Posée dans un bar tranquillement, l'informatrice sirotait un verre de saké pour oublier la douleur que sa jambe manquante s'amusait à lui faire subir par pointes successives, douleurs fantômes dont elle ne pouvait se prémunir sinon en essayant de penser à autre chose, notamment avec l'aide de l'alcool. L'ambiance était encore calme en cette douce après midi lorsqu'un homme bien grassouillet poussa la porte. Il était suivi de deux autres personnes tout aussi bien portantes, des Akimichi à n'en pas douter. C'était à chaque fois des gens de ce clan qui mettaient suffisamment de ryos sur la table pour autant manger. Enfin, à quelques exceptions près.

Silencieuse, la demoiselle aux cheveux roses observa leur attitude, bien installée dans sa chaise. Mais alors qu'elle s'attendait à entendre le commun "Tavernier ! Dix assiettes pour mes camarades et moi ! Chacun !", une toute autre cantonade vient résonner dans ses oreilles.

« Chinoike Katsuko est-elle ici ? On m'a dit qu'elle était là ! Le grand Akimichi Cha souhaite lui parler ! »

Ce n'était pas le premier d'entre eux qui avait parlé mais l'un des deux suivants. L'air satisfait de celui qui devait, de toute évidence, se prénommer Cha, ne laissait que peu de doutes sur sa classe sociale. Un noble sûr de lui qui estimait avoir tous les droits. Et malheureusement, les nobles, qui plus est de clans shinobis, avaient souvent effectivement tous les droits.

Levant les yeux au ciel un instant, elle retravailla rapidement son expression faciale pour afficher un air bienveillant, souriante comme elle l'était à chaque fois qu'elle devait parler affaires. Ça avait le fort avantage de mettre les gens avec qui elle échangeait dans de bonnes conditions avant de conclure un accord qui lui serait profitable. Elle fit alors un geste de main pour attirer leur attention

« Juste là, je vous en prie, installez-vous... »

Alors qu'ils s'avançaient vers elle, la Chinoike se pencha légèrement en avant, saluant ainsi le trio Akimichi. Tandis que Cha s'installait, les deux autres tournaient le dos à la table et se posaient en chien de garde pour dissuader quiconque de venir entraver la route du noble bedonnant.

« Hajimemashite. Toutes mes excuses, je crains ne pouvoir me lever pour vous saluer. Je suis Katsuko, mais vous connaissez déjà mon nom. Que puis-je pour vous servir, sire Akimichi ? »

Ajoutant les formes pompeuses si chères à ce genre de personnes pour qui elle n'avait que peu de sympathie, la mercenaire perçut immédiatement le sourire triomphant à moitié caché de l'arnaqueur qui lui faisait face et dont elle ignorait encore tout. Parce que si elle avait passé un certain temps à Hi, elle ne s'était jamais intéressée à la sphère des parieurs, des joueurs d'argent. Ceux qui finissaient plus souvent sur la paille que dans un palais. Ce n'était en aucun cas l'une de ses ambitions, et elle comptait bien rester en dehors de cela.

« J'ai entendu parler de toi, il paraîtrait que tu entraînes nos soldats... Ma fille a besoin de quelqu'un pour la guider, et j'ai décidé que ce serait toi ! Alors jouons, et si tu gagnes, tu as un gros salaire, si tu perds, tu l'entraînes gratuitement ! »

Tiquant légèrement face à cette manière de faire, la vampire hésita quelques instants. Elle n'aimait pas les jeux de hasard, encore moins quand un noble le lui proposait sans que cela ne puisse réellement aboutir sur autre chose qu'un accord ou une absence totale d'arrangement. Mais depuis son arrivée ici, elle n'avait fait payer personne pour les apprentissages qu'elle fournissait. Elle les faisait tous sans requérir la moindre somme en échange.

« Et bien... Je suppose que nous pouvons faire cela. Quel est le jeu ?
- Oh tu vas voir, c'est très simple ! »

À peine eut-il fini sa phrase qu'il se lança dans des explications sans queue ni tête, si bien que même l'informatrice, habituée à écouter toutes sortes de sources y compris les plus ivrognes, ne parvint pas à en dégager quoi que ce soit d'instructif. Certaines règles semblaient en contredire d'autres, d'autres n'avaient aucun sens aux yeux de la jeune femme, mais surtout, la liste ne semblait jamais s'arrêter. Quand enfin il s'arrêta, elle fronça quelque peu les sourcils en le voyant sortir deux sets de dés. À quel moment avait-il seulement parlé de dés ?.. Qu'importe... Désormais, elle ne voulait plus qu'une chose, que tout cela finisse.

« Tu as bien tout compris ? Je vais utiliser mon set fétiche, je te laisse celui-ci ! »

Se retrouvant avec cinq dés en mains, elle reprit son sourire bienveillant désormais factice tant cet homme l'avait agacée avec ses explications qui ne visaient, lui semblait-il, qu'à l'embrouiller, puis hocha la tête.

« Ne vous en faites pas, je devrais m'en sortir. »

Après quelques minutes, à peu près trois fois moins que celles qui avaient été nécessaires pour "établir les règles", l'Akimichi qui n'avait eu quasiment que des six sur ses lancés redressa la tête vers elle avec un grand sourire.

