Mise au Point sur une Vie

~ Kumo – Hiver 205 ~

Combien de temps étais-tu débout à une dizaine de mètres de la porte de cette maison où, jadis, tu avais vécue ? Tu l’ignorais complètement mais ton être ne semblait pas encore décidé à avancer. Tout comme tu étais incapable de dire le temps que tu attendais, tu étais également dans l’incapacité d’affirmer ce qui te retenait d’avancer. En effet, tu savais ce qui t’avais mené jusqu’à cet endroit mais pas la raison qui te retenait à seulement quelques mètres de ta destination. Tes améthystes rivés sur la porte, tu ne ressentais la moindre appréhension, ni un sentiment de joie à l’idée de tes retrouvailles avec la personne que tu étais venue retrouver. Tu restais complètement placide comme si ce que tu t’apprêtais à entreprendre n’avait la moindre importance et pourtant, tu étais venue à la rencontre de la personnalité, sans doute, la plus haut placée au sein du clan Metaru. Une personne qui avait toutes les raisons de t’en vouloir pour ton départ, pour ne pas dire ton abandon, de Kumo durant une période où celui-ci avait certainement le plus besoin de toi, contrairement à aujourd’hui où ta présence ne semblait guère utile.

Le temps s’écoula, encore et encore lorsque, tout doucement, la porte s’ouvrit enfin pour laisser apparaitre une petite Dame d’un âge très avancé.

« - Combien de temps comptes-tu encore restée planter là, Yamiko ? »

Sans bouger de ta position, ce fut avec un certain empressement qui ne t’était point habituel que tu exécutas une courbette bien basse à l’attention de celle qui venait de t’adresser la parole. Ton comportement en disait beaucoup sur le respect que tu témoignais à cette personne.

Une fois redressée, tu restas campée à ta position tout en fixant sereinement la Dame âgée.

« - Aurais-tu besoin que je vienne te chercher ? Fit de nouveau la doyenne après quelques secondes de silence. »

Sans plus attendre, tel un enfant ayant peur de recevoir un coup de bâton s’il ne s’exécutait pas immédiatement, tu te dirigeas vers la Dame âgée qui te laissa franchir la porte de son domicile avant de fermer celle-ci derrière toi. Restant au seuil de la demeure qui t’était si familière, tu détaillas du regard l’intérieur. Rien ne semblait avoir changé depuis ton départ et pourtant une année s’était écoulée depuis.

« - Sais-tu toujours préparer le thé ? »

La question te ramena au présent alors que la Maitresse de la maison te fixait de se petits yeux, les deux mains fermées sur le pommeau de sa canne.

« - Bien sûr Dame Aya. Je n’ai pas oublié votre enseignement. »

Tu exécutas un sourire mais celui-ci devrait certainement ressembler à un rictus tant tu te forçais.

« - Tu as bien changée, se contenta juste de lâcher Aya avant d’ajouter sereinement : prépare-nous donc du thé. Tout est encore à leur place depuis ton départ. Tu ne devrais pas te perdre. »

Sur ces mots Dame Aya alla s’installer dans le séjour alors que tu filas dans la cuisine pour en ressortir quelques minutes plus tard avec un plateau sur lequel était disposée deux tasses et leurs sous-tasses ainsi qu’une théière d’où s’échappait de la fumée. Une fois, confortablement installée face à Aya, tu lui servis le thé avant de te remplir ta propre tasse. Puis, la dégustation du breuvage fumant se fit dans un silence qui, étonnement, n’était point pesant mais plutôt empreint d’une sérénité inexplicable bien que personne ne parlait.

Aya était une des rares personnes qui connaissaient ta personnalité et qui te respectait telle que tu étais malgré tes nombreux défauts. C’était un être empli de sagesse, dû à son grand âge mais surtout à ses expériences. Elle ne se tenait pas à la tête du clan Metaru aujourd’hui uniquement parce qu’elle en était la Doyenne mais aussi parce qu’elle était un guide pour les manieurs de métal et même pour certains en dehors de son propre clan.

La scène que vous offriez, surtout le silence qui régnait entre vous, laissait à penser que vous vous n’étiez jamais séparées. Et pourtant, tu savais pertinemment que derrière cette sérénité que démontrait Aya se tapissaient des multitudes de questions à ton égard. La Doyenne comptait certainement que tu lui racontasses les choses de ta propre initiative. Seulement, tu préférais profiter de ce moment de plénitude autour d’un thé dont tu attendais d’ailleurs l’avis de la Doyenne. Après tout, c’était elle qui t’avait initié à l’art de préparer le thé. Époque qui remontait à ton arrivée à Kumo. Elle t’avait recueillie dans cette maison et avait tenté de t’inculquer une bonne éducation. Tu lui avais fait voir de toutes les couleurs à l’époque. Un passé pas si lointain mais qui te paraissait cependant comme il y avait une éternité …

Mise au Point sur une Vie

~ Kumo – Hiver 205 ~

Dans le silence, toutes deux dégustèrent votre thé. Seul le bruit des porcelaines qui rentraient en contact perturbait le calme lorsque vous reposiez vos tasses sur les sous-tasses.

