La serre du village,
Voilà bien un endroit ou l’Ando ne ce serait jamais cru voir mettre les pieds. D’une nature autrefois plus belliqueuse, il aurait probablement essayé d’éviter une mission comme celle-ci, mais avec les circonstances et la fin de la dernière expédition… il se comptait plutôt chanceux d’encore être utile pour le village. D’un mouvement sec, le jeune homme tira sur sa cape de laine pour cacher son membre fantôme.

D’un homme censé défendre son pays par le maniement de ses armes et de ses jutsu, le voilà redescendu au niveau des missions commerciales. Certes, la perdre de son membre n’aidait en rien ses ambitions, mais le sentiment qui lui serrait la poitrine comme l’aurait fait les serres d’un aigle lui rappelait à chaque instant qu’il vivait dans l’ombre de ce qu’il s’était imaginé devenir.

Le sol maculé de neige lui laissait cependant présumer qu’il n’était pas le premier arrivé, une autre paire de jambes avait foulé le sol menant à l’endroit. Ses réflexes toujours vifs, il soupira, créant sur son passage une buée qui se désagrégea dans le vent calme du matin.

Ouvrant la porte de l’établissement, le scarifié déclara son arrivée pour ne pas surprendre l’un ou l’une des collègues qui serait attitré avec lui sur la mission.

-Bonjour, qui est là ?

Spoiler:

En entrant dans la serre, Nozomi eut un sourire de satisfaction. L’endroit ne ressemblait en rien au cimetière de fleurs de la dernière fois. Kisuke avait écouté les conseils de Noroi et elle-même, qu’elles avaient aidé à mettre en application. La terre autrefois desséchée était désormais meuble et fertile. On avait amendé régulièrement celle qu’ils avaient ramenée, avec compost et terreau. Le système d’irrigation avait été amélioré, de façon à ce qu’il soit économe en eau et plus efficace dans certains espaces. Des rideaux occultants pouvaient maintenant ombrager certains endroits à loisir. La serre avait été séparée en plusieurs parties selon son orientation : une zone était réservée aux plantes tropicales tandis qu’une autre était plus propice aux plantes grasses.

Quelques fleurs poussaient déjà. La Xuân reconnut celles prélevées lors de la mission de désherbage de jardin. La majorité des emplacements étaient vides de plantations. Tous possédaient des étiquettes dénominatives avec de brèves descriptions explicatives. On pouvait ainsi rapidement trouver l’utilisation du végétal. Quant à l’extérieur, elle avait aperçu un nouveau bâtiment à côté de l’ancienne forêt calcinée. Un véritable travail de fourmi avait été effectué ces dernières semaines. Et cela, ne n’était que la partie visible. Il ne restait quasiment qu’à planter. La partie la plus agréable, d’après l'horticultrice.

- “Bonjour ! Je suis Xuân Nozomi !”

Un grognement répondit également à l’appel du nouvel arrivant. Le membre du Shishizai avait pris place aux côtés de la porte menant en bas, au laboratoire. Là bas aussi, il devait y avoir du changement. Cela ne la regardant pas, l’horticultrice s’avança vers le jeune homme.

- “Vous êtes là pour la mission, vous aussi ? “

Elle avait cru comprendre qu’elle serait accompagnée d’une femme qu’elle avait déjà rencontrée ici, mais n’avait pas plus d’informations concernant l’équipe de cette mission.

À première vue, Amagawa se retrouvait en infériorité numérique. Non seulement l’équipe était composée d’une variable inconnue que Noroi, sa partenaire de la précédente mission, était de la partie. Les calculs défilaient devant ses yeux comme des écritures translucides et pourtant bien imaginaires qu’il chassa de sa main unique en essayant de calmer ses ardeurs.

-Je suis bel et bien de la partie moi aussi, Ando Amagawa, enchanté Nozomie.

