Tout s’imbrique progressivement, page après page, de la moindre phrase, jusqu'au tout denier mot encré de jais. La caresse du papier, offrant un bruissement imperceptible sous les doigts qui l'écorche imperceptiblement, révèle les secrets contenus dans l'ouvrage qui se recouvre de sa temporelle parure de poussière. Le voile de l'oubli vient se déchirer, laissant choir l'étoffe évanescent dans le néant. Le messager accourt placidement, porteur d'une information se devant d'être contée au destinataire de son essence même. Affable, mais pas trop.
« Borukan-sama. votre secrétaire demande votre présence à l'Académie dans les plus brefs délais. Je vous ai apporté un café (dit-il, posant solennellement le breuvage encore fumant, tout en affichant un visage patibulaire dont lui seul avait le secret). »
Un soupir incarne le singulier zéphyr, calme et monotone, à travers le souffle de l'informé. Fermant le recueil qu'il consultait jusqu'alors, le parangon se tourne vers son fidèle acolyte. La perplexité exulte sur le marbre de son visage, il en vient à lui signifier silencieusement que la requête le dérange dans ses occupations. Il se demande ce qui peut bien requérir sa présence, alors que toutes les cartes sont parfaitement distribuées.
« Cela a l'air urgent. Laisse-moi deviner... Encore des élèves trop turbulents. Cela tombe bien, j'allais justement y passer. »
Laissant glisser ses doigts vers le rafraîchissement, une gorgée est prise. Loin de pouvoir se targuer d'être exquise, la mixture s’avère même désagréable.
« Evites de faire le café la prochaine fois. Je croyais te l'avoir mentionné. »
Le gredin se mure dans le mutisme, ne laissant transparaître aucune réaction, hormis les remerciements d'usage.
« Vous êtes trop bon, Borukan-sama. »
« Certes, contrairement à ton café (rétorquant d'un ton lassé au plus haut point). »
Se redressant, le parangon fait quelques jusquà la fenêtre lui offrant un panorama sur l'oronymie se profilant à l'horizon. La plèbe est en liesse, bien que le petit matin fait encore rage sous les nitescences d'un astre se levant encore péniblement. Les badauds préparent la venue de la tradition, bien encore jeune, mais mordant furieusement jusqu'au sang, voire les os. Candides inconscients, oubliant que dans les ténèbres rode la bête désireuse de faucher leurs âmes.
« Le festival, j'en avais presque oublié jusqu'à son existence. »
« Vous travaillez trop, Borukan-sama. Vous devriez vous amuser de temps en temps. »
L’esquisse d'un rictus, dont mascarade n'est aucunement équivoque, se marque au coin des lèvres. Hérésie.
« S'amuser... En voilà une idée... Au moins, même si tu es mauvais assistant, tu ne manques pas d'humour. Ou alors, es-tu simplement irresponsable ? »
Une énigme se pose, non pas dans l'instant, mais depuis les prémices de la présence de cet apprenti bien trop difficile à cerner. La vacuité d'une réponse est évidente. Simple constat, mêlant les deux faces des jumeaux éternels. Absence de velléité inutile, ce qui démontre une puissance insondable de l'énergumène, se cachant derrière un visage simplet, mais goguenard . Nonobstant que vitupérer est parfaitement légitime, le médecin pourtant s'abstient, sachant que le chafouin sait faire montre de son utilité. Il deviendra rapidement un excellent assistant, mais ne saura malheureusement jamais faire un bon café. Il y avait des choses innées, d'autres non.
« Quand bien même, je dois m'occuper d'une affaire de la plus haute importance. Je serais donc relativement peu présent quelque temps. Tu es donc nommé 'assistant en charge', afin de me remplacer officiellement si nécessaire. Félicitations. »
Une promotion sommaire, mais réfléchie. L'heureux élus manque d'en avoir les larmes aux yeux, tant la nouvelle lui réchauffe le cœur, mais reste aussi figé et inexpressif qu'une statue de roche.
« Vous êtes trop bon. »
Remerciements inutiles, mais se devant d'être échos.