Their Life

Période pré-Hayashi

Senshi Umeka

Des mots que jamais je n’aurais imaginé entendre sortir de ma bouche un jour, une explication sur ma façon de vivre, sur mes relations aux autres que personne n’avait jamais entendu. J’avais ressenti le besoin de lui dire à elle, c’était étrange, comme si une partie de moi, toute petite, s’était brisée. Depuis que je lui avais dit, je n’arrêtais plus, chaque soir et chaque, de demander pour l’avoir dit à elle ; pourquoi pas à Akina et à Reiko ? Pourquoi comme tous les autres n’avais-je pas ignoré cette femme ? Pourquoi m’en préoccupais-je tant ?

Sazuka découvrait en fait un nouveau pan de sa personnalité, de son caractère et ce que pouvait-être la « vie ». Une armure de solitude que les affres de Kumo et de ce nouveau départ parvenaient à effriter, à fendre et enfin à disloquer. Sur ce questionnement, il n’y avait pourtant qu’un seul mot, une seule réponse qui permettrait de résoudre le problème. Une pensée qui ne l’effleurait pas, ou très lointainement, sans qu’elle y réfléchisse vraiment.

Malgré ce que j’avais pu dire, je n’avais pas changé grand-chose à mes habitudes, et la blonde des iles semblait s’en satisfaire, pour le moment. Viendrait un jour où elle me poserait cette autre question, ou m’imposerait… un choix. Mais en attendant que ce jour vienne –peut-être jamais d’ailleurs- je poursuivais sur cette voie de la simple « satisfaction », avec un quelque chose en plus pour la Gladiatrice.

Mais à chaque fois que je m’en allais, à chaque fois que je revenais tard le soir, ou le lendemain, je pouvais lire dans son regard de la mélancolie, voire de la tristesse qu’évidemment je ne comprenais pas et m’efforçais à ma façon de faire disparaître. Umeka savait dans quoi elle s’était engagée en ce manifestant ce soir glacial qui succéda à la réunion de l’Assemblée. Elle avait aussi obtenu, en partie, ce qu’elle désirait et nous entretenions une relation… presque privilégiée, d’une certaine façon.

Comme cela arrivait régulièrement, ce matin-ci je revenais d’une longue soirée passée aux côtés de la Raïkage, dans son « antre » dont elle m’avait désigné comme la gardienne. La Metaru et moi étions indiciblement liées par une forte attraction physique et nos traits communs sur bien des sujets. Avec le temps j’étais devenue son médecin personnel et m’évertuais à la guérir des maux qu’elle s’auto-infligée, consciemment ou pas.

Les tâches de cheffe du village lui rendaient la vie plus… compliquée, enfin, c’était ce qu’elle disait ; et moi je lui répondais à chaque qu’elle n’avait qu’à déléguer, se reposer sur celles et ceux envers qui elle portait sa confiance. Mais rien n’y faisait. Elle était buttée, l’avait toujours été depuis le début. C’était sans doute le premier trait de caractère qui séparait nos pensées. Enfin… lorsque je repassais la porte de ma « demeure » -petite habitation en bord de ravin à quelques minutes du complexe scientifique- j’oubliais tous les tracas qu’elle m’imposait, malgré elle.

J’étais… heureuse de revoir la chuunin… A chaque fois. Le contraste entre elles deux était si important ; entre leurs caractères, leur approche du « monde », de notre relation…

-Bonjour Umeka ! Lui lançais-je dès que je la vis, derrière un de ses livres d’images, assise dans le sofa noir. Je m’étais approchée d’elle et m’installant à côté l’embrassai sur la joue ; puis observai ce qu’elle regardait. Des paysages peints…

C’était pas que tu passais tes journées chez Sazuka, t’avais aussi tes occupations de ton côté, mais depuis qu’elle t’avais permis de venir chez quand bon te semblait et ben, tu le faisais. Et c’était souvent en fin de journée que t’arrivais devant sa porte, qui était souvent si ce n’était tout le temps close. Jamais tu n’étais venue et avais trouvé l’Ikeda. Elle rentrait toujours tard souvent pas du tout ou le lendemain, pour ton plus grand désespoir. Quand elle n’était pas là, souvent tu ramenais à manger et laissai sa part sur la table, pour montrer que tu pensais à elle, et sinon tu lisais, enfin… tu regardais tes images, auxquelles tu tenais tant.