Marquant une pause, le jeune homme s’inclina pour s’assoir sur l’un des tabourets, mais dans la foulée ne manque pas d’envoyer un petit regard à sa vieille amie.

-Noroi.

Dit-il simplement sans vouloir remuer le fer encore brulant de leur passion si fugace. À vrai dire, le scarifier n’avait aucune raison de détester la jeune fille si ce n’était ses standards qu’il se l’avouait, avait peut-être été trop haut face à sa dernière affectation. Bref, le jeune homme se promit de mettre un peu d’eau sur ce feu ardent quand il se retrouverait seul avec l’autre Genin.

-Je n’ai aucune idée, il est vrai que cette mission ne nécessitera peut-être pas de force brute, mais je crois connaitre un endroit ou deux dans les quartiers commercent ou nous pourrions nous informer. Avec un peu de chance, une certaine marchande serait encore en ville, mais encore faut-il statuer des graines que nous désirons acquérir. Une idée ?

N’étant clairement pas un spécialiste des plantes, Ama- s’en remettait à ses collègues. Il se demandait si la femme à la tignasse de neige qui lui avait vendu ses Omoris était toujours dans les parages en rêvassant à cette vision de plaisir.

Le jeune homme se présenta à son tour, puis Noroi arriva du sous sol, complètant l’équipe. Nozomi la salua en souriant. Amagawa fut plus froid, mais la Xuân n’arriva pas à déterminer s’il s’agissait de sa nature ou bien s’il y avait un passif entre eux.

- “C’est étrange, oui. Je pensais justement qu’il serait en bas…”

Occupé à concocter quelques pilules ou biscuits. Mais si Noroi n’y avait pas croisé Kisuke, sans doute était-il occupé ailleurs. Peut-être ne l’avait-elle tout simplement pas vu, le sous-sol étant grand. Là bas aussi, il avait dû y avoir des travaux. Le sujet fut bien vite refermé pour aller vers le but de leur venue : la mission à effectuer. Les deux coéquipiers de l’horticultrice s'inquiétaient de savoir comment se procurer des graines rares. Nozomi eut un petit sourire malgré elle. Si tout pouvait être aussi simple ! S’approchant d’eux, elle ouvrit les mains dans lesquelles apparurent quelques semances.

- “Dites-moi lesquelles il vous faut et je vous les fournis… Je peux aussi directement faire des plantes à maturité, pour gagner du temps.”

Il suffirait alors de les planter et d’en prendre soin afin qu’elles produisent toute l’année. Nozomi sema les graines dans l’endroit adéquat, avant de se diriger vers l’emplacement suivant. Là, elle y fit pousser de la mandragora officinarum, de la datura, de l’abstinthe et du cannabis sativa utilisées pour leurs capacités hallucinatoires. Ici de la digitale, muguet de mai et de la belladone, capables de provoquer un arrêt cardiaque si bien dosées. Puis elle fit croître d’autres plantes notées sur les étiquettes en place : des soucis et camomilles connues pour leurs propriétés anti-inflammatoires, de la grande berce qui provoquait cloques et brûlures après exposition au soleil, de l’arnica contre les coups. Mais aussi des clathrus archeri, amorphophallus, hydnora et autres plantes dont les odeurs rappelaient des excréments ou cadavres en décomposition. Des fleurs responsables de paralysies comme différentes espèces d’aconits et nielle des blés. Et encore de la mélisse, gentiane, armoise, lin, bourrache, lavande, passiflore, amaranthe, millepertuis, cigüe, arums, menthes… Tout en faisant sortir de terre les différentes fleurs, Nozomi donna quelques explications à ses coéquipiers.

- “Il est facile pour moi de faire pousser des fleurs. Je ne sais pas comment cela fonctionne mais malheureusement je ne peux pas en faire autant avec les plantes à feuilles, arbrisseaux et champignons. Il nous faudra voir cela ailleurs. Peut-être avec cette marchande dont vous parliez, Amagawa ? ”

Concernant les autres ressources dont ils auraient besoin pour la serre, elle avait cependant quelques idées.

