- « Et tu as la preuve au moins que c’est une voleuse ? »

Un marteau s’écrasa impitoyablement sur le crane du Metaru qui brutalisait la pauvre inconnue qui tentait de se défendre comme elle le pouvait. L’homme émit un gémissement de douleur avant de s’effondrer sur un genou, mains posées sur la partie endolorie de son crâne. En se relevant et en se relevant tout d’suite après, il comptait se plaindre voire même répliquer, sauf qu’il s’immobilisa net dès qu’il vit ma gueule joyeuse et le gros marteau que je maniais entre mes doigts de façon inquiétante. Il eut aussitôt une mine désolée et se mit à se confondre en excuses, mais ce n’était pas à moi qu’il fallait les faire. D’un coup de tête, j’indiquai la personne à qui il devait demander pardon, mais il refusa bien évidemment de le faire et s’en alla non sans grommeler, suivi par les autres gars qui étaient sur place. J’aurai pu l’obliger à le faire, mais avec la tension qui régnait un peu partout, je préférai laisser couler…

- « Les mauvaises habitudes ont la dent dure qu’on dit… »

J’eus un soupir en les regardant disparaitre à l’intérieur de la raffinerie. Ce n’était clairement pas une bonne publicité pour nous autres Metaru. Notre réputation de guerriers et de barbares faisaient un peu tâche dans le décor qu’était Kumo, même si personne ne le signifiait ouvertement. Qui voudrait se mettre à dos un clan tel que le nôtre ? C’est sur cette pensée que je posai enfin mes yeux sur la jeune fille qui se trouvait devant moi. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle avait une dégaine plutôt atypique. Elle faisait un peu garçonne. Enfin, c’était mon avis… « Désolé pour ce que tu as dû subir tout à l’heure. Avec l’effervescence des élections et les armes à livrer, tout le monde est un peu à cran en ce moment. » En vérité, mon clan l’était plus ou moins. Vu que les Metaru savaient que je ne me présenterais pas, ils s’interrogeaient sur l’avenir du clan et la place qu’il allait occuper sur la scène politique de Kumo…

D’où le stress permanent des miens et l’agressivité inhabituelle qui en découlait…

- « Ça va, tu n’as pas trop mal ? »

J’eus un sourire. Un peu charmeur certes, mais un sourire quand même. Malgré mes impressions, l’inconnue n’en demeurait pas moins jolie. J’eus même une pensée amusée pour Daisuke. S’il était dans le coin, il n’aurait certainement pas hésité à la draguer. Elle avait du potentiel il faut dire. D’ailleurs, je devais pas être très beau à voir. En plus de faire deux bonnes têtes de plus qu’elle, j’étais torse-nu, couvert de suie et de sueurs et armé d’un gros marteau. Mon passage dans le coin ? Un hasard tout simplement. Vu qu’il s’agissait de la pause, je comptais aller me chercher à bouffer au réfectoire de notre raffinerie, d’où mon passage salvateur dans le coin. Autant dire que ça aurait pu mal tourner pour la gamine si je n’avais pas suivi toute la scène… « Alors, tu es là pour acheter des armes, ou… ? » ‘Fin… Tout suivi, peut-être, mais pas tout entendu. Du coup, la raison de sa présence ici, je ne la connaissais pas vraiment.

- « Ah… Désolé de ne pas m’être présenté : Metaru Shuuhei pour te servir ! »

Si c’était une cliente, elle avait surement déjà entendu parler du meilleur forgeron du coin.

- « Hein ?! »

J’eus une mine plus qu’étonnée, parce que je ne m’attendais pas du tout à une telle réponse ! Je la dévisageai pendant quelques secondes avant d’exploser de rire, carrément ! Alors là, c’était une première ! On pourrait croire que je ne la croyais pas, mais non. Je n’étais pas devin, mais j’avais assez d’expérience pour reconnaitre les menteurs ainsi que les personnes de mauvaise foi. Là, j’avais juste en face de moi une fille qui semblait vraiment paumée et qui ne connaissait pratiquement rien de Kumo. Ça paraissait peut-être fou, mais pas tant que ça. Après tout, les Metaru n’avaient rejoints la cité que quatre ans auparavant. Entretemps, la ville avait enregistré d’autres arrivées de clans mineurs et d’autres individualités. D’ailleurs il me semblait à la dernière assemblée, qu’il avait été dit qu’un nouveau clan s’était installé… Et ce clan n’était autre que celui de la jeune fille. Les yagi hein…

- « Oui oui, c’est le nom de mon clan. Et c’est nous qui gérons cette raffinerie où l’on fabrique toutes sortes d’armes. Tu veux peut-être visit- »

