Murashigure.

Cœur corrompu et putréfié du pays de la pluie, ville où la criminalité était telle qu’elle se déroulait aux yeux et à la vue de tous presque contrairement à ce qui pouvait se passer ailleurs d’en d’autres villes du Yuukan. Il n’était pas rare de voir des échanges pas tous très légaux au coin d’une rue, d’assister à un racket de quelques petits gangs désireux de « protéger » les commerces du quartier ou tout autre activité lucrative qui ne serait pas acceptée ou du moins tolérée ailleurs.

C’est dans cet environnement que j’ai évolué de longues années. Je m’y suis implanté, j’ai écouté, négocié, marchandé et vendu les informations que j’avais en ma possession, que ce soit pour le compte du Kunai Emoussé ou pour les locaux désireux de mieux connaitre leurs prochains. Si les rues du village n’ont plus de secret pour moi, les activités qui y sont menées c’est tout autre. Cette ville étant en perpétuel changement, certains groupes se font et se défont aussi rapidement que le temps de le dire. Être un informateur nécessitait d’être en constante observation, en constante évolution et de savoir naviguer en eaux troubles. Si pendant un temps j’avais eu ce sentiment d’avoir sombré compte tenus des derniers évènements vécu, l’intervention de cet ennemi commun à toute la coalition, l’intervention de cet être qui avait la capacité, la force, le pouvoir de s’insinuer dans l’esprit de chacun de nous de manière si aisée pour y délivrer son message, aujourd’hui, j’avais pris conscience d’une chose. La question n’était plus désormais de savoir qui allait gagner, mais de savoir dans quelle mesure chacun pourrait s’inscrire dans le nouveau monde qui allait bientôt éclore.

En ces termes de réflexions, je refusais d’être la victime d’une situation que je ne pouvais maitriser et le constat était clair pour moi. Il me fallait faire en sorte d’évoluer, de me positionner, de préparer cet avenir incertain pour que le moment venu, quel que soit le résultat final, je sois là, à la place que j’aurais choisi et à pouvoir y vivre comme je l’entends. Mais pour cela, la solitude était un frein. Il me fallait agir de concert, ne plus lutter seul et trouver celles et ceux qui partageraient cette vision particulière ou du moins qui auraient eu aussi l’envie d’une situation qui leur permettrait de s’échapper du marasme qui nous menaçait.

C’est dans cette optique que j’étais là, assis sur un banc aux pieds du palais. Informateur informé, comme tous ceux qui baignaient dans mon monde, il était aisé de connaitre les personnes relativement importantes qui gravitaient ici et là dans le monde. Et justement, l’une d’elle semblait s’afférer à Murashigure au nez et à la barbe de certain, prenant un certain risque étant donné le type de population qui s’y trouvait.

Face à l’avis de recherche que j’avais eu entre les mains, il m’était facile de reconnaitre ma cible du jour. S’il pouvait paraitre étonnant qu’une jeune femme comme elle affaire au palais, la corruption généralisée du village ne laissait finalement que peu voire pas de surprise à cet état de fait. Alors qu’un petit crachin commençait à tomber, rafraichissant davantage l’air ambiant, la demoiselle pointaient enfin le bout de son nez. A peine eut-elle mis le pieds en dehors du palais qu’un petit oiseau de papier, un origami très simple virevolta devant ses yeux, se posant dans ses mains. Sur l’une des ailes, une inscription toute simple « Suis-moi » avant que la création de papier ne s’envole à nouveau vers moi.

« Itö Luna je suppose ? Enfin … oui, je le sais déjà sinon tu te doutes bien que je ne t’aurais pas envoyé ce message. Enchanté. Je te cherchais pour discuter avec toi. » dis-je d’un air souriant et d'une voix grave.

La blancheur immaculée de sa longue chevelure était comme un tableau vivant. Une beauté certaine dans les ondulations de cette coiffure à chacun de ses mouvements, le tout agrémenté par le frémissement du vent qui laissait perler quelques gouttelettes d’eau jusque sur ma propre barbe. Mon origami sur le retour, ce dernier disparu quelque part dans mon corps rejoignant sa destination finale, laissant apparaitre dans son sillon la jeune femme tant attendue. Si j’avais depuis les années pu voir bon nombre d’avis de recherche, il fallait avouer que depuis un certain temps le portrait proposé sur ces parchemins étaient de plus en plus précis facilitant grandement la tâche de reconnaissance, au point qu’aujourd’hui, il était quasi impossible de se tromper.