« Ah ! Il semblerait que j'ai gagné ! J'ai eu de la chance pour cette fois, mais on pourra se le refaire une autre fois ! Ma fille s'appelle Chou, tu pourras la retrouver dans deux heures aux terrains d'entraînement ! J'espère qu'une mercenaire comme toi tient ses engagements ! Ce serait dommage d'entendre des rumeurs qui laisseraient croire que tu n'es pas fiable ! »

Et voilà les menaces. Le sourire de la kazejine était devenu plus une crispation qui manifestait un ennui s'approchant de l'énervement brutal et cruel qu'elle pouvait connaître, mais elle parvint à se contenir. Non seulement cet imbécile s'était moqué d'elle dans un jeu qui était de toute évidence une arnaque, mais il osait ainsi sous-entendre avec la finesse d'un rinocéros qu'elle avait intérêt à s'y présenter.

Soit, elle irait entraîner cette fille qui n'avait sans doute rien demandé de la sorte, du moins elle l'espérait sinon elle aurait tôt fait de lui refaire malencontreusement le portrait, mais désormais c'était certain, elle partirait de cette ville avec une compensation financière pour l'aide qu'elle apportait depuis plus d'un mois.

Terminant son verre en cul-sec, elle quitta l'auberge sans plus attendre, le trio ayant déjà débarassé le planché. Avançant lentement sur le pavé malgré l'entraînement qu'elle avait désormais pour faire rouler sa chaise sur ceux-ci, elle arriva enfin au lieu de rendez-vous et demanda à l'un des gardes s'il savait sur quel terrain se trouvait Akimichi Chou. Les indications en poche, Neiko arriva enfin sur place. La fille, à l'image de son père, était là, en train d'attendre. Au moins, elle n'aurait pas à l'attendre.

« Konnichiwa, je suis Chinoike Katsuko, ton père m'a demandé de t'entraîner. Alors dis moi, sur quoi as-tu besoin d'entraînement ? Quels sont tes points faibles si tu les connais, ou du moins, que voudrais-tu renforcer ? »

Si l'indépendante avait tendance à être respectueuse de prime abord dans ses nouvelles rencontres, elle avait du mal à réfréner son envie d'insulter toute la famille de cette fille et de n'avoir plus aucun filtre. Pour autant, professionnelle, elle prenait sur elle, du moins pour l'heure, et se montrait aussi avenante qu'elle en était capable en cet instant.

L'attitude de son élève du jour fit vite grincer des dents la mercenaire. À tel point qu'à peine arrivée, elle avait envie de lui faire la peau. Mais il fallait se retenir, elle ne comptait pas se retrouver avec cette famille qui semblait avoir le défaut immense d'être de la noblesse de cette cité maudite. Rotant et ricannant, la grassouillette semblait se moquer ouvertement d'elle. Sa mère... Si c'était elle qui était à sa place, alors l'Akimichi serait déjà en train de la supplier de la pardonner en pleurant. Et voilà que la fille s'asseyait comme si elle venait de terminer une séance d'entraînement. Ils n'avaient même pas commencé ?..

« Bien. Je te conseille d'ouvrir grand tes oreilles. Je me répète, mais ce sera la dernière fois. JE suis venue t'entraîner à la demande de ton père. Tu n'attends personne d'autre, tu peux donc te relever immédiatement pour que l'on commence. Quant à tes points forts, seuls ceux autour du ninjutsu m'intéressent. Te changer en sable c'est un début. »

N'ayant pas plus d'informations sur quoi lui apprendre, la vampire décida alors de lui apprendre une technique défensive. Elle aurait alors toutes les justifications du monde pour la massacrer en douceur, non ? Voilà une bonne excuse que de tester une défense pour l'entraîner au mieux, la fracasser et malheureusement surévaluer la puissance à mettre dans ses attaques pour ce simple objectif. Quelle triste mais compréhensible erreur...

En quelques mudras, la vampire forma un mur épais et assez haut sur sa droite. Elle n'allait pas se séparer visuellement de cette élève qui attendait visiblement la moindre seconde pour flemmarder. Elle n'avait pas envie d'être là, elle n'avait pas envie de progresser. Et l'indépendante n'appréciait pas devoir dépenser son énergie pour convaincre une nobliette de se mettre au boulot plutôt que de rester avachie sur son lit à baffrer une quelconque pâtisserie.

« Tu sais te changer en sable, mais je suppose que tu n'as donc pas prit la peine d'apprendre la plus simple des constructions défensives, le mur. C'est cependant trop important pour pouvoir te protéger d'attaques plus sournoises dont ton assimilation ne te sauvera qu'à court terme. Pour commencer, tu vas essayer de rassembler une grande quantité de sable devant toi et de la rendre suffisamment compacte pour qu'un coup de poing basique ne la fasse pas voler en miettes. Compris ? »

Si ladite élève ne faisait pas plus d'efforts, alors la Chinoike reverrait sa position. L'envoyer bouler plus loin et simplement se moquer éperdument des volontés de cette famille Akimichi, ou sévir, quitte à le faire physiquement pour qu'elle soit obligée de s'y mettre rapidement sous peine de douleur accentuée ? Elle avait encore un peu de temps pour y réfléchir. Mais peut-être cette Chou la surprendrait-elle et saurait-elle se mettre au rythme exigé par la mercenaire kazejine ?

Technique apprise: