L'élémentaire de feu se tenait devant l'entrée du village. Assis sur un mur, les pieds ballant, il laissait son regard se perdre dans l'étendue des marécages devant lui. Iwagakura no Sato était protégé par cette brume qui semblait si insaisissable. Il fallait entrer dans le dédale de brume, s'y perdre à moins de parfaitement connaître les lieux, avant d'espérer avoir la chance de repérer la bonne route menant au village de Kiri. Ces marécages avaient quelque chose d'assez particulier et pas seulement à ses yeux. Lui qui était élémentaire de feu, quelque part se sentait comme pas tout à fait dans son élément, pas tout à fait à sa place en ce lieu, en cet endroit.

Depuis qu'il s'était découvert ces pouvoirs, l'eau ou tout ce qui y ressemble, quelque part lui faisait craindre le pire. Paradoxal n'est-ce pas ? Surtout pour un ninja qui s'était engagé dans les rangs de Kiri. Et pourtant telle était la réalité qu'il tentait de cacher non seulement à la face du monde, mais peut-être lui-même également. Oui, il est vrai qu'en analysant sa propre crainte, en se postant là devant l'objet de ses peurs, il pouvait appréhender combien l'élément eau pouvait avoir un impact sur lui. Il se sentait troublé.

Pourtant, c'était comme pour défier cette peur en lui, comme pour la subjuguer qu'il avait décidé en ce jour d'y faire face. L'eau était omniprésente sur l'île, sur l'archipel même dirons-nous. Comment pourrait-il se défiler ? Même s'il souhaitait rejoindre le grand continent un jour, il lui faudrait faire face à la mer, lui qui pourrait était pêcheur dans une autre vie. Oui, encore une ironie du sort, encore un élément presque contraire à ce qu'il était désormais lui qui était fait de feu, jusqu'au plus profond de son être.

Il prit une inspiration et ferma les yeux. Ses mains solidement ancrées sur le mur le tenaient fermement tandis que son buste droit laissait certainement de lui l'image d'un homme en pleine méditation. Seules ses jambes pendantes, ballantes dans le vide, pourraient peut-être indiquer le contraire, indiquer qu'il n'avait pas tout à fait adopté une posture de méditation.

Au fond de lui, il ressentait cette flamme, cette ardeur, cette volonté de vouloir tout embrasser par le feu, tout embraser à la moindre étincelle. Il ressentait aussi cette peur tapie en lui, enfouie au plus profond de son être de feu : la peur de l'eau qui ici était omniprésente. Il rouvrit les yeux.

L'élémentaire était en train d'observer les marécages et de profiter de la vue, si l'on peut appeler ça une vue. Il se perdait entre réflexions et tentatives de contrôle de soi face à l'élément contraire dont il percevait en lui la toute puissance, la domination, la primeur. Pour d'autres, il aurait s'agit d'une expérience de méditation à n'en pas douter et ce, quand bien même il n'avait pas adopté de postures spécifiques voire douteuses. Il était simplement assis là, les jambes ballantes, les mains ancrées sur le sol de cette muraille quelque part comme s'il s'y fixait afin de s'assurer qu'il ne tomberait pas.

Alors qu'il poursuivait ce combat intérieur, cette tentative de prise de contrôle sur ses propres peurs, il fut interrompu par l'arrivée d'un joyeux énergumène. Un homme de son âge, habillée de façon loufoque et dont même la tignasse indiquait à suffisance combien il était farfelu. Oui, Ozaï n'hésitait jamais à soupeser, à juger quelqu'un à l'apparence en attendant de définitivement le classer dans une case. Pour l'heure, l'individu avait eut le culot de poursuivre sa marche en avant, vers l'élémentaire de feu justement, et ce en dépit du regard mauvais que ce dernier lui lança en guise d'accueil. Il avait dépassé les limites en adressant la parole à l'élémentaire pour lui raconter... des gamineries. Voilà ce qui avait tout de suite le mérite de sacrément gonfler l'élémentaire de feu.