Même pas le temps de finir ma phrase que mon ventre gargouilla comme jamais. Etonnement, celui de la jeune fille aussi fit pareil, comme pour faire écho au mien. Plutôt que d’être gênée, j’eus un gros rire bien gras. Pas de gêne à avoir puisque j’étais dans la même merde. Et puis, vu mon état, j’pouvais pas trop faire le malin vu que je devais certainement passer pour un gros bœuf bourré de testostérones, tout ça quoi… Bwarf, tant pis hein ! « Et si tu venais bouffer ? Bon, t’seras au beau milieu de gars tous aussi baraqués que moi, mais ça va, ils te mordront pas en ma compagnie ! Et puis une jolie fille comme toi, ça changera de ces grosses brutes ! » Je lui fis un clin d’œil et de ma paluche de libre, je chopai l’un de ses bras avant de la tirer à ma suite. Elle pouvait constater que j’avais également de la poigne, bien plus que celui qui lui avait fait mal, même si j’étais bien plus délicat que l’autre rustre.

- « Et après ça, je te ferai visiter la raffinerie. Tu pourras aussi m’poser toutes les questions que tu veux ! »

Vu qu’elle m’avait pas vu sous mon meilleur jour, mieux valait que j’fasse une croix sur la drague. P’être pour un autre jour, qui sait. En attendant, je l’entrainai avec bon cœur vers la cantine où convergeaient pas mal de membres de notre clan. Gaillards pour la plupart, effectivement. Très peu de nos femmes travaillaient dans le coin. Les cuisines étaient tenues par elle, mais il était rare qu’elles se retrouvent à taper du métal. Ce boulot était réservé aux hommes. Oui, nous étions un peu machos sur les bords, mais les femmes ne se plaignaient pas non puisque la forge ne les intéressait pas vraiment pour la plupart. Après une traversée d’une minute ou deux de la raffinerie, nous débouchâmes sur le réfectoire assez bondé. Une fois à l’intérieur, je lui indiquai une table libre au fond de la salle.

- « Va t’installer là-bas, je reviens ! »

Et sans même faire la queue, je m’avançai vers le comptoir où de belles jeunes femmes servaient à manger. Privilège du meilleur forgeron quand tu nous tiens ! Y’a des jours comme ça où je me félicitais vraiment d’avoir perfectionné mon art de la forge. Et ce qui était encore plus intéressant, c’est que personne ou presque ne grognait. C’était normal ou presque. Après une minute, je revins avec un grand plateau. Au menu ? De grosses lamelles de bœufs en quantité avec de petits bols de sauce soja et quelques légumes en quantité moindre pour l’accompagnement. Du traditionnel yakuniku, quoi. Pour la boisson ? De l’eau. L’alcool était interdit en milieu de journée. « J’espère que t’aimes la viande ! » Que lui avais-je balancé en lui servant une assiette pleine de morceaux avant de me poser en face d’elle.

- « Allez, bon app’ ! »

Et là-dessus, je me mis à entamer ma propre assiette avec appétit !

- « Oh ben… Un peu plus de trois quatre ans… Je suis venu en même temps que tous les Metaru que tu vois ici. »

Notre arrivée datait de l’an 197 ou 198 environ. Si on partait du fait que les Nara s’étaient installés ici en 196, soit quelques temps avant nous, mes calculs étaient bons. Ce fut le bon vieux temps. J’eus un air un peu rêveur en repensant à cette période plutôt intéressante. Il y avait de la curiosité, de l’appréhension, de l’excitation à l’idée de venir dans une cité aussi « noble » ; mais au final, nous n’eûmes aucun mal à nous imposer en tant que clan incontournable du coin. Tout n’avait pas été facile, mais les Metaru pouvaient se targuer de s’en être plutôt bien sortis et pas qu’un peu d’ailleurs.

- « Lorsque nous sommes arrivés, la cité s’appelait encore Shitaderu. Et elle était deux fois plus petite qu’à l’heure actuelle. On a grandement participé à son essor et à son développement. C’est assez dingue quand on y repense… »

De cette période-là, je n’avais que de bons souvenirs. Bien entendu, tout ne fut pas rose, mais les pépins ne furent pas graves ni insurmontables pour que je m’en souvienne encore. J’eus un sourire nostalgique avant de me remettre à manger. Et qu’est-ce que c’était bon ! Les femmes du clan se surpassaient comme toujours. Mes papilles étaient en émoi. Enfin, je devais être moins satisfait que la jeune femme qui semblait vraiment kiffer ce qu’elle mangeait là. C’était rare et tout drôle d’ailleurs de voir qu’elle aimait autant la viande. Si ça se trouvait, Aoi devait en raffoler plus que le poisson ce qui serait inédit.

