d’un oeil avisé, avant de détourner ses pupilles ambrées en direction de la paperasse se trouvant sur le bureau. Haussant légèrement un sourcil, il remarqua qu’il s’agissait de son dossier en tant que soldat de la Roche, ses antécédents y étaient marqué comme au fer rouge sur de la chair. Comme un message subliminal de la part du Bakuhatsu.
L’homme au faciès peinturluré s’était comme, l’espace d’une poignée de secondes, figer sur les multiples rapports dont il était sujet - avant de projeter son attention sur son interlocuteur qui venait de reprendre la parole.
« Je vois que tu as déjà pris tes marques, c’est une bonne chose et l’idée me plaît bien. Cependant, je pense que les Tengu devraient se voir également axés sur la découverte d’autres territoires étant donné que nous nous concentrons aussi sur la partie externe du village. Si tu veux mon avis Kyôshirô, ajouter une autre faction ayant pour but d’évoluer en dehors d’Iwa pourrait nous être préjudiciable en cas d’attaque ennemie. Il va donc falloir te munir d’une gestion minutieuse des groupes auxquelles les missions seront attribués, nous ne pouvons nous permettre de perdre davantage d’éléments en ces temps troublés. » Rétorquait le Jônin en donnant son point de vue.
Le balafré bestial réceptionna le document où y était inscrit les divers changements récapitulatifs au sein du Yamagenzô. Sans oublier le fait qu’à une époque peu lointaine, lui aussi faisait partie intégrante de la section responsable de la sécurité intérieur du village.
Ses yeux défilaient en même temps que les lignes écrites à l’encre noire, lisant intérieurement tandis que le Tsuchikage se targuait de cet échange, pour lui faire part de son choix concernant la patriarchie de la branche Tengu dorénavant renouvelée.
« Sazori, ça sonne plutôt bien. Ce serait un honneur pour moi que de prendre le commandement des scorpions. » Ajoutait l'indigène des monts.
En réalité, il trouvait regrettable le fait que l’hétéronyme ait été remplacé, au delà d’un simple nom de code Tengu représentait également selon les anciennes croyances de la Terre, les esprits protecteurs des monts prenant la forme de corbeau humanoïde afin d’éloigner les assaillants. Nonobstant ce petit détail, du moment que les ressortissants de ce groupuscule préservaient leur anonymat, le sauvageon n’y voyait aucun inconvénients particuliers.
Face à la recommandation du borgne, le Yaoguaï restait de marbre, bien que satisfait, son expression faciale s’affichait perpétuellement sereine et inébranlable. Nul doute que le Yondaime ait fait le choix idéal quant à la direction du Sazori, l’autochtone aspirait donc à ce qu’il en soit de même pour le Manazuru et le Shishiza.
« Il y a t'il autre chose dont tu voudrais me faire part ? » Demandait-il simplement en se levant, prêt à disposer.
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