- “Pour le reste, ma famille cultive depuis de nombreuses années des fibres textiles. Du coton, de la jute mais surtout du lin. Nous en vendons pour pailler les terres. Nous pourrions aussi fournir la serre, si besoin. Quant à la fumure, l’un des éleveurs que nous approvisionnons en foin sera certainement ravi d’en fournir. ”

Se tournant vers ses coéquipiers, elle poursuivit d’une voix bien plus sérieuse.

- “Ce serait peut-être aussi l’occasion de commercialiser avec Torii. Ce village nous a été d’un grand secours lorsqu’on en a eu besoin, c’est le moment de les remercier.”

D'autant plus qu’ils n’avaient pas forcément eu le choix… Iwa se devait de consolider ses liens avec ses actuels alliés. Nozomi avait lancé plusieurs idées, mais les choix se feraient bien sûr ensemble.

Rebondissant sur la réponse de Noroi, car il n’avait absolument rien suivi de la description ou de l’apparition des plantes de la rouquine, l’estropier s’avance d’un pas pour signaler qu’il voulait parler à son tour.

-À mon entrée au village, il y a quelques semaines, je suis tombé sur une jeune femme et son chien, ils disaient venir d’un village portant ce nom si je ne me trompe, bien que cette relation soit des plus courte et sans valeur, elle a rapidement décrite son arrivé à Iwa dans le but d’acquérir de l’aide sur le plan médical, si nous sommes à la fois capables de les fournir en herbe médicinale, nous pourrions marchander avec eux pour un autre besoin. De plus Noroi, malgré notre récente mission, les choses ne semblent pas s’améliorer au village, je crois qu’il pourrait donc être très facile d’obtenir une autorisation si nous embarquons avec un convoi de civils.

Marquant une pause, le scarifier repris non pas pour prendre les devants, mais bel et bien pour laisser le choix aux deux dames, car s’était elle qui semblait s’y connaitre le plus en termes de plante, lui n’avait pour l’instant que l’idée de demander à la plus vieille des deux un conseil pour meubler son appartement, quelque chose de simple qui permettrait de mettre un peu de vie et qui ne nécessiterait pas trop de soin… Sans oublier qui accrocherait le regard de la gent féminine, mais bon.

-Sinon, que voulez-vous que je fasse ? Je peux aussi bien aller demander une autorisation que d’accompagner Noroi dans les bois pendant que notre amie continue de faire germer ses créations… D’ailleurs, ne devrions-nous pas en faire pousser à l’état sauvage dans la région pour faciliter les prélèvements dans le cas où nous épuiserions celle d’ici ? J’imagine que Dame nature sera parfois en mission…

Laissant le reste entre les mains de ses compagnes, le jeune homme essaya de croiser ses bras sur la poitrine, tout en réalisant à tard qu’il devrait plutôt poser sa seule et unique main sur sa hanche. Le malaise et la surprise se mélangèrent sur son visage alors que la gêne prédomina finalement sur le combat d’émotion, mais il décida de laisser un souffle de désespoir sortir de sa bouche et de ne pas se laisser miner le moral, c’était après tout, son nouveau quotidien…

La conversation sur leur mission se poursuivait, tandis que l’horticultrice continuait de faire pousser ce qu’il fallait.

- “Humm… Mon frère est resté à Torii quand nous avons été déplacés là-bas avec tous les autres civils. Mais il ne produit pas assez pour vendre ou acheter quoi que ce soit…”

Cela ne conviendrait pas. En revanche ses deux coéquipiers avaient de bonnes idées. Nozomi s’arrêta pour se tourner vers Amagawa.

