La création de notre organisation avançait avec une régularité et une efficacité certaine. Il faudrait encore quelques temps et quelques actions pour que l’on puisse clairement se définir comme tel, mais la tournure actuelle des choses laissait entrevoir un futur non pas radieux, loin de là, mais qui saurait satisfaire nos attentes et nos besoins. Mais pour l’heure, comme je l’avais annoncé lors de cette première réunion amorcée chez cet apothicaire, nombreuses étaient les phases à amorcer et à finaliser avant d’arriver au sommet. Et l’une d’elle était notamment la montée en puissance de notre groupe. Pour cela, nous pouvions renforcer notre potentiel commun, acquérir de nouvelles armes et influences armées, mais cela passait aussi à mon sens par une phase de développement personnel. C’est donc dans cette optique que j’avais convié mon jeune ami à me rejoindre chez moi.

Si sa première apparition avait été quelque peu particulier, cette seconde invitation ne se démarqua nullement, les autres protagonistes de ma maisonnée vaquant à leurs propres occupations. En revanche, pour ma part, j’attendais à l’arrière de ma demeure, dans un espace suffisant large et dégagé pour permettre de s’y entrainer sereinement et sans risque d’endommager quoi que ce soit sous réserve de ne pas donner dans l’excès de zèle.

Face à l’arrivée de Ryukin, je gardais ce flegme qui me sied particulièrement, lui offrant toute de même un léger sourire amical.

« Merci d’être venu mon jeune ami. J’espère que tu as fait bon voyage. »

D’une main ferme et épaisse, je l’invitais à me rejoindre dans ce jardin sec couvert de graviers et autres pierres décoratives avant de passer au cœur du sujet qui m’animait.

« Comme je te l’ai dit dans l’invitation, j’ai besoin de ton aide. Comme je le disais lors de notre réunion, nous devons gagner en puissance, en tant que groupe, mais aussi individuellement. C’est pour cette raison que j’aimerai profiter de ton enseignement. »

Retirant ma pèlerine noire marqué d’un poisson doré, je la pliais et la déposais au bord de l’engawa de ma demeure. Affublé d’un simple kimono long noir aux fines rayures blanches, je me plaçais devant celui qui serait mon mentor du jour.

« Lors de ma visite au monastère, j’ai pu assister à quelques entrainements moniaux. Et pour certains d’entre eux, j’ai pu être témoin de la prédominance du taijutsu dans votre art martial. Te connaissant, je ne doute pas que tu en maitrises plus que de simples rudiments. Pour ma part, si je tends à développer mon propre taijutsu, j’ai encore de nombreuses lacunes que souhaiterai que tu m’aides à combler. En somme, si j’ai su habilement développer mon attaque, je suis encore loin d’être efficace en termes de défense et ne suis pas le plus habile pour ce qui est de parer les attaques. Acceptes-tu de me venir en aide ? »

Il n’était pas nécessaire de perdre de temps à tourner autour du pot. Si par le passé j’avais été témoin de la honte que certains pouvaient éprouver à demander de l’aide, à reconnaitre leur propre faiblesse ou leur manque de connaissance, je n’étais pas de ceux-là. D’où que l’on vienne, où que l’on aille, nos pas nous mèneraient toujours vers quelqu’un qui serait maître dans son domaine. J’étais un informateur, je savais manier le flux des données qui circulait, mais au cœur d’un petit village, face à un paysan et son champ, je n’étais pas meilleur qu’un bébé pour ce qui était de labourer et de préparer les semailles là où l’expérience des âges prenait tout son sens. Ainsi, aujourd’hui, il me fallait donc améliorer certaines de mes aptitudes physiques, quelques talents défensifs pour lesquels je n’étais pas le plus à l’aise.

« Eh bien merci pour cette prévenance » dis-je en souriant à Ryukin.
« Mais sot serait celui qui pense que mon corps et mon esprit n’ont pas déjà souffert. J’ai vécu une vie riche, parfois vide de sens et pire que tout, je me souviens de chaque détail, les meilleurs … comme les pires. Mais, ce fardeau est aussi un don qui m’a été offert, alors aujourd’hui, je l’utilise à bon escient, à mon bon escient surtout. »

Prenant place devant mon jeune ami, si lui s’était installé sur le gravier, adossé à un petit rocher, pour ma part, je prenais le temps de m’asseoir sur l’une des pierres qui ornait ce jardin sec. A peine avais-je posé mes fesses sur cette assise sans confort que la froidure hivernale se rappela à moi. Je n’avais pas été bien inspiré pour le coup. Moi qui pensais que nous allions passer directement au vif du sujet, si j’avais pensé que notre première étape serait une discussion, j’aurais fait en sorte que notre échange se passe au chaud. De fait, tendant la main vers la maisonnée, un origami d’oiseau s’échappa de mon bras pour aller fureter dans ma demeure. En attendant un retour salutaire, j’en profitais pour poursuivre le peu de discussion entamée.