Sa main posée sur la tsuka de sa lame, la jeune femme, en toute logique, apparaissait là méfiante. Et en soit, elle avait raison. L’excès de prudence n’était pas quelque chose que l’on pouvait reprocher à celles et ceux qui faisaient affaire avec les basfonds d’Ame. Au contraire, trop d’assurance pouvait parfois être synonyme d’une visite plus qu’éclair au sein du village. Je serais curieux de voir combien de cadavres de gens trop sûrs d’eux-mêmes il était possible de récupérer en draguant les eaux autour de la ville. Quoi qu’il en soit, le sujet de notre rencontre du jour n’impliquait nullement que l’un de nous n’offre à l’autre des chaussures en cailloux assortie d’une visite du lac.

De cette même voix mature, le visage serein orné de bijoux en or, le regard profond et le visage marqué par quelques mauvaises rencontres et expériences, je rigolais doucement, m’attendant nécessaire à ce genre de réflexion. Après tout, qui n’aurais pas réagit dans une situation similaire au sein de cette citée.

« En effet, juste remarque. Je te rassure, loin de moi l’idée de vouloir cacher mon nom. En tout cas, tu peux m’appeler Unagi. C’est désormais le nom que je porte. Ceux que j’arborais avant sont morts à une précédente période de ma vie et n’ont plus aucune espèce d’importance désormais. »

D’un geste amical, j’invitais la jeune femme à prendre place à mes côtés où sur le banc en face de moi. Je présageais qu’elle préfèrerait cette seconde option qui lui laisserai bien plus d’opportunités d’attaque ou de défenses que si elle avait dû réagir à une quelconque menace qui viendrait d’à côté d’elle. Sentant une brève chaleur sur mon visage malgré la saison, je levais les yeux au ciel, témoin d’un ciel qui se dégageait, laissant apparaitre un brin de ciel bleu.

« Il est vrai qu’il peut parfois être difficile d’être accueilli facilement avec une prime de dix millions de ryos sur sa tête. Mais rassure-toi, ce n’est pas pour cette raison que j’ai provoqué cette rencontre. L’argent n’est pas un problème pour moi. En fait, si j’ai souhaité te rencontrer, c’est que j’ai un projet que je souhaite mettre en œuvre et ce projet, il m’est impossible de le réaliser seul. Mais avant tout, j’aimerai te poser deux questions. Dis-moi, que penses-tu de celui que l’on connait sous le surnom d’homme au chapeau, et que penses-tu de la coalition shinobi ? Après tout, tu étais une kunoichi d’Iwa, je gage que tu ais vu ou vécu les choses différemment que beaucoup d’autres, surtout dans cette ville. »

A ma surprise, la jeune femme s’installa prêt de moi. Cela revêtait un sens certain à mes yeux. Soit une stupidité profonde que de ne pas s’assurer une certaine marge de manœuvre en termes de protection, soit qu’elle avait suffisamment confiance en ses talents propres pour ne pas avoir besoin d’un tel garde-fou. Et au final, de l’assurance, elle devait en avoir. Après tout, compte tenu de la prime qui était la sienne, dans cette ville où elle se trouvait, pour survivre seule, elle devait avoir la force nécessaire et les talents que je recherchais. Basculant une jambe sur l’autre, croisant les doigts et posant mes mains sur les cuisses, j’écoutais Luna avec attention, un sourire narquois vissé sur le visage.

S’il fut une époque où j’étais informé de beaucoup de chose dans ce pays et dans d’autres, je devais avouer que depuis ces dernières années, par choix, par manque de volonté ou pour toutes autres raisons, j’avais bien moins affairé que dans ma jeunesse et mon propre réseau c’était rétréci. Pour autant, comme à l’époque jadis, il suffisait parfois de quelques informations pour délier les langues et en obtenir plus.

« En effet … je savais que tu avais effectué ce petit périple si je peux appeler ça ainsi. J’étais curieux de savoir si tu allais dévoiler cette information de toi-même ou non. »

Souriant, aimable, je laissais planer un certain doute dans la mesure où la réalité était légèrement différente. Si j’avais pu avoir quelques informations sur l’immaculée depuis sont arrivée à Ame, je n’avais aucune idée de ce qu’elle avait pu faire entre son départ d’Iwa et ses premiers pas dans le pays de la Pluie.

