Un sol en pierre taillée munit de diverses plaques d’évacuation donnant dans les égouts de la ville, des cuves remplies d’eau sur plusieurs longueurs. L’endroit était tout de même fermé par des murs, une intimité rare régnait dans le lieu où les baignoires de cèdres se juxtaposaient les unes aux autres autour d’un bain principal d’une profondeur capable d’accueillir un homme entier. Des grandes runes murales décoraient la pièce donnant un aspect antique à un lieu qui datait de la fondation du village. Les récits d’histoires des premiers habitants de Mizu, de leurs traditions de chasse à leurs rites sociaux et surtout à leur patrimoine culturel s’exprimant au travers d’échange d’objets lors de fêtes difficile à déterminer sur une simple fresque. La place d’honneur conférait à la nature, aux Kamis, à la vie.

Un lieu désert, à l’exception de quatre personnes. L’hiver la faveur était plutôt aux Onsen qu’aux bains frais. La température n’était pourtant pas désagréable apportant une certaine fraicheur qui rigidifiait le corps pour mieux le préparer aux affres de l’extérieur. Après une bonne baignade dans une eau que le corps ne peut que difficilement supporter, une température extérieure même virant dans les négatifs est semblable à un courant d’air chaud.

Si Etsuko, Otomo et Fuso étaient suffisamment saint d’esprit pour ne pas être dans ce genre de lieu en temps normal, c’était bien mal connaître Eyana l’aquatique et ce besoin né du fœtus que de se trouver dans l’eau. Honorant sa première demeure, elle s’amusait régulièrement à s’agiter dans cette eau froide, en été comme en hiver, non pas pour évacuer la crasse d’une journée ou profiter de poser ses yeux sur d’autres personnes, mais simplement pour garder son aisance amphibienne.

Eyana : « Je n’allais tout de même pas vous emmener à la plage en hiver… Et puis de toute façon, les Genins n’ont pas le droit de sortir du village sans autorisation. Allez venez vous baigner, l’eau est agréable et cela vous fera du bien. Rien de meilleur pour le corps et l’esprit qu’un bain d’eau fraiche. »

D’un autre point de vue, le lieu pouvait sembler austère, presque terrifiant. De la pierre en forme rectangulaire qui les enfermait dans un sarcophage gigantesque au sein d’une crypte à ciel ouvert. Des ornements de bois pour seul mobilier, le bruit de l’eau qui s’évacue et se renouvelle en permanence pour seule ambiance sonore. Les voix résonnent, comme dans une pièce trop vide pour sa dimension. De temps en temps, un bruit de vent s’engouffrant dans la pièce voisine peut se faire entendre. Restait à savoir si tous accueillerait de façon festive l’occasion d’une baignade collective.

S’immergeant de nouveau entièrement sous l’eau, retenant sa respiration longuement comme elle avait appris à le faire, Eyana, nue comme un ver, venait nager, les deux yeux ouverts dans ce milieu qu’elle appréciant tant. Rêvant de couler Fuso à la moindre occasion.

Lorsque la jeune femme arriva près du grand bassin d'eaux glacées, elle n'avait pas affiché un air particulièrement convaincu. Elle avait une moue un peu pensive et sa perplexité était nettement visible dans son regard quand elle vit le lieu du rendez-vous. Eyana était une femme originale, il n'y avait pas à dire, et d'un caractère marqué. Tout à fait le genre de personne qu'elle s'avait apprécié, car elle savait pertinemment ce qu'elle désirait. Mais là ? N'était-ce pas un peu trop extrême pour un entraînement qui ne devait pas l'être autant ?

L'air glacé lui mordait la peau, une sensation peu agréable quand bien même, elle eut été habituée quand elle vivait à Yuki no Kuni. Sans nul doute, s'était-elle un peu trop habituée à se tenir au chaud au creux des bras d'Otomo au point qu'elle s'était désaccoutumée trop aisément des basses températures. Cela n'était pas insupportable, juste... désagréable. Naturellement, elle se tourna vers son époux, comme si elle guettait un signe de sa part, avant de laisser échapper un soupir quand elle vit ses deux comparses barbotées gaiement.

" Fraîche ne serait pas le terme le plus approprié mais... puisque cela semble nécessaire. "

Ce n'était pas avec gaité de cœur qu'Etsuko choisit de se défaire de ses vêtements pour retrouver ses camarades, laissant apparaître ce corps aux allures frêles qui en réalité dissimulait une capacité bien particulière. Loin d'être aussi fragile que les apparences le laissaient entendre, la jeune genin entra un peu péniblement dans l'eau gelée, frissonnant dès le premier contact. Elle fut comme saisie par un courant électrique qui lui parcourra le dos, sa peau se durcit simplement sous la contraction musculaire de ses membres.