« - Aurais-tu continué à t’entrainer à faire le thé ?
- Oui.
- Ton assiduité a payé. Ce thé est vraiment délicieux. »

Tu savais que Aya, malgré sa bienveillance, n’était pas un être à complimenter juste pour faire plaisir. Si la Doyenne disait que ton thé était délicieux, c’est qu’elle le pensait sincèrement. Compliment qui avait de quoi se réjouir venant d’une personne qui avait passé presque l’entièreté de sa vie à faire du thé quotidiennement. Et pourtant, tu restas de marbre face à la déclaration.

« - J’ai ouïe dire que tu étais allée t’entretenir avec le Yondaime. Es-tu de retour pour réintégrer le rang des shinobi de Kumo ? »

Après avoir reposé sa tasse, Aya décidait enfin d’aborder le sujet qui devait le tracasser depuis un moment. La vieille Dame avait certainement compris qu’elle n’apprendrai rien si elle attendait que tu parlasses de toi-même. En tout cas, tu trouvais que les nouvelles allaient vite, très vite. Tu sortais à peine de ton entretien avec Raizen que même la Doyenne des Metaru ,qui sortait rarement du domaine du clan, était déjà au courant de ton retour. Peut-être que ton cousin Akagi qui, en tant que membre du Kyuubu, t’avais accueilli en personne à la Porte, avait eu le temps de lui informer entre temps.

« - Effectivement je suis allée voir le Raïkage car je suis revenue pour lui.
- Tu es revenue pour lui ? … Je ne vous croyais pas si proches, s’étonna la Doyenne.
- Nous ne le sommes pas mais je souhaiterais le servir.

Aya te fixa un moment dans le silence, comme si la Doyenne avait du mal à comprendre ce que tu confessais.

- Le servir, dis-tu ? Tu sais que cela reviendrai à servir Kumo ? … Est-ce vraiment ce que tu veux ? … Autrefois, tu as servi Kumo parce que tu y trouvais un intérêt personnel alors je me demande si vouloir servir quelqu’un suffira pour que tu réintègres le rang des shinobi servants le Village … Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en tes capacités, bien au contraire, mais je pense te connaître suffisamment pour avancer qu’avec cette simple motivation, tu te rendras bien vite compte que tu ne seras pas à ta place, Yamiko. »

Le silence derrière lequel tu t’étais murée après la remarque bien sagace de la Doyenne lui donnait raison. Son raisonnement rejoignait d’ailleurs la requête de Raizen avant d’accepter ta proposition de le servir : trouver un autre but dans ta vie. Tous deux pensaient donc que ta simple volonté de servir le Raïkage ne sera pas suffisante pour faire de toi une kunoïchi du Village Caché des Nuages accomplie ? … Ils avaient certainement raison mais que devrais-tu faire dans ce cas ?

« - Je ne sais pas où est ma place alors autant que j’essaie de la trouver, finis-tu par lâcher au bout après un temps de silence.
- Et c’est une bonne chose mais pour cela es-tu vraiment obligée de devenir une kunoïchi de Kumo sous le simple prétexte de vouloir servir le Raïkage? … Si tu commençais par essayer de trouver ta place au sien de notre clan ? … Je sais que tu n’as jamais cherché à t’intégrer entièrement mais le fait que nous nous retrouvons en tête-à-tête ce soir, juste après ton retour de ton escapade d’un an, prouve que tu tiens un minimum au clan, du moins à sa Doyenne , ajoutas Aya avec le sourire. Et c’est un bon début. »

Tu admettais, cette fois encore, que Aya avait raison. Ne sachant pas où allée, tes pas t’avaient menés nonchalamment jusqu’ à cet endroit comme si c’était toujours chez toi. Inconsciemment, tu savais que tu y seras toujours bien accueillie. Et la Doyenne n’était pas la seule disposée à t’ouvrir leur porte au sein du groupe des manieurs de métal.

Devenir un membre à part entière du clan Metaru pourrait très bien être un dessein personnel acceptable par le Raïkage.

« - Si tu es d’accord, poursuivis Aya face à ton silence ne sachant pas quoi répondre à sa proposition, pour t’aider à l’intégrer, je pourrai te trouver un poste rémunéré qui pourrait te rapprocher de ceux du clan comme … travailler à la forge par exemple … Qu’en-dis-tu ?
- Non merci. Cette fois ta réponse était nette et rapide car il était hors de question pour toi de travailler à la Raffinerie. Tu étais au moins certaine de ce point et cela n’avait rien avoir avec le fait que tu avais saboté la structure par le passé. Que diriez-vous si je réintègre le rang des shinobi du Village, avec l’approbation du Raïkage, tout en essayant de trouver ma place au sein du clan ?
- C’est une proposition recevable et respectable. »

Ce soir, votre discussion se conclut sur ce point. Aya connaissait ton être qui n’aimait guère relater sa vie et le respectait mieux que quiconque alors, bien qu’elle n’aurait certainement pas été contre le fait de savoir ce que tu avais fait durant ton un an d’absence de Kumo, l’Ancienne ne te posa la moindre autre question. Vous vous êtes contentées de parler plutôt du présent et de l’avenir, tout en dégustant votre thé. Puis, tu retrouvas ta chambre d’antan pour une nuit bien reposante malgré ton avenir toujours un peu flou mais plus entièrement embrumé ...