- “C’est plutôt intéressant. Avez-vous gardé contact avec cette femme ? Il reste toujours le souci de ne pas pouvoir sortir. C’est étrange de donner une mission à des genins si nous ne pouvons pas l’effectuer…”

Croisant les bras, elle réfléchit à la situation en laissant divaguer son regard sur les diverses plantations. Ils ne pouvaient pas quitter le village, mais on leur avait confié une mission où ils devaient trouver des plantes rares et des contrats. Ils devaient donc rester à l’intérieur même de celui-ci. Dans l’énoncé, tout indiquait qu’ils trouveraient ce qu’il fallait sur place. La dernière remarque de son coéquipier lui fit relever le visage vers lui, pour remarquer une gêne évidente. Nozomi tenta de rester impassible pour ne pas le déstabiliser d’avantage. Ce statut de manchot semblait nouveau pour lui…

- “Je ne pense pas qu’il faille sortir. Comme vous le dites, il faudrait au moins un autre endroit dans Iwa avec des fleurs rares. Peut-être il y en a t-il déjà dans des jardins privatifs. Nous avions effectué une mission avec Kisuke ou nous en avions vues chez une dame des beaux quartiers. Il faudrait peut-être creuser par là bas. Concernant les contrat il y a cette femme dont vous parlez. Torii. Et puis nous pourrions aller voir le registre des portes. Tous les visiteurs y sont consignés. Nous aurons ainsi tous les noms des marchands. Avec un peu de chance, certains sont peut-être encore là. Dont cette marchande dont vous parliez plus tôt.”

Amagawa avait déjà deux contacts. Une femme et son chien, et une marchande. Il leur suffisait d’aller aux portes pour retrouver leurs noms. Noroi savait où trouver des plantes mais ne pouvait malheureusement pas sortir aller les chercher. Peut-être pouvaient-ils en revanche établir une sorte de campement à côté ? Une seconde serre ? Se tournant cette fois-ci vers son autre collègue, elle rebondit sur ses propos.

- “Est-ce qu’il y a un village à côté de cette montagne solitaire ? Des gens avec qui entrer en contact ? Ils pourraient les cueillir pour nous, nous n’aurions ainsi pas à les faire pousser ici. Cela nous gagnerait de la place pour d’autres espèces. Si vous avez habité là bas, vous y avez certainement des connaissances.”

Cela leur ferait un autre village avec qui commercialiser en plus de Torii. Ou bien peut-être pourraient-ils demander à des gens de Torii d’aller les cueillir pour eux. Il se trouvait non loin de la montagne en question.

Un mal de tête envahissait l’Ando alors qu’il écoutait les deux jeunes femmes. Bien que l’idée d’approvisionner la serre lui semblait bonne, il n’avait apparemment pas les qualifications pour faire quoi que ce soit qui puisse faire une réelle différence. Riant mentalement d’avoir assisté à une Noroi déstabilisez et en manque de chakra lors de la mission précédente, il commençait à se sentir un peu désuet, à son tour. Ils n’étaient pas question de quitter le village, donc pour le moment, il leva son unique main et dit tranquillement.

-Je vais accompagner Noroi, je me sentirais inutile ici, à moins que l’une d’entre vous n’ait une tâche à me confier…

Inutile, il était résolu à jouer les gardes du corps, peut-être plus pour se dégourdir les jambes que de vraiment offrir une protection à sa collègue. Dans tous les cas, son expression trahissait son dégout sur la situation. Lui, planter des graines ? Il se sentait comme les gamins de fermier à qui l’on donnait un travail simple.

Loin de se douter que sa question pourrait gêner, Nozomi fut assez surprise de la réponse de la jeune femme. Heureusement celle-ci ne s’attarda pas dessus et passa rapidement à autre chose, jusqu’à se mettre au travail à son tour. Le pauvre Amagawa se trouvait tout seul à ne rien faire. Nozomi faisait pousser des plantes dans la serre et Noroi recensait les zones à privilégier pour les récoltes. Sentant son désarroi, elle se tourna alors vers lui.