« Je m’en serais douté. Comme tu le dis si bien, quitter les forces armées de cet homme après si peu de temps en sa compagnie ne veut dire qu’une seule chose, c’est que la réalité à laquelle on s’attend en intégrant ses rangs n’est en rien la réalité des choses et que d’une certaine manière les attentes ne sont pas là et la déception importante. Ou peut-être est-ce tout simplement que les idéaux ne te convenaient pas. »

Basculant légèrement mon buste, ma chevelure virevoltant légèrement sur mon visage, des mèches que je recoiffais avec soin derrière mes oreilles avant de poursuivre.

« Ravi de voir que nos points de vue se rejoignent. A titre personnel, je vois cette coalition comme une vaste mascarade. Les factions qui jusqu’à présent se toléraient dans le meilleur des cas, si ce n’est se faisant la guerre dans le pire des cas, tu sais toi-même de quels pays je parle, s’unissent du jour au lendemain pour lutter contre un ennemi encore plus grand. Quelle blague. Dans une unité commune, un leader doit naitre pour diriger ce groupe. Où est-il ? Qui est-il ? Ce Mokko que personne ne connait ? A peine une arbitre qui tente de jouer les liant d’un conglomérat qui tient comme un château de carte. Aucun des pays n’a a cœur de laisser le pouvoir à quelqu’un d’autre. Voilà ce qu’est la coalition, une lutte d’ego qui masque les faiblesses du monde shinobi en sortant de leur chapeau quelques idées et rares actions qui justifient son existence. »

Me reposant à nouveau sur le dossier du banc, je levais les yeux au ciel, observant les nuages blancs qui traversaient le ciel, délaissant quelques formes plus ou moins reconnaissable. Un mouton ici, une maison là, un kunai peut être là-bas. Brossant ma barbe grisonnante de ma dextre, je poursuivais, répondant à la question qui m’était posée.

« Aujourd’hui, depuis que la coalition a été mise en place, rien n’a réellement changé malgré les tentatives de certains. A mes yeux, l’important n’est pas de savoir si l’homme au chapeau sera vaincu ou pas, mais de savoir ce qu’il restera de notre monde après la guerre qui s’annonce. Dans le pire des cas, le chakra ne sera plus, dans le meilleur, rien ne changera, mais cela, j’en doute fortement. Aujourd’hui, nous qui maitrisons ce chakra avons une certaine force, mais qu’en sera-t-il une fois la bataille terminée ? Je refuse de vivre dans un environnement où la suite de cet affrontement entrainera une discorde certaine dans le monde. Et pour éviter de vivre cela, je suis persuadé qu’il nous faut nous préparer non pas à lutter contre la fatalité, mais à préparer le lendemain … »

Laissant ces quelques paroles en suspens, tendant le doigt devant moi, un papillon, malgré la saison, vint s’y poser de longues secondes avant de poursuivre son vol comme je poursuivais la discussion.

« Il est important de s’établir, d’établir notre position, de la consolider, de l’imposer, de la rendre aussi immuable qu’est la mort à la fin de notre vie. Mais pour cela, le chemin est long, difficile, semé d’embuches pour déloger celles et ceux qui jalonnent le sommet que je cherche à atteindre. Pour réussir, j’ai besoin de personnes qui sont en mesure d’œuvrer avec moi, qui partage tout ou partie de ma vision des choses, des personnes qui n’ont pas envie que la fin annoncée soit notre fin … »

Tournant la tête vers l’immaculée, la basculant légèrement, le regard quelque peu de biais, un sourire presque carnassier aux lèvres, je terminais là mon laïus.

« J’ai besoin de personnes comme toi en somme ! »

« Quelle aubaine … » dis-je d’un rire de bon cœur
« Tomber sur quelqu’un qui partage autant ma vision sur ces deux sujets, c’est une chance, ou peut-être ai-je été bien informé dès le départ » poursuivais-je légèrement narquois.

Pour autant, malgré cette conception commune de l’ennemi du monde et de l’ennemi de l’ennemi, je ne m’attendais pas à la suite du discours qui était celui de l’immaculée. Était-ce un jeu ? Un test peut-être ? Nullement. A l’écouter, il me semblait qu’elle était pleine et entière dans ses paroles et qu’elle était convaincu du bienfondé de ses dires. Quelle étrangeté de discours quand on savait d’où elle venait et ce qu’elle avait pu faire depuis pour vivre, ou peut-être survivre tout simple. Jouant avec les bijoux perçants de mon oreille droite, je réfléchissais là quelques longues secondes, laissant d’une certaine manière un silence s’installer, un silence nécessaire afin d’aborder les choses d’une manière autre que celle que j’avais imaginée de prime abord.