Et pour une fois la docteure, ce soir-ci, était rentrée un peu plus tôt que d’habitude ce qui restait quand même tard au final. Elle s’était assise et semblait s’intéresser à ton livre, lequel tu refermas au bout de quelques secondes. En fait plus ça allait et plus cette situation t’exaspérait. T’étais clairement jalouse et de moins en moins patiente. Déposant ton bouquin, tu t’étais tournée vers elle et voulais lui dire ce que tu pensais. Tu savais d’avance que Sazuka n’allait pas être spécialement « contente ». Tu avais à la base accepté sa façon de vivre, mais maintenant, t’en voulais plus… C’était aussi simple que ça.

« Sazuka… J’aimerai savoir… T’es souvent avec Reiko-sama non ? Après ton travail au complexe… et le reste… Pourquoi tu ne veux pas être qu’avec… hm… une seule personne ? »

Bien sûr tu n’étais pas débile au point de dire avec « toi » même si c’était extrêmement explicite en fait et tu savais qu’elle comprendrait très bien de quoi tu voulais parler. Mais c’était une vraie question que tu te posais et que tu lui posais aussi du coup ! Tu savais que l’amour que tu lui portais n’était pas à sens unique… et tu savais aussi que l’Ikeda avait un peu de mal avec « ça », le côté sentiment… Une fois que ça dépassait le corps, le physique ; ça la dépassait aussi…

Cette impression que quelque chose n’était pas comme d’habitude, qu’une atmosphère un peu plus pesante que ces derniers jours imbibait le petit appartement ; n’en était pas une. La gladiatrice confirma ce que je pensais même si je ne m’étais pas vraiment attendue à ce qu’elle parle de ça, cette question banale à laquelle j’avais une réponse assez simple maintenant, puisqu’on me l’avait déjà posée. Au-delà de cette simple question, je comprenais qu’Umeka avait d’autres attentes. Et sa vraie question était donc « pourquoi tu ne te contentes pas de moi », à peu de choses près ; car se contenter était plutôt péjoratif…

-C’est… J’ai toujours vécu comme ça. Dis-je en lui souriant. Je savais qu’un sourire ne serait pas suffisant à lui faire accepter cette réponse toute faite… La regardant et percevant son scepticisme, je décidais de m’expliquer. Ça va te paraître un peu cru, mais je ne tire pas vraiment de satisfaction à m’attacher à quelqu’un, ce que j’aime, c’est le contact. Que ce soit avec toi ou Reiko. Continuais-je en caressant sa joue. Mais, je n’exclue plus, aujourd’hui, qu’il puisse y avoir des… Je pris une profonde respiration et en expirant repris : Sentiments. Ce fut la première fois que je prononçais ce mot, j’en étais persuadée.

Je savais qu’Umeka était à peu de chose près comme les autres sur ce sujet, elle ne dissociait pas la relation charnelle de la relation sentimentale. Or, je l’avais toujours fait depuis que j’avais été en âge de comprendre et vivre ces choses là. De par ma vie à Tetsu, de par mon statut particulier au pays du fer ; jamais je ne m’étais attachée à quiconque et l’idée même de ressentir autre chose qu’une attirance sexuelle était toujours restée très loin de mon esprit. J’avais toujours considéré « ça » comme une façon combler des besoins spécifiques, d’un point de vue plus médical qu’humain…

-Je… je ne suis pas familière de ces choses… là… Repris-je avec un sourire un peu gêné. Cela pouvait paraître étrange qu’une personne si impudique que je l’étais puisse être « troublée » par l’idée d’une autre dimension à ces relations que j’entretenais pour mon unique plaisir, égoïstement. Mais, nous somme hautement compatibles toi et moi ! Souris-je sincèrement à la petite blonde. Je pense que je fais déjà plus que t’apprécier… Enfin, je crois. Haussais-je les épaules, pensive. Un processus avait été enclenché avec la Senshi, ce n’était donc qu’une question de temps avant que Sazuka ne perçoive Umeka autrement que comme une « très bonne amie ».

