Alors qu’il s’était décidé à rester au beau milieu de cette foule dont le regard collectif restait braqué sur les silhouettes d’autorité sur les hauteurs de l’Académie Hashira, le Nomura commença peu à peu à se poser des question tandis que les messes basses s’enchaînaient entre les décideurs qui avaient vraisemblablement convoqué cette assemblée générale. Fronçant légèrement les sourcils, ressentant comme un doute parcourir autant l’assistance que les têtes pensantes de la Roche, Ieyasu regarda autours de lui pour confirmer qu’il n’était pas le seul à sentir ce flottement, ce malaise insidieux. Cette réunion improvisée n’avait certainement jamais eu pour but de célébrer quoi que ce soit avec allégresse, mais une tension semblait malgré tout grandir à chaque instant entre l’assistance et les Capitaines, et même… entre les Capitaines eux-mêmes ? Le tout était bien flou aux yeux du bretteur manchot, mais la scène bascula quelques instants plus tard dans le tout à fait chaotique quand un grand volatile surgit soudainement des cieux, draguant avec lui deux silhouettes éreintées et, pour l’une d’entre elles, ouvertement mutilée.

Les yeux du Nomura s’écarquillèrent, sans doute comme ceux de presque tous les observateurs de plus en plus agités qui se trouvaient autours de lui. Une vie était en jeu, là devant lui, celle d’un autre soldat de la Roche, et l’émoi était palpable dans l’air tandis que plusieurs s’affairaient pour porter secours au duo qui arrivait du ciel en catastrophe. Cette intervention inopinée était-elle liée à la raison de cette assemblée ? Impossible à dire, et si aucune réponse ne vint d’abord, les questions elles commencèrent à se multiplier sitôt que le moins abîmé des deux hommes qui étaient arrivés à dos de Kuchiyose prit enfin la parole de façon ouvert à tous. Des morts. Des traîtres. Une Calamité… Yonbi, le démon à quatre queues, était selon ces dires en liberté, et rien ne se trouvait dès lors plus entre lui et les cités humaines de tout le pays. De tout le Yuukan. De Tetsu. Un frisson glacial parcourut l’échine d’Ieyasu, qui réalisait soudain tous les enjeux qui se jouaient à présent et le pourquoi de toute cette agitation. Entendant sans vraiment écouter la nomination de Chiwa Aimi au Rang de Tsuchikage, le mercenaire du Fer peina à prendre la mesure de la catastrophe qui frappait en ce moment même le Pays de la Terre, et du carnage qui menaçait pareillement son propre pays, sa famille, si rien n’était fait pour arrêter le Dieu Singe.

Une peur viscérale s’empara du jeune homme, une crainte à lui glacer les sangs qui rendit bien superflu le discours emporté et chargé de vindicte et de détermination produit par la nouvelle Ombre d’Iwa. Oui, il était à présent fondamentalement terrorisé, presque pétrifié par l’idée qu’une confrontation avec la bête semblait inéluctable, ici ou ailleurs. Et peu chauvin qu’il était, Ieyasu se l’avoua malgré tout honteusement et sans détour : il préférait que cela soit ici, aussi loin de chez lui que possible. Le branle-bat de combat s’amorçait. L’émulation découlant du discours de la rubiconde eut tôt fait de s’emparer de toute la foule et de chacun des éléments de l’armée de la Roche. L’organisation, dans l’urgence mais aussi méthodique que possible, se lança d’elle-même, et Ieyasu dut alors se rendre à l’évidence : de choix, il n’en avait en réalité pas vraiment, mais s’il eut aimé le contraire. D’un pas faussement décidé, il s’approcha alors de la Rokudaime Tsuchikage lorsqu’il le put, mettant un genou à terre devant elle avant de déclamer de sa voix juvénile mais déterminée :

« Tsuchikage-sama… ! Je suis Nomura Ieyasu, simple mercenaire venu de Tetsu. Je ne suis pas familier de ces… de ces techniques interdites, mais je protégerai les vôtres quoi qu’il en coûte, je vous en fais le serment… ! J’aimerais… je voudrais juste… Promettez-moi juste de vous entretenir avec moi si nous en sortons victorieux, et ma lame est à vous, pour lutter contre ce démon.. ! »

Sa tête baissée, presque honteux de formuler sa requête dans un tel contexte, le Nomura n’en oubliait pas malgré tout la raison qui l’avait poussée à rester plusieurs semaines au sein de la Roche. Une raison qui se trouvait à présent devant lui, même si un impératif bien plus prégnant et terrifiant s’était de fait imposé en parallèle. Un Calamité, qu’il devait aider les iwajin à contenir, à sceller, non seulement pour le bien de Tsuchi, mais aussi pour éviter que ce mal ne se propage jusque chez lui.