« Si j’ai pu apprendre les rudiments du combat avec un vieux maître il y a des cela des dizaines d’années, je n’ai jamais eu de parcours militaire comme tu le sais. Je n’ai donc jamais réellement eu les « bases » d’un apprentissage martial et n’ai jusqu’à présent jamais ressenti le besoin de les avoir. Pour autant, aujourd’hui, avec les projets qui sont les nôtres, je me refuse à toute faiblesse. Pour cette raison, j’ai besoin de combler certaines de mes faiblesses. »

Sans changer de position, je lançais au-dessus de nous une grosse boule de papier dense et compacte. Avant qu’elle ne touche le sol, quatre bras de papier, un papier doré légèrement brillant firent leur apparition depuis mon corps et dans un enchainement de coup vinrent petit à petit déliter cette balle qui était la cible de mon exemple.

« Vois donc la manière dont je pratique mon taijutsu. Je me dis que face à un enchaînement de coups, il faudrait que j’arrive à trouver une parade efficace, qui plus est si l’adversaire s’applique à agir avec promptitude. C’est cela que je cherche. »

La boule de papier, littéralement explosée retomba doucement en petits confettis déchirés avant de disparaitre totalement.

« Maintenant, dis-moi, quelle va être la leçon du jour ? Après tout, je ne m’attends pas à maitriser cet art en une journée, surtout si je veux contrer les attaques les plus mortelles et surtout, je me doute bien qu’avant toute apprentissage physique, la connaissance théorique est une étape nécessaire, comme tout apprentissage d’une nouvelle expérience. »

Pour finir sur cette belle tirade, la vieille jashiniste arriva à point nommé, avec un plateau contenant une théière chaude et deux tasses qu’elle posa sur le rebord de l’engawa faute d’un meilleur endroit. Curieux des résultats de ma démonstration et de ma demande, j’en profitais pour le lever et faire le service avant de retourner m’asseoir et siroter ce breuvage qui allait nous réchauffer.

Spoiler:

A ma grande surprise, le thé devenait un élément interdit de cet entrainement qui débutait. Quel choix étrange que Ryukin faisait là. Pourquoi s’infliger la peine du froid alors qu’un certain confort nous était offert ? Pensait-il que l’apprentissage n’en serait pas moins rude, avec moins d’attention ou plus d’échec si ce breuvage réconfortant n’était pas ingurgité ? Peut-être voyait-il cette boisson comme une récompense à gagner plutôt qu’un simple du. En attendant, faute de pouvoir me délecter de ce petit plaisir, je posais ma tasse à côté de mes affaires avant de rejoindre le jeune maître au centre de ce jardin rocailleux.

« Eh bien, puisque tu retires à un vieil homme son médicament, commençons je suppose. » finis-je par dire d’un ton amusé.
« Effectivement, je pratique le taijutsu à travers les particularités de mon propre corps, mais ce n’est pas suffisant. »

Sur ce bref échange, Ryukin exprima le désir de connaitre mes propres talents et avant même que je puisse dire quoi que ce soit, que l’on puisse échanger sur ce qu’il venait de dire ou définir une modalité de test, le moine laissa éclater les arts qu’il avait appris de ses vieux mentors, faisant appel à des prières semblables à celles que j’avais jadis entendu et que je ne comprenais nullement avant de m’offrir, à sa manière, une volée de coups plus meurtriers les uns que les autres. Pour autant, si je ne maîtrisais aucunement l’art de la parade, cherchant à parfaire mes connaissances en ce domaine, je n’avais pas survécu toutes ces années sans un minimum de connaissances et de capacités mises en application maintes et maintes fois.

Si les poings arrivaient fatalement sur moi, c’est au travers de mon corps qu’ils passèrent, faisant jaillir à chaque frappe une envolée de pétales de fleurs de cerisiers rose en papier qui virevoltaient avant de lentement tomber au sol, laissant sur ce corps meurtris de profondes blessures florales qui n’en étaient pas vraiment. Prenant le temps de me reformer entièrement, les trous se rebouchèrent d’eux même en quelques instants, n’ayant toujours pas bouger de mon emplacement initial.