- « Ah, tiens ! L’arche gigantesque à l’entrée de la ville est notre œuvre. J’étais un peu le chef de chantier… »

Je moussais un peu mon groupe, sans pour autant lui avouer tout de go que nous étions l’un des trois clans les plus importants de la ville. Du reste, je me demandais si elle connaissait les Nara ou les Suzuki. Les Nara étaient d’ailleurs les plus connus du fait qu’ils étaient anciennement un clan important du pays du feu proie à la guerre actuellement. Les Metaru suivaient de près du fait de notre maitrise du métal et de nos créations plus que parfaites. Pour ce qui était des Suzuri ? Grand point d’interrogation. Ces gens étaient discrets, mystérieux et j’avouais que j’avais du mal à les cerner.

- « Putain, elle est mignonne la poulette ! »

- « Mate son gros boule ! »

- « Shuuhei, tu l’as chopé où ta meuf ? Elle est trop belle ! »

De jeunes Metaru qui passaient vers notre table avec leurs plateaux se mirent à siffler la pauvre Aoi. Ils étaient un peu moqueurs, mais il n’empêche qu’ils roulaient des mécaniques pour essayer de l’impressionner. L’un d’entre eux répétait sans cesse qu’elle avait un gros cul. La connotation n’était pas forcément péjorative quand on savait que la plupart des Metaru aimaient les femmes bien enrobées et bien foutues, mais le terme n’était clairement pas flatteur. Du coup, il ne m’avait suffi que d’un seul regard noir pour qu’ils s’éloignent en toute hâte. Ce après quoi, je tournai mon visage vers Aoi.

- « Désolé pour leurs comportements et remarques désagréables. Tu sais, les jeu- »

Wait… C’est moi ou elle était en train de rougir, là ?

- « Qu’est-ce que tu racontes… ? »

J’eus un soupir amusé. Elle n’était pas croyable cette gamine. Ok, j’avais peut-être été surpris par sa réaction, mais c’était clairement pas la fin du monde. Et puis… Etre touchée par des phrases pareilles, c’était curieux. A croire qu’elle n’avait jamais encore connu d’hommes, quelque chose comme ça. Je me tournai vers les autres membres qui la reluquaient avec insistance, puis je me fis la réflexion que je devrais peut-être l’emmener ailleurs à défaut de la laisser s’en aller carrément. On venait à peine de se rencontrer et je trouvais ça plus que dommage d’en finir là.

- « Allez, viens… On bouge de là puisque tu te sens plus à l’aise dans le coin. »

Bien entendu, j’avalai quelques morceaux de bœufs et une bonne gorgée d’eau avant de me lever. J’avais un peu mal de laisser un plat pareil, mais avais-je le choix ? C’était soit ça, soit la laisser partir et il n’en était pas questions. J’eus une pensée pour Daisuke. Mentalement, je le voyais même en train de m’encourager à la retenir à la raffinerie. Après, j’étais pas en bonne condition pour draguer avec mon corps tout sale et ces idiots qui n’arrêtaient pas de la siffler et de la « complimenter », mais voilà quoi. Je haussai donc mes épaules avant de l’entrainer une nouvelle fois à ma suite.

Cette fois-ci, je ne bronchai pas. Par contre, un regard noir avait suffi à faire taire les plus jeunes membres de notre clan qui manquait encore un peu de manière. Nous nous retrouvâmes bien vite dehors, mais je préférai m’éloigner complètement du réfectoire et du monde qui le peuplait. Lorsque nous fûmes à une distance plus que raisonnable, je lâchai son bras avant de me retourner vers elle. Nous étions alors près d’un mur d’un grand entrepôt où nous stockions toutes nos productions : « Tu veux vraiment rentrer ? » Je lui avais posé cette question, soucieux, avant d’enchainer avec une autre.

- « Tu es si sensible que ça aux compliments ? Ou bien tu étais juste impressionnée par le clan et ses membres ? Si tu m’expliques, y’aurait peut-être moyen de trouver une solution en fonction de ton problème, non ? Et puis t’es franchement mignonne. »

J’avais pas pu m’empêcher d’en rajouter encore.