Grelottant, elle entra jusqu'à ce que le niveau de l'eau lui arriva jusqu'au cou, conservant sa tête immergée et cherchant à battre autant des pieds et des mains pour rester en action et ne pas finir tétanisée par le froid.

" Je n'ai pas pour habitude de prendre des bains d'eaux glacées, même si j'ai eu le loisir d'en attendre les bienfaits. "

Et les mauvais effets aussi. Cela était un moyen de torture comme un autre sur les terres de Yuki no Kuni : tenir un homme tremblant, attacher à une chaise, noyer son visage dans une bassine glacée ou bien le lancer directement dans un étang gelé sans autre perspective que de se voir mourir.

Alors que les filles semblaient "s'amuser" de la situation, Etsuko se tourna naturellement vers son mari, seul Homme parmi les amazones des bains d'hiver. Elle lui accorda un sourire avant de lui tendre la main comme une invitation à se lancer à son tour. En voilà un qui se retrouvait être particulièrement chanceux et bien entouré.

Surgissant de l’eau aux côtés d’une femme un peu trop confiante pour garder la tête légèrement émergeante, Eyana venait afficher un sourire maintenant que tous le monde était dans le bassin. Assez ironiquement, elle était celle avec la musculature la plus développée et de loin, mais elle se devait surtout venir illustrer son entraînement du jour qui n’était pas uniquement un conditionnement aux températures extrêmes.

Alors qu’elle éclaboussait son lot de compagnon, chaque gouttelette ayant l’aspect de lames de givres frappant le moindre centimètre de peau non accoutumé au froid du bassin, la main de la Céleste venait immédiatement de mettre à plat sur le crane de Fuso, d’un geste aussi amical que malin. Bien évidemment, Eyana appuyait directement ensuite et coulait son éternelle camarade de mission.

Tout en maintenant sa tête sous l’eau, à titre purement éducatif, s’aidant de son autre main pour lui tenir un bras afin de la garder sous l’eau, la Vétéran venait présenter l’activité principale de la journée.

Eyana : « Vu que nous sommes tous amenés à travailler avec Fuso et ses merveilleuses techniques de gaz, nous allons aujourd’hui apprendre à utiliser le Chakra pour protéger nos voies respiratoires. Je ne parle pas de simplement retenir sa respiration mais d’utiliser votre essence pour vous permettre de garder votre oxygène plus longtemps et surtout d’empêcher toute attaque ciblant vos voies respiratoires de vous atteindre. Cela peut semblait idiot comme technique, mais à Mizu, avoir une bonne respiration, cela peut beaucoup servir tant nous sommes entourés d’eau. »

Une fois la longue tirade terminée, Eyana remonte alors Fuso à la surface, la laissant reprendre de l’oxygène et se remettre un peu de ses émotions après cette session de complicité hilarante.

Eyana : « La base serait en effet de vous entraîner à retenir votre respiration sous l’eau, mais ce que j’aimerais, c’est surtout que vous concentriez votre Chakra neutre de façon à former une barrière autour de vos poumons et de vos narines. »

Une petite pensée à ses propres leçons d’apprentissage de la technique d’apnée, cela avait été très compliquée pour la Céleste qui avait à l’époque un très mauvais contrôle de son Chakra, ce qui rendait toutes ces techniques neutre de précision très difficile, son désavantage n’avait pas tant été sa réserve de chakra que sa capacité à l’utiliser efficacement.

Eyana : « Tout repose sur le contrôle de votre Chakra, il faut être précis, vous concentrer de façon n’utiliser qu’une petite quantité mais qui recouvre tous les pores afin d’être imperméables. Essayez, nous sommes dans le froid, une situation dégradée, semblable à un combat, prenez le risque de prendre la tasse, nous sommes entre nous. »

Otomo n’avait pas encore eu l’audace de se montrer, mais sa présence pouvait être ressentie près d’Etsuko, sûrement plus intéressé à faire des mamours avec sa compagne qu’à s’entraîner à développer une nouvelle technique, cette dernière lui serait pourtant essentielle s’il voulait partir en mission dans l’archipel ou être complémentaire avec Fuso ses fameux gaz à inhalation.

D’un regard, elle venait alors montrer l’exemple, le corps musculeux de la Céleste entamait une descente vers le fond du bassin en position de méditation, les deux yeux ouverts, dans un état de calme et visiblement imperméable à l’eau. Et si quelqu’un restait spectateur de tout cela, elle allait être parfaitement capable de tenir pendant plusieurs minutes, quoi qu’il se passe dans le bassin.

Drôle. Elle avait toujours aimé cette pudeur et forme de timidité chez son époux, raison pour laquelle un large sourire compatissant se profila sur son visage quand elle le vit user de ses capacités d'invisibilité. Elle ne put même retenir un petit gloussement moqueur avant de se tourner vers le professeur du jour qui choisit de s'en prendre à Fuso. Cherchait-elle à la noyer ? Voilà qui semblait peu amical, mais cette pensée fut rapidement chassée lorsqu'elle sentit les doigts de son époux lui chatouiller le bas des reins afin de marquer sa présence et qu'une esquisse encore plus large se profila sur son visage de poupée. Ha vrai dire, elle comprenait un peu sa gêne, seul homme parmi trois naïades. Alors, en épouse aimable et conquise, et quand bien même, il eut été invisible, elle se positionna devant lui, comme pour cacher ce qui nécessitait de l'être dans le cas où il perdrait son camouflage. Mais étant donné qu'elle se serra un peu près de lui, non pas pour le provoquer, mais pour tout bêtement se réchauffer avec les moyens du bord, elle n'était pas certaine que cela put l'aider.

Mais en attendant, Etsuko reprit bien vite son sérieux pour écouter presque religieusement la leçon de la Céleste, qui qualifia presque sa leçon tellement banale que cela en était idiot. Bizarrement, la femme balafrée ne l'entendit pas ainsi. Tous les arguments d'Eyana lui semblait digne de bon sens et plutôt utile si, comme elle le signifiait, elle devait être amenée à effectuer une malencontreuse rencontre où du poison sous forme de gaz était employée.

" Tu te juges durement, Eyana. Je pense que nous avons tout intérêt à apprendre à améliorer notre souffle. L'endurance est importante dans notre métier. "

Un petit sourire se dessina sur le visage de la jeune femme, laissant planer comme un étrange sous-entendu. L'amusement à part, la cuisinière à la crinière blanche n'en demeura pas moins attentive au conseil donné. Il lui était donc nécessaire de manipuler son chakra afin de se couvrir les poumons d'un voile pour les rendre hermétiques. L'image lui paraissait bien claire, mais Etsuko était encore une néophyte et demeurait au balbutiement de ses connaissances. Serait-elle capable d'y arriver ? Il fallait se lancer pour le savoir.

" Bien, dans ce cas... essayons. "

Etsuko s'employa à exécuter quelques mudras pour faire appel à son chakra et plongea dans l'eau glacée en prenant une grande inspiration. C'était un pur réflexe, mais elle sentit le froid lui mordre le corps entier, perturbant un peu ses pensées alors qu'elle tentait de faire circuler son chakra convenablement jusqu'à ses poumons. Fermant les yeux comme si cela put l'aider à se concentrer, elle demeura statique, comme une poupée dont on aurait coupé les fils.... avant de sentir le besoin de remonter à la surface.

C'était un échec, mais cela n'était pas suffisant pour la décourager. Reprenant son oxygène avec difficulté à cause de la température polaire, elle sentit tout son corps se contracter, même ses poumons. C'était dans ces moments-là que l'on se découvrait des muscles qui vous étaient inexistants. Sa poitrine la brûlait un peu, mais c'était aussi la preuve que son chakra avait été là... même si cela n'avait pas été suffisant.

" On dirait bien que je ne suis plus aussi bien habituée au froid... "

La jeune femme sourit alors qu'elle repoussa ses cheveux en arrière. Jetant un œil par-dessus son épaule, ces deux comparses semblaient ne pas avoir de difficulté dans l'exercice. Si elles y étaient arrivées, rien ne l'empêcherait qu'il en fut pareil pour elle. Mais qu'en était-il de son cher époux ?

" Il ne faut pas que je me déconcentre... mais c'est un peu difficile... "

Son petit sourire trahissait le fait qu'elle ne parlait plus du froid, mais bel et bien de son époux. Reprenant tout aussi vite son sérieux, elle ré-effectua les mudras pour attiser son énergie et chercha à le cumuler dans ses voies respiratoires. Elle tenta de visualiser ses poumons dans son esprit et son chakra comme s'il eut été un voile protecteur qui l'aiderait à respirer assez lentement pour ne pas avoir à prendre une nouvelle bouffée d'air. Elle devait ralentir son rythme cardiaque, elle ne devait pas penser à respirer comme à son habitude.

Quand elle se sentit prête et en communion avec son chraka, elle gonfla ses poumons et replongea dans l'eau. Elle tenta d'étendre sa source énergétique jusqu'à ses lèvres, l'eau ne devait pas d'infiltrer et il lui fallut bien une minute pleine pour s'assurer que cela fonctionna. Mais combien de temps pouvait-elle tenir ? Toute la question était là, mais elle semblait au moins avoir compris les bases.