Ozaï ne répondit pas. Il laissa le bonhomme raconter sa vie. Ce dernier affirma que c'était son machin à la vue à lui. Il raconta que c'était la première fois qu'il voyait quelqu'un en ce lieu, il raconta que l'élémentaire avait le regard mauvais. Dans le flot de paroles continu qu'il débitait, il finit, oh politesse ! Il finit par dire son nom. Kaigara Shinju qu'il s'appelle. Jamais entendu pareil nom. Ozaï était un pêcheur à la base, il ne connaissait que la mer -dont il avait peur désormais depuis la résonance-, les poissons et son village. Il ne pouvait avoir aucune idée des nobles exploits du clan Kaigara et encore moins du fait que ce fameux clan disposait dans ses rangs d'un énergumène tel que celui qui lui faisait face. Le supplice continua et déboucha sur la conclusion que cette place était à louer : 500 ryos de l'heure.

Ozaï porta un regard vers l'individu. Était-il seulement réellement sain d'esprit ? Pour mettre fin à ce supplice l'élémentaire de feu aux traits diaboliques finit par porter sa main à la bouche comme en signe de silence. Peut-être sa carrure et son charisme en imposerait suffisamment à ce malheureux afin qu'il se taise ? Et pour appuyer son geste initial, l'ex pêcheur porta sa main gauche à son oreille gauche qu'il tendit en direction des marécages tout en portant son attention vers ce lieu, devant eux, vers le spot à la vue de l'emmerdeur. Un moment de silence s'installa et Ozaï put même se payer le luxe de baisser le bras gauche afin d'adopter sa posture initiale. Pourtant, il fut le premier à briser le silence qu'il venait d'imposer, oh paradoxe !

_ Tu devrais apprendre à te taire... Souffla t-il de manière insolente, sans même porter un regard à son interlocuteur.

Ozaï fut temporairement surpris par le fait que son interlocuteur daigne le suivre dans ses recommandations et s'asseoir tout simplement en silence. Curieux, il semblait chercher dans la brume et le paysage marécageux devant eux, l'objet de l'introspection de l'élémentaire du feu. Bien entendu, pour quelqu'un d'aussi peu posé que l'excentrique Genin à qui il avait affaire, Ozaï avait vite idée que non seulement il ne verrait et ne comprendrait rien au silence, mais aussi il serait à tous les coups le premier à le briser. Voilà la raison pour laquelle, quelque part provocateur, il avait fini par lui sortir cette "punchline"...

La réaction de son interlocuteur ne se fit pas attendre. Celui-ci explosa littéralement, laissa exprimer son indignation. Le bonhomme se laissa aller, exprima son mécontentement en sortant des titres. A priori il était héritier deu clan Kaigawa d’Aato, protecteurs du phare, maîtres des palourdes. Rien que ça avait envie de penser l'élémentaire de feu. Il ne put s'empêcher à ce moment-là de porter une regard vers son interlocuteur. Un regard fort amusé illuminait son visage.

_ Pacte des palourdes ! Un sourire amusé se dessina sur son visage. Il réprima un fou rire et finit par se lâcher. Ahahahah ! Les palourdes ! Son rire franc aux intonations mauvaises emplit l'espace.

_ Tu sembles fier de ton clan... J'espère au moins qu'ils sont d'une puissance supérieure à ce que peux offrir les palourdes... Il réprima à nouveau un rire.

Cependant il finit par retrouver son sérieux lorsque son interlocuteur trouva plus de sérénité en lui et qu'il se remémora non seulement où il était mais aussi quel poids il pouvait à Kiri en ce moment.

Considérant la main tendue vers lui, l'élémentaire de feu accepta de jouer le jeu. Ils devaient repartir sur de bonnes bases, lui l'homme au tempérament de feu et au visage renfrogné et cette grande gueule du nom de Shinju. Il serra la main du bonhomme.

_ Je suis Ozaï... Genin de Kiri... Il avait forte poigne possiblement plus puissante que celle de Shinju. Ce dernier en ferait-il les frais ?

_ Tu viens souvent te poser par ici ? Questionna l'élémentaire de feu à présent conscient que cet héritier déchu d'un clan sans influence à priori en ces terres devait certainement porter lui aussi son lot de problèmes. Peut-être avaient-ils plus de similitudes qu'ils n'en avaient l'air ?

Ozaï n'avait guère remarqué que son interlocuteur souffrait de sa poigne. Lui était un homme du terrain, un homme du labeur. Un homme qui avait travaillé toute sa vie jusqu'à ce moment fatidique qui avait changé sa vie. Cette vague d'énergie qui avait changé bien des choses en lui, jusqu'à sa structuration physique même. Il avait rencontré des ninjas qui lui avait expliqué ce qu'était cette vague et même quelle en était la raison fondamentale : la résonance. Voilà le mot, et au delà le phénomène qui avait changé sa vie. Au delà, il était resté le travailleur qu'il avait toujours été. Dans un premier temps pour vivre déjà et dans un second temps, depuis son arrivée à Kiri, pour croître en tant que shinobi. Kiri avait le devoir d'exploiter ce qu'il était et lui le devoir de maîtriser ses pouvoirs et de devenir excessivement puissant.

L'élémentaire de feu fut stoppé dans ses pensées et sa poignée de main, à laquelle Shinju avait répondu de fort belle manière, par une situation des plus troublantes. Subitement, alors qu'il ne s'y attendait absolument pas, du sang gicla. La chose eut le don de faire froncer les sourcils au bonhomme. Il remarqua la gêne de Shinju car ce dernier s'était tourné pour s'essuyer, éponger ce sang ayant fait irruption. Dans la mesure où ce dernier ne prononça aucun mot pour s'expliquer quant à la situation, Ozaï de son côté ne fit aucun commentaire. Il fit même comme s'il n'avait rien vu, rien remarqué, gardant pour lui, en mémoire, cette curieuse situation. Peut-être Shinju était-il malade ? Oui c'était fort probable. Si tel était le cas, alors sa maladie devait être assez sérieuse.

Shinju avait répondu à l'une des interrogation d'Ozaï. Il avait expliqué qu'il venait régulièrement en ce lieu profiter de la vue. Dans une certaine direction se trouvait Aato, qu'il portait réellement dans son cœur. Dans l'autre, à l'opposé, Shinju prenait le temps de porter un regard sur Kiri. La chose eut le don d'intriguer Ozaï. Lui ne pensait guère à regarder vers Kiri. Il ne portait pas Kiri dans son cœur. Il n'était ici que par simple opportunité. Lui n'avait absolument aucune ambition de grandeur, du moins, pas tel que le pensait Shinju.

_ Oh... Un futur Mizukage ! Intéressant... Répondit Ozaï avec un pointe moqueuse dans le timbre de sa voix. Des Mizukage en puissance, il y en avait à la pelle. Beaucoup se perdait en cours de chemin car ce chemin est long, ardu, et plein d'embuches. Shinju avait intérêt à avoir une volonté bien ancrée et à matérialiser tous les jours, jours après jours, cette pure volonté.

_ Moi ? Je viens de Mizu no Kuni... Je n'ai jamais fait aucune autre en dehors des îles Kaiba et Uka quand bien même je connais la localisation de bien des îles. L'élémentaire de feu porta un regard vers son interlocuteur tandis qu'il s'exprimait. Aato est une île que je n'ai jamais pratiqué. On pourrait y aller un de ces jours. Serons nous accueilli là bas tel des princes ? Questionna t-il une lueur amusée.

Car oui, Ozaï doutait sincèrement que Shinju était ce qu'il prétendait être. Mais qui sait ? Peut-être que le loufoque personnage ne mentait pas.