« Notre haute compatibilité... ? »

Tu te demandais, juste un instant, ce qu’elle voulait dire par là, puis… tu n’eus pas besoin de réponse, cela te vint tout seul et tu en rigolas ensuite. Sazuka t’étonnait à chaque fois et l’attrait que tu avais pour elle remplaçait très rapidement la jalousie que tu avais pu éprouver quant à son « autre relation ». Sa réponse te satisfaisait d’une certaine façon, elle était claire et tu avais compris qu’il y avait un truc en plus entre vous qu’entre elle et la Raïkage. ‘Fin si tu avais bien compris !

« Ok… je crois que je comprends. J’te forcerai pas à dire que tu m’aimes… alors. »

Tu étais un peu déçue mais tout comme toi, la docteure était une femme qu’on ne pouvait pas contraindre en quoi que ce soit, alors tu ferais avec ; pas le choix ! Mais tu… vous sembliez être sur la bonne voie. Il ne te restait donc plus qu’un petit détail à régler…

« Est-ce que… un jour… Tu voudrais rencontrer mes… parents ? Plus tard hein, pas maintenant… »

Tu la regardas avec ton plus beau regard, un léger sourire sur les lèvres. Tu savais que ça se faisait, lorsqu’on partageait sa vie avec quelqu’un ; mais… c’était très certainement trop tôt encore. D’ailleurs t’aurais peut être pas dû en parler. Mais tu voulais savoir ce qu’elle en pensait. Peut-être n’en aurait et n’en avait elle pas envie après tout… elle n’avait jamais apparemment accordé d’attention à une personne avant toi. Puis tu voulais… aussi confronter ton père à tes choix. Tu savais qu’il ne serait pas d’accord et tu avais un incroyable envie de… l’emmerder, malgré tout l’amour et le respect que tu lui portais.

« Ca fait longtemps que je n’ai pas vu ma famille… Et lorsque les choses se seront un peu calmées… J’aimerais vraiment que tu viennes avec moi. »

Tu t’étais approchée d’elle et avais reposé ta tête sur son épaule, bientôt gagnée par la fatigue…

Haussement de sourcils marquant mon indéniable étonnement quant à la demande de la Gladiatrice. Rencontrer ses parents ? Quelle était donc cette nouvelle idée ? J’observais un moment, ne sachant pas quoi répondre. J’avais un peu de mal à comprendre d’une part le sens de cette question et d’autre part le but d’une telle visite. Pas que cela me dérangeait spécialement, mais que pouvais-je bien aller faire au pays de l’eau ? Devoir endurer la traversée, le voyage… Pour voir deux personnes ? C’était… étrange. Pour moi.

-Et bien… Je ne sais pas, je suppose que oui ? Dis-je avec un léger sourire exprimant davantage ma décontenance que ma joie. Une fois que toutes les priorités de Kumo seront satisfaites, nous irons. Ajoutais-je vaguement. En fait, ce n’était pas vraiment que je ne comprenais pas le but de cette manœuvre, mais plutôt que je ne voulais pas comprendre cette signification. J’avais rapidement fait le rapprochement entre son désir d’exclusivité, la notion de « relation » et « ça ». Un genre d’étape, au final, dans mon intégration dans sa vie. Oui, dit ainsi, c’était bien moins poétique…

Puis, alors que je lui avais répondu du mieux que je pouvais, la jeune femme reposa sa tête sur mon épaule. C’était une toute aussi étrange sensation, de sentir quelqu’un se reposer ainsi sur mes épaules. C’était toujours très différent de ma relation avec la Metaru qui, elle, cherchait davantage quelqu’un lui servant de garde-fou, de soutien qu’autre chose ; rôle que j’avais accepté, évidemment, en tant que médecin. Puis être l’une des uniques personnes à pouvoir approcher la Raïkage n’avait pas de prix.

Fut une époque où j’aurais sans doute conseillé à Umeka d’aller se coucher, de dormir, qu’elle serait sûrement plus confortablement installée ; mais aujourd’hui je comprenais de mieux en mieux les subtilités qui me liaient peu à peu à elle, et consolidaient lentement mais sûrement –indiciblement- cette attraction autant physique que psychologique. Et donc je la laissai se reposer sur moi, ainsi ; semblant même profiter de cet instant. C’était un peu comme un moment de quiétude, de tranquillité… De paix. Un instant que nous n’aurions pas souvent l’occasion de partager, à l’avenir… avec tout ce qui se profilait…