« Eh bien, si cela n’avait pas été moi, la personne serait morte à l’heure qu’il est. Heureusement que tes propres mentors ont agi avec plus de délicatesse. Je dois avouer que je m’attendais à quelque chose de moins brutal, peut-être quelque chose de plus théorique pour commencer avant de passer à des exercices pratiques. Mais au moins, comme tu viens de le voir, en termes de défense, je ne suis pas démuni. Seulement, si ce corps éthéré a ses avantages, il a aussi ses inconvénients et c’est pourquoi je souhaite maitriser un autre type de défense afin de pouvoir palier à toutes les situations. »

Un dernier pétale de papier s’éleva finalement du coin de l’œil droit avant de se dissiper finalement, mettant alors un terme à cette reconstruction corporelle salvatrice.

« Bon, étant ton élève, dis-moi, comment souhaites-tu procéder ? Quelles sont les différentes étapes de ton entrainement ? »

Spoiler:

Certains pourraient penser que le choix de Ryukin en tant que mentor pourrait ne pas être une bonne idée. En effet, en l’espace de quelques secondes, en l’espace d’une passe d’arme, le moine avait montré une certaine virulence dans sa manière d’enseigner son art martial. Pour autant, si cela ne m’étonnait guère, j’y trouvais un certain intérêt. Au moins les choses étaient faites de manière franche et directe, le seul piège dans lequel il ne fallait pas que nous tombions était de vouloir aller trop vite et sauter les étapes nécessaires à la bonne réussite de ce que j’avais en tête, d’autant plus que je n’avais pas encore tout dit à mon jeune mentor. Je voulais qu’il m’apprenne à réaliser non seulement les bases de cette technique, mais aussi par la suite améliorer mes connaissances pour les pousser à leur paroxysme.

Terminant ma reformation dans une petite envolée de pétales de fleurs de cerisiers, j’écoutais les paroles prononcées par l’Asura avec une attention certaine afin de ne rien oublier de cet échange, ce qui ne risquait pas d’arriver, même si je l’essayais.

« Eh bien, la solution je l’ai déjà. Tu es semblable à ceux qui ne connaissent pas le potentiel d’une feuille de papier. »

Faisant apparaitre une feuille depuis ma main, sans forcer, je la déchirais en deux avant de la laisser tomber par terre. Dans un second temps, je faisais sortir de ma paume une demi-douzaine de feuille que je déchirais cette fois en forçant sur le papier qui pliais avant de se rompre. Enfin, dans une dernière démonstration, ce fut un paquet de vingt feuilles que je prenais en main, pliant l’ensemble sans parvenir à le rompre.

« Vois donc le résultat. Une feuille est fragile, je te l’accorde et avec elle, selon la manière de l’utiliser, elle peut être aussi tranchante qu’une lame. En revanche, agglomérées les unes aux autres, ces feuilles s’avèrent aussi solides qu’un rempart. Pour preuve … »


D’un geste de la main, depuis mon corps, des couches de papier s’entremêlées les unes aux autres, recouvrant mon corps dans son entier, prenant alors l’apparence de l’Asura Onamahli. Sous cette forme, ma peau revêtait une couleur argentée, du moins, les feuilles qui me protégeaient, tandis que mon visage masqué et les armures stylisées s’offraient des teintes dorées.

« Je t’en prie, relance donc la même attaque que la précédente. Eprouve donc cette défense et tu pourras surement confirmer qu’un amas de papier suffisamment bien agencé pour résister à la violence de n’importe quelle attaque. A partir de là, j’y réfléchis encore, mais je pense savoir comment organiser ma défense. »

Etrange méthode finalement. Je cherchais à acquérir une parade et me voilà à revêtir une armure pour en éprouver sa solidité. Une démonstration cependant nécessaire pour rassurer d’une certaine manière Ryukin sur mes capacités à assimiler son enseigner grâce à mes propres facultés particulières. D’ailleurs, lui qui était un dévot assumé, je me demande ce qu’il penserait de cette apparence divine que j’avais emprunté à l’un des Asuras connus.