Au final, l'élémentaire de feu appréciait la discussion avec l'enthousiaste Shinju. Ce dernier semblait déborder d'une énergie qui ne demandait qu'à être exploitée. Il suffisait, pour s'en convaincre, de constater avec quel énergie il parlait de son île natale. A la question d'Ozaï consistant à savoir comment ils seraient reçus, le Genin avait répondu bien au delà de ses attentes. Il avait affirmé sans ambages qu'ils seraient reçus tel des rois. La chose était plaisante à imaginer. Mettez vous à la place d'Ozaï deux minutes et mêmes remettons le cadre en place. Ozaï, simple pêcheur, un manant de la pire espèce, n'ayant jamais vécu rien d'autre que l'ardeur du travail se voir traiter tel un roi ! L'imaginait-il seulement en rêves ? Il eut le regard perdu dans le vide à cette simple pensée, bercé temporairement par les propos si entraînants de son interlocuteur, avant de revenir à la réalité. Un homme aussi expérimenté que lui ne pouvait se laisser avoir ainsi. Il était probable que Shinju soit un menteur. Ce n'est qu'avec le temps qu'il saurait la réalité ce n'est qu'en mettant les pieds à Aato en compagnie du bonhomme qu'il en saurait plus.

_ Quelque chose d'important ? Ton clan te demande d'accomplir quelque chose d'important ici ? Mais quoi ? Te faire un nom ? Ou réaliser un acte inédit ? Quoi ? Questionna l'élémentaire de feu avec une insistance qui cachait très peu sa curiosité du moment.

Quelque part, lui également avait l'intention de réaliser quelque chose de grand. Cependant, il était à des années lumières de ceux ayant des "ambitions". Lui n'en avait aucune, du moins socialement parlant. Il était ici, pour maîtriser son pouvoir, le bonifier, apprendre à le canaliser et à l'utiliser à son maximum. C'étaient là les uniques raisons de sa présence dans Kiri. Il s'était enrôlé pour cela. Ses motivations réelles demeuraient bien obscures, cependant très loin de toute volonté de grandeur.

_ Je te ferai visiter Uka si tu n'as pas peur... Dit-il en jetant un coup d'œil vers son interlocuteur. Si t'es pas une poule mouillée on pourrait y aller là, maintenant ! Dit-il une lueur de défi dans l'œil.

Il avait tenté tantôt de faire bouger le bonhomme vers Aato afin justement de visiter cette île et pourquoi pas, de voir qui était réellement Shinju. Pour autant, ce coup-ci, il souhaitait tester le courage ou peut-être la témérité de son interlocuteur, voir jusqu'où il était capable d'aller, lui le prince. Accessoirement, ce serait aussi un bon moyen de tester bien des aspects de l'être et pourquoi pas de son pouvoir dans le village.

_ Des gradés de retour à Kiri ? Reprit-il en enregistrant du même coup l'information dans son esprit. Oui, il faut dire que Kiri était particulièrement amorphe ces temps-ci. Le Kage semblait particulièrement absorbé par les tâches administratives et ile ne se passait rien de notable dans ce monde pourtant en proie à la guerre contre l'homme au chapeau. Oui, Ozaï était au courant. N'avait-il pas entendu la "voix" ? Il l'avait bel et bien entendue et après moults questionnements et interrogations, il était parvenu, après avoir intégré les rangs de la Brume, il était parvenu à savoir à qui elle appartenait et qu'est-ce qui se passait d'un point de vue géopolitique en ce bas monde.

_ Si on est dans la même équipe, je crains de devoir régulièrement te martyriser ne serait-ce que pour éteindre cette confiance princière en toi... Dit-il d'un ton à vous glacer le dos. Son regard, semblait à ce moment-là plus mauvais que jamais et un sourire carnassier commençait à se dessiner sur ses lèvres.