- “Si vous le souhaitez, vous pourriez aller aux portes afin de vous fournir une liste de marchands de passage dans les environs. Cherchez en particulier ceux provenant de Torii, ainsi que les deux femmes que vous avez mentionnées. Nous pourrons ainsi les contacter.”

Ce n’était guère passionnant mais c’était tout ce qu’elle pouvait l’envoyer faire pour l’instant. Prenant exemple sur Noroi, l’horticultrice s’installa à son tour sur un “bureau” et commença une liste des personnes avec qui commercer. Elle y inscrivit deux noms d’éleveurs qu’elle connaissait bien pour avoir déjà travaillé avec eux, et inscrivit en face “Fumure”. De même, elle nota le nom de sa propre famille avec pour fonction “Paillage”. Cela leur faisait déjà plusieurs fournisseurs. Il resterait à ajouter les marchands sélectionnés par Amagawa, et trouver avec qui voir pour récolter les plantes de la liste de Noroi autour de la montagne solitaire.

La Xuân hésita, puis s’empara d’un autre parchemin avant de reprendre. Cette fois-ci, elle nota “Horticulteurs”. Levant les yeux vers l’ermite, elle attendit confirmation avant d’inscrire le nom de Noroi ainsi que le sien.

- “Lorsqu’on s’est rencontrées ici, vous disiez savoir vous occuper des plantes, n’est ce pas ? Est-ce que je vous note dans les personnes disponibles, pour venir s’en occuper ici dans la serre ?”

Elles seraient au moins deux, ce qui était déjà un bon début concernant le rendement pour toute l’année. Sans doute trouveraient-ils d’autres personnes disponibles en mettant de nouveau une annonce à l’académie. Nozomi songea alors au fait que seuls les shinobis se rendaient là bas… Ce qui n’était qu’une seule partie de la population. Celle qui n’y connaissait généralement pas grand chose à la terre et aux plantations.

- “Je parlerais de ça autour de moi. Plusieurs personnes ont perdu leurs récoltes lors de l’arrivée du Dieu singe dans Iwa. Nous sommes quelques-uns à nous y connaître en plantations et à avoir besoin de travailler…”

C’était d’ailleurs en partie pour l’argent qu’elle s’était portée shinobi.

Voyant bien qu’il n’était plus utile, l’Ando s’était éclipsé en douce en utilisant ses derniers atouts ninja, alors que les deux femmes s’étaient mises à discuter comme s’il n’existait plus, il n’avait sufi que d’une légère manœuvre pour s’éclipser par une fenêtre grande ouverte. Elle ne remarquerait probablement pas son absence tout de suite, ce qui lui laissait un peu de temps pour essayer de se rendre utile, à sa manière…

Bottant les graviers sur sa route comme un enfant mécontent, il finit par chasser ses mauvaises pensées de sa tête, les filles ne l’avaient pas épargné à cause de son handicap, non. Ce devait être autre chose, après tout c’est vrai qu’il n’y connaissait rien en terme de plante…

Son chemin trouva finalement le quartier ou la marchande lui avait vendu ses derniers outils, mais plus aucun signe de la mystérieuse femme, ni de ça caravane… Direction l’hôpital, peut-être qu’ils avaient une liste de bénévole qui pourrait s’intéresser à la culture de ce qui en quelque sorte fournirait leurs placards à pharmacie…

Ainsi donc, Noroi travaillait déjà ici alors que la serre n’était pas encore officiellement ouverte. Ce n'était pas si surprenant que cela, étant donné que des plantations se trouvaient déjà à l’intérieur et qu’il fallait s’en occuper. Mais était-elle rémunérée pour ce travail ? Nozomi remplit la fiche avec leurs deux noms, afin qu’elles soient titularisées.

- “Oh… Je n’en suis pas sûre, mais je veux bien regarder, oui.”

Si cela pouvait rassurer la jeune fille. L’horticultrice parcourut des yeux l’ouvrage, et y trouva quelques fautes d’orthographe - dont elle ne fit pas mention. Ce n’était pas ce qui les intéressaient, ici. Concernant les fleurs, tout semblait correct : l’ermite savait de quoi elle parlait. Elle était un atout pour cette serre. Nozomi lui rendit son parchemin.

- “Je n’ai pas trouvé de fautes concernant les plantes. Vous vous y connaissez très bien.”

Son sourire habituel accompagnait cette déclaration. Elle s’étira avant de se relever, remarquant ainsi l’absence de leur camarade.

- “J’imagine que notre coéquipier est parti chercher les noms des marchands aux portes, afin que l’on puisse les contacter.”

Ou bien était-il directement parti les voir. La trentenaire réfléchit à la suite de la mission.

- “Nous avons la plupart des graines, concernant l’approvisionnement je pourrais continuer de faire comme tout à l’heure si je suis prise officiellement ici. Pour le reste des plants notre camarade est parti s’en occuper et vous avez rempli un dossier complet. L’apport de biens par des contrats, humm…”

Pouvaient-ils les faire signer eux-mêmes, en tant que genins ? Montrant le premier parchemin qu’elle avait rempli, elle poursuivit :

- “Nous avons ici plusieurs personnes avec qui commercer. Il faudra trouver aussi un contact avec Torii, que nous rajouterons avec.”

Ce que Amagawa pouvait peut-être accomplir.

- “Concernant le rendement, nous nous en chargerons nous mêmes. Ainsi que certains autres contacts qui ont perdu leurs terres.”

Cette fois-ci elle pointa le second parchemin, où se trouvaient leurs propres noms.

- “En attendant que notre collègue revienne, il nous reste donc le dernier point. Assurer la sécurité…”

Elle leva les yeux de la feuille de mission pour regarder l’homme posté devant la porte à qui elle fit un signe. Il lui répondit par un grondement inaudible.

- “... Et le bon stockage, ainsi que l’approvisionnement des lieux clefs. Hum, est-ce qu’il y a une grange à l’extérieur pour faire sécher les récoltes et les stocker ? Il faudrait au moins deux endroits où entreposer les récoltes, au cas où l’un des deux est perdu.”

Que ce soit par le feu, le vol, ou autre explication.

- “Et comme pour ici, il suffirait de poster devant des membres de la police d’Iwa et de faire des rondes régulières. Je ne suis jamais descendue, peut-être qu’on peut stocker des choses en bas également ? Afin de les avoir à portée de main.”

Ou bien peut-être que cela avait déjà été fait. Il faudrait également un lieu de stockage pour ce qui était fabriqué à base de ces récoltes.

Nozomi avait reprit un à un les points de la mission afin de récapituler le tout, et vérifier les tâches non accomplies. Devant la dénégation de la jeune fille ainsi que sa question, elle réfléchit à son tour. Pour la grange, il devait bien y avoir d’autres shinobis maîtrisant la terre, à Iwa. Ou bien des charpentiers. Le souci n’était pas la construction mais l’emplacement.

- “Hum… Allons voir, pour nous faire une idée.”

Se dégourdir les jambes lui ferait du bien. L’horticultrice n’avait guère l’habitude de rester à ne rien faire, et encore moins en étant enfermée. Même si le soleil passant au travers des vitres de la serre balançait cette impression. Joignant le geste à la parole, Nozomi roula les parchemins et hésita à les laisser ici. Finalement, ils trouvèrent leur place dans le sac qu’elle portait constamment sur elle.

Nozomi accueilli avec gratitude l’air frais sur son visage, puis fit le tour de la serre afin d’observer les environs. Noroi avait raison, la place manquait pour créer un nouveau bâtiment. Il fallait laisser de l’espace libre autour de la serre afin qu’elle profite du soleil et ne soit pas ombragée par d’autres édifices. Bien embêtée, la trentenaire fit le tour une seconde fois pour se faire une idée précise de l’endroit.

- “Il y aurait bien un peu de place ici, pour créer la première grange.”

Elle désigna un espace vide derrière la serre, un peu à l’écart. Peu convaincue, elle poursuivit.

- “Trop peu. Il n’y a aucune possibilité d’extension, si le besoin se fait sentir. Ce sera vite plein, et il vaut mieux garder de l’espace pour agrandir la serre en elle-même dans le futur.”

Réfléchissant encore à voix haute, elle regarda cette fois-ci les bâtiments alentours.

- “Une zone marchande… Allons marchander un entrepôt ! Certains commerces ayant été réduits à l’état de trou béant, peut-être que quelqu’un n’a plus qu’un bâtiment vide et serait ravi de le louer afin d’avoir une rentrée d’argent.”

Ce serait idéal. Ils s’épargneraient la peine de le construire, feraient un heureux, et de plus l’endroit serait à proximité du lieu de fabrication.

Timide, la jeune Noroi n’osait guère prendre d’initiative et répondait juste aux questions qu’on lui posait. Voyant qu’elle se contentait de la suivre, Nozomi dû prendre les devants. Quant à Amagawa, trouver son contact lui prenait visiblement plus de temps que prévu. Heureusement pour eux, Nozomi quant à elle avait l’habitude de commercer et dialoguer avec les autres. De plus, elle était connue au sein d’Iwa - étant donné qu’elle était née à Rokkusu et y avait passé toute sa vie. L’horticultrice passa en revue les bâtiments alentour. Et choisit celui qui lui semblait le mieux. Il était le plus proche de la serre, évitant ainsi les allers et retours inutiles. Et semblait assez grand. Il faudrait maintenant voir l’intérieur et tenter de le louer. S'approchant de la porte, elle y frappa quelques petits coups afin de signaler sa venue.

- “Ohé, il y a quelqu’un ? Nous voudrions vous parler.”

Comme elle s’y attendait, personne ne lui répondit. La porte était fermée. Avisant un passant, elle le questionna concernant le propriétaire de l’entrepôt. Celui-ci lui informa qu’il s’agissait d’un homme dont elle n’avait jamais entendu parler. Prenant un air de connivence, il ajouta qu’il était surtout présent la nuit - s’il voyait de quoi il voulait parler.

- “Et celui d’en face ?”
- “Il appartient à monsieur Shikatô. Vous savez c’est…”
- “Le propriétaire d’un restaurant de râmen. Je le connais, oui. Et sait où le trouver. Merci pour votre aide.”

L’ancien propriétaire. Elle avait déjà rencontré cet homme depuis qu’il avait tout perdu. Traversant la ville, elle se dirigea vers un quartier moins réputé. Laissant le choix à Noroi de la suivre ou non. Puis entra dans La Salamandre. L’endroit sentait toujours aussi mauvais, bien qu’il soit moins peuplé à cette heure de la journée. Saluant le tenancier, elle vint s’asseoir en face de l’homme qu’elle était venue voir. Surpris, il leva la tête vers elle, sans comprendre.

- “Monsieur Shikatô. Je suis venue vous faire une proposition. Iwa aimerait louer un entrepôt aux côtés de la serre. Et je sais que vous en possédez au moins un. Si on sortait d’ici afin d’aller le visiter ?”
- “C’est que… On m'a proposé de l’acheter.”
- “Je vous propose une rémunération revenant chaque mois. Pas une somme dérisoire en une seule fois.”

Il tiqua. Elle avait vu juste, quelqu’un avait voulu profiter de sa faiblesse. Et se doutait de qui il s’agissait. Celui de l’entrepôt d’en face. Il devrait bientôt arrêter ses activités, avec tous les shinobis qui allaient grouiller dans les environs. La serre n’était plus un endroit désert où l’on cachait des choses louches. Nozomi se leva, et fit signe à l’homme de la suivre. Ils retournèrent aux côtés de la serre pour visiter l’entrepôt en question. Celui-ci se révéla être spacieux. Il était également compartimenté et sec.