« Une justicière que voilà ? Quel discours emprunt d’égalité. Je ne m’attendais pas réellement à cela. Est-ce la raison qui t’a fait quitter Iwa puis le Ningen ? Les shinobis sont une caste militaire, l’égalité n’y a pas vraiment sa place et je doute qu’au Ningen les gens soient tous égaux. Je doute que l’homme au chapeau et ses sbires vivent la même vie que celles et ceux qui n’ont d’autre choix que de le voir débarquer sur leurs terres et s’y installer. »

Les cheveux encore légèrement humides de ce léger crachin tombé quelques instants plus tôt, je me recoiffais, passant mes deux mains dans cette tignasse grisonnante pour les remettre en arrière, les plaquer comme il se doit pour garder cette apparence charismatique naturelle.

« Dis-moi, toi qui prônes une certaine égalité entre tous, que comptes-tu faire ? Comment espères-tu mener à bien cette volonté de mettre tout le monde au même niveau ? Et surtout, depuis les temps immémoriaux où le monde, nos pays sont là, jamais l’égalité n’a pu être de mise malgré ceux qui ont le désire de la mettre en avant. Pourquoi à ton avis ? Un manque de force ? Non, j’en doute. Je pense plutôt qu’il s’agit là d’une utopie d’une certaine manière. Les hommes les plus faibles le sont par nature, par naissance ou parce personne n’a su voir en eu un potentiel et le développer. Ces gens là n'ont d’autres moyens de survivre que de suivre les plus forts. »

A cet instant, une femme dans la trentaine passait devant nous, accroché à l’une de ses main un petit garçon qui ne devait pas avoir plus de six ou sept ans. Mon regard s’était porté sur ce bout de famille, tournant la tête une fois les deux amejins de dos, me délectant au passage de la femme callipyge avec un petit sourire satisfait.

« L’Homme avec un grand « H » a ce besoin d’être gouverné et ce pour deux raisons. La première est que seul, il ne saurait prendre une décision. La seconde est qu’en groupe ils ne sauraient prendre une décision commune. Au final, ce que tu reproche, ce n’est pas le manque d’équité ou d’égalité, mais la politique qui jusqu’à aujourd’hui a été faite de telle manière que les puissants restent les maitres de ce monde et que le reste de la population les servent sans mot dire. Que se passerait-il si un dirigeant respectait sa population ? Et puis … » terminais-je par un léger soupir.
« … personnellement, je n’ai nulle vocation ni motivation à changer le monde. Je n’ai pas la prétention de pouvoir le faire, ni la volonté de vouloir le faire. Le monde est injuste. Comme chacun, je sais que je ne peux compter sur personne pour me sortir de ma condition et surtout pas de nos pseudos dirigeants. Si je veux m’élever et préparer la suite après l’homme au chapeau, il faut que je le fasse moi-même, entouré de celles et ceux qui sauront m’accompagner et me seconder dans cette tâche. »

Une réponse à la fois simple et barbare. L’éradication est parfois une nécessité mais l’importance n’est pas de le faire de manière aveugle. Annihiler les inutiles, les gêneurs, les faibles ou tout ce qui peut bien toucher à la sensibilité de chacun n’allait pas à l’encontre de ma manière de voir les choses, j’avais tout de même le désir d’un travail bien fait, préparé et structurer pour ne laissait aucune place à la chance ou à l’imprévu. Cela prenait certes plus de temps en général, mais la réussite était bien plus assurée qu’en laissant éclater une rage aveugle devant l’objet de sa destruction.

« J’entends bien ta réponse. Mais dis-moi, comment évalues-tu la dignité des uns et des autres ? Quelle est donc ton échelle de dignité te permettant d’évaluer celles et ceux qui foulent ce monde ? Je suis curieux de voir à quel niveau tu ranges les uns et les autres. »

Je ne saurais dire si c’était la colère ou autre chose qui agissait sur elle tel un catalyseur, mais à mesure que nous avancions dans cette conversation, l’immaculée était de plus en plus en proie à des tensions, son corps se raidissant de manière certes visible pour celles et ceux qui avaient l’œil, mais d’une manière contrôlée également.

« La survie est essentiel, je te l’accorde. C’est même le principal but de ce que je souhaite entreprendre. Qu’à la fin de cette guerre, nous ayons encore ou non du chakra, peut m’importe. En revanche, ce que je cherche à faire, c’est asseoir ma propre sécurité. En revanche, si je comprends bien ton discours, tu ne souhaite plus que ce monde soit régi par le fort ou l’illégitime ? Que l’homme retrouve sa place d’animal. Pour autant, tu oublies une chose importante, même au sein du règne animal la hiérarchie existe. Pour autant, chez eux, cela fonctionne contrairement à nous. »

Sortant mes mains de mes poches, je les frottais l’une contre l’autre, soufflant dessus pour les réchauffer avant de les ranger à nouveau et de poursuivre mon laïus.