Ok. En fait, j’avais affaire à une jeune femme paumée qui avait été surprotégée par une famille qui avait vécu isolée pendant un bon bout de temps maintenant. Ce fait n’était pas bizarre puisque la plupart des clans faisait pareil, mais ces derniers étaient dans leur majorité des nomades et avaient des contacts avec d’autres clans. Ce fut notre cas pendant longtemps. Notre capacité à créer des armes nous avaient plusieurs fois amené à côtoyer d’autres groupes pour vendre nos productions. Ce fait nous avait attiré la haine de pas mal de personnes, mais notre nature guerrière nous avait maintes fois sorti des mauvais pas quand il le fallait. Enfin… Là n’était pas le plus important pour le moment…

- « Bon. Attends-moi là et ne bouge pas. J’en ai pour dix minutes chrono. »

Et sans lui laisser le temps d’approuver, je m’éclipsai vite fait pour aller dans ma chambre de service. Une fois dedans, je pris une douche rapide. En à peine cinq minutes. Puis je me fringuai normalement avant de revenir sur mes pas cinq autres minutes plus tard. Je trouvai la jeune femme au même endroit, non sans entendre des voix provenant du réfectoire, signe qu’ils y étaient encore et qu’ils devaient bien profiter du menu du jour. Pas un Metaru n’avait dû passer dans le coin pour la gêner donc, ce qui me soulageait un peu quelque part, vu sa timidité et son malaise pour échanger avec plusieurs personnes. D’ailleurs, elle devait être encore vierge. Pour la drague, c’était quasiment plié.

A moins que je ne fasse un effort pour l’embobiner complètement. Mais j’étais pas un enfoiré fini pour abuser d’une meuf aussi candide. Par contre, Daisuke, lui, n’aurait clairement pas fait la fine bouche devant un modèle pareil. Elle avait les cheveux courts et tout, mais elle n’en restait pas moins féminine, surtout avec le popotin qu’elle trimballait. Un atout qui me fit oublier pendant quelques secondes ma résolution de ne pas abuser d’elle. Les femmes étaient quelque chose. « Allez, j’vais te faire visiter la cité et t’en profiteras pour te faire des repères. Partante ? » Maintenant que j’étais propre, que je sentais bon et que j’étais habillé, je pouvais être on ne peut plus tactile que tout à l’heure.

- « C’est bien, c’est le bon état d’esprit ! »

Elle acceptait au final et c’était tant mieux. J’avais un peu peur qu’elle refuse une nouvelle fois mon offre, ce qui allait très franchement me décevoir pour le coup. Ce n’était pas comme si on l’avait mal reçu ou agressé, bien que ces autres petits cons n’avaient pas non plus été galants. J’aurai été amusé si elle avait répliqué soit en les aguichant ou soit en leur gueulant dessus, mais bon… Il faut de tout de ce monde et elle m’avait plus ou moins expliqué le pourquoi de son comportement et de sa gêne apparente. Quelque part, c’était assez mignon en soi et nul doute qu’elle surmonterait ce problème en moins de temps qu’il n’en faut. Elle n’avait pas le choix en même temps. La vie de shinobi allait lui imposer un rythme de vie qui allait à cent à l’heure…

Pour la promenade ? L’idée était simple. J’allais la conduire aux avenues et artères principales de la ville. Ensuite, j’allais lui montrer les infrastructures les plus importantes du coin. Vu qu’elle connaissait déjà la raffinerie, il ne lui restait plus qu’à voir l’assemblée et la grande bibliothèque. J’allais peut-être faire un tour avec elle à l’orphelinat et pourquoi pas l’emmener à l’un des restaus les plus huppés de la ville. Une promenade aussi importante allait nous creuser le ventre sans compter qu’elle n’avait pas vraiment bouffé au réfectoire. Enfin… J’espérais qu’il n’y aurait pas de gros pervers qui essayeraient de la flatter là-bas aussi, bien que ma présence suffisait généralement à dissuader les plus téméraires d’approcher une jolie fille dans ma ligne de mire. Enfin, là, je me tâtais à la ménager pour le moment. J’avais le temps, non ?

- « On y va ! »

C’est sur cette phrase que je passai une main autour de ses épaules avant de la serrer et de l’entrainer avec moi, sourire aux lèvres. Je ne manquais jamais une occasion de m’amuser. Et puis de toute façon, mon boulot ici était terminé alors bon… « On profitera pour passer chez toi. Et si tu ne te rappelles pas du chemin, c’est pas grave. A l’assemblée, il y a des registres qu’on pourra consulter pour connaitre l’adresse exacte de ton clan. Ça va être une simple formalité… » C’était également l’occasion pour moi de nouer une amitié avec un clan nouvellement installé à Kumo et renforcer un peu l’influence des Metaru, même si avec l’élection qui approchait, je n’avais aucune, mais vraiment aucune envie de me présenter. Ce genre de plaie, c’était pas pour moi. Mais plutôt que de trop y penser, je chassai cette idée de mon esprit pour profiter de l’instant présent. Une merveilleuse journée s’offrait à nous !

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