- “C’était ici que vous stockiez les ingrédients pour votre magasin ?”
- “Oui. Pour mon restaurant de ramen dans le centre. Mais également les deux autres dans les villages à côté. J’avais commencé à former des cuisiniers et faire de mon nom une grande entreprise…”

Il avait donc des succursales. Nozomi sorti les parchemins de son sac.

- “Je suis désolée de l’apprendre. Et vous propose non seulement de louer cet entrepôt, mais de vous engager. Vous avez des contacts et savez commercer. Vous êtes également connu. De plus, vous avez une famille à nourrir et vous voir dépérir ainsi me fait mal au coeur… Devenez l’un des représentants de la serre afin de commercialiser avec les villages alentour.”
- “Vraiment ? Mais je… Je croyais que les shinobis n’engageaient que d’autres shinobis. Je suis surpris.”
- “Vous oubliez que je suis avant tout horticultrice. Devenir shinobi n’est pour moi qu’un moyen d’obtenir un salaire. Nous devons nous serrer les coudes entre personnes ayant tout perdu.”

Une poignée de main et un nom en bas du parchemin scellèrent leur partenariat.

La mission progressait bien. Il ne lui restait plus que quelques formalités à terminer. Concernant la sécurité, elle informa le “gardien de la porte” des activités louches ayant lieu à proximité. Celui-ci en prit bonne note. Des rondes seraient également effectuées de nuit comme de jour autour de la serre et des lieux de stockage. Concernant le second lieu, Nozomi avait une idée de l’endroit idéal. Elle se dirigea vers l’hôpital et fit le tour du bâtiment. Rien ne laissait présumer d’un stockage à proximité. Entrant à l’intérieur, elle se présenta alors à l’accueil.

- “Bonjour, je suis Xûan Nozomi et effectue actuellement une mission concernant la serre. Elle servira à fabriquer des médicaments pour Iwa et tout Tsuchi. Avez-vous ici un lieu de stockage afin d’entreposer les médicaments dont vous aurez besoin ?”
- “Bonjour, il y a bien une réserve oui. J’imagine que si elle était rangée un peu… Oui, ça pourrait convenir.”

La réceptionniste fit venir quelqu’un, qui fit lui-même visiter la réserve à l’horticultrice. L’endroit était assez grand, mais assez peu utilisé. Actuellement l’hôpital possédait peu de stocks et n’en avait donc peu l’usage. Des lits avaient été entreposés là, parmi d’autres objets encombrants. Le tout prenait de la place pour pas grand chose. Comme l’avait dit la femme, une fois rangé cet endroit pourrait certainement convenir. Nozomi remercia ceux qui l’avaient renseignée, et parti cette fois-ci aux portes. Là, elle y prit le nom des marchands revenant régulièrement. Et nota également celui d’une femme et son chien dont l’Ando avait parlé. Elle-même l’avait déjà rencontrée. Il était peut-être temps de faire fonctionner la coalition.

Durant ses allers et retours, Nozomi ne revit pas Amagawa. Et avait perdu Noroi en route. soupirant, elle se rendit à l'académie afin d’écrire son rapport de mission et faire son compte rendu de vive voix. N’ayant plus le droit de sortir depuis qu’elle s’était engagée - ce qui était plutôt ironique, les possibilités de la Xuân avaient été limitées dans cette mission. Mais elle sut mettre à profit sa vie d’horticultrice.

Les parchemins emplis d’informations donnés à qui de droit, l’horticultrice fut de nouveau libre. Et se dirigea vers la serre, où elle passait désormais le plus clair de son temps. Lorsqu’elle n’était pas dans sa propre exploitation où à s’entraîner aux arcanes shinobis. C’était un endroit où elle se sentait bien. Et surtout, elle pouvait y exploiter pleinement ses talents.

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