« Les fourmis, les abeilles, les termites. Ces insectes ont tous une reine en haut et place du groupe. Les loups, les lions et autres prédateurs ont un alpha qui prend la tête du groupe, même les éléphants, généralement pacifistes ont une matriarche pour les guider. Dans chacun de ces exemples, cela fonctionne. Il y a bien des luttes de classes mais elles sont éphémères et surtout pour remplacer l’âgé par le jeune, renouvelant ainsi la colonie ou le groupe. Pour autant, chez nous, chez l’être humain, cela ne fonctionne pas ainsi ? Pourquoi donc ? Car nos dirigeants, quels qu’ils soient ne sont pas reconnus par chacun. Tu parles de rendre à l’homme sa place d’animal, mais tu vois bien la nécessité d’un leader. Ton combat n’est-il tout simplement pas biaisé d’une certaine manière ? Le problème n’est pas que l’on soit dirigé, mais qu’on le soit par les mauvaises personnes, des personnes qui ne le méritent pas, des personnes en qui le peuple n’a aucun respect. Je suis certain que si s’élevait une entité à même de fédérer tout un chacun, alors comme les fourmis, comme les abeilles, nous pourrions nous aussi construire quelque chose de grand au lieu de devoir subir les choses. »

Finalement, j’étais satisfait de cette première rencontre. Je ne m’attendais pas nécessairement à ce genre de débat, mais il avait l’avantage d’entrer dans le vif du sujet et de dire les choses de manière claire et précise, sans ambages. Une aubaine d’une certaine manière finalement.

« Tu m’as demandé ce que je compte faire ? C’est simple. Si je veux m’élever à une situation confortable pour mon avenir, m’assurer de ne pas être assujetti à qui que ce soir une fois cette guerre terminée, je dois m’élever. Et pour m’élever, j’ai besoin de m’appuyer sur les ruines de celles et ceux qui me barrent le chemin de mon futur, de notre futur. »

« Je comprends mieux ta vision des choses. Effectivement, je n’avais pas saisi cette nuance dont tu fais mention. Quand tu parles de rééquilibrer finalement, tu ne fais nulle mention d’égalité ou d’équité, mais de remettre dans l’ordre des choses ce qui devrait l’être. Je parlais d’alpha à l’instant, les primates organisés en groupe en ont un. Tu veux remettre l’homme à sa place d’animal, il est alors naturel qu’un tel alpha émerge et s’élève au-dessus des autres ordonnançant le groupe de par son autorité naturelle … »

Laissant ma phrase dans une légère pause scénaristique, je ricanais subtilement, plus pour moi-même que pour être partagé.

« … et ce ne sont pas nos leaders actuels qui ont la légitimité d’être au-dessus de tous. Daimyos, seigneurs et autres, ils ne sont là que par argent, héritage de siècles passés, corruption et j’en passe. Je suis certain que les chefs de file de chaque pays le sont car leurs familles respectives, à une époque ou mémoire d’homme est friable, a su se mettre en avant et que le droit de gouvernance a été décrété comme hoirie pour les générations à venir. »

La jeune femme se levant devant moi, d’un air déterminé, enjoué presque, je savais ce que cela signifiait et en cet instant, je ne me trompais pas, écoutant les paroles vertueuses de son adhésion à mon projet d’envergure. Me levant à mon tour, face à l’Itö bien que légèrement décalé sur le côté, je posais une amicale mais ferme sur son épaule avant de la dépasser et continuer ma marche.

« Sois la bienvenue Luna, je suis ravi de t’avoir à mes côtés. Si tu veux te défaire des ennemis dont tu parles, alors soit assurée que nous ne manquerons pas d’en croiser. »

De dos par rapport à l’ancienne iwajin, je m’arrêtais à quelques mètres de là, tournant la tête en arrière.

« Un nom pour cette organisation ? Oui … »

Détachant ma pèlerine noire, je la retournais, l’intérieur devenant extérieur et inversement avant de la remettre sur mes épaules, le tissu flottant légèrement dans la brise. Sur le noir ébène de l’étoffe, une image se détachait de là, d’une jaune profond, une image d’une simplicité certaine mais avec une signification profonde à mes yeux.

« Bienvenue à Sakana ! »