Voir si je possédais les clefs de mes propres talents ? N’était-ce pas la quelque peu présomptueux de la part du jeune moine que de discours de cette manière ? Je ne remettais nullement en cause ses talents et ses connaissances, cependant, dans le cas présent, j’avais l’impression que c’était le cas pour lui. Je n’étais surement pas le plus grand ni le meilleur des shinobis, pour autant, j’avais suffisamment roulé ma bosse à travers Ame et mes quelques voyages au-delà du pays de la Pluie pour arriver à m’en sortir et pour connaitre les forces et les limites des pouvoirs que j’ai acquis et su maitriser au fil du temps. Pour autant, je n’en voulais nullement à ce cher Ryukin, la jeunesse parlait pour lui et dans son attitude, la volonté de bien faire était là, c’était louable de sa part. Peut-on blâmer quelqu’un qui cherche à offrir le meilleur ?

La multitude de frappe trouva donc sans mal les couches de papier qui s’effritèrent les unes après les autres, jusqu’à ce qu’il ne reste que quelques lambeaux que je décidais de faire disparaitre. Nul besoin d’afficher davantage cette parure, elle avait su faire démonstration de son efficacité, cela suffisait amplement. Mais ça, c’était avant les paroles quelque peu acerbes de mon jeune maître du jour. Quant à moi, c’est le ton un brin plus piquant que d’habitude que je poursuivais nos échanges.

« Tu l’as dit toi, même. Des décorations. Et c’est là où tu te trompes sur un point. Les fioritures peuvent avoir leur utilité. La psychologie est un attrait important d’un combat, qu’il se pratique via le ninjutsu ou le taijutsu. Et n’oublie pas une chose, le taijutsu peut aussi se prévaloir d’une certaine subtilité. Le clan Hyuga en est la preuve et leurs décennies d’existence et d’assise aux pouvoir du village d’Iwa le démontre parfaitement. Maintenant, n’omets pas une autre chose. Cette armure n’avait que pour seule vocation te prouver la résistance du papier, et n’était nullement une démonstration de l’efficacité défensive de cette dernière. C’est bien parce que je connais les limites de celle-ci que j’ai demandé ton aide pour maitriser l’art de la parade. »

Comme à son habitude quand la conversation semblait toucher à des points d’intérêt, Ryukin continua la discussion sans démordre de son point de vue ni de son tempérament particulier qui pourraient en faire fuir plus d’uns dans d’autres circonstances.

« J’entends bien ta vision du taijutsu. Pour autant, si je la partage, je ne la vie pas. Tout simplement parce que je suis en mesure de pratiquer un taijutsu quelque peu différent de ce à quoi tu es habitué. Pour ma part, tous les efforts musculaires dont tu parles mes ont étrangers et le resterons. Mon taijutsu, je le pratique en usant de mes dons pour frapper directement avec eux, et pour me défendre, je compte bien agir de même. »

Pendant ce bref échange, je faisais apparaitre deux bras fais de papier qui fendaient l’air devant moi de quelques coups sans que je n’aie à bouger d’un seul centimètre.

« Je sais placer mon corps et l’entretenir suffisamment pour tenir le rythme d’un combat, mais après réflexion, si je suis en mesure de frapper à l’aide de bras formés de papiers compressés et densifiés, je dois être capable de faire de même pour parer les coups qui pourraient me cibler. Le principe d’échange de frappe reste le même en soit non ? »

Observant la démonstration qui m’était faite, j’acquiesçait devant la maitrise de l’art monial de l’hétérochrome avant de poursuivre.

« C’est exactement ce que je cherche à acquérir comme maitrise, mais avant d’en arriver là, il me faudra acquérir les bases et progresser petit à petit. Je ne préfère pas m’entrainer à un sprint avant de savoir marcher correctement et ensuite d’apprendre à courir. »

Faisant disparaitre les bras supplémentaires que j’avais croisé sur mon torse, je m’attendais maintenant à ce que les choses deviennent sérieuses. Voire même à être pire pour moi.

