Mes pas me mènent jusqu’au seuil de la lourde porte qui délimite l’entrée de la prison de Kumo. Je plisse les yeux comme pour mieux m’accoutumer à une luminosité à laquelle je ne suis plus habitué. Il me faudra sans doute un peu de temps pour m’acclimater à l’agitation qui caractérise le village. En cellule, j’avais la paix. Ce n’était certes pas l’endroit le plus épanouissant que j’aie connu mais il avait au moins l’avantage d’être calme, exempt de l’irritante présence du peuple. Maintenant je dois à nouveau composer avec tous ces gens qui frisent l’inutilité.

Pire encore : je suis à présent en bas de l’échelle militaire. Un Genin parmi les Genin. Là où mon grade de Jônin m’offrait une certaine latitude quant à mon emploi du temps, je serai à nouveau soumis à des impératifs que j’aurais volontiers laissés derrière moi. J’ai bien songé à remettre ma démission sitôt ma peine purgée mais je vois mal ce que j’aurais pu faire en dehors du cadre martial. La vie dans le civil est ennuyante au possible…

Je visse une clope au coin de mes lèvres et l’allume avant de recracher un nuage de fumée en direction du ciel. Et maintenant? Je suppose que je devrais aller au quartier général, histoire de voir si du travail m’attend et simplement m’annoncer présent. Mais d’un autre côté je ne suis pas particulièrement attiré par l’idée de me replonger dans le bain aussi rapidement. Un peu de détente ne me fera pas de mal après ces six mois passés entre quatre murs. Je serais plus tenté par une bonne boisson fraîche – et si possible alcoolisée – et la présence chaleureuse d’une femme. Après tout on ne change pas une équipe qui gagne, pas vrai?

Ma décision prise, je passe le sac qui contient mes affaires par-dessus mon épaule et commence à m’avancer parmi la foule, n’hésitant pas au passage à bousculer ceux qui m’empêchent d’avancer. Il est vrai que la majeure partie des gens préfère s’excuser plutôt que de forcer le passage dans ce genre de circonstances. Mais puisque je suis sensé mettre ma vie en danger pour protéger le peuple – n’est-ce pas le devoir d’un shinobi après tout? – j’estime avoir droit à quelques compensations. L’absence de politesse envers tous ces ingrats compte évidemment dans le lot. Donnant-donnant!

Toujours est-il qu’en chemin mes envies changent. À la place d’une compagnie féminine s’est substitué le désir d’écraser mon poing sur quelque chose. La sensation procurée par le choc de la chair contre la chair valant largement le plaisir sexuel, c’est donc vers la sortie du Village que je me dirige. Autrefois je pouvais le quitter à mon aise, mon grade m’assurant une agréable liberté de mouvement. Mais aujourd’hui…

"Hey, mocheté!"

C’est bien à une shinobi portant le bandeau caractéristique de Kumo que je m’adresse. Je n’ai pas le moindre souvenir d’elle et pars donc du principe que je ne l’ai jamais croisée. D’autant plus que je m’en serais sûrement souvenu vu la tronche qu’elle se trimballe. Expérimente-t-elle une nouvelle mode ayant vu le jour pendant mon retrait forcé – voir salvateur – de la société?

"Je dois aller patrouiller en dehors du village!" dis-je en mentant avec un certain aplomb. "Te voici désignée pour m’accompagner!"

Avec un peu de chance elle est gradée. Et si les gardes à l’entrée de Kumo veulent respecter le code militaire et m’empêcher de sortir à cause de ma condition de Genin, elle donnera le change. Le tout en pensant peut-être que je suis son supérieur hiérarchique comme je l’ai sous-entendu quelques instants plus tôt. Je ne lui laisse d’ailleurs guère le temps de répondre et enchaîne en lâchant mon sac à ses pieds.

"Et pour porter mes affaires…"

Quitte à l’exploiter, que ce soit à fond!