« Eh bien mon jeune ami, dis-moi, quelles sont les différentes étapes désormais ? Que faut-il faire pour que de novice je parvienne au niveau du maitre dans l’art de la parade ? »

« Ôter la vie du clan duquel tu voudrais apprendre quelque chose ? N’est-ce pas antinomique comme raisonnement ? Que tu veuilles leurs pupilles est une chose, mais si tu cherches à acquérir leur savoir, gardes-en au moins un en vie. Ce fameux Tsuyoshi peut être. Après tout, s’il est recherché, ce n’est surement pas pour rien, d’autant plus que sa prime est plus élevée que celles d’Amiko et Fuyumi réunies. »

Discussion intéressante, malheureusement elle déviait du sujet initial pour lequel nous étions là et Ryukin semblait l’avoir compris également. De fait, son discours se recentra par la suite autour de ses consignes et de la manière dont il voyait les choses. Si j’avais la quasi-certitude qu’il n’entrevoyait nullement la différence notable de nos deux corps et de la manière dont ils fonctionnaient, surtout le mien en fait, le moine avait tout de même un discours cohérent duquel quelques vérités sortaient et qu’il me fallait prendre en considération.

« J’entends tes paroles. Au final, si je saisis bien ton discours, la finalité des choses est que ce genre de technique soit une réaction normale de mon corps et non moi qui m’échine à vouloir réaliser cette technique. En soit, si tu me demande de pratiquer tout cela pendant autant de jour c’est pour que ces mouvements en question s’assimilent petit à petit dans mon esprit afin de les rendre naturels. »

Seulement, entre la logique et la pratique il y avait un gouffre notable car si j’avais déjà une certaine maitrise des mes frappes, je les réalisaient en songeant à ces dernières non en laissant libre court à mon corps de réagir aux stimuli extérieurs. Comment pourrais-je le faire d’ailleurs ? Cela irait à l’encontre du bon sens que d’agir dans le réflexe plutôt que dans la réflexion. Pour autant, cela ne m’empêchait nullement de mettre en application tout cela. Idiot serait le novice qui irait dénigrer les enseignements du maître et de ne pas cherche à appliquer ses paroles.

« Eh bien, à dans trois jours alors. Tu es libre d’utiliser cette demeure à ta guise pendant cette période. Si tu as besoin de quelque chose, n’hésite pas à demander à Rofujin, elle saura t’aider. »

Quant à moi, c’était maintenant que les choses démarraient. Si je voulais parvenir à un résultat, il me fallait avant tout comprendre ce que je faisais et dans un premier temps, mon entrainement se concentrerait sur le ressenti des choses. Pour cela, il n’y avait nulle autre voie que celle de la pratique physique réelle où je m’imprégnais physiquement du mouvement à réaliser. De cette manière, je pouvais comprendre dans quelle mesure déployer mes bras de papier et comment les faire agir à leur guise.

Seulement, tout ceci n’était qu’une étape. Elle n’était pas la seule et la suivante serait toute aussi importante que les autres. Car dans la finalité des choses, une fois l’esprit immergé dans ces pensées, je pouvais passer aisément à la suite. Trois jours pouvait paraitre long selon ce que l’on avait à faire, mais dans le cas présent, c’était à mon sens un défi que de franchir cette première étape en si peu de temps. Mais ce n’était pas en me perdant en réflexions que je pourrais y arriver. Passant à la suite, maintenant que j’avais commencé à saisir le mouvement à réaliser, je m’astreignais à le faire et le refaire encore et encore, mais cette fois en usant directement de bras de papier plutôt que de mes propres membres. C’était surement cette partie que parlais mon jeune mentor, celle qui devait devenir une réflexe plutôt qu’être une décision rationnelle de ma part. Et pour cela, il me fallait inlassablement réaliser le même exercice à longueur de temps.

Mais si le temps filait à une vitesse indéniable, pour ma part je ne pouvais me permettre de ne pas être prêt au retour de mon jeu ami. Si j’avais déjà en tête l’esthétique de ma technique, ce serait la dernière touche que j’y apporterais. Connaissant quelque peu le moine, si jamais je présentais quelque chose avec des fioritures qui n’étaient pas de son goût et que ma technique était trop faible à ses yeux alors le retour de baton serait violent à n’en pas douter. Ainsi, la dernière étape de ces trois jours d’apprentissage servirait à renforcer la puissance de ces bras de papier. Condenser le papier, le plier, le rendre aussi solide qu’un roc tout en étant aussi souple que sa matière d’origine.

Tout ceci en si peu de temps que je n’en dormais peu et me restaurais tout autant. Autant dire qu’arrivé au terme de cette longue première tâche, j’avais le ventre tiraillé par la fin et quelques cernes sur ce visage tanné, ce qui cachait quelque peu les stigmates de ma fatigue.

« Trois jours. Pile à l’heure. Je t’attendais. Je ne doute pas un seul instant que tu ne veuilles pas tester mes acquis n’est-ce pas ? »